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Décisions

Commission, 28 novembre 2016, n° M.8158

COMMISSION EUROPÉENNE

Décision

METRO/COLRUYT FRANCE

Commission n° M.8158

28 novembre 2016

Madame, Monsieur,

Objet:  Affaire M.8158 – METRO / COLRUYT FRANCE

Décision de la Commission suite au mémoire motivé présenté conformément à l’article 4, paragraphe 4 du règlement n° 139/20041 relatif à un renvoi partiel de l'affaire à la France et de l'article 57 de l'accord sur l'Espace économique européen2

 I. INTRODUCTION

 1.   Le 9 novembre 2016, la Commission a reçu, au moyen d'un mémoire motivé, une demande de renvoi partiel au titre de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations concernant  le  projet  de  transaction  mentionné  en  objet.  Les  Parties  demandent que l'opération soit examinée en ce qui concerne les marchés français par l'Autorité de la Concurrence.

2.   Conformément à l’article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations, avant de notifier officiellement une opération de concentration à la Commission, les Parties peuvent demander que la Commission procède au renvoi partiel ou total de l'affaire aux Etats membres où la concentration risque d’affecter la concurrence de manière significative sur  des marchés qui présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts.

3.   Une copie de ce mémoire motivé a été envoyée à tous les Etats membres le 9 Novembre 2016.

4.   Par e-mail du 16 novembre 2016 l'Autorité de la Concurrence en tant qu'autorité compétente de la France, a informé la Commission que la France acceptait la demande de renvoi.

II. LES PARTIES

 5. Metro est principalement actif en Europe dans le commence en gros et en détail de produits alimentaires, non alimentaires et électroniques.

6.  Colruyt France est actif dans la vente en gros de biens de consommation courante destinés aux consommateurs professionnels. Il se concentre sur les activités de prestation de services alimentaires, fournissant des produits et boissons à température ambiante, réfrigérés et congelés.

III. L’OPÉRATION ET LA CONCENTRATION

 7.  La transaction consiste dans l'acquisition du contrôle exclusif par Metro de Colruyt France par l'achat de toutes ses actions.

IV. DIMENSION EUROPEENNE

 8.  La transaction notifiée a donc une dimension européenne au sens de l'article 1, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations. Metro va acquérir le contrôle exclusif de Colruyt France par l'achat de toutes ses actions.

V. APPRECIATION

 A.  Marchés pertinents

 a)   Le marché de l'achat de biens de consommation courante

 9.  Dans des décisions antérieures concernant le marché amont pour l'achat de biens de consommation courante, la Commission a considéré que le marché devrait être segmenté selon 23 groupes de produits, chacun constituant un marché de produits différent.3 Les précédents de la Commission et de l'Autorité de la Concurrence sont similaires à cet égard. 

b)  Le marché de la vente en gros de biens de consommation courante

 10.  Tant Metro (par le biais de sa filiale MCC FR) que […]6 sont actifs en France dans la vente en gros de biens de consommation courante.

11.  Dans une décision antérieure 7 concernant le marché de la vente en gros de biens de consommation courante, la Commission Européenne a considéré les segmentations suivantes pour le marché de la vente en gros de biens de consommation courante, tout en laissant ouverte la définition exacte du marché de produits:

1)  Segmentation par mode de fourniture

12. La Commission a dans le passé considéré que le marché de la vente en gros de biens de consommation courante pourrait être segmenté selon les différents modes de fournitures.8  Les consommateurs de gros utilisent différents circuits d'approvisionnement pour obtenir leurs produits, qui peuvent être considérés comme des marchés différents: i) la distribution  en gros, ii) le cash & carry, iii) les contrats de distribution et v) l'approvisionnement direct  des fabricants.

13. Les Parties estiment que cette distinction n'est pas appropriée vu que des études9 montrent qu'un pourcentage élevé de grossistes français utilisent plusieurs modes de fourniture, ce qui indique que le marché pertinent comprend tous les différents circuits d'approvisionnement.

2)  Segmentation par la taille des clients

14. La Commission a aussi considéré une distinction entre clients nationaux (avec un certain nombre de points de vente) et clients indépendants/locaux (clients détachés avec un plus petit nombre de points de vente). La raison est que les clients nationaux peuvent centraliser leurs fonctions d'approvisionnement et passer des commandes avec un seul fournisseur pour tous leurs points de vente.10

15. Les Parties estiment que cette segmentation n'est pas appropriée en argumentant que les clients français, y compris les clients nationaux, préfèrent ne pas concentrer leurs achats sur un seul fournisseur mais sur plusieurs fournisseurs.

