ADLC, 28 août 2020, n° 20-DCC-114
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
relative à la prise de contrôle exclusif de l’association Arpavie par la Caisse des dépôts et consignations
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Le vice-président Emmanuel Combe
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 29 juillet 2020, relatif à la prise de contrôle exclusif de l’association Arpavie par la Caisse des dépôts et consignations, formalisée par les lettres de démission de deux des membres fondateurs de l’association Arpavie en date du 27 mai et du 3 juin 2020 et par le projet de statuts modifiés ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. La Caisse des dépôts et consignations (ci-après, la « CDC ») est un établissement public, régi par les articles L. 518-2 et suivants du code monétaire et financier, qui remplit des missions d’intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l’État et les collectivités locales (dépôts sur les livrets d’épargne qui financent le logement social locatif et le renouvellement urbain, consignations et dépôts réglementés, retraites et trésoreries de la sécurité sociale). La CDC exerce, notamment par le biais de ses filiales CDC Habitat et Icade, des activités ouvertes à la concurrence qui sont regroupées autour de quatre pôles :
(i) l’environnement, (ii) l’immobilier, (iii) l’investissement et le capital investissement et
(iv) les services. Créée par la loi du 28 avril 1816, la CDC est placée « sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative », ce mode de gouvernance étant destiné à assurer l’autonomie de cette institution qui gère des fonds privés nécessitant une protection particulière.
2. Arpavie est une association à but non lucratif créée par la fusion de l’Association des résidences pour personnes âgées (AREPA), de l’Association résidences et foyers (AREFO) et de l’Association de résidences pour personnes âgées dépendantes (ARPAD)1. Avant l’opération, aucun des membres de l’association n’est en mesure d’exercer seul ou conjointement une influence déterminante sur l’association Arpavie. Cette dernière a pour objet principal l'étude et la mise en œuvre de solutions d'assistance et d'accompagnement, notamment en matière sociale et médico-sociale, des personnes âgées et des personnes handicapées vieillissantes, autonomes, en perte d’autonomie ou dépendantes. L’association exploite en France 45 établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (ci-après « EHPAD »), ce qui représente environ 3 400 pensionnaires, 79 résidences d’autonomie, ce qui représente environ 5 000 résidents, une résidence avec services pour seniors et un service de soins infirmiers à domicile.
3. Par deux courriers respectivement en date du 27 mai 2020 et 3 juin 2020, les représentants de sociétés Seqens et Action Logement Immobilier ont déclaré démissionner de leurs fonctions de membres fondateurs et administrateurs d’Arpavie, sous réserve de l’autorisation par l’Autorité de la concurrence de la prise de contrôle exclusif d’Arpavie par la CDC. Consécutivement à l’entrée en vigueur de ces démissions, les statuts de l’association seront modifiés pour tenir compte du retrait de deux des membres fondateurs et membres de droit au conseil d’administration2. En vertu des statuts modifiés, la CDC (directement et via ses filiales) disposera de cinq voix sur dix dans le conseil d’administration d’Arpavie, au sein duquel les décisions sont prises à la majorité. Les statuts prévoient qu’en cas de partage des voix au sein du conseil d’administration, le président dispose d’une voix prépondérante. Le président d’Arpavie étant actuellement un représentant de la CDC, cette dernière disposera de la capacité d’adopter seule les décisions prises par le conseil d’administration. Les décisions du conseil d’administration concernent notamment la définition de la politique et des orientations générales de l’association, la désignation des membres du bureau dont le président et le budget. En conséquence, la CDC sera en mesure de prendre seule toutes les décisions stratégiques relatives à Arpavie.
4. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de l’association Arpavie par la CDC, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (CDC : [≥150 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2019 ; Arpavie : [≥150] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2018). Chacune de ces entreprises réalisent, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (CDC : [≥50 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2019 ; Arpavie : [≥50] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2018). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article
L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. L’association Arpavie est active principalement sur les marchés de l’hébergement de longue durée à destination des personnes âgées autonomes et dépendantes. Elle est également active plus marginalement sur le marché des soins infirmiers à domicile et sur la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre.
