Commission, 22 octobre 2015
COMMISSION EUROPÉENNE
Décision
KONINKLIJKE AHOLD/DELHAIZE GROUP
Madame, Monsieur,
Objet: Affaire M.7702 – Koninklijke Ahold / Delhaize Group Décision de la Commission suite au mémoire motivé présenté conformément à l’article 4, paragraphe 4 du règlement n° 139/20041 relatif à un renvoi de l'affaire à la Belgique et à l'article 57 de l'accord sur l'Espace économique européen2
I. INTRODUCTION
1. Le 18 Septembre 2015, la Commission a reçu, au moyen d'un mémoire motivé, une demande de renvoi au titre de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations concernant un projet de transaction mentionné en objet. Les parties demandent que l'opération soit examinée dans sa totalité par l'autorité de concurrence de la Belgique.
2. Conformément à l’article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations, avant de notifier officiellement une opération de concentration à la Commission, les parties peuvent demander que la Commission procède au renvoi partiel ou total de l'affaire aux Etats membre où la concentration risque d’affecter la concurrence de manière significative sur des marchés qui présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts.
3. Une copie de ce mémoire motivé a été envoyée à tous les Etats membres le 18 Septembre 2015.
4. Par courrier électronique du 9 octobre 2015, le Vice-Premier ministre et ministre de l'Emploi, de l'Economie et des Consommateurs, chargé du Commerce extérieur, en tant qu'autorité compétente de la Belgique, a informé la Commission que la Belgique acceptait la demande de renvoi.
II. LES PARTIES
5. Koninklijke Ahold N.V. (‘Ahold’) est la société mère d'un groupe international de commerce de détail actif en Europe et aux Etats-Unis. Ahold est une société cotée à la bourse d'Amsterdam. Au sein de l'Espace Economique Européen, Ahold est principalement actif aux Pays-Bas, en Belgique, en République tchèque, en Allemagne et (par le biais d'une entreprise commune) au Portugal. Ahold exploite des supermarchés, des magasins de vins et de spiritueux, et des drogueries. Il est également actif dans la distribution de produits alimentaires et non-alimentaires en ligne. Ahold exploite approximativement 3 200 magasins (en tant que propriétaire ou sous forme de franchises) et compte environ 227 000 employés.
6. Delhaize Group NV/SA (‘Delhaize’) est la société mère d'un groupe international de commerce au détail actif en Europe, en Indonésie (par le biais d'une entreprise commune) et aux Etats-Unis. Delhaize est une société cotée à la bourse de Bruxelles et au NYSE. Au sein de l'Espace Economique Européen, Delhaize est actif en Belgique, en Grèce, au Luxembourg et en Roumanie. Le groupe Delhaize exploite différentes formes de commerces de détails, y compris des supermarchés, des commerces de proximités et des magasins spécialisés. Dans sa globalité, Delhaize exploite approximativement 3 410 magasins (en tant que propriétaire ou sous forme de franchises) et compte environ 150 000 employés.
III. L’OPÉRATION ET LA CONCENTRATION
7. L'opération en question concerne le regroupement des activités des Parties au moyen d'une fusion transfrontalière par laquelle Delhaize sera fusionnée avec Ahold selon les termes et modalités établis par le contrat de fusion signée le 24 Juin 2015 par les Parties.
8. À la suite de la fusion, Delhaize cessera d'exister en tant qu'entité légale, et Ahold subsistera en tant que seule entité légale sous le nom d'Ahold Delhaize. Les actionnaires de Delhaize recevront 4,75 nouvelles actions ordinaires du groupe Ahold pour chaque action ordinaire du groupe Delhaize en leur possession. Au terme de la transaction, les actionnaires d'Ahold seront en possession d'approximativement 61% du capital de la nouvelle société et les (anciens) actionnaires de Delhaize d'approximativement 39 %.
9. Le présent projet de concentration constitue ainsi une fusion au sens de l'article 3, paragraphe 1, point a) du règlement sur les concentrations.
