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Décisions

CA Montpellier, 5e ch. civ., 29 septembre 2020, n° 17/04388

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

AXA Corporate Solutions Assurance (SA), Timac Agro (SAS)

Défendeur :

Caisse de Mutualité Sociale Agricole du Languedoc

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gaillard

Conseillers :

Mme Remili, Mme Azouard

TGI Béziers, du 15 mai 2017

15 mai 2017

Monsieur Dominique C. est conjoint collaborateur de Madame Sylvie C., exploitante agricole.

Le 9 février 2012, il a été victime d'une fracture de l'humérus droit alors qu'il était occupé à ouvrir un sac d'engrais de 600 kg fabriqué par la SAS TIMAC AGRO et vendu par la société PERIS.

Exposant que l'engrais contenu dans le sac s'était solidifié et que le bloc entier était tombé au lieu de s'écouler dans l'épandeur sous forme de granulés et a entraîné sa chute, Monsieur Dominique C. a, par acte du 24 décembre 2013, fait assigner la SAS TIMAC AGRO et son assureur la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS, outre la Caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc, aux fins de les voir condamner solidairement à lui payer en réparation les sommes suivantes :

- DFT total : 1000 €

- DFT classe 3 : 460 €

- DFT classe 2 : 780 €

- AIPP : 22 000 €

- souffrances endurées : 5000 €

- préjudice esthétique : 1000 €

- préjudice d'agrément : 2000 €

- préjudice professionnel : 9000 €

Le jugement rendu le 15 mai 2017 par le tribunal de grande instance de Béziers énonce dans son dispositif :

- Dit que l'accident dont Dominique C. a été victime le 9 février 2012 à Caux est dû à la défectuosité du produit fabriqué par la SAS TIMAC AGRO.

- Fixe à 26 183,22 € la réparation du préjudice corporel subi par Dominique C..

- Condamne in solidum la SAS TIMAC AGRO et la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS à lui payer cette somme.

- Les condamne sous la même forme à payer à la MSA DU LANGUEDOC les sommes de 4907,33 € au titre des frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques outre celle de 1055 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

- Rejette le surplus des demandes.

- Ordonne l'exécution provisoire.

- Condamne in solidum la SAS TIMAC AGRO et la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS aux dépens ainsi qu'à payer à Dominique C. la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le jugement constate qu'il ressort du procès-verbal établi le 16 mars 2012 et des témoignages versés aux débats que l'engrais, au lieu de se présenter sous la forme de granulés permettant d'en réaliser l'épandage, s'était solidifié pour constituer un bloc unique de 600 kg. Ce constat suffit à caractériser le caractère défectueux du produit.

D'ailleurs, en proposant un partage de responsabilité par courriel du 9 octobre 2012, l'assureur ne nie pas le principe d'une responsabilité qui, à défaut d'autre fondement juridique invoqué par le représentant de la victime, ne pouvait reposer que sur le comportement anormal du produit fabriqué par son assurée.

Le jugement considère que rien ne permet d'affirmer que Dominique C. se serait placé en position de danger sous le sac, alors d'ailleurs que l'espace de 50 cm entre le sac levé par la fourche du tractopelle et la trémie du semoir ne l'aurait pas permis. Il ne peut davantage lui être reproché d'avoir tenté d'élargir l'ouverture afin de permettre l'écoulement du produit, le fait qu'il ait réalisé cette action en remontant le cutter au lieu de poursuivre l'incision dans le sens horizontal important peu dès lors que chacune de ces manœuvres aurait eu le même effet si l'engrais ne s'était pas solidifié. Par conséquent la SAS TIMAC AGRO doit être déclarée seule responsable des préjudices éprouvés par la victime.

Au regard des conclusions du Docteur C. M., le jugement fixe le DFT à la somme de 891,66 €, calculé sur la base de 770 € par mois offerte par les défenderesses et correspondant à la jurisprudence du tribunal, à laquelle il convient d'ajouter au titre de l'ablation du matériel d'ostéosynthèse 2 jours d'hospitalisation, soit 46,66 € et 21 jours soit 254 €. Le DFP s'établit quant à lui à la somme de 12 000 €.