7. La CDC est active sur les marchés des services immobiliers, de l’e-santé et de l’offre de soins et de diagnostics3.
A. MARCHÉS DE L’HÉBERGEMENT LONGUE DURÉE DES PERSONNES ÂGÉES
1. MARCHÉ DE SERVICES
8. La pratique décisionnelle considère que le marché regroupe (i) les EHPAD, (ii) les logements- foyers ou résidences de services qui sont des groupes de logements permanents autonomes, en chambre ou en appartement, qui proposent des équipements et des services collectifs dont l’usage est facultatif, les personnes âgées étant propriétaires ou locataires de leur logement, et
(iii) les unités de soins de longue durée (« USLD ») qui sont des structures médicalisées destinées à la prise en charge permanente de personnes très dépendantes4.
9. La pratique décisionnelle a estimé qu’il n’était pas pertinent de sous-segmenter ce marché en fonction du statut juridique de l’établissement ou selon la participation financière qui est demandée à la personne âgée. En revanche, la question d’un marché distinct des USLD a été examinée5. Toutefois, la question peut être laissée ouverte, les parties n’exerçant pas cette activité.
10. La partie notifiante considère qu’il est pertinent de segmenter le marché de l’hébergement de longue durée à destination des personnes âgées entre les EHPAD, d’une part, et les hébergements pour personnes âgées non dépendantes, d’autre part, en raison de la différence de niveau d’autonomie des résidents. Elle relève par ailleurs qu’une sous-segmentation spécifique de l’hébergement des personnes âgées autonomes pourrait être envisagée. En effet, elle souligne qu’il existe une différence entre les résidences d’autonomie et les résidences avec services pour seniors. En effet, si les résidences d’autonomie sont des établissements médico- sociaux au même titre que les EHPAD, les résidences avec services pour seniors sont des établissements privés commerciaux qui ne sont pas soumises aux règles du secteur médico- social. En conséquence, la partie notifiante propose de retenir dans le cadre de l’analyse trois catégories d’établissement : (i) les EHPAD, (ii) les résidences d’autonomie et (iii) les résidences avec services pour seniors (ci-après « RSS »).
11. En l’espèce, la question de la délimitation précise du marché peut être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle restant inchangées, quelle que soit l’hypothèse retenue.
2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE
12. En ce qui concerne la délimitation géographique du marché de l’hébergement aux personnes âgées, la pratique décisionnelle6 a retenu pour l’ensemble du territoire hors région parisienne, l’existence de marchés de dimension départementale, le critère de choix de l’établissement étant sa proximité avec le domicile de la personne âgée ou du référent familial. En ce qui concerne la région parisienne, la prise en compte de l’ensemble de la région a été envisagée.
13. La question de la définition exacte du marché géographique concerné peut cependant être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.
14. En l’espèce, l’analyse sera conduite au niveau départemental sauf pour la région Île-de-France où l’analyse sera menée au niveau régional.
B. MARCHÉS DES SERVICES IMMOBILIERS
1. LES MARCHÉS DES SERVICES
15. Les autorités de concurrence nationale et européenne ont envisagé, tout en laissant la question ouverte, différentes segmentations dans le secteur des services immobiliers selon (i) les destinataires des services, les biens étant destinés soit aux particuliers, les immeubles concernés étant alors à usage résidentiel, soit aux entreprises, les immeubles concernés étant alors à usage commercial ou professionnel, (ii) le mode de fixation des prix (immobilier résidentiel libre et logements sociaux ou intermédiaires aidés), (iii) le type d’activité exercée dans les locaux (bureaux, locaux commerciaux et autres locaux d’activités comme par exemple les entrepôts ou les hôtels) et (iv) la nature des services ou biens offerts7.
