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Décisions

CA Riom, 1re ch. civ., 6 octobre 2020, n° 18/02480

RIOM

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Marcelin

Conseillers :

M. Acquarone, Mme Bedos

Avocat :

TI Clermont-Ferrand, du 16 oct. 2018

16 octobre 2018

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Le 15 juillet 2015, M. Jérémy P. a fait l'acquisition auprès de M. Samuel B. d'un véhicule de marque Citroën modèle XSARA, totalisant 170'100 km, moyennant le prix de 2300 euros, tenant compte des réparations à prévoir en considération des défauts signalés à l'occasion du contrôle technique réalisé le 17 avril 2015.

Le véhicule présentant des difficultés au démarrage, et calant au moment du passage des vitesses, M. P. l'a confié au garage OPPIDUM, qui a procédé au remplacement du débitmètre et de l'alternateur, travaux facturés pour un montant de 1069,92 euros le 3 septembre 2015.

Le 5 septembre 2015, le véhicule est tombé en panne, avec un kilométrage de 170'975 km.

M. P. a obtenu, par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 8 avril 2016, l'organisation d'une mesure d'expertise, confiée à M. R., qui a déposé son rapport le 23 juillet 2016.

Par acte d'huissier délivré le 5 mars 2018, M. P. a fait assigner devant le tribunal d'instance de Clermont-Ferrand M. B., pour obtenir, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, la résolution de la vente et l'indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 16 octobre 2018, le tribunal d'instance a débouté M. P. de toutes ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Par déclaration électronique du 29 novembre 2018, M. P. a relevé appel de cette décision.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 6 février 2020.

L'affaire a été examinée par la cour selon la procédure sans audience prévue par l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu les conclusions récapitulatives en date du 19 novembre 2019 aux termes desquelles M. P. demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, de :

- Ordonner la restitution du véhicule au profit de M. B. ;

- Condamner M. B. à lui payer la somme de 2 300 euros au titre de la restitution du prix de vente du véhicule, avec intérêts à compter de l'assignation au fond en date du 5 mars 2018 ;

- Condamner M. Samuel B. à lui payer les sommes complémentaires suivantes :

- 119,50 euros au titre du coût du certificat d'immatriculation ;

- 88,30 euros pour le remplacement de la roue de secours ;

- 1019,62 euros au titre du remplacement d'alternateur ;

- 124,80 euros au titre des frais de remorquage ;

- 1958,76 euros au titre de l'assurance obligatoire du véhicule ;

- 677,37 euros au titre de la facture MIDAS ;

- 361,30 euros concernant le test des injecteurs en vue de l'expertise judiciaire ;

- Le condamner également au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Le condamner également aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions récapitulatives en date du 13 mai 2019 aux termes desquelles M. B. demande à la cour de :

- Confirmer en tous points le jugement rendu le 16 octobre 2018 ;

- Débouter M. P. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner M. P. à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. P. aux entiers dépens.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur l'existence d'un vice caché :

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui en diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

En l'espèce, il ressort des constatations de l'expert que deux causes sont possibles pour expliquer les dysfonctionnements du moteur du véhicule, 881 km après son acquisition :

- Des sautes de tension électrique qui sont la conséquence soit d'une usure hors norme de l'alternateur, soit d'une défectuosité du module de redressement et de régulation de tension intégré dans l'alternateur, étant précisé que l'alternateur a été remplacé par le garage OPPIDUM à la fin du mois d'août 2015 suivant facture du 3 septembre 2015, de sorte que la cause même de la panne de l'alternateur ne peut être précisée ;

- une défaillance du calculateur, remplacé quelques mois avant la vente du véhicule par le garage M. par un calculateur de tension, pour une raison non élucidée, qui pourrait être la même cause expliquant la défaillance du nouveau calculateur installé, ou un défaut du calculateur d'occasion posé par le garage M..