IV. DIMENSION EUROPEENNE
10. Les deux entreprises concernées ont un chiffre d'affaires annuel combiné de plus de 5 000 millions d'euros3 (Delhaize: 21 361 millions d'euros en 2014; Ahold: 32 774 millions d'euros en 2014). Chacune d'entre elles réalise un chiffre d'affaires au sein de l'Union Européenne supérieur à 250 millions d'euros (Delhaize: […] millions d'euros; Ahold: […] millions d'euros). […]. La concentration notifiée a donc une dimension européenne au sens de l'article 1(2) du règlement sur les concentrations.
V. APPRECIATION
A. Marchés de produits pertinents
a) Le marché de la distribution au détail de biens de consommation courante à dominante alimentaire
11. Par le passé, la Commission a défini, au sein du segment de commerce de détail, un marché de produits distinct pour la vente de biens de consommation courante à dominante alimentaire principalement effectuée par des points de ventes de détail, tels que les hypermarchés, les supermarchés et les chaînes de magasins à prix réduits (dits 'canaux de distribution modernes' 4 ). Ces points de vente au détail offrent aux consommateurs un panier de produits alimentaires et ménagers non-alimentaires frais ou secs vendus dans un environnement de grande surface.
12. La Commission a considéré que les détaillants actifs au sein des canaux de distribution modernes opèrent dans un marché distinct de celui des autres détaillants, tels que les commerces spécialisés (bouchers, boulangers, etc.) et les stations-services, qui ont par conséquent été exclus des marchés de produits pertinents dans les décisions précédentes. 5 Ces autres détaillants remplissent une fonction spécialisée ou de commodité et offrent une gamme de produits plus restreinte6, ce qui les fait appartenir à un marché de produits différents.
13. La Commission a généralement laissé ouverte sa décision en ce qui concerne la question de savoir si de plus petits magasins en libre-service ayant l'apparence de supermarchés, tels que les commerces de proximités et les superettes, appartiennent au marché de produits pertinent. Les Parties considèrent pour leur part que le marché de produits pertinent devrait au moins inclure tous les commerces de proximités et les superettes ayant une surface de vente de plus de 400 mètres carrés.
14. La Commission a précédemment exclu les magasins cash & carry du marché pertinent7 de commerce alimentaire de détail, qui n'entreraient pas en concurrence avec les circuits modernes de distribution8.
b) Marché de l'approvisionnement de biens de consommation courante à dominante alimentaire
15. La Commission a défini dans des décisions précédentes un marché distinct pour l'approvisionnement en biens de consommation courante à dominante alimentaire, comprenant la vente en gros de biens de consommation courante par leurs producteurs aux grossistes, détaillants et autres entreprises.
16. Par le passé, la Commission a également examiné si le marché de l'approvisionnement en biens de consommation courante devrait être davantage segmenté suivant des groupes ou catégories spécifiques de produits tels que pain, gâteaux et pâtisseries; produits journaliers; boissons non-alcoolisées; boissons chaudes, etc. La raison principale de considérer une délimitation plus poussée par catégorie de produits du marché de l'approvisionnement est l'existence, du point de vue des fournisseurs, d'une substituabilité limitée de l'offre entre catégories de produits. En particulier, les producteurs fournissent typiquement un seul et unique produit ou catégorie de produits, et leur capacité à basculer vers des produits alternatifs reste limitée9. Dans ce contexte, la Commission a précédemment considéré une segmentation du marché de l'approvisionnement pour les biens de consommation courante en plusieurs catégories de produits10.
B. Marchés géographiques pertinents
a) Le marché de la distribution au détail de biens de consommation courante à dominante alimentaire
17. La portée géographique du marché de vente au détail de biens de consommation courante à dominante alimentaire a généralement été considérée par la Commission comme locale, étant définie par les limites d'une zone de chalandise dans laquelle les consommateurs peuvent facilement accéder aux points de ventes. A cette fin, la Commission a pris en compte un rayon de 10 à 30 minutes en voiture en fonction de la densité de population11.