16. Pour cette dernière segmentation, les services suivants ont été identifiés :
(i) la promotion immobilière qui comprend les activités de construction et de vente de biens immobiliers ;
(ii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre ;
(iii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte de tiers (des investisseurs institutionnels, principalement des banques et des compagnies d’assurances) qui recouvre le conseil et la gestion de portefeuille immobilier (arbitrage et valorisation d’actifs), le montage des opérations d’investissement immobilier et la gestion
d’actifs immobiliers et de véhicules d’investissements spécialisés (notamment les sociétés civiles immobilières) ;
(iv) l’administration de biens immobiliers qui recouvre les activités de gestion des immeubles pour le compte de propriétaires et qui peut être segmentée entre la gestion locative et la gestion de copropriété ;
(v) l’expertise immobilière ;
(vi) le conseil immobilier ;
(vii) l’intermédiation dans les transactions immobilières pour laquelle l’intermédiation dans les opérations d’achat/vente est distinguée de l’intermédiation dans les opérations de location.
17. En ce qui concerne le marché de la détention et de la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre d’immeubles à usage d’autres activités que celle de bureau ou de local commercial, la pratique décisionnelle a envisagé, tout en laissant la question ouverte, une segmentation plus fine du marché selon la nature des activités, s’agissant des immeubles à vocation d’EHPAD8.
18. La partie notifiante considère qu’il est pertinent de segmenter le marché de la gestion d’actifs pour compte propre de la même façon que le marché de l’hébergement longue durée à destination des personnes âgées en retenant des marchés spécifiques pour (i) les EHPAD, (ii) les résidence autonomie et (iii) les RSS.
19. En l’espèce, les parties sont simultanément présentes sur la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre à vocation d’hébergements pour les personnes âgées, et spécifiquement sur les résidences d’autonomie.
20. La question de la délimitation exacte de ces marchés peut être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelles que soient les délimitations retenues.
2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
21. La pratique décisionnelle9 considère que les marchés de services immobiliers à destination des particuliers sont de dimension locale.
22. S’agissant en particulier du marché de la détention et gestion pour compte propre d’actifs immobiliers, les autorités de concurrence ont mené leur analyse au niveau régional ou infrarégional.
23. La question de la délimitation géographique exacte des marchés du secteur de l’immobilier peut toutefois être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelles que soient les délimitations retenues.
24. En l’espèce, l’analyse a été conduite au niveau départemental sauf pour la région Île-de-France où la dimension régionale sera également prise en compte.
C. LES MARCHÉS DE LA SANTÉ
1. LES MARCHÉS DE L’E-SANTÉ
25. L’Autorité de la concurrence a défini l’e-santé comme « l’application des technologies de l’information et de la communication à l’ensemble des activités en rapport avec la santé »10.
26. Les autorités de concurrence nationale et européenne ont identifié un marché des services d’informations spécifiques à la santé au sein duquel elles ont distingué (i) les systèmes d’information de santé à destination notamment des hôpitaux et des professionnels de santé,
(ii) la télésanté incluant la dématérialisation de la gestion des remboursements, des prescriptions et des dossiers patients, ainsi que le développement d’outils permettant l’enregistrement en ligne des données physiologiques et (iii) la télémédecine qui recouvre toutes les procédures médicales réalisées à distance par des professionnels11.
27. Les autorités nationale et européenne considèrent que ces marchés sont de dimension nationale, compte tenu des contraintes linguistiques et de la réglementation nationale applicable au secteur de la santé12.
28. En l’espèce, la question de la délimitation exacte des marchés de service peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.
2. LES MARCHÉS DES SOINS INFIRMIERS À DOMICILE
29. S’agissant des soins infirmiers à domicile, la pratique décisionnelle nationale a envisagé, tout en laissant la question ouverte, une distinction entre les activités de soins infirmiers à domicile et celles de soins dans le cadre d’établissements hospitaliers13. La cible propose uniquement des services de soins infirmiers à domicile et la CDC, par le biais du groupe hospitalier Vivalto, offre des soins infirmiers dans le cadre d’établissements de santé.
30. S’agissant de la délimitation géographique, la pratique décisionnelle nationale a retenu une dimension locale, au plus régionale, du marché des soins infirmiers à domicile14.
3. LES MARCHÉS DE L’OFFRE DE DIAGNOSTICS ET DE SOINS HOSPITALIERS
31. La pratique décisionnelle a retenu une première segmentation fondée sur le système d’autorisation prévu par le code de la santé publique15. En effet, l’offre de diagnostics et de soins hospitaliers est fortement régulée : les établissements de santé doivent détenir des autorisations attribuées par les agences régionales de santé pour pouvoir exercer les activités de soin énumérées à l’article R. 6122-25 du code de la santé publique16.