Les souffrances endurées évaluées à 3/7 justifient une indemnité de 5000 € sur laquelle s'accordent les parties. Le préjudice esthétique permanent constitué de la persistance d'une cicatrice disgracieuse chiffrée à 0,5/7 sera équitablement réparé par une indemnité de 1000 € sur laquelle s'accordent ici encore les parties.

Faute d'apporter d'autres éléments démontrant l'intensité d'une activité sportive ou ludique, le préjudice d'agrément dont le principe n'est pas discuté justifie en réparation une indemnité de 2000 €.

Enfin l'incidence professionnelle, limitée à une gêne dans la pratique de la taille, sera équitablement réparée par l'indemnité de 5000 € offerte par l'assureur adverse à défaut d'autre élément d'appréciation.

La SAS TIMAC AGRO et la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 4 août 2017.

En application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020, portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale sur le fondement de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, le président de la formation de jugement a décidé de recourir dans cette affaire avec représentation obligatoire à la procédure sans audience, et les avocats des parties en ont été régulièrement informés par la note transmise par le premier président de la cour d'appel aux bâtonniers du ressort le 9 avril 2020.

Les avocats des parties appelantes et des parties intimées ont expressément consenti à la procédure sans audience avec le dépôt de leurs pièces et de leurs écritures.

La cour constate la régularité dans cette instance de la procédure sans audience.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 15 juillet 2020.

Les dernières écritures pour la SAS TIMAC AGRO et la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ont été déposées le 28 février 2020.

Les dernières écritures pour Dominique C. ont été déposées le 28 février 2020.

La MSA du Languedoc a fait l'objet d'une signification à personne habilitée le 17 octobre 2017 et n'a pas constitué avocat. L'arrêt sera rendu par réputé contradictoire.

Le dispositif des écritures pour la SAS TIMAC AGRO et la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS énonce :

- Vu les articles 1245-1 et suivants du Code civil,

- A titre principal,

- Infirmer le jugement dont appel.

- Débouter Monsieur C. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Débouter la Mutualité Sociale Agricole du Languedoc de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- A titre subsidiaire,

- Infirmer le jugement dont appel.

- Dire qu'il y a lieu à un partage de responsabilité à part égale entre la société TIMAC AGRO et Monsieur C..

- Dire que l'évaluation des préjudices subis par Monsieur C. dans les suites de son accident du 9 février 2012 ne saurait excéder les sommes suivantes :

- dépenses de santé actuelles : 4907,33 €

- incidence professionnelle : 2500 €

 - déficit fonctionnel temporaire : 828 €

- souffrances endurées : 4000 €

- déficit fonctionnel permanent : 14 200 €

- préjudice d'agrément : néant

- préjudice esthétique permanent : 500 €

Total : 26 935,33 €

- Dire que la Mutualité Sociale du Languedoc exercera son recours sur 50 % de 4907,33 €, soit 2453,66 €.

- Dire qu'il ne saurait être alloué à Monsieur C., après recours de l'organisme social et partage de responsabilité, une somme supérieure à 11 014 €.

- Débouter Monsieur C. de toutes autres et plus amples demandes.

- En tout état de cause,

- Condamner Monsieur C. à payer à AXA la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La SAS TIMAC AGRO et la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS soutiennent que Monsieur Dominique C. ne rapporte pas la preuve du vice ou de la non-conformité de la chose vendue antérieur à la vente. Ils affirment que l'engrais ne présentait aucun défaut lors de la vente, que le prétendu défaut ne peut résulter que d'une humidité importante, Monsieur C. ayant probablement mal entreposé les granulés.

Subsidiairement, ils indiquent que Monsieur C., professionnel averti, a commis plusieurs erreurs lors de l'ouverture du sac d'engrais. Celui-ci s'est placé dans une situation dangereuse en se tenant en dessous du sac d'engrais et en donnant un coup de cutter sur le fond du sac de manière verticale, en contradiction avec le guide des bonnes pratiques. Ainsi les fautes commises par Dominique C. exonèrent la SA TIMAC AGRO de son entière responsabilité.

A titre infiniment subsidiaire, il convient de prononcer un partage de responsabilité entre la société TIMAC AGRO et Monsieur C., conformément à l'article 1245-12 nouveau du Code civil.

Dans ce dernier cas, les dépenses de santé actuelles seront fixées à la somme de 4907,33 € correspondant à la créance déclarée par l'organisme social devant le Tribunal de Grande Instance de Béziers. L'incidence professionnelle, constituée par une simple gêne pour les gestes répétitifs, peut être évaluée à la somme de 2500 €.

