Commission, 27 mai 2013, n° M.6845
COMMISSION EUROPÉENNE
Décision
SOFIPROTEOL/ GROUPE EURALIS/JV
Madame, Monsieur,
Objet: Affaire n°COMP/M.6845 – SOFIPROTEOL/ GROUPE EURALIS/ JV
Décision de la Commission suite au Mémoire motivé présenté conformément à l’article 4, paragraphe 4, du règlement (CE) n°139/2004 du Conseil 1 en vue d'un renvoi de l'affaire à la France.
I. INTRODUCTION
1. Le 6 mai 2013, la Commission a reçu, au moyen d'un mémoire motivé, une demande de renvoi au titre de l’article 4, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil (le «règlement sur les concentrations») concernant l’opération mentionnée ci- dessus. Dans leur mémoire motivé, les parties ont indiqué qu'elles considéraient que l'opération devrait faire l'objet d'un renvoi dans sa totalité à l'Autorité de la concurrence française.
2. Conformément à l’article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations, les parties à l'opération peuvent, avant de la notifier formellement à la Commission, demander le renvoi partiel ou total de la transaction par la Commission aux Etats membres dans la mesure où la concentration risque d’affecter de manière significative la concurrence sur un marché qui présente toutes les caractéristiques d’un marché distinct.
3. Une copie du mémoire motivé a été envoyée à tous les Etats membres le 6 mai 2013.
4. Par lettre du 16 mai 2013, l'Autorité de la concurrence française a exprimé son accord avec la demande de renvoi.
II. LES PARTIES
5. Glon Sanders Holding («GSH», France), filiale du groupe Sofiprotéol, est active dans le secteur de la nutrition animale, de la production et la commercialisation d'animaux vivants ainsi que dans l'abattage et la transformation de la viande de porc et de volaille, les œufs et les ovoproduits.
6. Euralis Holding («Euralis», France) est une holding financière contrôlée par la société coopérative agricole Euralis Coop. Les activités du groupe Euralis sont structurées en quatre pôles: (i) le pôle agricole qui regroupe les activités de production dont celle d'aliments complets pour animaux, de service et de distribution, (ii) le pôle alimentaire qui regroupe les activités traiteur et canard gras, (iii) le pôle semences qui regroupe les activités de recherche et de production de semences, et (iv) le pôle participations et développement qui réunit les activités situées hors du domaine coopératif et les partenariats industriels agricoles d'Euralis.
III. L'OPERATION
7. L'opération envisagée consiste en la création par GSH, par l'intermédiaire de sa filiale Sanders Adour, et Euralis, par l'intermédiaire de sa filiale Actalim, d'une entreprise commune de plein exercice active, dans le Sud-ouest de la France, dans les secteurs de la fabrication et de la commercialisation d'aliments complets pour animaux et de la production et la commercialisation d'animaux vivants en vue de l'abattage.
8. En vertu d'un Protocole d'accord conclu entre les parties le 17 octobre 2012, GSH et Euralis détiendront chacune 50% du capital et des droits de vote de l'entreprise commune. La gestion de ladite entreprise sera confiée à un Conseil d'administration composé de quatre membres au moins, dont la moitié sera désignée par GSH et l'autre moitié par Euralis. Le Président du Conseil d'administration, désigné par Euralis, ne disposera pas de voix prépondérante et exercera une fonction non-opérationnelle. GSH désignera le Directeur général de l'entreprise commune qui disposera de tous les pouvoirs nécessaires pour assurer la direction opérationnelle de l'entreprise commune, sous la réserve des compétences dévolues au Conseil d'administration. Certaines décisions devront être adoptées à l'unanimité par le Conseil d'administration préalablement à leur mise en œuvre. En particulier, les décisions relatives à (i) l'approbation et la modification des budgets prévisionnels annuels d'exploitation, (ii) l'approbation et la modification des plans d'investissements et de financement, (iii) la nomination detoutes les personnes occupant des fonctions clés au sein de l'entreprise commune et (iv) la politique commerciale et tarifaire ainsi que la politique d'achat devront être adoptées à l'unanimité par le Conseil d'administration.
