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Commission, 28 avril 2014, n° M.7221

COMMISSION EUROPÉENNE

Décision

BRIDGEPOINT CAPITAL/ MEDI-PARTENAIRES

Commission n° M.7221

28 avril 2014

Monsieur,

Objet : Affaire n° M.7221 – BRIDGEPOINT CAPITAL/ MEDI-PARTENAIRES

I. INTRODUCTION

 (1) Le 1er avril 2014, la Commission a reçu, au moyen d'un mémoire motivé, une demande de renvoi au titre de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations con- cernant un projet de transaction par lequel Bridgepoint SAS («Bridgepoint») acquerrait, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b) du règlement sur les concentrations le contrôle exclusif de Holding Médi-Partenaires («Médi-Partenaires»). Bridgepoint demande que l'opération soit examinée dans sa totalité par les autorités compétentes de la France.

(2) Conformément à l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations, les par- ties à l'opération peuvent, avant de la notifier formellement à la Commission, deman- der que la transaction soit renvoyée par la Commission aux États membres où la con- centration risque d'affecter la concurrence de manière significative sur des marchés qui présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts.

(3) Une copie du mémoire motivé a été envoyée à tous les États membres le 1er  avril 2014.

(4) Par courriel du 11 avril 2014, l'Autorité de la concurrence, en tant qu'autorité compé- tente de la France, a informé la Commission que la France acceptait la demande de renvoi.

II. LES PARTIES

 (5) Bridgepoint assure en France la gestion de fonds communs de placement à risques;  elle fait partie d’un ensemble de sociétés de gestion contrôlées par la société de capi- tal-investissement de droit anglais, Bridgepoint Advisors Group Limited (le «groupe Bridgepoint») qui gère des fonds pour le compte d'investisseurs tiers. Le groupe Brid- gepoint a pour activités principales l'investissement financier, la gestion de participa- tions dans le capital d'entreprises et la gestion de ces sociétés. Le groupe Bridgepoint contrôle les sociétés Médipôle Sud Santé, Diaverum et Compagnie Stéphanoise de Santé («C2S»), toutes offrant des services de diagnostics ou de soins hospitaliers.

(6) Médi-Partenaires est la société de tête du groupe Médi-Partenaires, contrôlée par LBO France. Elle détient la société Santé Partenaires qui gère des établissements de santé en France.

(7) Bridgepoint et Médi-Partenaires sont ci-après dénommés les «Parties».

III. L'OPÉRATION ET LA CONCENTRATION

 (8) L'opération notifiée («l'Opération») consiste en l'acquisition de la société Holding Médi-Partenaires et de ses filiales par Bridgepoint. Suite à l'Opération, Bridgepoint dé- tiendra le contrôle exclusif de Médi-Partenaires.

(9) L’Opération envisagée se déroulera en deux étapes. […].

(10) Les accords relatifs à ces deux étapes seront conclus simultanément et il existe une inter-conditionnalité réciproque entre elles. Ces deux opérations sont donc interdépen- dantes au sens de la Communication consolidée de la Commission européenne con- cernant le règlement sur les concentrations. Elles constituent donc une seule opération au sens du règlement sur les concentrations.

(11) Enfin, à l'issue de l'Opération […]. Ainsi, l'Opération se traduit par la prise de contrôle exclusif de Médi Partenaires par Bridgepoint.

(12) L’Opération constitue donc une concentration au sens de l’article 3, paragraphe 1,  point b), du règlement sur les concentrations.

IV. DIMENSION EUROPÉENNE

 (13) Les entreprises concernées réalisent un chiffre d'affaires mondial consolidé de plus de 5 milliards d'euros (Bridgepoint: […] d'euros; Médi-partenaires: […] d'euros). Cha- cune d'entre elles réalise un chiffre d'affaires dans l'Union Européenne de plus de 250 millions d'euros (Bridgepoint: […] d'euros; Médi-partenaires: […] d'euros) […].

(14) L'Opération est donc de dimension européenne en application de l’article 1er, para- graphe 2, du règlement sur les concentrations.

V. APPRÉCIATION

 (15) Médi-Partenaires est actif dans le domaine de l'hospitalisation privée à travers ses par- ticipations détenues dans 35 établissements de santé en France. Bridgepoint est égale- ment présent dans le domaine des soins hospitaliers en France à travers ses participa- tions dans les sociétés Médipôles Sud Santé, C2S et Diaverum.