Au regard des conclusions du Docteur C. M. et sur la base de 23 € par jour, il convient de fixer le préjudice fonctionnel temporaire à la somme de 828 €. Les souffrances endurées, évaluée à 3/7, peuvent être fixées à la somme de 4000 €. Au titre du déficit fonctionnel permanent de 10 %, la jurisprudence retient une valeur du point de 1.420 maximum pour un homme de 51 à 60 ans. Il convient donc d'évaluer ce poste à la somme de 14 200 €.

Sur le préjudice d'agrément, Monsieur C. ne produit aucun justificatif d'une pratique sportive antérieure, de sorte qu'il ne peut réclamer une indemnisation à ce titre. Le préjudice esthétique permanent, évalué à 0,5/7, peut quant à lui être fixé à la somme de 500 €.

Le dispositif des écritures pour Dominique C. énonce :

- Vu les articles 1386-1 et suivants du Code civil,

- Vu l'article 331 du Code de procédure civile,

- Vu l'article L376-1 du Code de la sécurité sociale,

- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, à l'exception de la somme allouée au titre du déficit fonctionnel permanent.

- Dire que la SAS TIMAC AGRO est responsable de l'accident dont a été victime Monsieur C..

- En conséquence, la condamner solidairement avec sa compagnie d'assurance AXA à payer à Monsieur C. les sommes suivantes :

- 1183,32 € au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 5 000 € au titre des souffrances endurées

- 1 000 € au titre du préjudice esthétique

- 2 000 € au titre du préjudice d'agrément

- 5 000 € au titre du préjudice professionnel

- Infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a alloué à Monsieur C. la somme de 12 000 € au titre du déficit fonctionnel permanent, en l'état de la proposition devant la Cour d'appel des appelants.

- Déclarer cette offre satisfactoire.

- En conséquence, les condamner solidairement à payer à Monsieur C. la somme de 14 200 € au titre du déficit fonctionnel permanent.

- S'entendre déclarer commun et opposable à la MSA l'arrêt à venir portant sur la condamnation de la SAS TIMAC AGRO et son assureur AXA à l'indemnisation du préjudice de Monsieur C..

- Les condamner à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur Dominique C. indique qu'il est évident que l'engrais livré était défectueux. Il affirme qu'il n'avait pas d'autre choix que d'entailler le sac pour libérer son contenu. C'est parce que l'engrais était de mauvaise qualité et s'est présenté sous forme de bloc que Monsieur C. a été blessé. Par ailleurs, il ne se trouvait pas en dessous du sac d'engrais mais à l'arrière. Il n'a commis aucune faute d'imprudence.

Monsieur Dominique C. ajoute que l'engrais a été livré le 7 février dans l'après-midi et répandu moins de deux jours après, le 9 février. Il faisait très froid à cette période (-7°) et il n'a pas plu, de sorte qu'il n'y avait aucun problème d'humidité. La défectuosité du produit est donc bien antérieure à la livraison. La SAS TIMAC AGRO est seule responsable des préjudices subis par Monsieur C..

Monsieur Dominique C. sollicite la confirmation des sommes allouées en première instance au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice esthétique et du préjudice professionnel, qui correspondaient aux propositions adverses, ainsi qu'au titre du préjudice d'agrément, les appelants ne justifiant pas leur revirement à ce titre.

Sur le déficit fonctionnel permanent, les appelants proposent une somme supérieure à celle allouée en première instance, soit 14 200 €. Il convient donc d'infirmer le jugement sur ce point et de fixer ce poste de préjudice à la somme proposée par la partie adverse.

MOTIFS

Sur la responsabilité de la SAS TIMAC AGRO

La responsabilité de la SAS TIMAC AGRO est recherchée sur le fondement des articles 1386-1 et suivants anciens du code civil, relatifs à la responsabilité du fait des produits défectueux.

Les appelantes font valoir, à titre principal, l'absence de preuve du défaut du sac d'engrais incriminé, invoquant les mauvaises conditions de stockage dans un lieu humide ou chaud.

Il n'est cependant pas contesté que l'engrais litigieux a été livré le 7 février 2012 dans l'après-midi et qu'il a été répandu le matin du 9 février vers 9 heures, soit moins de deux jours après.