9. En outre, le Protocole d'accord, conclu pour une durée de dix ans renouvelable par tacite reconduction, prévoit que GSH et Euralis apporteront à l'entreprise commune l'ensemble de leurs actifs et activités dans le Sud-ouest de la France dans le secteur de la production et commercialisation d'aliments complets pour animaux. GSH apportera également ses actifs dans le secteur de la production et commercialisation d'animaux vivants en vue de l'abattage. L'entreprise commune se verra notamment apporter trois sites de production d'aliments complets, l'ensemble des accords d'approvisionnement et de commercialisation existants à la date des apports et l'ensemble des personnels attachés aux activités de production et de commercialisation d'aliments complets pour animaux.
10. L'entreprise commune commercialisera les aliments complets pour animaux principalement auprès d'opérateur tiers (52% de sa production au cours de la phase de démarrage), le reste de la production étant vendue à une filiale du groupe Euralis ou utilisé par l'entreprise commune pour les besoins de son activité de production d'animaux vivants en vue de l'abattage. En termes d'achats, l'entreprise commune s'approvisionnera, selon les circonstances, soit auprès d'opérateurs tiers de son choix2 soit auprès de ses sociétés mères à des conditions commerciales de marché.
11.Il ressort de ce qui précède que l'opération envisagée consiste en la création d'une entreprise accomplissant de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome. Cette entreprise commune de plein exercice sera contrôlée conjointement par GSH et Euralis.
IV. DIMENSION EUROPEENNE
12. Les entreprises concernées réalisent un chiffre d'affaires mondial consolidé de plus de 5 milliards d'euros3 (Groupe Sofiprotéol: 6 807 millions d'euros; Euralis: 1 322,4 millions d'euros). Chacune d'entre elles réalise un chiffre d'affaires dans l'UE de plus de 250 milllions d'euros (Groupe Sofiprotéol: […] millions d'euros; Euralis: […] millions d'euros) et seule Euralis réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans un seul et même Etat membre (France: […] millions d'euros).
13. L'opération envisagée consiste donc en une concentration de dimension européenne au sens de l'article 1, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations.
V.ANALYSE DES CONDITIONS DU RENVOI
14. D’après les informations fournies par GSH et Euralis, l'entreprise commune sera active sur les marchés suivants (i) le marché de la production et de la commecialisation d'aliments complets pour animaux, et (ii) le marché de la production et de la ommercialisation d'animaux vivants en vue de l'abattage.4
15. En outre, l'une des sociétés mères restera active sur les marchés amont suivants: (i) le marché de la production et de la commercialisation d'huile de graines, (ii) le marché de la production et de la commercialisation de tourteaux, (iii) le marché de la production et de la commercialisation de prémix, (iv) le marché de la production et de la commercialisation de pré-mélanges médicamenteux (santé animale), et (v) le marché de la production et de la commercialisation de céréales servant à l'élaboration d'aliments pour animaux.5
A.Marchés horizontalement affectés
1. Marché de la production et de la commercialisation d'aliments complets pour animaux
16. Selon les informations fournies par les Parties, l'activité principale de l'entreprise commune consistera à produire et commercialiser des aliments complets pour animaux dans le Sud-ouest de la France.
17. S'agissant du marché de produit pertinent, la Commission a considéré, dans ses précédentes décisions, que la production et la commercialisation d'aliments complets pour animaux constituait un marché de produit distinct qui pouvait faire l'objet d'une segmentation selon le type d'espèce animale ou selon le type d'aliment (concentrés, premier âge, aliments d'allaitement). La Commission a toutefois laissé ouverte la question de la définition précise du marché de produit pertinent.6 Selon les parties, la segmentation du marché des aliments complets pour animaux par type d'espèces a également été retenue par l'Autorité de la concurrence française.7
18. S'agissant du marché géographique, la Commission a considéré que le marché de la production et de la commercialisation des aliments complets pour animaux était au plus de dimension nationale dans la mesure où les ventes d'aliments complets avaient lieu dans une zone de 50-150 km autour des usines de production et où les activités des différents opérateurs étaient organisées au niveau national. La Commission a outefois laissé ouverte la question de la définition précise du marché géographique.8 Selon les parties, l'Autorité de la concurrence française a également considéré, tout en laissant la question ouverte, que le marché de la production et de la commercialisation d'aliments complets est de dimension locale en raison des coûts de transport.9
19. Selon les informations fournies par les parties, l'opération envisagée se traduira par plusieurs marchés affectés sur le territoire français. Sur la base d'un marché englobant les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, l'entreprise commune aura une part de marché de [10-20]% pour les aliments complets toutes espèces confondues, [10-20]% pour les aliments complets pour volailles et [30-40]% pour les aliments complets pour porcs. Sur la base d'un marché englobant les départements des Landes, des Pyrénées Atlantiques, du Gers, des Hautes Pyrénées et de la Haute- Garonne, la part de marché de l'entreprise commune s'élèverait à [30-40]% toutes espèces confondues, [20-30]% pour les aliments complets pour volailles, [20-30]% pour les aliments complets pour lapins, [30-40]% pour les aliments complets pour ruminants et [60-70]% pour les aliments complets pour porcs.
