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Commission, 21 août 2018, n° M.9068

COMMISSION EUROPÉENNE

Décision

TAX FREE/GLOBAL BLUE/JV

Commission n° M.9068

21 août 2018

 Objet: Affaire M.9068 – PREMIER TAX FREE / GLOBAL BLUE / JV

Décision de la Commission suite au mémoire motivé présenté conformément à l’article 4, paragraphe 4 du règlement n° 139/20041 relatif à un renvoi de l'affaire à la France et de l'article 57 de l'accord sur l'Espace économique européen2

 1.INTRODUCTION

 (1)   Le 23.07.2018, la Commission a reçu, au moyen d'un mémoire motivé, une demande de renvoi au titre de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations concernant un projet de transaction mentionné en objet. Les  Parties demandent que l'opération soit examinée dans sa totalité par l'autorité compétente de France.

(2)   Conformément à l’article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations, avant de notifier officiellement une opération de concentration à la Commission, les Parties peuvent demander que la Commission procède au renvoi partiel ou  total  de  l'affaire  aux  Etats  membre  où  la  concentration  risque  d’affecter la concurrence de manière significative sur des marchés qui présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts.

(3) Une copie de ce mémoire motivé a été envoyée à tous les Etats membres le 23.07.2018.

(4) Par télécopie du 31.07.2018, l'Autorité de la concurrence ("ADLC"), en tant qu'autorité compétente de France, a informé la Commission que la France acceptait la demande de renvoi.

2. LES PARTIES

 (5)  Premier Tax Free SAS (ci-après, "Premier Tax Free"), filiale de la société d'investissement française Eurazeo, est principalement active dans les services de remboursement de la TVA et au sein de 34 pays dans le monde. Par ailleurs, Premier Tax Free fournit des services destinés aux terminaux de paiement.

(6)  Global Blue France (ci-après, "Global Blue"), filiale du groupe d'investissement Silver Lake, est principalement active dans les services de remboursement de la TVA, en particulier en ce qui concerne les services de remboursement de détaxe, et au sein de 41 pays dans le monde. Global Blue fournit également des services destinés aux terminaux de paiement ainsi que des services marketing et d'analyse de données pour des commerçants.

(7)   Premier Tax Free et Global Blue sont ci-après dénommés "les Parties".

3. L’OPÉRATION ET LA CONCENTRATION

 (8) Les Parties envisagent de créer une entreprise commune, ci-après "l'entreprise commune", dédiée aux activités de remboursement de la TVA en agence, exclusivement au sein des aéroports Paris-Orly et Paris-Charles de Gaulle.

(9) L'opération consiste en la création d'une entreprise commune de plein exercice au sens de l'article 3, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations dans la mesure où elle accomplira de manière durable, à savoir pour au moins huit ans, toutes les fonctions d'une entité économique autonome.

4. DIMENSION EUROPEENNE

 (10)  En 2017, les entreprises concernées ont réalisé un chiffre d'affaires mondial consolidé de plus de 5 milliards d'euros. Chacune d'entre elles a réalisé un chiffre d'affaires dans l'Union européenne de plus de 250 millions d'euros. Aucune des entreprises concernées ne réalise plus de deux tiers de son chiffre d'affaires dans l'Union européenne au sein d'un seul et même État membre.

(11)   L'opération notifiée a donc une dimension européenne au sens de l'article 1, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations.

5. APPRECIATION

 A.  Marchés de services pertinents

 (12) En ce qui concerne la détermination des marchés de produits pertinents, dans sa pratique décisionnelle, la Commission a jusqu'à présent considéré, sans trancher quant à la définition exacte, les marchés (i) des services de remboursement de la TVA en agence3  et (ii) des services liés au remboursement de la TVA4.

(13)  En l'espèce, la Commission constate que l'entreprise commune serait active, en aval, sur le marché des services de remboursement de la TVA en agence, alors que les Parties sont actives, en amont, sur le marché des services liés au remboursement de la TVA.