Il est donc peu probable que le produit se soit dénaturé sur une période aussi courte et en tout état de cause, cela démontrerait une défectuosité de celui-ci.

Il n'est pas plus contesté qu'il faisait à cette époque très froid (-7°) et qu'il n'a pas plu, ce qui exclut un problème de chaleur ou d'humidité.

Il ressort par ailleurs du procès-verbal de constatations établi contradictoirement entre les époux C., l'agent AXA et l'expert mandaté par l'assureur que les autres exploitants n'ont pas pris livraison des produits et que la société PERIS les a repris et échangés, ce qui démontre bien encore un problème avec cet engrais.

Il est donc bien démontré en l'espèce que le produit était défectueux, dans la mesure où il s'est présenté lors de son utilisation, moins de deux jours après sa livraison, non pas en granulés permettant l'épandage mais anormalement sous la forme d'un bloc unique et compact de 600 kg.

Les appelantes font valoir, à titre subsidiaire, la faute de la victime comme exonérant en totalité ou partiellement la responsabilité du fabricant.

Elles prétendent que Monsieur C. se tenait sur l'épandeur, en dessous du sac contenant l'engrais, le plaçant dans une situation dangereuse et qu'il a donné un coup de cutter sur le fond du sac, en méconnaissance des recommandations du guide des bonnes pratiques.

Cependant, aucune pièce au dossier ne démontre que Monsieur Dominique C. se trouvait en dessous du « big bag ». Au contraire, le procès-verbal de constatations établi contradictoirement le 16 mars 2012 mentionne que Monsieur Dominique C. a « levé le BB avec la fourche du tractopelle à 0,50 m au-dessus de la trémie du semoir », ce qui rend impossible un placement de la victime sous le sac.

Par ailleurs, si effectivement le guide des bonnes pratiques de l'Union des Industries de la Fertilisation, auquel se réfère l'assureur, mentionne à propos de la sécurité de l'épandage qu'il convient d' « ouvrir les sacs d'engrais à partir d'une plate-forme située au-dessus de la trémie si possible pour réduire au minimum la manutention », rien ne permet de constater, au vu de la photographie produite par les appelantes et du croquis établi par Monsieur Didier A. agent général AXA, que Monsieur Dominique C. qui utilisait un élévateur présentant le big bag au-dessus de l'épandeur et se trouvait à l'arrière de ce dernier, sur ce qui apparaît être une plateforme, occupait une position contraire à cette prescription.

L'intimé produit en outre les attestations de deux vignerons qui procèdent depuis de nombreuses années comme lui, en montant à l'arrière de l'épandeur.

Par ailleurs, il ne peut être reproché à Monsieur Dominique C., alors que l'engrais ne s'écoulait pas par l'ouverture horizontale, d'avoir tenté d'élargir l'ouverture par la verticale, afin de permettre l'écoulement du produit, le premier juge relevant avec pertinence que le fait qu'il ait réalisé cette action en remontant le cutter au lieu de poursuivre l'incision dans le sens horizontal important peu dès lors que manifestement chacune de ces manœuvres aurait eu le même effet si l'engrais ne s'était pas solidifié. Le guide des bonnes pratiques ne mentionne d'ailleurs pas, contrairement à ce qui est prétendu, qu'il ne faut « en aucun cas » réaliser une ouverture verticale du sac.

Le témoignage de Monsieur M., outre le fait qu'il s'agit d'un salarié de la société fabricante, est peu probant en ce qu'il n'était pas présent lors de l'accident survenu à Monsieur Dominique C. et qu'il a procédé à un test à posteriori en sachant parfaitement que l'engrais allait tomber en bloc.

Enfin, il ne peut être reproché à Monsieur Dominique C. aucune imprudence liée à l'ouverture préalable d'un autre sac qui ne s'était pas écoulé de manière fluide, dans la mesure où il avait pu finalement le vider et qu'il ne pouvait imaginer l'état dans lequel il allait trouver le deuxième sac.

En réalité, il ressort clairement du procès-verbal de constatations contradictoire que c'est en raison de son caractère compact et donc défectueux que l'engrais, qui est tombé en un seul bloc dans l'épandeur et a basculé en arrière, a projeté Monsieur Dominique C. au sol.