32. Par ailleurs, l’Autorité de la concurrence a récemment défini une nouvelle segmentation des hospitalisations en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie17 qui repose sur des catégories au sein desquelles une certaine substituabilité de l’offre peut être observée. Ces catégories reposent sur la nomenclature à quatre niveaux, développée par l’Agence technique d’information sur l’hospitalisation (Atih), et en particulier sur les groupes de planification qui constituent le troisième niveau d’agrégation de la nomenclature18. Ces catégories sont les suivantes19 : (i) appareil digestif, (ii) appareil locomoteur, (iii) rhumatologie, (iv) appareil urinaire, (v) cardio-vasculaire, (vi) chirurgie esthétique et de confort, (vii) gynécologie,
(viii) IVG, (ix) hématologie, (x) neurochirurgie, (xi) neurologie, (xii) obstétrique
(xiii) ophtalmologie, (xiv) nouveau-nés et période périnatale, (xv) psychiatrie,
(xvi) oxygénothérapie hyperbare, en séances, (xvii) chimiothérapie, (xviii) chirurgie thoraco- vasculaire (xix) chirurgie cardio-vasculaire, (xx) pneumologie, (xxi) endocrinologie,
(xxii) chirurgie inter-spécialité, (xxiii) médecine inter-spécialité, (xxiv) spécialités rares,
(xxv) transplantation d’organes (hors greffe de moelle et cornée), (xxvi) ORL et
(xxvii) stomatologie.
33. La pratique décisionnelle a envisagé l’existence d’une substituabilité justifiant le regroupement au sein d’une même catégorie des catégories (i) rhumatologie et appareil locomoteur et (ii) ORL et stomatologie. En l’espèce, la question peut être laissée ouverte, les résultats de l’analyse concurrentielle étant inchangée, quelle que soit l’hypothèse retenue.
34. La pratique décisionnelle a considéré que les effets d’une opération de concentration sur les marchés de l’offre de diagnostics et de soins hospitaliers devaient être appréciés au niveau régional, au niveau départemental et au niveau local20.
III. Analyse concurrentielle
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
35. Les parties sont simultanément actives sur le marché de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers destinés à l’hébergement des personnes âgées, et plus particulièrement de résidence d’autonomie en Île-de-France, notamment en Seine-Saint-Denis.
36. Arpavie détient l’actif immobilier d’une résidence d’autonomie en Seine-Saint-Denis, tandis que la CDC détient plusieurs actifs immobiliers exploités en tant qu’EHPAD (20 en-Île-de- France dont trois en Seine-Saint-Denis), résidence autonomie (54 en Île-de-France dont trois en Seine-Saint-Denis) et RSS (six en Île-de-France et aucune en Seine-Saint-Denis).
37. Quelle que soit les segmentations envisagées, la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à 15 %.
38. Par ailleurs, les parties sont simultanément actives sur le marché des soins infirmiers, Arpavie sur les soins infirmiers à domicile et la CDC sur les soins infirmiers en établissements hospitaliers. En l’espèce, les parties ne sont pas présentes dans les mêmes départements, Arpavie étant active dans le Val-de-Marne (94) et Vivalto disposant d’établissements de santé dans les départements limitrophes des Hauts-de-Seine (92) et de Paris (75), ainsi qu’au niveau de la région Île-de-France, dans les Yvelines (78) et dans le Val-d’Oise (95).
39. Il convient tout d’abord de souligner la très faible substituabilité entre les soins infirmiers en établissements hospitaliers et les soins infirmiers à domicile. En effet, un patient hospitalisé dans un établissement de santé ne peut avoir recours aux soins infirmiers fournis par Arpavie et inversement, un patient installé à son domicile ne peut avoir recours aux services infirmiers fournis par un établissement de santé. Le recours à l’un ou l’autre des services infirmiers découle du choix plus large par le patient de sa stratégie de soin et à ce titre, les deux types de services infirmiers n’exercent qu’une pression concurrentielle limitée l’un sur l’autre. Par ailleurs, l’éventuel chevauchement lié à l’opération est limité dans la mesure où le périmètre d’intervention des services infirmiers à domicile d’Arpavie est circonscrit aux villes de Choisy- le-Roi, Ablon et Orly. Enfin, la part de marché d’Arpavie sur le seul segment des soins infirmiers à domicile étant inférieure à [0-5] %, l’addition de part de marché liée à l’opération sur le marché global des soins infirmiers sera nécessairement limitée et nécessairement inférieure à quatre points.
