Livv
Décisions

Commission, 30 mai 2016, n° M.7997

COMMISSION EUROPÉENNE

Décision

STEINHOFF INTERNATIONAL / DARTY

Commission n° M.7997

30 mai 2016

Madame, Monsieur,

Objet: Affaire M.7997 – STEINHOFF INTERNATIONAL / DARTY

Décision de la Commission suite au mémoire motivé présenté conformément à l’article 4, paragraphe 4 du règlement n° 139/20041 relatif à un renvoi de l'affaire à la France et de l'article 57 de l'accord sur l'Espace économique européen2

 I. INTRODUCTION

 1. Le 19 avril 2016 la Commission a reçu, au moyen d'un mémoire motivé, une demande de renvoi au titre de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations concernant un projet de transaction mentionné en objet. Les parties demandent que l'opération soit examinée dans sa totalité par les autorités compétentes de la France

2.  Conformément à l’article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations, avant de notifier officiellement une opération de concentration à la Commission, les parties peuvent demander que la Commission procède au renvoi partiel ou total de l'affaire aux Etats membre où la concentration risque d’affecter la concurrence de manière significative sur des marchés qui présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts.

3. Une  copie  de  ce  mémoire  motivé  a  été  envoyée  à  tous  les  Etats  membres           le 19 avril 2016.

4.  La date limite de réponse de l'Autorité de la concurrence française (AdlC), autorité compétente, était fixée au 13 mai 2016. Aucune réponse n'a été reçue de l'Autorité de la concurrence française dans les délais fixés. Conformément  aux  dispositions  de  l'article 4(4) 2ème paragraphe du règlement sur les concentrations, l'Autorité de la concurrence française est réputée avoir accepté cette demande de renvoi.

II.  LES PARTIES

 5.  Steinhoff International (“Steinhoff”, Afrique du Sud) est active dans un certain  nombre de pays d'Europe en tant que détaillant, proposant à travers différentes marques une large gamme de produits, incluant (i) meubles, décoration d'intérieur et articles ménagers,  (ii)  appareils  électriques  et  électronique  grand  public,  (iii)   habillement,

(iv) cosmétiques, (v) mobilier de jardin et accessoires, (vi) téléphonie cellulaire. En outre, elle produit et vend des meubles au niveau du commerce de gros. Elle est cotée aux bourses de Francfort et Johannesburg.

6.  En France, Steinhoff International est principalement active à travers Conforama Investissements SNC (“Conforama”, France), et dans une moindre mesure à travers MacDan (“MacDan”, France). Conforama est un détaillant en (i) meubles, articles ménagers et décoration d'intérieur ainsi qu'en (ii) appareils électriques et électronique grand public, essentiellement en France. MacDan est un détaillant en vêtements, chaussures et articles ménagers actif exclusivement en France.

7.  L'entreprise cible Darty plc. (“Darty”) est un détaillant ayant des activités en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Elle vend des appareils électriques ainsi que de l'électronique grand public. De manière très limitée, elle vend aussi certains meubles et articles de décoration d'intérieur, à savoir du mobilier de cuisine et une quantité limitée de mobilier lié à la télévision. Steinhoff et Darty sont collectivement désignées ci-après comme      les “Parties”.

III. L’OPÉRATION ET LA CONCENTRATION

 8.   La transaction en question ("la Transaction") concerne l'acquisition par Conforama de toutes les actions et du contrôle exclusif de Darty au moyen d'une offre publique d'achat. Le 18 mars 2016, Conforama a publiquement annoncé son intention d'acquérir – indirectement – toutes les actions et le contrôle exclusif de Darty au moyen d'une offre publique d'achat. Cette  offre  est  soumise  au  City  Code  on  Takeovers  and  Mergers (le “UK  Takeover  Code”).   L'offre   est   assortie   d'une   date   d'échéance   fixée   au 30 septembre 2016. Elle expirera donc si à cette date les conditions, qui comprennent toutes les autorisations requises de la part des autorités de concurrence, ne sont pas satisfaites, sauf prorogation de la date d'échéance par les Parties.

9. L'Opération constitue donc une concentration au sens de  l'article  3,  paragraphe  1, point b), du règlement sur les concentrations.