2. Marché de la production et de la commercialisation d'animaux vivants en vue de l'abattage
20.Les parties expliquent dans leur mémoire motivé que l'entreprise commune sera active sur les marchés de la production et de la commercialisation de certains animaux vivants en vue de l'abattage. Toutefois, cette activité ne sera assurée que par l'intermédiaire d'actifs apportés par GSH. Euralis demeurera également présente sur ces marchés. Les parties précisent toutefois que les animaux commercialisés par Euralis n'ont pas vocation à être approvisionnés auprès de l'entreprise commune.
21. La pratique décisionnelle de la Commission européenne et de l'Autorité de la concurrence française conduisent à considérer que plusieurs marchés distincts existent selon les espèces d'animaux vivants destinés à l'abattage.10 En outre, selon les parties, l'Autorité de concurrence française a opéré une distinction selon les types de volailles (poulet, dindes, canards vivants) et leur qualité (volaille label rouge et volaille standard).11
22. Les parties, sur la base de précédents de l'Autorité de la concurrence française, considèrent que les marchés de la production et de la commercialisation d'animaux vivants destinés à l'abattage ont une dimension locale.12
23. Selon les informations fournies par les parties, sur un marché englobant les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, l'opération donnerait lieu à plusieurs chevauchements entre l'activité de l'entreprise commune et celle d'Euralis. Toutefois, ces chevauchements ne conduiraient à une part de marchécombinée spérieure à [10-20]% que pour les canards gras ([0-5]% pour l'entreprise commune et [10-20]% pour Euralis).
B. Marchés verticalement affectés
1. Marché de la production et de la commercialisation d'huile de graines
24. Il existe une relation verticale au moins potentielle entre le groupe Sofiprotéol, qui commercialise des huiles de graines, et l'entreprise commune qui aura besoin d'huile de graines pour la fabrication d'aliments complets pour animaux.13
25. La Commission et l'Autorité de la concurrence française ont retenu l'existence de deux marchés de produits distincts: le marché des huiles de graines et le marché de l'huile d'olive. Elles ont en revanche laissé ouverte la question de savoir si les huiles brutes et le huiles raffinées constituaient des marchés distincts et s'il est nécessaire de distinguer les huiles en fonction des graines utilisées pour les produire.14
26. La Commission a considéré que la dimension géographique du marché des huiles de graines est européenne mais elle s'est également interrogée sur la possibilité de définir un marché spécifique à la France. La Commission a toutefois laissé la définition géographique du marché pertinent ouverte.15 Selon les parties, l'Autorité de la concurrence française a considéré que le marché des huiles de graines était de dimension européenne tout en laissant la définition exacte ouverte.16
27. Sur un marché européen des huiles de graines (toutes graines confondues), la part de marché du groupe Sofiprotéol est de [5-10]%, dont [60-70]% de cessions internes. Selon les estimations de parties, les parts de marché du groupe pour les huiles brutes au niveau européen sont toutes inférieures ou égales à [10-20]%, quel que soit le type de graine considéré et même si les cessions internes au groupe sont prises en compte. En ce qui concerne les huiles raffinées, les parties estiment que la part de marché de Sofiprotéol au niveau européen est de [0-5]% toutes graines confondues hors cessions internes et [10-20]% cessions internes incluses.17
28. Sur les éventuels marchés français des huiles brutes, les parts de marché du groupe Sofiprotéol seraient de [0-5]% toutes graines confondues, [5-10]% pour le colza et [20-30]% pour le tournesol (hors cessions internes). Si les cessions internes sont prises en compte, les parts de marché groupe s'élèveraient alors à [40-50]% toutes graines confondues, [50-60]% pour le colza et [70-80]% pour le tournesol. Sur un marché français des huiles raffinées la part de marché du groupe Sofiprotéol serait de [10-20]% toutes graines confondues hors cessions internes et [70-80]% cessions internes incluses.18
29. Il ressort de ce qui précède que la part de marché de Sofiprotéol sur le marché amont des huiles de graines est inférieure à [20-30]% au niveau européen quelle que soit la segmentation envisagée. En revanche, la part de marché du groupe est supérieure à [20-30]% dans certains cas sur les marchés français.