40. En conséquence, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais des effets horizontaux sur ces marchés.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX
41. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux.
42. Cependant, la pratique décisionnelle considère en principe qu’un risque d’effet peut être écarté dès lors que la part de marché de l’entreprise issue de l’opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %21.
43. Tout d’abord, il existe un lien vertical entre les activités de gestion d’actifs immobiliers à destination de l’hébergement des personnes âgées et l’exploitation d’établissements destinés à l’hébergement des personnes âgés. Toutefois, concernant la gestion d’actifs immobiliers à destination de l’hébergement des personnes âgées, les parts de marché de la CDC sont quasi- systématiquement inférieures à 30 %. Dans les zones où la part de marché de la CDC dépasse 30 %, Arpavie n’est pas présente sur le marché de l’exploitation d’hébergements à destination des personnes âgées. De façon identique, la CDC n’est pas présente dans la seule zone dans laquelle Arpavie détient une part de marché supérieure à 30 %.
44. Par ailleurs, il existe également un lien de vertical entre l’offre de diagnostics et de soins hospitaliers de la CDC (via le groupe Vivalto) et l’activité de soins infirmiers à domicile d’Arpavie. Toutefois, l’activité d’Arpavie sur ce marché est limitée ([0-5] % de part de marché) et circonscrite à certaines villes du Val-de-Marne (94) : il s’agit d’un service de soins infirmiers à domicile adossé à la Résidence de Choisy-le-Roi qui intervient sur le périmètre d’Orly, Ablon et Choisy-le-Roi. La CDC ne dispose pas d’offres de diagnostics et de soins hospitaliers dans le Val-de-Marne (94). Toutefois, Vivalto exploite la clinique du Val-d’Or à Saint-Cloud dans le département limitrophe des Hauts-de-Seine (92) et la Clinique Victor Hugo à Paris (75). Cependant, en 2018, moins de 10 % des séjours réalisés dans ces établissements de santé concernaient des patients résidant dans le Val-de-Marne22 et les séjours effectués dans ces deux établissements par des patients résidant dans le Val-de-Marne représentent moins de 1 % du nombre total de séjours réalisés dans des établissements de santé par des résidents du Val-de- Marne. En conséquence, à l’issue de l’opération, la nouvelle entité ne disposera pas de la capacité de mettre en œuvre un quelconque verrouillage de nature à favoriser l’activité de soins infirmiers à domicile d’Arpavie dans le Val-de-Marne. Au surplus, il convient de rappeler que la sélection du service de soins infirmiers à domicile intervenant sur prescription médicale dépend du libre choix du patient.
45. Enfin, il existe un lien de nature verticale entre l’offre de diagnostics et des soins hospitaliers et les services d’hébergements à destination des personnes âgées.
46. La partie notifiante n’a pas été en mesure de fournir ses parts de marché sur les marchés de l’offre de diagnostics et de soins hospitaliers en raison de la crise sanitaire en cours au moment de la notification. L’Autorité a exceptionnellement procédé à l’analyse concurrentielle sans disposer des parts de marché en faisant l’hypothèse conservatrice que la CDC (par le biais du groupe Vivalto) dispose de parts de marché supérieures à 30 % au moins sur certains marchés relatifs à l’offre de diagnostics et de soins.
47. Cependant, tout risque de mise en place d’un effet de verrouillage par le biais d’un adressage exclusif des pensionnaires issus des hébergements d’Arpavie vers des établissements de santé de la CDC peut être exclu. En effet, comme indiqué précédemment, la part de marché de la nouvelle entité ne dépassera 30 % que sur le marché des résidences autonomie dans les Hautes-Pyrénées. Or, la CDC ne dispose pas d’établissements de santé dans ce département ou dans les départements limitrophes (Gers, Haute-Garonne et Pyrénées-Atlantiques).