Si l'expert ne peut être catégorique sur la détermination exacte de l'origine de la panne entre les deux possibilités évoquées, il estime en revanche de manière certaine que le véhicule était affecté d'un vice de nature à affecter le fonctionnement du moteur, et qu'eu égard à la chronologie des interventions sur le véhicule, il peut être considéré que ce vice était préexistant à la vente.

Il relève également que ni M. B. ni M. P. ne pouvaient en avoir connaissance alors que le fonctionnement apparent du véhicule était normal.

Enfin, il conclut d'une part que le défaut constaté ne permet pas une utilisation normale du véhicule alors qu'une panne, susceptible d'avoir des effets dévastateurs sur les pièces internes du moteur, peut survenir à tout moment, d'autre part que le coût des travaux nécessaires à la réparation du véhicule est supérieur à sa valeur.

Il ressort de ces éléments que les conditions d'application des dispositions de l'article 1641 du code civil sont réunies. Le jugement sera en conséquence infirmé.

- Sur les conséquences :

Aux termes de l'article 1644 du code civil, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

En application des articles 1645 et 1646 du code civil, le vendeur qui connaissait les vices de la chose, est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur, tandis que le vendeur qui ignorait les vices de la chose, n'est tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente, qui s'entendent des dépenses directement liées à la conclusion du contrat.

En l'espèce, M. P. entend exercer l'action rédhibitoire. Les conditions d'application de la garantie des vices cachés étant réunies, il y lieu d'accueillir sa demande.

M. B. sera ainsi condamné à payer à M. P. la somme de 2 300 euros correspondant au prix de vente du véhicule, tandis que M. P. devra restituer le véhicule à M. B.. Le jugement, qui a rejeté ces demandes, sera infirmé.

Il n'est nullement établi par les éléments du dossier que M. B. avait connaissance du vice affectant le véhicule vendu, nonobstant le remplacement du calculateur intervenu en juillet 2014, alors que, ainsi que le souligne expert, un contrôle technique a été réalisé en avril 2015 et que M. B. a continué à utiliser son véhicule sans difficulté jusqu'au mois de juillet 2015 de sorte qu'il ne pouvait soupçonner une anomalie.

M. B. sera condamné à payer à M. P. la somme de 119,50 euros au titre du coût du certificat d'immatriculation du véhicule, qui est une dépense liée directement à la conclusion du contrat. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Les autres demandes de remboursement formulées par M. P., correspondant à des dépenses exposées pour l'entretien, le dépannage, la réparation ou la conservation du véhicule, et donc non inhérentes à la vente, doivent en revanche être rejetées. Le jugement sera confirmé sur ces points, par substitution de motifs, le premier juge ayant rejeté ces prétentions en considérant que les conditions d'application de l'article 1641 du code civil n'étaient pas réunies parce que le vice était connu de l'acquéreur.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. B. devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel ce qui exclut qu'il puisse bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait en revanche inéquitable de laisser M. P. supporter l'intégralité des frais qu'il a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts. M. B. sera condamné à lui payer la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté M. P. de ses demandes de condamnation de M. B. au paiement des sommes suivantes :

- 88,30 euros pour le remplacement de la roue de secours ;

- 1019,62 euros au titre du remplacement d'alternateur ;

- 124,80 euros au titre des frais de remorquage ;

- 1958,76 euros au titre de l'assurance obligatoire du véhicule ;

- 677,37 euros au titre de la facture MIDAS ;

- 361,30 euros concernant le test des injecteurs en vue de l'expertise judiciaire ;

Infirme pour le surplus le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

- Condamne M. Samuel B. à payer à M. Jérémy P. les sommes suivantes :

- 2300 euros au titre de la restitution du prix de vente du véhicule de marque Citroën modèle XSARA, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 5 mars 2018 ;

- 119,50 euros au titre du coût du certificat d'immatriculation ;

- Ordonne la restitution du véhicule par M. P. à M. B. ;

- Condamne M. B. à payer à M. P. la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne M. B. aux dépens de première instance et d'appel.