30. Malgré l'existence de marchés amont affectés (marchés des huiles de graines) qui pourraient être de dimension plus large que nationale, l'impact sur la concurrence de la création de l'entreprise commune serait en tout état de cause limité à la France dans la mesure où les marchés avals (marchés des aliments complets pour animaux) sont de dimension au plus nationale19 et où seule une stratégie de verrouillage des intrants peut être envisagée.20 En outre, sur les marchés européens des huiles de graines, les parts de marché de Sofiprotéol sont limitées puisque, selon les estimations des parties, elles sont inférieures à [10-20]% quelle que soit la segmentation retenue.
2. Marché de la production et de la commercialisation de tourteaux
31. Les tourteaux, résultat de la trituration des graines, sont utilisés comme base dans l'alimentation animale. Bien qu'ils puissent être issus de la trituration des graines de tournesol, de soja ou de colza, la Commission européenne a défini un marché global de la production et de la vente de tourteaux. Cette approche consistant à rejeter une segmentation plus fine en fonction du type de graines a été également retenue par l'Autorité de la concurrence française.21
32. Selon une pratique décisionnelle constante, la Commission européenne considère que le marché de la production et de la commercialisation des tourteaux est de dimension européenne voire mondiale.22 Selon les parties, l'Autorité de la concurrence française a considéré que la dimension dudit marché est au moins nationale.23
33. Sur un marché européen de la production et de la commercialisation des tourteaux, Sofiprotéol aurait une part de marché d'environ [0-5]%, dont [5-10]% de cessions internes.24 Les principaux concurrents de Sofiprotéol sur ce marché sont les groupes Cargill et ADM, dont la part de marché peut être estimée à [10-20]%, et Bunge, dont la part de marché serait d'environ [5-10]% selon les parties.
34. Malgré l'existence d'un marché amont affecté (marché des tourteaux) qui pourrait être de dimension plus large que nationale, l'impact sur la concurrence de la création de l'entreprise commune serait en tout état de cause limité à la France dans la mesure où lemarchés avals (marchés des aliments complets pour animaux) sont de dimension au plus nationale25 et où seule une stratégie de verrouillage des intrants peut être envisagée.26 En outre, la part de marché de Sofiprotéol sur un marché européen de la production et de la commercialisation des tourteaux est très faible puisqu'elle est inférieure à [5-10]%.
3. Marché de la production et de la commercialisation de prémix
35. La Commission européenne a identifié un marché distinct de la commercialisation des prémix, qui sont des mélanges concentrés de vitamines, d'oligo-éléments et d'additifs techniques destinés à compléter les matières premières végétales (céréales et tourteaux) dans la composition des aliments complets pour animaux.27 Selon les parties, l'Autorité de la concurrence française aurait également identifié un tel marché.28
36. Tant la Commission que l'Autorité de la concurrence française ont considéré, tout en laissant la question ouverte, que le marché des prémix est de dimension nationale.29
37. Sur le marché français des prémix, le groupe Sofiprotéol aurait une part de marché de [10-20]% dont la moitié est constituée de cessions internes.30
4.Marché de la production et de la commercialisation de pré-mélanges médicamenteux (santé animale)
38. La Commission européenne a envisagé de segmenter le marché de la santé animale entre les pré-mélanges médicamenteux, les médicaments, les produits biologiques (tels que les vaccins et les sérums), les additifs alimentaires nutritionnels et les produits d'hygiène. Des segmentations selon les espèces, les indications thérapeutiques ou les modes d'administration ont également été envisagés. La définition exacte du marché pertinent a toutefois été laissé ouverte.31 Selon les parties, l'Autorité de la concurrence française a adopté une approche similaire.32
39. La Commission a considéré qu'en général les marchés de la santé animale étaient de dimension nationale.33 Selon les parties, l'Autorité de la concurrence française a onsidéré que le marché des pré-mélanges médicamenteux était de dimension nationale.34
40. Sur le marché français des pré-mélanges médicamenteux, la part de marché de Sofiprotéol s'élève à [20-30]%, dont [50-60]% de cessions internes.
