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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 25 septembre 2020, n° 17/02252

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cheminées Lebeau Rennes (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

Mme Gelot-Barbier, Mme Barthe-Nari

TGI Rennes, du 5 janv. 2016

5 janvier 2016

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant devis accepté en date du 5 mai 2009, Mme Chrystelle T. a fait l'acquisition d'un poêle de masse en stéatite de marque finlandaise Tulikivi auprès de la société Cheminées Lebeau.

Après installation du poêle et de la fumisterie, la société Cheminées Lebeau a émis une facture le 21 novembre 2009 pour un montant de 14 095 euros.

Faisant valoir que le poêle avait présenté des dysfonctionnements dès les premières utilisations et que la société Cheminées Lebeau n'avait pu y remédier lors de ses interventions, Mme T. a sollicité et obtenu en référé une expertise suivant ordonnance du 2 octobre 2014.

L'expert désigné, M. C., a déposé son rapport daté du 2 mars 2015.

Par acte TGI Rennes, du 5 janv. 2016, Mme T. a fait assigner la société Cheminées Lebeau devant le tribunal de grande instance de Rennes aux fins d'obtenir, principalement, la résolution de la vente et l'indemnisation de ses préjudices.

La société Cheminées Lebeau n'a pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 28 février 2017, le tribunal a :

- ordonné la résiliation de la vente conclue entre Mme T. et la société Cheminées Lebeau selon facture du 21 novembre 2009,

- condamné la société Cheminées Lebeau à payer à Mme T. la somme de 14 095 euros correspondant à la restitution du prix de vente,

- condamné la société Cheminées Lebeau à procéder à la dépose et à l'enlèvement du poêle, de la fumisterie et de la rehausse du conduit extérieur,

- condamné la société Cheminées Lebeau à payer à Mme T. la somme de 3 600 euros au titre du préjudice de jouissance,

- rejeté la demande de Mme T. au titre de son préjudice moral,

- condamné la société Cheminées Lebeau à payer à Mme T. la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui comprennent les honoraires de l'expert judiciaire.

La société Cheminées Lebeau a relevé appel de cette décision le 27 mars 2017 et demande à la cour de :

Vu l'article 1604 du code civil,

- infirmer le jugement déféré,

- dire n'y avoir lieu à annulation, résolution ou résiliation de la convention,

- débouter Mme T. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Vu l'article 1184 du code civil,

- infirmer le jugement déféré,

- dire n'y avoir lieu à annulation, résolution ou résiliation de la convention,

- débouter Mme T. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Vu l'article 1147 du code civil,

- réformer le jugement déféré,

- dire n'y avoir lieu à dommages et intérêts de quelque ordre ou de quelque nature que ce soit,

- débouter Mme T. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Vu l'article 2 et l'article 1231-1 nouveau du code civil issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 en son article,

- dire n'y avoir lieu à application de cet article,

En tout état de cause,

- débouter Mme T. de l'ensemble de ses fins et conclusions en ce compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- condamner Mme T. à lui verser la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des procédures de première instance et d'appel,

- condamner la même aux entiers dépens qui comprendront le coût des dépens de première instance comme d'appel ainsi que les frais d'expertise.

Selon ses dernières conclusions, Mme T. demande à la cour de :

Vu l'article 1604 du code civil,

Vu l'article 1147 du code civil,

Vu l'article 1184 du code civil,

- confirmer le jugement entrepris et :

- prononcer la résolution de la vente entre elle et la société Cheminées Lebeau,

- condamner la société Cheminées Lebeau à restituer la somme de 14 095 euros,

- condamner la société Cheminées Lebeau à déposer et enlever le poêle et la fumisterie,

- condamner la société Cheminées Lebeau à remettre en état le mur derrière le poêle,

- assortir la condamnation à dépose, enlèvement et remise en état d'une astreinte de 100 euros par jour de retard commençant à courir un mois après la signification de la décision à intervenir,

- réformer le jugement concernant son indemnisation et :

- condamner la société Cheminées Lebeau à lui verser la somme de 4 550 euros au titre du préjudice de jouissance et la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral,

A titre subsidiaire,

- retenir le défaut de conseil de la société Cheminées Lebeau,

- la condamner à lui verser la somme de 3 200 euros au titre du préjudice de jouissance, la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral et la somme de 3 222 euros payée pour le poêle de remplacement,

- débouter la société Cheminées Lebeau de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Cheminées Lebeau à lui verser 10 500 euros article 700 code de procédure civile,

- condamner la société Cheminées Lebeau aux entiers dépens, comprenant les honoraires de l'expert.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société Cheminées Lebeau le 18 septembre 2017 et pour Mme T. le 18 janvier 2018, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 14 mai 2020.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Devant la cour, comme en première instance, Mme T. sollicite la résolution de la vente sur le fondement de l'article 1604 du code civil selon lequel le vendeur est tenu de délivrer à l'acheteur un bien conforme aux caractéristiques spécifiées par la convention des parties. Subsidiairement, elle invoque un manquement de la société Cheminées Lebeau à son devoir de conseil.

Le premier juge a fait droit à la demande de résolution de la vente, improprement qualifiée de résiliation dans le dispositif de la décision, après avoir relevé que les contraintes au démarrage du poêle décrites par l'expert étaient excessives au regard de ce qui pouvait être tolérée par la cliente et caractérisaient un défaut de délivrance conforme.

