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Décisions

Commission, 25 juillet 2014, n° M.7253

COMMISSION EUROPÉENNE

Décision

GROUPE LAGARDERE/ SNCF PARTICIPATIONS/ JV

Commission n° M.7253

25 juillet 2014

Madame, Monsieur,

Objet:  Affaire M.7253 – Lagardère Services/ SNCF Participations/ JV

Décision de la Commission en application de l’article 6(1)(a) du règlement (CE) no. 139/2004 du Conseil1

 1.  Le 19 juin 2014, la Commission européenne a reçu notification, conformément à l’article 4 du règlement sur les concentrations, d’un projet de concentration par lequel l'entreprise Lagardère Services (« Lagardère Services », France), contrôlée par le Groupe Lagardère, et l'entreprise SNCF Participations (« SNCF-P », France), contrôlée par le Groupe SNCF (France), acquièrent le contrôle conjoint d'une entreprise  commune (la « Société Commune ») par achat d'actions dans une société nouvellement créée.

2.  Après avoir examiné la notification, la Commission est arrivée à la conclusion que l’opération notifiée ne constitue pas une concentration au sens de l'article 3 du règlement sur les concentrations et qu'elle ne relève donc pas du règlement sur les concentrations.

1. LES PARTIES

 3.   Lagardère Services est une filiale du Groupe Lagardère qui est présente dans (i) la vente au détail de produits divers, notamment dans les aéroports, les gares, les stations de métro et les hôpitaux, (ii) la distribution de la presse et (iii) le commerce de proximité. Lagardère Services exploite plus de 4 000 points de vente à travers le  monde. Le Groupe Lagardère est en outre présent notamment dans la publication et la distribution de livres et de revues, ainsi que dans les services de télévision et multimédia.

4.   Relay est une filiale à 100% de Lagardère Services qui exploite un réseau d’environ  850 points de vente notamment dans les gares, les aéroports, les stations de métro et les hôpitaux en France. Relay gère ses boutiques sous différentes enseignes, en particulier l’enseigne « Relay », qui propose à la vente une gamme de produits destinés au voyageur et notamment des journaux, des magazines, des livres, des produits de service et de dépannage, des cadeaux souvenirs, des boissons, de la confiserie et d’autres produits alimentaires et de restauration.

5.   SNCF-P est une société de droit français détenue à 99,99% par l’EPIC3 SNCF, créé le 1er janvier 1983 par la loi no. 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs. SNCF-P a une activité de holding et contrôle directement ou indirectement la grande majorité des filiales et participations spécifiques à chaque branche d’activité de la SNCF. L’activité de gestion des 3 000 gares françaises est gérée au sein de la branche Gares & Connexions (« G&C »), l’une des cinq branches  d’activité de la SNCF. Le Groupe SNCF est présent notamment dans les activités de transport ferroviaire.

6.   La Société Commune aura pour objet l'exploitation d'un réseau de 307 points de vente de produits « Tabac/Presse/Jeux/Timbres » et de produits « Autres activités » (snacks, boissons, souvenirs, cadeaux, etc.), situés dans les gares en France. Selon les Parties, la vente de produits « Tabac/Presse/Jeux/Timbres » représentera environ [60-80]% du chiffre d'affaires total de la Société Commune pendant la première année d'activité de la Société Commune. Cette proportion diminuera graduellement pour atteindre [40-60]% au cours de la dixième année de la Société Commune.

2. DIMENSION UE

7.   Les entreprises concernées réalisent un chiffre d'affaires mondial consolidé de plus de 5 milliards d’euros (Groupe Lagardère : 7 216 millions d'euros, SNCF : 32 232.1 millions d'euros).4 Chacune d'entre elles réalise un chiffre d'affaires dans l'Union de plus de 250 millions  d’euros  (Groupe  Lagardère  :  […]  millions  d'euros,  SNCF  :  […]  millions d'euros), mais seulement la SNCF réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans un seul et même Etat membre de l'Union, la France.

8. L'opération notifiée a donc une dimension européenne au titre de l'article 1, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations.

3. LA SOCIÉTÉ COMMUNE

 9. L'opération consiste en la création de la Société Commune, contrôlée conjointement par Lagardère Services et SNCF-P.

10. La branche G&C de la SNCF, qui est en charge d'assurer l'exploitation et le développement des 3 000 gares françaises, a décidé en octobre 2012 de lancer une procédure de mise en concurrence afin d'attribuer l'exploitation d'un réseau de 307 points de vente de presse et autres produits. Le candidat sélectionné a alors eu la possibilité de conclure une convention d'occupation temporaire du domaine public.