5. Marché de la production et de la commercialisation de céréales servant à l'élaboration d'aliments pour animaux
41. La Commission européenne a défini un marché distinct pour les ingrédients servant à la fabrication d'aliments pour animaux et a envisagé, tout en laissant la question ouverte, une segmentation plus fine entre les marchés des céréales et les marchés des autres ingrédients. Elle a également évoqué la possibilité d'une segmentation du marché selon le circuit de commercialisation.35 En France, l'Autorité de la concurrence a indiqué que les céréales pouvaient constituer un marché distinct au sein du marché des produits à destination de l'alimentation animale.36
42. La Commission européenne a considéré que la dimension géographique du marché des céréales servant à l'élaboration d'aliments pour animaux était européenne, tout en laissant la question ouverte.37 Selon les parties, l'Autorité de la concurrence française a considéré que ce marché était de dimension au moins nationale.38
43. Euralis est active sur le marché français de la production et de la commercialisation de céréales servant à l'élaboration d'aliments pour animaux. Selon les parties, sa part de marché en France serait de [0-5]%, dont [20-30]% de cessions internes.39
44. Malgré l'existence d'un marché amont affecté (marché des céréales servant à l'élaboration d'aliments pour animaux) qui pourrait être de dimension plus large que nationale, l'impact sur la concurrence de la création de l'entreprise commune serait en tout état de cause limité à la France dans la mesure où les marchés avals (marchés des aliments complets pour animaux) sont de dimension au plus nationale40 et où seule une stratégie de verrouillage des intrants peut être envisagée.41 En outre, la part de marché d'Euralis sur le marché de la production et de la commercialisation de céréales servant à l'élaboration d'aliments pour animaux est très faible dans la mesure où elle est inférieure à [5-10]%.
C. Appréciation
Conditions prévues à l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations
45. La Commission a déterminé s'il existe des éléments indiquant que l'opération risque d'affecter d'une manière significative la concurrence sur un ou plusieurs marchés situés à l'intérieur d'un Etat membre et présentant toutes les caractéristiques d'un marché distinct.
46. Ainsi qu'il ressort des développements précédents, l'opération implique plusieurs marchés affectés dans le Sud-ouest de la France. En particulier, les parts de marché combinées des parties sont supérieures à [10-20]% (et parfois même à [20-30]%) sur les marchés locaux pour la production et la commercialisation d'aliments complets pour animaux toutes espèces confondues, les marchés locaux pour la production et la commercialisation d'aliments pour (i) volailles, (ii) ruminants, (iii) porcs et (iv) lapins, ainsi que sur le marché local de la production et commercialisation de canards gras (voir paragraphes 19 et 23 ci-dessus).
47. Au vu de ce qui précède, et conformément aux points 16 à 18 de la Communication sur les renvois,42 l'opération risque d'affecter d'une manière significative la concurrence sur un ou plusieurs marchés en France de dimension locale ou nationale. L'opération n'a pas d'impact significatif sur d'autres marchés dans l'Union européenne. En outre, les marchés concernés présentent toutes les caractéristiques d’un marché distinct. Les critères de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations sont donc remplis.
Facteurs additionnels
48. Le renvoi est également justifié en raison de l'expérience de l'Autorité de la concurrence française dans l'analyse des secteurs en cause, ce qui la rend particulièrement bien placée pour examiner l'impact de l'opération envisagée.43
49. De plus, la Commission a déjà renvoyé des affaires similaires aux autorités nationales de concurrence par le passé.44
VI. RENVOI
50. Sur la base des informations fournies par les parties dans leur mémoire motivé, la Commission considère que les conditions du renvoi, telles que prévues à l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations, sont réunies dans le cas présent, dans la mesure où la concentration risque d'affecter de manière significative la oncurrence sur un ou plusieurs marchés à l'intérieur d'un Etat membre qui présentent toutes les caractéristiques d'un marché distinct.