48. De façon similaire, l’Autorité a pu écarter tout effet sur la concurrence lié à l’adressage préférentiel des personnes âgées sortant des établissements de santé du groupe Vivalto vers des hébergements d’Arpavie.
49. Tout d’abord, l’admission en résidence d’autonomie et en RSS ne fait pas l’objet d’une préconisation médicale dans la mesure où ces dernières accueillent des résidents autonomes pouvant également choisir de rester à leur domicile. En conséquence, la nouvelle entité ne sera pas en mesure de mettre en place un mécanisme d’adressage favorisé vers les établissements hébergeant des personnes âgées autonomes d’Arpavie.
50. En revanche, l’admission en EHPAD fait suite à un constat de perte d’autonomie. Cette admission peut faire suite à un séjour en établissement de soins de suite et de réadaptation ou à la sortie d’un service de médecine. Toutefois, dans l’ensemble des zones dans lesquelles la CDC dispose d’établissements de santé et dans lesquelles Arpavie exploite des EHPAD, à l’exception du département du Rhône, les taux d’occupation des EHPAD au 1er janvier 2020 dépassent [80- 90] % et le nombre de places libres dans ces établissements d’Arpavie représente systématiquement moins de 1 % des places en EHPAD dans le département concerné. En conséquence, à l’issue de l’opération, la nouvelle entité ne sera pas en mesure de mettre en œuvre un mécanisme de verrouillage de nature à évincer la concurrence dans ces zones.
51. Dans le département du Rhône, Arpavie exploite un EHPAD dont le taux d’occupation au 1er janvier 2020 est limité ([40-50] %), ce taux d’occupation s’expliquant par des travaux de réhabilitation importants effectués dans l’établissement au second semestre 2019. Il apparaît que le taux d’occupation de l’établissement est en augmentation, avec une hausse de 20 points au cours du premier semestre 2020. Par ailleurs, le nombre de places disponibles dans cet établissement (25 places) représentent moins de 0,5 % des places disponibles dans le département (13 425 places). En conséquence, à l’issue de l’opération, la nouvelle entité ne sera pas en mesure de mettre en place un mécanisme d’adressage de nature à évincer les concurrents d’Arpavie sur le marché de l’hébergement de longue durée des personnes âgées dépendantes.
52. En conséquence, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais des effets verticaux sur ces marchés.
C. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX
53. Une concentration est susceptible d’entraîner des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur des marchés présentant des liens de connexité avec d’autres marchés sur lesquels elle détient un pouvoir de marché.
54. Cependant, la pratique décisionnelle considère en principe qu’un risque d’effet vertical ou congloméral peut être écarté dès lors que la part de marché de l’entreprise issue de l’opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %23
55. Il pourrait enfin exister un lien de connexité entre le marché de l’e-santé et les marchés relatifs à l’hébergement des personnes âgées. Toutefois, la part de marché de la nouvelle entité est systématique inférieure à 30 % sur l’ensemble des marchés concernés à l’exception du marché de l’hébergement des personnes âgées en résidence d’autonomie dans les Hautes-Pyrénées. Toutefois, la nouvelle entité ne sera pas en mesure d’évincer les concurrents de la CDC sur le marché de l’e-santé à partir de sa position sur ce marché. En effet, le marché de l’e-santé est de dimension nationale et les établissements exploités par Arpavie dans les Hautes-Pyrénées accueillent au maximum 100 pensionnaires (contre plus de 125 000 places disponibles dans des résidences d’autonomie au niveau national).
56. En conséquence, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets congloméraux.
DÉCIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 20-090 est autorisée.
NOTES
1 La création de l’association Arpavie a été autorisée par l’Autorité de la concurrence (décision n° 16-DCC-38 en date du 10 mars 2016).
2 Ces modifications devront être votées lors d’une assemblée générale exceptionnelle de l’association prévue en septembre 2020.