3)  Segmentation entre fournisseurs généraux et spécialisés

16. Dans des cas précédents, la Commission a estimé une segmentation potentielle entre les fournisseurs généraux (offrant une vaste gamme de produits aux clients) et spécialisés (n'offrant que certaines catégories de produits).11

17.  Les parties estiment que cette segmentation n'est pas appropriée dans la mesure où en général les clients français s'approvisionnent par différents fournisseurs ayant des portefeuilles différents afin de recevoir le meilleur rapport qualité / prix.

4)  Segmentation par type de client

18.  La Commission a aussi considéré dans des cas précédents une segmentation par type de client, par exemple i) grossistes en général et ii) hôtels, restaurants et cafés ("HoReCa").12

19. Ces définitions de marché peuvent être laissées ouvertes dans la mesure où elles n'affectent pas l'analyse concurrentielle.

B. Marché géographique pertinent

 a)  Le marché de la vente en gros de biens de consommation courante

 20. Les Parties estiment que le marché est national. La Commission a antérieurement considéré que le marché géographique de la vente en gros de biens de consommation courante était de dimension nationale13, bien qu'elle ait laissé la définition exacte ouverte, analysant aussi le marché sur une base locale.14

21.  Aux fins de cette transaction, la question de savoir si la portée du marché géographique peut être laissée ouverte et la transaction sera évaluée sur les marchés géographiques les plus étroits, c'est-à-dire au niveau national et local.

b)  Le marché de l'approvisionnement de biens de consommation courante

 22. La Commission a précédemment considéré que le marché géographique de l'approvisionnement de biens de consommation courante a une portée nationale.15

23.  Aux fins de cette transaction, la portée exacte du marché géographique sera considérée étant nationale.

C. Evaluation de l'admissibilité du renvoi

 a)  La transaction pourrait affecter de manière significative la concurrence en France

 24. La transaction entraîne:

-  Un chevauchement horizontal pour les activités des Parties sur le marché français de la vente en gros de biens de consommation courante; et

-  Des liens verticaux sur le marché national pour l'approvisionnement de biens de consommation courante.

25.  En ce qui concerne la vente en gros de biens de consommation courante, dans les sous- segmentations potentielles considérées par la Commission dans des affaires antérieures, la part combinée des Parties est d'environ [20%-30%] dans le département de Seine-et-Marne  et d'environ [20%-30%] dans le Tarn-et-Garonne sur un segment potentiel de l'approvisionnement alimentaire pour les clients HoReCa indépendants et d'environ [20%-30%] dans le département de Tarn-et-Garonne sur un segment potentiel pour la livraison en gros de par les fournisseurs généraux aux clients indépendants.

26. Par ailleurs, en ce qui concerne le segment Cash&Carry, les activités des Parties ne se chevauchent pas, toutefois la part de marché de Metro est d'environ [60%-70%] dans chaque catégorie de produits. Cette position de marché importante pourrait donner lieu à des effets congloméraux qui auraient un impact concurrentiel significatif en France.

27. En ce qui concerne le marché pour l'approvisionnement en biens de consommation courante, les Parties font valoir que la part de marché combinée sera inférieure à [10%-20%] dans toute segmentation potentielle. Toutefois, Metro a conclu deux accords avec Auchan  concernant l'achat de produits de marque propre et certains produits de marque A et Auchan a simultanément conclu un accord en matière d'achat avec Système U. Ces accords cumulés pourraient avoir un effet concurrentiel significatif en France.

b)   Les marchés en cause présentent toutes les caractéristiques d'un marché distinct tel qu'expliqué aux paragraphes 19 et 20 de la communication sur les renvois

 28. La Commission a déjà constaté dans les décisions précédentes que les marchés pour (i)  l'achat de biens de consommation courante et (ii) la distribution au détail de biens de consommation courante étaient distincts.16

29. En outre, Colruyt France n'est significativement actif qu'en France.17 Hors de France, aucun marché n'est affecté. Compte tenu de ce qui précède, les effets de l'opération proposée seraient limités à la France.

c)   Facteurs additionnels

 30.  L'Autorité française de Concurrence a une large expérience dans le domaine, comme en témoignent ses nombreuses décisions passées.18

31.  Lors des derniers quatre années, au moins quatre affaires concernant le secteur de la distribution ont été renvoyées aux autorités nationales de concurrence.19 La Commission a également récemment renvoyé une affaire dans le même secteur à l'Autorité française de Concurrence.20

32.  L'expérience de l'Autorité française de Concurrence en ce qui concerne l'industrie de la distribution alimentaire et le secteur du commerce en détail est également un facteur en faveur d'un renvoi à la France.21

VI. RENVOI

 33.  Sur la base des informations fournies par les parties dans leur mémoire motivé, la Commission  considère  que  les  conditions  de  renvoi,  telles  que  prévues  à  l’article 4 paragraphe 4 du règlement sur les concentrations, sont réunies dans le cas présent, dans la mesure où la concentration risque d’affecter de manière significative la concurrence sur un  ou plusieurs marchés à l’intérieur d’un État membre et qui présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts.