51. La Communication sur les renvois (point 17) indique que: "les parties requérantes sont essentiellement tenues de démontrer que l’opération risque d’affecter la concurrence sur un marché distinct d’un État membre, effet qui peut être significatif, et qui doit par conséquent être examiné en profondeur" et que "ces indications peuvent très bien n’être que préliminaires". La Commission considère, sur la base des informations fournies dans le mémoire motivé, que l'impact principal de l'opération sur la concurrence aura lieu sur des marchés distincts en France, et que la demande de renvoi est cohérente avec le point 20 de la communication précitée. En particulier, le renvoi demandé préservera le principe du "guichet unique", dans la mesure où cette affaire sera renvoyée à une seule autorité de concurrence, ce qui constitue un facteur important d'efficacité administrative.
VII.CONCLUSION
52. Pour les raisons exposées ci-dessus, et étant donné que l'Autorité de la concurrence française a marqué son accord, la Commission a décidé de renvoyer l'affaire dans sa totalité à l'Autorité de la concurrence française. La décision est adoptée sur le fondement de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations.
1 JO L 24 du 29.1.2004, p. 1 («le règlement sur les concentrations»). Applicable à compter du 1er décembre 2009, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne («TFUE») a introduit divers changements, parmi lesquels le remplacement des termes «Communauté» par «Union» et «marché commun» par «marché intérieur». Les termes du TFUE seront utilisés dans cette décision.
2 Une exception est prévue pour deux sociétés dites "donneurs d'ordre filières", Euralis Céréales et Fipso, qui auront le choix de procéder elles-mêmes à ces achats ou d'en confier tout ou partie à l'entreprise commune.
3 Chiffre d’affaires calculé conformément à l’article 5 du règlement sur les concentrations.
4 L'entreprise commune aura une activité marginale sur le marché de la production et de la commercialisation d'aliments simples pour animaux qui représentera moins de [0-5]% de ses ventes en valeur et en volume. Les parties estiment que la part de marché de l'entreprise commune sera inférieure à [5-10]% quelle que soit la dimension géographique du marché retenue (nationale ou européenne).
5 Les sociétés mères sont simultanément présentes sur (i) le marché de la production et de la commercialisation auprès de l'industrie agro-alimentaire de produits élaborés à base de viande de volaille, (ii) le marché de la production et de la commercialisation auprès de la restauration hors domicile et des grossistes ("RHD") de produits élaborés à base de viande de volaille, (iii) le marché de la production et de la commercialisation auprès des grandes et moyennes surfaces et des magasins de proximité ("GMS") de produits élaborés à base de viande de volaille, (iv) le marché de la production et de la commercialisation auprès de la RHD de produits élaborés à base de viande de porc, et (v) le marché de la production et de la commercialisation auprès des GMS de produits élaborés à base de viande de porc. Ces marchés ne présentent toutefois aucun lien direct avec les activités de l'entreprise commune et une stratégie de coordination des sociétés mères est donc hautement improbable (voir article 2.4 du règlement sur les concentrations).
6 Décision COMP/M.6468 – Forfarmers/Hendrix, Décision COMP/M.673 – Forfarmers/Agricola.
7 Voir notamment Décision n°10-DCC-119 du 17 septembre 2010 relative à la création d'une entreprise commune de plein exercice, Fermiers du Sud-Ouest, par les sociétés Maïsadour et Terrena
8 Décision COMP/M.6468 – Forfarmers/Hendrix, Décision COMP/M.673 – Forfarmers/Agricola.
9 Voir notamment Décision n°10-DCC-107 du 9 septembre 2010 relative à l'apport partiel d'actifs de CAM 56 à Coopagri Bretagne, et à la fusion entre Coopagri Bretagne et Union Eolys.
10 Décision IV/M.1313 – Danish Crown/Vestjyske. Voir notamment Décision n°10-DCC-122 du 17 septembre 2010 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Gastronome Condom par les sociétés Euralis Coop, SCA Vivadour, Terrena et Maïsadour.
11 Voir notamment Décision n°10-DCC-122, précitée.
12 Voir notamment Décision n°10-DCC-107, précitée.
13 Euralis n'est pas active dans le secteur des huiles de graines.
14 Décision COMP/M.3039 – Soprol/Cereol-Lesieur; Voir notamment Décision n°10-DCC-35 du 21 avril 2010 relative à la prise de contrôle de la société SAIPOL par le groupe SOFIPROTEOL.