18. Les Parties ont fourni des informations sur la base de la définition du marché la plus étroite plausible: une zone de chalandise autour de chacun de leurs magasins reflétant 80% des ventes de ce magasin spécifique. Ces isochrones correspondent en moyenne à des rayons d'environ […] minutes en voiture et sont donc globalement consistants avec les définitions précédentes de la Commission.
b) Marché de l'approvisionnement de biens de consommation courante à dominante alimentaire
19. La Commission a défini la portée géographique du marché de l'approvisionnement de biens de consommation courante à dominante alimentaire come nationale, plutôt que régionale (c'est-à-dire englobant plusieurs pays), ou européenne 12 . Les raisons principales sont que les préférences du consommateur sont liées aux produits nationaux et que les fournisseurs négocient généralement au niveau national13.
C. Appréciation
a) La transaction peut affecter la concurrence en Belgique de manière significative
20. Les Parties soumettent que la transaction créera des chevauchements d'activité horizontaux sur le marché de la distribution au détail de produits de consommation courante à dominante alimentaire et sur celui de l'approvisionnement en biens de consommation courante à dominante alimentaire. En ce qui concerne l'EEE, ces chevauchements d'activités se situent exclusivement sur le territoire de la Belgique
21. La part de marché combinée sur le marché de la distribution au détail de produits de consommation courante à dominante alimentaire dépassera [30-40]% dans […] zones géographiques locales (avec un incrément d'au moins 5%) autour des magasins des Parties en Belgique. De plus, dans […] zones géographiques locales la part de marché combinée des Parties dépassera [50-60]%. Toutes ces zones de chalandises sont comprises dans le territoire de la Belgique.
22. En ce qui concerne le marché de l'approvisionnement en biens de consommation courante à dominante alimentaire, la part de marché de Delhaize au sein des différents segments est approximativement comprise entre [10-20]% et [20-30]% en Belgique. La part de marché d’Ahold, cependant, reste bien en-dessous de [0-5]% en Belgique pour chaque catégorie de produit à l'exception de la catégorie "autres produits alimentaires habituellement trouvés en supermarchés", où sa part de marché est de [0-5]%. Ainsi, […] segments du marché belge d'approvisionnement sont techniquement affectés, bien que les parts de marché combinées ne dépassent pas [20-30]%.
b) Les marchés en question présentent toutes les caractéristiques d'un marché distinct
23. Dans sa pratique décisionnelle, la Commission a déjà conclu que les marchés (i) de l'approvisionnement en biens de consommation courante à dominance alimentaire et (ii) de la distribution au détail de produits de consommation courante étaient des marchés distincts.
VI. RENVOI
24. Sur la base des informations fournies par les parties dans leur mémoire motivé, la Commission considère que les conditions de renvoi, telles que prévues à l’article 4 paragraphe 4 du règlement sur les concentrations, sont réunies dans le cas présent, dans la mesure où la concentration risque d’affecter de manière significative la concurrence sur un ou plusieurs marchés à l’intérieur d’un État membre et qui présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts.
25. La communication sur le renvoi des affaires en matière de concentration 14 (paragraphe 17) indique que: «les parties requérantes sont essentiellement tenues de démontrer que l’opération risque d’affecter la concurrence sur un marché distinct d’un État membre, effet qui peut être significatif, et qui doit par conséquent être examiné en profondeur" et que "ces indications peuvent très bien n’être que préliminaires».
26. Sur le fondement des renseignements fournis par les parties dans leur mémoire motivé, la Commission estime que le principal impact de l'opération sur la concurrence est susceptible d'avoir lieu sur des marchés distincts en Belgique. Elle estime par ailleurs que la demande de renvoi est cohérente avec le paragraphe 20 de la communication précitée.