IV. DIMENSION EUROPEENNE

 10.  Cette transaction a une dimension européenne au sens de l'Article 1(2) du Règlement  sur les concentrations dans la mesure où les entreprises concernées présentent un chiffre d'affaires cumulé mondial supérieur à 5 000 million d'euros (Steinhoff: 9800 millions d'euros en 2015, Darty: 3500 millions d'euros en 2015). Chacune d'elles réalise un chiffre d'affaires au sein de l'Union Européenne excédant 250 millions d'euros (Steinhoff: […] millions d'euros en 2015, Darty 3500 millions d'euros en 2015). Alors que Darty réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires effectué dans l'Union européenne en France, ce n'est pas le cas pour Steinhoff.

11. L'Opération est donc de dimension européenne en application  de  l'article  1,  paragraphe 2, du règlement sur les concentrations.

V.APPRECIATION

 12.  Sur la base des informations fournies par Steinhoff, l'opération conduit à des chevauchements d'activités horizontaux sur i) le marché de la vente au détail d'appareils électriques et d'électronique grand public en France et ii) le marché de l'approvisionnement en appareils électriques et électronique grand public en France.3

A. Marché de la vente au détail d'appareils électriques et d'électronique grand public

 13.   Concernant la définition du marché de produits, la Commission a distingué et/ou envisagé plusieurs types de segmentations potentielles pour ce marché en fonction (i) du type d'appareil électrique (produits blancs tels que réfrigérateurs et machines à laver / produits bruns tels qu'équipements de télévision et de vidéo / produits gris tels qu'ordinateurs et téléphones portables); (ii) de la taille et du type de magasin; (iii) du canal de  distribution (grands    magasins,    magasins    spécialisés, détaillants en alimentation) et (iv) de la question de savoir si les ventes en ligne et les ventes dans un point de vente physique appartiennent ou non au même marché pertinent4.

14. La définition exacte des marchés peut toutefois rester ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse du bien-fondé de la demande de renvoi restent inchangées quelle que soit la définition retenue.

15. La Commission a jusqu'à présent généralement considéré que les marchés de vente au détail de produits non alimentaires (incluant l'électronique grand public et les appareils électriques) sont nationaux, avec une possible composante régionale ou locale. Les activités de vente au détail en ligne sont généralement considérées comme étant de dimension nationale.5

16. Les Parties considèrent que le marché géographique est susceptible d'avoir évolué et serait de dimension nationale pour tous les marchés potentiellement pertinents de vente au détail dans cette affaire. Elles font valoir que les opérateurs fixent leur prix et prennent leurs décisions stratégiques à une échelle nationale et que les gestionnaires locaux n'ont qu'une possibilité limitée d'accorder des rabais. Elles soutiennent de plus que la possibilité pour les clients d'acheter des biens sur internet, y compris des  appareils électriques et de l'électronique grand public, a unifié la concurrence au niveau national.

17. La question de la délimitation géographique précise (nationale ou plus étroite) du marché de la vente au détail d'appareils électriques et d'électronique grand public peut toutefois rester ouverte, l'analyse ne s'en trouvant pas substantiellement modifiée.

B. Marché de l'approvisionnement en appareils électriques et électroniques grand public en France

 18.  En ce qui concerne l'approvisionnement en appareils électriques et électronique grand public, les Parties font valoir que le marché pertinent pour les appareils électriques et l'électronique grand public achetés aux fins de revente au détail ne devrait pas être davantage sous-segmenté. La définition exacte des marchés peut toutefois rester ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse du bien-fondé de la demande de renvoi restent inchangées quelle que soit la définition retenue.

19. En ce qui concerne sa dimension géographique, en accord avec la pratique décisionnelle de la Commission, les Parties soumettent que le marché géographique est au moins national, voire européen.6

20. La question de la délimitation géographique précise (nationale ou plus étroite) du marché de la vente au détail d'appareils électriques et d'électronique grand public peut toutefois rester ouverte, l'analyse ne s'en trouvant pas substantiellement modifiée.

C. Appréciation

 21. Concernant le marché de détail pour les appareils électriques et l'électronique grand public, Darty exploite 288 magasins en France, tandis que Conforama en exploite 204.  Il y a entre 196 et 265 zones de chalandise locales où il existe un chevauchement entre Darty et Conforama.

22.  D'après les Parties, la transaction projetée affecterait certains marchés de vente au détail an France pour tous les appareils électriques ([20-30]% de parts de marché combinées en prenant en compte vente en ligne et en points de vente physique), pour les produits blancs ([20-30]%); pour les produits gris ([20-30]%) et pour les produits bruns ([20-30]%).