(16) L'Opération donne ainsi lieu à des chevauchements d'activités sur le marché français de l'offre de diagnostics et de soins hospitaliers.

A. Définition des marchés horizontalement affectés

 (17)  Selon les Parties, l'Opération concerne le marché français de l'offre de diagnostics et  de soins hospitaliers dans la mesure où Bridgepoint, via les sociétés qu'elle contrôle, et Médi-Partenaires, gèrent des établissements de santé en France.2

(18) Les Parties considèrent qu'elles sont uniquement actives sur les mêmes marchés au niveau horizontal mais ne sont pas actives sur des marchés en amont ou en aval. Dès lors, l'Opération ne donnerait pas lieu à des liens verticaux.

(19) Les autorités de concurrence européenne et française ont eu l'occasion d'examiner le marché des soins hospitaliers à plusieurs reprises.

1. Marché de produit

 (20) Dans sa pratique décisionnelle, la Commission a envisagé une segmentation du marché de l'offre de diagnostics et de soins hospitaliers par type de discipline. Celles-ci correspondent aux grandes disciplines, à savoir la médecine, la chirurgie, l'obstétrique, les soins de suite et de réadaptation, etc. La Commission a par ailleurs été amené à envisager une distinction entre les établissements de santé privés et publics, quoiqu'au regard des spécificités du marché français, elle a considéré que cette distinction ne soit pas appropriée concernant ce pays.3

(21) La pratique décisionnelle des autorités françaises de concurrence a aussi envisagé une segmentation plus étroite par «catégorie majeure de diagnostic» («CMD»), selon la classification des actes établie par les Agences Régionales de Santé, avec une sous- segmentation en fonction de la présence d'un acte opératoire ou non (ci-dessous «AO» en présence d'un acte opératoire et «ANO» en l'absence d'acte opératoire). 4

(22) Néanmoins, les autorités de concurrence européenne et françaises ont laissé ouverte la question de la définition exacte du marché des offres de diagnostics et de soins hospitaliers.

(23) Conformément à la pratique décisionnelle européenne et française, les Parties considèrent en outre qu'il existe un marché pertinent de l'offre de diagnostics et de soins hospitaliers, sans segmentation particulière en fonction du statut public ou privé de l'établissement dans lequel les soins sont dispensés.

(24) La définition exacte des marchés peut toutefois rester ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse du bien-fondé de la demande de renvoi restent inchangées quelle que soit la définition retenue.

2. Marché géographique

(25) Dans leurs précédentes décisions portant sur le marché des offres de diagnostics et de soins hospitaliers, les autorités de concurrence européenne et françaises ont retenu une dimension géographique infranationale.

(26) En effet, la Commission européenne, tout en laissant ouverte la dimension géographique du marché des soins hospitaliers, a envisagé une dimension locale s'étendant à un rayon de 30 minutes de trajet en voiture autour de l'établissement considéré.

(27) De même la pratique décisionnelle française envisage une segmentation géographique locale, de dimension régionale ou départementale, pour le marché de l'offre de diagnostics et de soins hospitaliers mais laisse toutefois ouverte la définition géographique exacte du marché ouverte.

(28) En l'espèce, les Parties considèrent que le marché de l'offre de diagnostics et de soins hospitaliers est de dimension régionale.

(29) En tout état de cause, la définition infranationale exacte des marchés peut rester ou- verte dans la mesure où les conclusions de l'analyse du bien-fondé de la demande de renvoi restent inchangées quelle que soit la définition retenue.

B. Appréciation

(30) Selon le mémoire motivé, Bridgepoint et le groupe Médi-Partenaire sont simultané- ment actives sur le secteur de l'offre de diagnostics et de soins hospitaliers dans sept régions en France,5 à savoir : Rhône-Alpes, Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Midi-Pyrénées, Auvergne et Ile de France.

(31) En particulier, l'Opération donne lieu à des marchés affectés au sens du règlement sur les concentrations a minima dans les 3 régions suivantes : l'Aquitaine, l'Auvergne, le Languedoc-Roussillon et dans les 3 départements suivants: la Gironde, l'Aude et le Var. D'autres marchés affectés à un niveau local (isochrone de 30 minutes) pourraient aussi exister.