3 La CDC est également active sur les marchés des services de prestations de santé à domicile, les services à domicile et les services de chirurgie esthétique de confort. En l’espèce, étant donné les activités d’Arpavie, ces activités ne présentent pas de liens de connexité avec celles de la cible.
4 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 19-DCC-32 du 25 février 2019 relative à la création d’une entreprise commune par les groupes VYV et Habitat Développement, n° 16-DCC-38 du 10 mars 2016 relative à la création d’ARPAVIE par la fusion-absorption de l’Association des Résidences pour Personnes Âgées, l’Association Résidences et Foyer, et l’Association de Résidences pour Personnes Âgées Dépendantes, n° 14-DCC-132 du 15 septembre relative à la prise de contrôle exclusif de la société Colisée par le groupe Eurazeo, n° 14-DCC-22 du 21 février 2014 relative à la fusion-absorption de la société Médica par la société Korian, n° 10-DCC-179 du 13 décembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Méditer et Mieux-Vivre par la société Orpéa et n° 10-DCC-132 du 11 octobre 2010 relative à la création de deux entreprises communes par Domus Vi et GDP Vendôme.
5 Voir notamment la lettre du ministre en charge de l’économie en date du 28 janvier 2003 au conseil de la société Médica France relative à une concentration dans le secteur de l’hébergement en long séjour des personnes âgées dépendantes ; les décisions de l’Autorité n° 19-DCC-32, n°16-DCC-38, n° 14-DCC-132, n° 14 DCC-22, n° 10-DCC-179 et n° 10-DCC-132 précitées.
6 Voir les décisions de l’Autorité n° 19 DCC 32, n°16-DCC-38, n° 14-DCC-132, n° 14-DCC-22, n° 10-DCC-179 et n° 10-DCC-132 précitées.
7 Voir notamment les décisions de la Commission Européenne M.2110 Deutsche Bank / SEI / JV du 25 septembre 2000, M.2825 Fortis AG SA / Bernheim-Comofi SA du 9 juillet 2002 et M.3370 BNP Paribas/ARI du 9 mars 2004 ; la lettre du ministre en charge de l’économie C2008-79 du 22 août 2008, aux conseils des sociétés CDC et Eurosic, relative à une concentration dans le secteur de l’immobilier et les décisions de l’Autorité n° 19-DCC-270 du 30 décembre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe La Poste et de la société CNP Assurances par la Caisse des dépôts et consignations, n° 17-DCC-122 du 4 août 2017 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs de la société Eurosic par la société Gecina, n° 17-DCC-68 du 31 mai 2017 relative à la prise de contrôle exclusif de certains actifs immobilier de l’office public interdépartemental de l’Essonne, du Val-d’Oise et des Yvelines (OPIEVOY) par Action Logement, n° 16-DCC-84 du 24 juin 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Foncière de Paris par la société Gecina, n° 16-DCC-65 du 9 mai 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Foncière de Paris par la société Eurosic, n° 15-DCC-156 du 7 décembre 2015 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier à usage de bureaux par Sogecap et Prédica, n° 14-DCC-46 du 1er avril 2014 relative à la prise de contrôle conjointe d’un actif immobilier industriel en Moselle par la Norges Bank et Prologis n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Épargne et Banque Populaire et n° 19-DCC-32 précitée.
8 Voir les décision de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-146 du 22 octobre 2013 relative à la prise de contrôle conjoint d’une société civile immobilière pour la détention d’un actif immobilier à usage d’EHPAD par la Foncière Malherbe Claudel (Groupe Crédit Agricole) et la Caisse des Dépôts et Consignations et n° 19-DCC-32 précitée.
9 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n°12-DCC-18 du 13 février 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société immobilière de location pour l’industrie et le commerce par la société Icade ainsi que les décisions n° 19-DCC-270 et n° 19-DCC-32 précitées.
10 Voir l’avis de l’Autorité n° 14 -A-15 du 9 octobre 2014 relatif à un projet de décret concernant l’obligation de certification des logiciels d’aide à la prescription médicale et des logiciels d’aide à la dispensation prévue à l’article L. 161-38 du code de la sécurité sociale et la décision n° 17-DCC-74 du 1er juin 2017 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Asten Santé par la société La Poste Silver.