11. Les candidats devaient formuler leurs offres, à la fois pour une exploitation directe et pour une exploitation par une société commune constituée entre la branche G&C de la SNCF et le candidat, cette dernière modalité constituant une option pour la SNCF.

12. Auparavant et jusqu'au 31 décembre 2013, l'exploitation du réseau de 307 points de vente en gare était opérée par Relay en vertu d'une convention d'occupation antérieure. Suite à la procédure de mise en concurrence, G&C a annoncé le 29 juillet 2013 avoir retenu l'offre de Relay et a choisi d'exercer l'option selon laquelle l'exploitation du réseau s'effectuerait au travers d'une société commune détenue conjointement par Lagardère Services et SNCF-P.

13. Dans l'attente de la création de la Société Commune, depuis le 1er janvier 2014, cette activité est exploitée par une filiale à 100% de Lagardère Services – la Société des Commerces en Gares (« SCG ») – à qui Relay a transféré la convention d'occupation temporaire du domaine public conclue le 20 décembre 2013 entre Relay et G&C.

14. Le Protocole d'accord entre SNCF-P, Relay et Lagardère Services a été signé le 17 février 2014. Ce Protocole prévoit la création de la Société Commune via la souscription de SNCF-P à une augmentation de capital de […] millions d'euros au bénéfice de la SCG.

3.1. Champ d'activité de la Société Commune

 15.  La Société Commune aura pour objet la commercialisation des produits « Tabac/Presse/Jeux/Timbres » et de la commercialisation des produits « Autres Activités » (snacks, boissons, souvenirs, cadeaux, etc.) dans 307 points de vente en gare en France. […].

16.     [Informations sur le mécanisme de commercialisation des produits au sein de la Société Commune].

17.     [Informations sur le mécanisme de commercialisation des produits au sein de la Société Commune].

18.     En France, les prix et éventuellement la présentation de l'offre des produits tels que la presse et les livres, sont fixés par les éditeurs, et ceux des jeux ou du tabac sont réglementés. De plus, les détaillants de presse n'ont pas la maîtrise de leur assortiment étant donné que celui-ci est fixé par les dépositaires qui approvisionnent les détaillants et assurent la répartition des journaux, et que les détaillants n'ont pas le choix du dépositaire auprès duquel ils se fournissent en titres de presse.

19.     [Informations sur le mécanisme de commercialisation des produits au sein de la Société Commune].

20.     [Informations sur le mécanisme de commercialisation des produits au sein de la Société Commune].

21.     [Informations relatives au capital social de la Société Commune].5

22.  À titre liminaire, la Commission note que la Société Commune dépendra très fortement de ses sociétés mères pour la conduite de ses opérations. En particulier, elle utilisera les espaces de ventes en gares mis à sa disposition par la SNCF, n'acquerra pas la majorité des       biens       vendus       dans       ses       espaces       de  vente6   (les   produits « Tabac/Presse/Jeux/Timbres » étant commercialisés directement par Relay France, qui dispose des autorisations nécessaires pour ce faire), et dépendra de Lagardère Services pour l'achat du reste des biens vendus dans ses espaces de vente en gare (les produits « Autres Activités », qui seront achetés via la centrale d'achat de Relay), pour le financement opérationnel de ses opérations, et pour le personnel de vente qui sera  fourni par Relay France.

3.2. Contrôle conjoint de la Société Commune

 23.  Conformément à la Communication juridictionnelle consolidée,7 il y a contrôle  commun lorsque deux ou plusieurs entreprises ou personnes ont la possibilité d'exercer une influence déterminante sur une autre entreprise. La Communication juridictionnelle consolidée précise en effet que « la forme la plus classique de contrôle en commun est celle où deux sociétés mères se partagent à parité les droits de vote dans l'entreprise commune ».8 En l'espèce, à l'issue de l'opération, Lagardère Services et SNCF-P disposeront de 50% du capital et des droits de vote de la Société Commune et d'une parité dans les organes de décision. [Informations sur la composition du Conseil de Direction de la Société Commune].

24.  Le Conseil de Direction sera compétent pour décider des grandes orientations suivies par la Société Commune, telles que la politique de marketing, la révision des plans financiers, l'approbation de la politique contractuelle de la Société Commune, etc.