VII. CONCLUSION
27. Pour les raisons exposées ci-dessus et étant donné que la Belgique a exprimé son accord, la Commission a décidé de renvoyer l'affaire à la Belgique dans sa totalité. Cette décision est adoptée en application de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations et de l'article 57 de l'accord EEE.
1 JO L24, 29.1.2004, p. 1 («le règlement sur les concentrations»). Applicable à compter du 1er décembre 2009, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne («TFUE») a introduit divers changements, parmi lesquels le remplacement des termes «Communauté» par «Union» et «marché commun» par «marché intérieur». Les termes du TFUE seront utilisés dans cette décision.
2 JO L 1 du 3.1.1994, p. 3 (l'«accord EEE»).
3 Chiffre d'affaire calculé en accord avec l'article 5 du règlement sur les concentrations.
4 M.7224 – Koninklijke Ahold/Spar CZ, para. 9; M.5112 – Rewe/Plus Discount, para. 15; M.4590 – Rewe/Delvita, para. 9-14; M.2604 – ICA Ahold/Dansk Supermarked, para. 10, 11; M.4686 – Louis Delhaize/Magyar Hipermarket Kft., para. 8; M.3905 – TESCO/Carrefour, para. 10; M.5047 – REWE/Adeg, para. 24.
5 M.784 – Kesko/Tuko, para. 18-20, M.1221 Rewe/Meinl, para. 10, M.5790 – Lidl/Plus Romania/Plus Bulgaria, para. 11-13.
6 M.3464 –Kesko/Ica/JV, para. 12.
7 M.784 – Kesko/Tuko para. 24ff;. M.1221 – Rewe/Meinl, para.15, 16.
8 Les Parties ont fait valoir dans leur mémoire motivé que les magasins cash & carry sont en concurrence avec les circuits modernes de distribution étant donné qu'ils ont une gamme de produits et d'équipements qui leur permet de soutenir pleinement la concurrence avec les supermarchés et hypermarchés. En tout état de cause, aucune décision définitive n'a besoin d'être prise à cet égard étant donné que les Parties ont fourni des données sur les parts de marché sur la base d'un marché de détail de bien de consommation courante qui exclurait les magasins cash & carry et que l'analyse concurrentielle ne s'en trouverait pas substantiellement modifiée.
9 M.5112 – Rewe/Plus Discount, para. 21; M.4590 – Rewe/Delvita, para 15; M.784 – Kesko/Tuko, para 33; et M.1221 – Rewe/Meinl, para. 75-77.
10 (a) Viande et saucisse; (b) Volaille et œufs; (c) Pain et pâtisserie; (d) Produits laitiers; (e) Fruits frais et légumes; (f) Bière; (g) Vin et alcool; (h) Boissons sans alcool; (i) Boissons chaudes; (j) Confiserie; (k) Produits alimentaires de base (l) Fruits en conserve; (m) Surgelés; (n) Aliments pour bébés;
11 o) Aliments pour animaux; (p) Soin du corps (par exemple crèmes, lotions) et cosmétique (maquillage et parfums); (q) Détergents et agents nettoyants; (r) Autres produits de drugstore; et (s) Autres produits non- alimentaires d'habitude trouvés dans des supermarchés (par exemple journaux, magazines, divertissement). Voir M.7336 Carrefour/Dia
12 M.6506 – Groupe Auchan/Magyar Hipermarket, para. 13; M.6822 – Groupe Auchan/Real/Real Hypermarket Romania, para. 11; M.5790 – Lidl/Plus Romania/Plus Bulgaria, para. 14; M.5176 – CVC/Schuitema.
13 Voir le plus récent cas: M.7224 – Koninklijke Ahold/Spar CZ, para.12. Se référer aussi au cas M.5112 6 Rewe/Plus Discount, para. 22-23. M.6588 – Koninklijke Ahold/Valk Holding, para. 18; M.1221 – Rewe/Meinl; et M.3464 – Kesko/ICA/JV
14 JO C56, 5.3.2005, p. 2.