Il n'est donc démontré aucune faute de la part de l'intimé susceptible d'exonérer en totalité ou en partie la responsabilité du fait des produits défectueux pesant sur le fabricant, la société TIMAC AGRO.

Sur l'indemnisation des préjudices de Monsieur Dominique C.

Il n'y a lieu d'examiner que les postes contestés, étant relevé que les dépenses de santé actuelles correspondant à la créance de la MSA à hauteur de 4907,33 € ne font l'objet d'aucune contestation.

Il sera rappelé que l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel, de sorte qu'il n'est pas interdit à AXA et à la société TIMAC AGRO de solliciter la minoration de certains postes de préjudices pour lesquels elles avaient proposé une somme supérieure, dès lors qu'elles justifient sérieusement leur position.

Les préjudices patrimoniaux permanents

- L'incidence professionnelle

Elle n'est pas contestée en son principe, le docteur C.-M. ayant retenu un préjudice professionnel pour les gestes répétitifs comme la taille. Elle est discutée en son montant.

Le tribunal a retenu la somme de 5000 € offerte par l'assureur et la société TIMAC AGRO qui ne proposent en appel que la seule somme de 2500 €, faisant valoir que ce montant tient compte de l'absence d'éléments susceptibles d'apprécier concrètement la situation de Monsieur Dominique C..

Cependant, il convient de relever que le taille de la vigne constitue un acte essentiel de la profession de vigneron, Monsieur Dominique C. travaillant dans l'exploitation avec son épouse. L'incidence professionnelle est réelle et justement indemnisée par la somme de 5000 € octroyée en première instance.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

- Le déficit fonctionnel temporaire

Le docteur Lydie C. M. retient une gêne temporaire totale du 9 février 2012 au 13 février 2012, période d'hospitalisation et une gêne temporaire partielle du 14 février au 7 mars 2012 classe III et du 8 mars 2012 au 23 mai 2012, classe II, périodes de soins et de traitement.

Le premier juge a accordé une indemnisation à hauteur de 891,66 € correspondant à la proposition faite par AXA et la société TIMAC AGRO qui, en appel, formulent une proposition à hauteur de 828 € seulement.

Or, l'indemnité a été accordée sur la base mensuelle de la moitié du SMIC (770 €) pour réparer la gêne dans les actes de la vie courante, ce qui correspond à la jurisprudence habituelle de la cour, étant précisé que l'indemnisation retenue est justifiée au regard de l'hospitalisation subie, de l'immobilisation par attelle coude au corps pendant trois semaines, du traitement antalgique et anti-inflammatoire suivi et des 25 séances de kinésithérapie nécessaires jusqu'au 23 mai 2012.

Il convient donc de confirmer le jugement sur ce point.

Le premier juge a ensuite indemnisé l'ablation à venir du matériel d'ostéosynthèse (2 jours d'hospitalisation à 46,66 € et 21 jours en classe 3 soit 254 €). Si effectivement le docteur C. M. indique « frais futurs à prévoir : ablation du matériel d'ostéosynthèse - 1 à 2 jours d'hospitalisation - arrêt de travail et GTP d'environ 3 semaines », cette seule mention ne dispense pas Monsieur Dominique C. de justifier de la certitude de ce préjudice. Or, force est de constater que 8 ans après, alors que l'expert indiquait que l'ablation était prévue fin 2012-début 2013, la victime n'a fait l'objet d'aucune intervention sur ce point, se contentant d'indiquer qu'elle n'a pas eu le temps.

Il convient donc d'infirmer ici le jugement et de réserver les frais futurs à prévoir au titre de l'ablation du matériel d'ostéosynthèse.

- Les souffrances endurées

Elles sont évaluées par l'expert à 3/7 en raison de la douleur initiale, la durée de l'hospitalisation et de celle de la rééducation.

Le premier juge a accordé la somme de 5000 € sur laquelle les parties s'étaient accordées.

Les appelantes demandent à la cour d'évaluer ce poste de préjudice à 4000 € sans expliquer pourquoi il conviendrait de réduire l'indemnisation qu'elles ont proposée en première instance.

Il convient donc de confirmer le jugement qui a justement fixé l'indemnisation des souffrances endurées.