B. Marchés géographiques pertinents

 (14)  En ce qui concerne la détermination des marchés géographiques pertinents, dans sa pratique décisionnelle, la Commission a jusqu'à présent considéré, sans  trancher quant à la définition exacte, que le marché des services de remboursement de la TVA en agence est de dimension locale (comme une ville  ou un aéroport) en fonction de l'emplacement spécifique des agences en question5, et que le marché des services liés au remboursement de la TVA est de dimension nationale, notamment à cause des spécificités nationales des régimes de la TVA et de la barrière de la langue6.

(15)  En l'espèce, dans le cadre de l'opération notifiée, la Commission constate que l'entreprise commune serait exclusivement active sur le marché aval des services de remboursement de la TVA en agence au sein des aéroports de Paris-Orly et Paris-Charles de Gaulle et que la dimension géographique pertinente pour le marché amont des services liés au remboursement de la TVA pour lequel un lien vertical existe est la France.

C. Appréciation

 Position des Parties

 (16)  La Commission prend acte que les Parties demandent le renvoi de la totalité de l'affaire à l'ADLC pour les raisons suivantes.

(17)  Premièrement, l'entreprise commune n'ayant vocation à être active que dans les deux aéroports parisiens Paris-Orly et Paris-Charles de Gaulle via l'exploitation  de huit boutiques de remboursement de la TVA, et les Parties étant actives sur le marché des services liés au remboursement de la TVA défini au niveau national, l'opération envisagée n'est susceptible d'avoir un impact que sur le seul territoire français.

(18) Deuxièmement, conformément au point 18 de la Communication de la Commission sur le renvoi des affaires en matière de concentrations7, le critère du marché distinct est rempli lorsque « le ou les marchés géographiques sur lesquels la concurrence est affectée par l'opération […] sont nationaux ou  infranationaux». Ce critère est rempli en l'espèce.

(19)  De plus, l'existence de "marchés affectés" au sens du formulaire RS est généralement suffisante pour remplir les conditions de l'article 4, paragraphe 4. Selon les Parties, les critères de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations seraient donc remplis.

Appréciation de la Commission

 (20) Conformément au paragraphe 16 de la Communication sur le renvoi des affaires en matière de concentration, pour que la Commission renvoie une affaire à un ou plusieurs États membres en vertu de l'article 4, paragraphe 4, deux conditions doivent être remplies:

i)  il faut qu'il y ait des éléments indiquant que la concentration risque d'affecter d'une manière significative la concurrence sur un ou plusieurs marchés,

ii) le ou les marchés en cause doivent être situés à l'intérieur d'un État membre et présenter toutes les caractéristiques d'un marché distinct.

(21)  Sur la base des informations soumises à la Commission, la Commission estime que l'opération risque d'affecter la concurrence sur l'éventuel marché des services de remboursement de la TVA en agence et sur celui des services liées au remboursement de la TVA, du fait de ses potentiels effets verticaux entre les activités des Parties et celles de l'entreprise commune et horizontaux entre les activités des Parties8. La Commission considère que ces marchés, respectivement locaux et nationaux, peuvent en l'espèce être considérés comme des marchés distincts, et que la concurrence sur ces marchés risque d'être affectée de manière significative par la création de l'entreprise commune.

(22)   En particulier, l'entreprise commune est susceptible de détenir une part de marché autour de [90-100]% en volume sur le marché aval des services de  remboursement de la TVA en agence au sein des aéroports Paris-Orly et Paris- Charles de Gaulle. Par ailleurs, les Parties sont, suivant la segmentation du  marché de produit envisagée par les Parties, les deux premiers opérateurs actifs sur le marché des services liés au remboursement de la TVA en France sur lequel elles détiennent entre [70-80]% et [90-100]% de parts de marché en valeur.