34.  La communication sur le renvoi des affaires en matière de concentration22 (paragraphe 17) indique que: «les parties requérantes sont essentiellement tenues de démontrer que l’opération risque d’affecter la concurrence sur un marché distinct d’un État membre, effet qui peut être significatif, et qui doit par conséquent être examiné en profondeur" et que "ces indications peuvent très bien n’être que préliminaires».

35. Sur le fondement des renseignements fournis par les parties dans leur mémoire motivé, la Commission estime que le principal impact de l'opération sur la concurrence est susceptible d'avoir lieu sur des marchés distincts en France. Elle estime par ailleurs que la demande de renvoi est cohérente avec le paragraphe 20 de la communication précitée.

VII. CONCLUSION

 36.  Pour les raisons exposées ci-dessus et étant donné que la France a exprimé son accord, la Commission a décidé de renvoyer l'affaire à la France. Cette décision est adoptée en application de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations et de l'article 57 de l'accord EEE.

 

1 M.7336 – Carrefour France/ Dia France, para. 20.

2 M.7336 – Carrefour France/ Dia France et décision n°13-DCC-90 relative à l'acquisition du contrôle exclusif de Monoprix par Casino Guichard-Perrachon, 11 juillet 2013 et n°14-DCC-173 à l'acquisition du contrôle exclusif de Dia France SAS par Carrefour France SAS, of 21 novembre 2014.

3  Les groupes de produits relatifs à la transaction notifiée sont (a) viande et volaille; (b) volaille et œufs; (c) pain et viennoiseries; (d) produits laitiers; (e) fruits frais et légumes; (f) boissons; (g) aliments de base; (h) aliments en conserve; (i) aliments congelés.

4  Should read "Colruyt France / Pro à Pro"

5  M.7986 – Sysco/Brakes

6  M.7986 – Sysco/Brakes, para.14.

Form CO, Annexe 6.1.1 (b

7 M.7986 – Sysco/Brakes, para.16.

8 M.7986 – Sysco/Brakes, para.19.

9 M.7986 – Sysco/Brakes, para.13.

10  M.2161 – Ahold/Superdiplo, para.22.

11M.7709 – Bright Food Group/Invermik, para.31

12 M.4293 – Nordic Capital Fund VI/ICA Meny, para.15; M.2161 – Ahold/Superdiplo, para.22.

13 M.7336 – Carrefour France/ Dia France, para. 25; M. 6488 –  Carrefour/Guyenne et Gascogne, para. 30.

14 Colruyt France réalise également un chiffre d'affaire non-significatif en Belgique, en Allemagne, en Espagne,  au Luxembourg, en Roumaine et au Royaume-Uni avec un maximum de […] euros en Belgique.

15  Décisions mentionnées  n°14-DCC-173 et n°13-DCC-90.

16 M.7466 – Dia / Supermercados de Eroski,; M.7347 – Dia / Grupo El Arbol;  M.7345  –  Carrefour / 53  magasins de Billa en Italie; M.7224 – Koninklijke Ahold / Spar CZ; M.3898 – Dia / Penny  Market.

17 M.7651 – Bain Capital/DavigelGroup.

18 M.7336 – Carrefour France/ Dia France :"Ces marchés ont déjà fait l'objet de nombreuses décisions de l'Autorité de la concurrence, depuis l'instauration de seuils spécifiques pour l’application du droit interne du contrôle des concentrations (plus de 300 décisions). L'Autorité de la concurrence dispose donc des instruments et d’une expertise significative pour l’examen des opérations de concentrations dans le secteur du commerce de détail. Ainsi l'Autorité de la concurrence est bien placée pour examiner les marchés en cause. Enfin, le renvoi  demandé préservera le principe du "guichet unique", dans la mesure où cette affaire sera renvoyée dans sa totalité à une seule autorité de concurrence."

 19 JO C56, 5.3.2005, p. 2.