23. Des marchés seraient également affectés si l'examen concurrentiel était effectué à un niveau local ou régional. Même si les parts de marché au niveau local n'ont pas été communiquées par les Parties, compte tenu qu'il existe des marchés affectés au niveau national, il ne saurait être exclu qu'il existe des marchés locaux où la part de marché serait supérieure à 20%. Il n'est pas toutefois nécessaire de conclure sur cette question.

24. En ce qui concerne l'approvisionnement en appareils électriques et électronique grand public, les Parties estiment que leurs parts de marché combinées sont de [20-30]% au total et pour les produits gris et bruns et de [20-30]% pour les produits gris. Si les marchés étaient définis sur une base plus large que nationale, ils ne seraient pas affectés.

VI. RENVOI

 25. Sur la base des informations fournies par les Parties dans leur mémoire motivé, la Commission considère que les conditions de renvoi, telles que prévues à l’article 4 paragraphe 4 du règlement sur les concentrations, sont réunies dans le cas présent, dans la mesure où la concentration risque d’affecter de manière significative la concurrence sur un ou plusieurs marchés à l’intérieur d’un État membre et qui présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts.

26. La communication sur le renvoi des affaires en  matière  de  concentration  7  (paragraphe 17) indique que: «les parties requérantes sont essentiellement tenues de démontrer que l’opération risque d’affecter la concurrence sur un marché distinct d’un État membre, effet qui peut être significatif, et qui doit par conséquent être examiné en profondeur" et que "ces indications peuvent très bien n’être que préliminaires».

27. Sur le fondement des renseignements fournis par les Parties dans leur mémoire motivé, la Commission estime que le principal impact de l'opération sur la concurrence est susceptible d'avoir lieu sur des marchés distincts en France. Elle estime par ailleurs que la demande de renvoi est cohérente avec le paragraphe 20 de la communication précitée.

VII. CONCLUSION

 28. Pour les raisons exposées ci-dessus et étant donné que la France n'a pas exprimé son désaccord, la Commission a décidé de renvoyer partiellement à la France en ce qui concerne les marchés distincts en France. Cette décision est adoptée en application de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations et de l'article 57  de l'accord EEE.

29.  Ce renvoi concerne seulement les marchés en France. La Commission conserve sa compétence pour tous les marchés à l'extérieur du territoire français.

 

1 JO L24, 29.1.2004, p. 1 (le «règlement sur les concentrations»). Applicable à compter du 1er décembre 2009, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne («TFUE») a introduit divers changements, parmi  lesquels  le  remplacement  des  termes  «Communauté»  par  «Union»  et  «marché  commun» par «marché intérieur». Les termes du TFUE seront utilisés dans cette décision.

2  JO L 1 du 3.1.1994, p. 3 (l'«accord EEE»).

3   Les activités des Parties se chevauchent également sur le marché du détail de meubles, décoration d'intérieur et articles ménagers mais ces marchés ne sont pas affectés

3  Décisions de la Commission du 18 juin 1998 dans l'affaire IV/M.1188 – Kingfisher / Weger / ProMarkt, para 10; 21 août 1998 dans l'affaire IV/M.1248 – Kingfisher / BUT, para 8; 29 juin 2006 dans l'affaire COMP/M.4226 – DSGI / Fotovista, paras 9 et 13; 30 novembre 2006 dans l'affaire COMP/M.4392 – DSGI / FR Invest / F-Group JV, paras 9 et 12; 23 juin 2011 dans l'affaire COMP/M.6226 – Media-Saturn / Redcoon, para 9; 16 février 2010 dans l'affaire COMP/M.5721 – Otto / Primondo Assets, para 17

4  Décisions de la Commission du 23 juin 2011 dans l'affaire COMP/M.6226 – Media-Saturn / Redcoon, para 20; 16  février  2010  dans  l'affaire  COMP/M.5721  –  Otto  /  Primondo  Assets,  paras  32  et  33; 30 novembre 2006 dans l'affaire COMP/M.4392 – DSGI / FR Invest / F-Group JV, para 18; 29 juin 2006 et affaire COMP/M.4226 – DSGI / Fotovista, para 18; 13 décembre 2002 dans l'affaire COMP/M.2898 – Leroy Merlin / Brico, para 19; 17 décembre 1998 dans l'affaire IV/M.1333 – Kingfisher /  Castorama,  para 14; 21 août 1998 dans l'affaire IV/M.1248 – Kingfisher / BUT, para 10; 18 juin 1998 dans l'affaire IV/M.1188 – Kingfisher / Weger / ProMarkt, para 11

5  Affaire M.1333, Kingfisher/Castorama, para. 12

6  JO C56, 5.3.2005, p. 2