(23) Enfin, l'ADLC dispose d'une expérience récente dans l'analyse concurrentielle des différents marchés de services fournis en zone aéroportuaire et des spécificités liées à leurs modes d'attribution et d'exploitation9.

(24)  Ainsi, les critères de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations sont remplis.

6.  RENVOI

 (25)  Sur la base des informations fournies par les Parties dans leur mémoire motivé, la Commission considère que les conditions de renvoi, telles que prévues à l’article  4 paragraphe 4 du règlement sur les concentrations, sont réunies dans le cas présent, dans la mesure où la concentration risque d’affecter de manière significative la concurrence sur un ou plusieurs marchés à l’intérieur d’un État membre et qui présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts.

(26)  La Communication sur le renvoi des affaires en matière de concentration indique, au paragraphe 17, que : « les parties requérantes sont essentiellement tenues de démontrer que l’opération risque d’affecter la concurrence sur un marché  distinct d’un État membre, effet qui peut être significatif, et qui doit par conséquent être examiné en profondeur » et que « ces indications peuvent très bien n’être que préliminaires ». Le paragraphe 18 de la Communication précitée indique que les parties requérantes doivent montrer que le ou les marchés géographiques sur lesquels la concurrence est affectée sont nationaux ou infranationaux.

(27)  Sur le fondement des renseignements fournis par les Parties dans leur mémoire motivé, la Commission estime que le principal impact de l'opération sur la concurrence est susceptible d'avoir lieu sur des marchés distincts en France, où la concentration pourrait potentiellement avoir un impact significatif. Elle estime par ailleurs que la demande de renvoi est cohérente avec les paragraphes 20 et 23 de  la Communication précitée.

(28) Par conséquent l'autorité française paraît la mieux placée d'enquêter sur le dossier.

7. CONCLUSION

 (29) Pour les raisons exposées ci-dessus et étant donné que la France a exprimé son accord, la Commission a décidé de renvoyer l'affaire à l'ADLC dans sa totalité. Cette décision est adoptée en application de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations et de l'article 57 de l'accord EEE.

 

1  JO L24, 29.1.2004, p. 1 (le «règlement sur les concentrations»). Applicable à compter du 1er décembre 2009, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne («TFUE») a introduit divers changements, parmi lesquels le remplacement des termes «Communauté» par «Union» et «marché commun» par «marché  intérieur». Les termes du TFUE seront utilisés dans cette décision.

2  JO L 1 du 3.1.1994, p. 3 (l'«accord EEE»).

3 COMP/M.3762 – APAX/TRAVELEX, paragraphes 14, 15 et 17.

4  COMP/M.3762 – APAX/TRAVELEX, paragraphes 10 et 11. Les Parties envisagent également une segmentation du marché amont des services liés au remboursement de la TVA en fonction du type de clients, mais considèrent que la délimitation exacte du marché des services liés au remboursement de la TVA peut être laissée ouverte.

5  COMP/M.3762 – APAX/TRAVELEX, paragraphes 16 et 18.

6 COMP/M.3762 – APAX/TRAVELEX, paragraphe 12.

7  JO C56, 5.3.2005, p. 2.

8   Sur le marché amont des services liés au remboursement de la TVA, les Parties sont actives au niveau mondial. Néanmoins, compte tenu des caractéristiques et du périmètre de l'Opération, la Commission considère que la création de l'entreprise commune, uniquement active en France, est insusceptible d'affecter la concurrence dans d'autres Etats membres.

9 Voir notamment la décision de l'ADLC n° 18-DCC-75 du 17 mai 2018 relative à la création d'une entreprise commune par la société Manuloc SA et la société G3S SAS dans le secteur de l'assistance au sol aéroportuaire; ou la décision n° 16-DCC-88 du 22 juin 2016 relative à la prise de contrôle exclusif par la Société de Distribution Aéroportuaire de huit points de vente sous une enseigne Fnac situés dans les aéroports de Paris-Charles de Gaulle et Paris-Orly dans le secteur du commerce de détail.