15 Décision COMP/M.3039 – Soprol/Cereol-Lesieur.
16 Voir notamment Décision n°10-DCC-35, précitée.
17Les parties ne sont pas en mesure de fournir une estimation par type de graines.
18 Les parties ne sont pas en mesure de fournir une estimation par type de graines.
19 Voir en ce sens Décision COMP/M.6379 – Saint-Gobain/Brossette.
20 Une stratégie de verrouillage des clients est hautement improbable compte tenu des faibles besoins de l'entreprise commune qui, selon les informations des parties, aura besoin d'environ […] tonnes d'huiles de graines par an soit [0-5]% de la consommation d'huiles végétales en Europe et [0-5]% de la consommation d'huiles végétales en France.
21 Voir notamment Décision COMP/M.3039 – Soprol/Cereol-Lesieur; Voir notamment Décision n°10-DCC-35, précitée.
22Voir notamment Décision COMP/M.3039 – Soprol/Cereol-Lesieur; Voir notamment Décision n°10-DCC-35, précitée.
23 Voir notamment Décision n°12-DCC-103 du 30 juillet 2012 relative à la création d'une entreprise commune regroupant les activités de production et de commercialisation d'alimentation animale d'InVivo, Euréa et Ucal dans le centre de la France.
24 Euralis a une activité très marginale de négoce de tourteaux qu'elle ne commercialise qu'après de ses éleveurs ([…] tonnes en 2011). Euralis s'approvisionne auprès des producteurs […] et […].
25 Voir en ce sens Décision COMP/M.6379 – Saint-Gobain/Brossette.
26 Une stratégie de verrouillage des clients est hautement improbable compte tenu des faibles besoins de l'entreprise commune qui, selon les informations des parties, aura besoin d'environ […] tonnes de tourteaux, soit une très faible part de la production européenne qui s'élevait à […] tonnes en 2010.
27 Décision COMP/M.3177 – BASF/Glon Sanders/JV.
28 Voir notamment Décision n°12-DCC-103, précitée.
29 Décision COMP/M.3177 – BASF/Glon Sanders/JV. Voir notamment Décision n°09-DCC-67 du 23 novembre 2009 relative à l'acquisition de la société Arrivé par la société LDC Volailles.
30 Euralis n'est pas active sur ce marché.
31 Décision COMP/M.1681 – Akzo/Nobel/Hoechst Roussel Vet.
32 Voir notamment Décision n°09-DCC-91 du 24 décembre 2009 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Nutréa, Peigne, UCA, Couvoirs de Cléden et Univol par les groupes Coopagri Bretagne et Terrena.
33 Décision COMP/M.1681 – Akzo/Nobel/Hoechst Roussel Vet.
34 Voir notamment Décision n°09-DCC-91, précitée.
35 Décision COMP/M.5550 – BP/Dupont/JV. Décision COMP/M.673 – Forfarmers/Agricola.
36 Voir Décisions n°12-DCC-103 et 09-DCC-91 précitées.
37 écision COMP/M.5550 – BP/Dupont/JV. Décision COMP/M.673 – Forfarmers/Agricola.
38 Voir Décisions n°12-DCC-103 et 09-DCC-91 précitées.
39 Le groupe Sofiprotéol n'est pas actif sur ce marché.
40 Voir en ce sens Décision COMP/M.6379 – Saint-Gobain/Brossette.
41 Une stratégie de verrouillage des clients est hautement improbable compte tenu des faibles besoins de l'entreprise commune qui, selon les informations des parties, aura besoin d'environ […] tonnes de céréales, soit environ [0-5]% de la consommation totale de céréales servant à l'élaboration d'aliments pour animaux en France en 2011.
42 Communication de la Commission sur le renvoi des affaires en matière de concentrations, Journal officiel n°C 56 du 5 mars 2005 p. 2 – 23 ("la Communication sur les renvois").
43 Voir notamment les décisions n°10-DCC-35, n°10-DCC-107, n°10-DCC-119, n°10-DCC-122, n°12-DCC-103 précitées.
44 Voir Décision COMP/M.3534 – Cargill-BCA/ABF-Allied Grain/JV, dans laquelle la Commission a renvoyé une concentration dans le secteur agricole, notamment le secteur des aliments pour animaux et des céréales, aux autorités du Royaume-Uni alors même que certains marchés verticalement affectés étaient de dimension européenne.