Pour solliciter l'infirmation de cette décision, la société Cheminées Lebeau soutient que le poêle et l'ensemble des éléments de fumisterie livrés sont parfaitement conformes à ceux commandés par Mme T.. Elle fait valoir que la notion de préchauffage est normale au regard de ce type de poêle et est d'ailleurs expliquée par le fabricant dans la notice d'utilisation. Elle ajoute que les difficultés d'allumage exposées par l'expert ont pour origine un courant d'air froid descendant dans le conduit de fumée et que cette particularité, intrinsèque à la maison, est étrangère au contrat de sorte qu'elle ne peut être considérée comme procédant de l'obligation de délivrance conforme à ce qui est stipulé ou attendu.

Selon le devis accepté et la facture, Mme T. a entendu acquérir un poêle de masse en stéatite de la marque finlandaise Tulikivi, modèle Olos/c, ayant pour spécificité de restituer lentement la chaleur accumulée durant la combustion.

Il ressort des conclusions du rapport d'expertise que le dysfonctionnement du poêle dont se plaint Mme T. se traduit exclusivement par un démarrage hasardeux de l'installation, ce démarrage ayant été difficile lors de la première réunion d'expertise mais n'ayant posé aucun problème lors de la seconde réunion. Selon l'expert, ce dysfonctionnement est en relation avec un courant d'air descendant dans le conduit de fumée, dont la cause n'a pas pu être déterminée.

Il considère ainsi qu'il s'agit d'une installation 'limite' non pas du fait d'une erreur de conception, d'un mauvais choix d'appareil ou d'une mise en oeuvre défaillante mais du fait, non expliqué, d'un mauvais équilibre des pressions intérieur/extérieur.

S'il est exact, ainsi que le fait valoir l'appelante, que la notice du fabricant prévoit la nécessité, en cas de tirage du conduit insuffisant, de procéder à un préchauffage avec l'aide d'un sèche-cheveux ou d'un décapeur thermique ou en faisant brûler une petite quantité de papier par la trappe de ramonage, l'expert objecte justement qu'au regard des manipulations nécessaires au démarrage du poêle, vérifiées au cours de la première réunion d'expertise, la notice est manifestement insuffisante.

En effet, dans les conditions particulières exposées par l'expert (courant d'air descendant dans le conduit), le démarrage du poêle nécessite non seulement de recourir à un décapeur thermique mais également d'ouvrir le bouchon du carneau, ce qui constitue une opération plus complexe que le simple allumage d'une feuille de papier froissée dans le foyer. M. C. qualifie cette opération de peu aisée et d'inhabituelle. De plus, il souligne que les conditions particulières susmentionnées, qui sont liées à l'habitation, n'ayant pu être identifiées, la vérification systématique et préalable du tirage du conduit s'impose pour obtenir à coup sûr un démarrage satisfaisant du poêle. Il convient de préciser que lorsque la méthode proposée par l'expert n'est pas employée et qu'un courant d'air descendant est présent dans le conduit, il se produit un dégagement très important de fumées dans la maison. En d'autres termes, le seul contrôle du conduit comme préconisé dans la notice du fabricant n'est pas adapté à ce cas particulier.

Compte tenu de ces difficultés et ainsi que l'expert l'indique lui-même dans son rapport, il ne peut être fait grief à Mme T. d'avoir renoncé à utiliser le poêle dès lors qu'elle estimait ne pas être en capacité d'effectuer systématiquement les manipulations décrites ci-dessus, étant précisé qu'avant la séparation du couple, son compagnon sortait de la maison pour amorcer le tirage au bas du conduit de fumée.

Il s'évince de ces différents éléments, ainsi que retenu à juste titre par le tribunal, que les contraintes anormales imposées lors du démarrage du poêle, non prévues par la notice du fabricant, empêchent d'utiliser cette installation conformément à l'usage attendu, de sorte que le vendeur n'a pas satisfait à son obligation de délivrance.

La décision du premier juge sera donc confirmée en ce qu'il a conclu à l'anéantissement du contrat, sauf à dire que la vente n'est pas résiliée mais résolue, et ordonné les restitutions réciproques.

Il n'y a pas lieu d'assortir d'une astreinte l'obligation pour le vendeur de remettre les lieux en état ainsi que le sollicite l'intimée.

Concernant les demandes indemnitaires, la somme de 3 600 euros allouée par le premier juge en réparation du trouble de jouissance correspond à une juste évaluation de ce préjudice, étant observé que le poêle a été utilisé pendant deux ans avec les inconvénients liés au démarrage et qu'après le départ de son compagnon, Mme T. a fait l'acquisition d'un autre appareil de chauffage.

La demande au titre du préjudice moral n'apparaît pas plus justifiée en cause d'appel qu'en première instance, les désagréments décrits par Mme T. étant essentiellement consécutifs à la séparation du couple.

Le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions principales, il en sera de même concernant les dépens et frais irrépétibles.

La société Cheminées Lebeau qui succombe en appel sera condamnée aux dépens et devra verser à Mme T. une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement rendu le 28 février 2017 par le tribunal de grande instance de Rennes en toutes ses dispositions, sauf à dire que la vente conclue entre Mme T. et la société Cheminées Lebeau n'est pas résiliée mais résolue,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

Condamne la société Cheminées Lebeau à payer à Mme T. la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Cheminées Lebeau aux dépens d'appel,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.