(32) Étant donné que les parts de marché des Parties sont assez élevées dans certains marchés (par exemple [60-70]% dans le segment de la chirurgie en Aude avec des parts de marché encore plus élevées dans certaines segmentations), l'Opération risque d'affecter de manière significative la concurrence sur ces marchés en France.

(33) Les effets principaux de l'Opération sont limités à la France. En outre, les marchés concernés présentent toutes les caractéristiques d’un marché distinct.

VI. RENVOI

 (34) Sur la base des informations fournies par les Parties dans leur mémoire motivé, la Commission considère que les conditions de renvoi, telles que prévues à l'article 4, paragraphe 4 du règlement sur les concentrations, sont réunies dans le cas présent, dans  la mesure où l'Opération risque d'affecter de manière significative la concurrence sur un ou plusieurs marchés à l'intérieur d'un Etat membre et qui présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts.

(35) La communication sur le renvoi des affaires en matière de concentration6 (paragraphe 17) indique que: «les parties requérantes sont essentiellement tenues de démontrer  que l’opération risque d’affecter la concurrence sur un marché distinct d’un État membre, effet qui peut être significatif, et qui doit par conséquent être examiné en pro- fondeur» et que «ces indications peuvent très bien n’être que préliminaires».

(36) Sur le fondement des renseignements fournis par les parties dans leur mémoire motivé, la Commission estime que le principal impact de l'opération sur la concurrence est susceptible d'avoir lieu sur des marchés distincts en France.

(37) La Commission estime par ailleurs que la demande de renvoi est cohérente avec le paragraphe 20 de la communication précitée qui dispose que «les concentrations de dimension communautaire susceptibles d'affecter la concurrence sur les marchés nationaux ou infranationaux et dont les effets se feraient ressentir ou auraient leur effet économique principal dans un seul État membre sont celles qui se prêteraient le mieux à un renvoi à cet État membre, en particulier dans les cas où ces effets se produiraient sur un marché distinct qui ne constitue pas une partie substantielle du [marché intérieur]. Si le renvoi est limité à un seul État membre, l'avantage du guichet unique est également préservé.» Le renvoi demandé préservera le principe du «guichet unique», dans la mesure où cette affaire sera renvoyée à une seule autorité de concurrence ce  qui constitue un facteur important d'efficacité administrative.

(38) L'Autorité de la concurrence, qui a déjà analysé les marchés concernés en détail, est l'autorité la mieux placée pour examiner cette opération.

VII. CONCLUSION

 (39) Pour les raisons exposées ci-dessus et étant donné que la France a exprimé son accord, la Commission a décidé de renvoyer l'affaire à la France dans sa totalité. Cette décision est adoptée en application de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les con- centrations.

 1. JO L24, 29.1.2004, p.1 («le règlement sur les concentrations»). Applicable à compter du   1er décembre 2009, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne («TFUE») a introduit divers changements, parmi  lesquels  le  remplacement  des  termes  «Communauté» par  «Union» et  «marché  commun» par «marché  intérieur». Les termes du TFUE seront utilisés dans cette décision.

2. Bridgepoint indique en plus que l'Opération concerne aussi des séances de dialyse qui sont également pratiquées dans certains établissements du groupe Médi-Partenaires, de Médipôle Sud Santé et de Diaverum. De même, Bridgepoint relève que les Parties ont une activité très mineure d’hospitalisation à domicile.

3. Décisions de la Commission européenne n° M.5805 – 3i/Vedici Group du 21 mai 2010, paragraphes 9– 13 ; M.4788 – Rozier/BHS du 21 août 2007, paragraphes 8–10 ; M. 4367 – APW/APSA/Nordic Capi- tal/Capio du 16 mars 2007, paragraphes 8–15 ; M.4229 – APHL/L&R/Netcare/General Healthcare Group du 25 juillet 2006, paragraphes 11–16.

4. Décisions de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-164 du 21 novembre 2013, paragraphes 9–19 ; n° 11-DCC-57 du 4 avril 2011, paragraphes 5–14; n° 09-DCC-68 du 25 novembre 2009, paragraphes 6–8 ; lettres du Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie n° C2008-115 du 5 décembre 2008, pages 2–4

5. Les Parties sont présentes dans 12 régions en France. Toutefois, leurs activités ne se chevauchent pas dans toutes ces régions.

6. JO C56, 5.3.2005, p. 2.