11 Voir la décision de la Commission M.6237 Computer Sciences Corporation/iSoft Group du 20 juin 2011 et les décisions de l’Autorité n° 19-DCC-270 et n° 17-DCC-74 précitées.
12 Voir la décision de la Commission M.7813 Sanofi/Google/DMI JV du 23 février 2016 et la décision de l’Autorité n° 17-DCC-74 précitée.
13 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-22 du 21 février 2014 relative à la fusion-absorption de la société Médica par la société Korian.
14 Voir la décision n° 14-DCC-22 précitée.
15 Voir, par exemple, les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 20-DCC-38 du 28 février 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Hexagone Santé Méditerranée et de la SCI Bonnefon-Carnot par le groupe Elsan, n° 18-DCC-162 du 15 octobre 2018 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Capio par Ramsay Générale de Santé, n° 17-DCC-95 du 23 juin 2017 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe MédiPôle Partenaires par le groupe Elsan, n° 15-DCC-146 du 26 octobre 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de Vitalia par Vedici Holding (CVC Capital Partners), les lettres du ministre chargé de l’économie C2007-91 au conseil de la société Vitalia Développement 2, relative à une concentration dans le secteur de l’offre de diagnostics et de soins en établissements de santé, C2007-80 du 24 juillet 2007 au conseil de la société Vitalia Développement 1, relative à une concentration dans le secteur des établissements de soins en France, C2006-105 aux conseils de la société Capio santé SA, relative à une concentration dans le secteur de la production de diagnostics et de soins en établissement de santé du 26 octobre 2006 et les décisions de la Commission européenne M.7725 du 28 août 2015 – Vedici/Vitalia, M.7221 du 24 avril 2014 – Bridgepoint Capital/Medipartenaires, et M.5805 du 21 mai 2010 – 3i/Védici Groupe.
16 Les autorisations énumérées à l’article R.6122-25 concernent les activités de soin suivantes : (i) la médecine, (ii) la chirurgie, (iii) gynécologie-obstétrique, néonatologie, réanimation néonatale ; (iv) psychiatrie, (v) soins de suite et de réadaptation, (vi) soins de longue durée ; (vii) greffes d'organes et greffes de cellules hématopoïétiques , à l'exception des greffes exceptionnelles soumises au régime d'autorisation complémentaire prévu à l'article L. 162-30-5 du code de la sécurité sociale, (viii) traitement des grands brûlés, (ix) chirurgie cardiaque, (ix) activités interventionnelles sous imagerie médicale, par voie endovasculaire, en cardiologie, (xi) neurochirurgie, (xii) activités interventionnelles par voie endovasculaire en neuroradiologie, (xiii) médecine d'urgence, (xiv) réanimation, (xv) traitement de l'insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale, (xvi) activités cliniques et biologiques d'assistance médicale à la procréation et activités biologiques de diagnostic prénatal, (xvii) traitement du cancer et (xviii) examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou identification d'une personne par empreintes génétiques à des fins médicales.
17 Cette nomenclature exclut les activités de soins de suite et de réadaptation, de soins de longue durée, de psychiatrie et d’hospitalisation à domicile
18 La nomenclature est construite sur quatre niveaux : (i) les groupes homogènes de malades (2588 « GHM ») (ii) les groupes d’activité (217 « GA »), (ii) les groupes de planification (83 « GP ») et (iv) les domaines d’activité (27 « DA ». Chaque niveau contient des catégories relevant des séjours en erreur, c'est-à-dire des séjours pour lesquels les données remontées par les établissements de santé sont contradictoire ou insuffisantes. Ces catégories sont exclues des développements ci-dessous.
19 Voir la décision n° 20-DCC-38 précitée.
20 Voir notamment les décisions n° 20-DCC-38, n° 18-DCC-162, n° 17-DCC-95 et n° 15-DCC-146 précitées.
21 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, point 678.
22 Données de l’Atih, disponible sur le site de cartographie Hospidiag (cartographie-hospidiag.atih.sante.fr).
23 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, point 720.