Les préjudices extra-patrimoniaux permanents

- Le déficit fonctionnel permanent

Monsieur Dominique C. a présenté une fracture diaphysaire médiane de l'humérus droit ostéosynthésée par clou centro-médullaire à verrouillage proximal. Au jour de l'expertise, il est relevé une raideur douloureuse de l'épaule dominante avec antépulsion à 170°, abduction à 130°, diminution des rotations, amyotrophie du bras à 0,5 cm et de l'avant-bras à 1,5 cm, sans signe neurologique.

L'expert retient, toutes séquelles comprises, un taux de DFP de 10 %.

A la date de consolidation du 24 mai 2012, Monsieur Dominique C. avait 52 ans.

Il y a lieu de retenir une valeur du point de 1420 € comme proposé par les appelantes et sollicitée par l'intimé, ce qui au demeurant correspond à la jurisprudence habituelle de la cour.

Ce poste de préjudice sera fixé à : 1420 X 10 = 14 200 €

Le jugement sera réformé sur ce point.

- Le préjudice esthétique permanent

Ce poste de préjudice constitué par la persistance d'une cicatrice disgracieuse fixé à 0,5/7 a été évalué à une indemnité de 1000 € sur laquelle s'étaient accordées les parties.

Aucun élément ne permet ici encore à la cour de réduire l'indemnisation à 500 € alors que les appelantes ne justifient en rien de leur demande de minoration.

Le jugement sera encore confirmé.

 - Le préjudice d'agrément

L'expert retient un préjudice d'agrément pour la pratique de la chasse, de la pêche et de la pétanque.

Ce préjudice d'agrément n'était pas discuté en son principe en première instance et il a été indemnisé par le tribunal à hauteur de 2000 € comme réclamé par la victime, AXA et la société TIMAC AGRO proposant la somme de 1000 €.

Les appelantes indiquent que Monsieur Dominique C. ne produit aucun justificatif d'une pratique sportive antérieure de sorte qu'il ne peut réclamer une indemnisation en réparation de son préjudice d'agrément.

La cour rappellera que ce poste de préjudice répare l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et non la perte de qualité de vie subie après consolidation laquelle est prise en compte au titre du déficit fonctionnel permanent.

L'indemnisation du préjudice d'agrément ne se limite pas à l'impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l'accident. Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

L'appréciation se fait in concreto, en fonction des justificatifs, de l'âge, du niveau sportif notamment.

Si effectivement, le docteur C. M. mentionne qu'il existe un préjudice d'agrément pour la pratique de la chasse, de la pêche et de la pétanque en raison d'une gêne mais sans contre-indication, cette seule indication est insuffisante. Il appartient en effet à la victime de produire des justificatifs (licences, attestations...) ce qu'elle n'a pas fait en l'espèce.

Il convient donc d'infirmer le jugement sur ce point et de débouter Monsieur Dominique C. de sa demande à ce titre.

Récapitulatif de l'indemnisation de Monsieur Dominique C.

Incidence professionnelle : 5000 €

Déficit fonctionnel temporaire : 891,66 €

Frais à venir : réservés

Souffrances endurées : 5000 €

Déficit fonctionnel permanent : 14 200 €

Préjudice d'agrément : 0 €

Préjudice esthétique permanent : 1000 €

TOTAL : 26 091,66 €

Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais non remboursables et aux dépens.

Les appelantes qui échouent pour la plus grande part supporteront les entiers dépens de l'appel.

Au vu du résultat de la procédure d'appel, il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Dominique C. les frais non remboursables exposés en appel. Il lui sera accordé la somme de 3000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu le 15 mai 2017 par le tribunal de grande instance de Béziers en toutes ses dispositions, sauf en celles relatives aux frais à venir, au déficit fonctionnel permanent et au préjudice d'agrément,

Et statuant à nouveau sur ces postes de préjudices et sur le montant total de l'indemnisation,

RESERVE les frais à venir relatifs à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse,

FIXE le montant du poste du déficit fonctionnel permanent à la somme de 14 200 €,

REJETTE la demande au titre du préjudice d'agrément,

CONDAMNE in solidum la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et la SAS TIMAC AGRO à payer à Monsieur Dominique C. la somme de 26 091,66 €,

REJETTE le surplus des demandes,

CONDAMNE in solidum la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et la SAS TIMAC AGRO à payer à Monsieur Dominique C. la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE les appelantes aux dépens de l'appel.