25. [Informations sur l’adoption des décisions au sein du Conseil de Direction].

26. Le Conseil de Direction sera donc composé à parité de membres nommés par Lagardère Services et SNCF-P, et les deux sociétés mères auront chacune le pouvoir de bloquer  les décisions stratégiques proposées et seront par conséquent appelées à collaborer pour déterminer et mettre en œuvre la politique commerciale de la Société Commune. Enfin, en cas de blocage, une procédure complexe de concertation qui ne donne de voix prépondérante à aucune des deux sociétés mères est prévue par le Protocole d'accord.

27.  Il en résulte que la Société Commune sera soumise au contrôle conjoint de Lagardère Services et de SNCF-P.

3.3.Caractère de plein exercice de la Société Commune

 28.  Une entreprise commune est qualifiée de « plein exercice » lorsqu'elle dispose de ressources suffisantes pour opérer de façon indépendante et qu'elle accomplit de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome. Pour apprécier si une entreprise est de plein exercice la Commission analyse les éléments suivants :

(i)  la société commune doit disposer de ressources suffisantes pour opérer de façon indépendante sur le marché ; (ii) les activités de la société commune doivent aller au- delà d'une fonction spécifique pour les sociétés mères ; (iii) les relations de vente ou d'achat avec les sociétés mères ne peuvent pas être telles que l'entreprise commune n'est plus de plein exercice et (iv) la société commune doit fonctionner de manière durable sur le marché.9

29.  En outre, le fait qu'une entreprise commune puisse être une entreprise de plein exercice et donc, du point de vue fonctionnel, économiquement autonome, ne signifie pas qu'elle jouisse d'une autonomie en ce qui concerne l'adoption de ses décisions stratégiques. Dans le cas contraire, une entreprise contrôlée en commun ne pourrait jamais être considérée comme une entreprise commune de plein exercice. Il suffit dès lors, pour le critère de plein exercice, que l'entreprise commune soit autonome sur le plan fonctionnel.10

30.  Au cas d'espèce, la Commission considère que la Société Commune ne disposera pas d'une autonomie fonctionnelle suffisante pour être considérée comme étant de plein exercice. Les raisons menant la Commission à aboutir à cette conclusion sont développées en détail dans les sections suivantes de la présente décision.

3.3.1. Ressources suffisantes pour opérer indépendamment sur le marché

 31.  Le caractère de plein exercice signifie que l'entreprise commune doit opérer sur un marché, en y accomplissant les fonctions qui sont normalement exercées par les autres entreprises présentes sur ce marché. Pour ce faire, l'entreprise commune doit posséder un personnel d'encadrement se consacrant à ses activités quotidiennes et avoir accès à toutes les ressources nécessaires, en termes de financement, de personnel et d'actifs (corporels et incorporels), pour exercer son activité de manière durable à l'intérieur de  la zone prévue par l'accord d'entreprise commune. Le personnel ne doit pas nécessairement  être  employé  par  l'entreprise  commune  elle-même.  S'il  s'agit  d'une pratique courante dans le secteur d'intervention de l'entreprise commune, il peut suffire que les tiers prévoient la mise à disposition de personnel en vertu d'un accord opérationnel ou que le personnel soit engagé par une agence d'intérim. Le détachement de personnel par les sociétés mères peut également suffire s'il n'a lieu que dans le cadre d'une phase de démarrage ou encore si l'entreprise commune traite avec les sociétés mères de la même manière qu'avec les tiers. Cette dernière hypothèse implique que l'entreprise commune traite en toute indépendance avec les sociétés mères sur la base de conditions commerciales normales et qu'elle soit également libre de recruter ses employés ou de s'adjoindre du personnel via des tiers.11

32. Au cas d'espèce, la Commission note premièrement que les espaces de vente en gare seront mis à la disposition de la Société Commune par une de ses sociétés mères, la SNCF, au titre de la convention d'occupation temporaire du domaine public.

33. Deuxièmement, en ce qui concerne le personnel, les Parties soulignent que la Société Commune disposera lors du commencement de son activité de son propre personnel, y compris d'encadrement, et d'un Directeur Général.12

34. Il apparaît donc que la Société Commune disposera de son propre personnel d'encadrement. Toutefois, hormis un nombre limité d'animateurs de vente, il apparaît que l'ensemble du personnel d'exécution des 307 points de vente en gare ne dépendra pas de la Société Commune, mais sera mis à la disposition de celle-ci par Relay France, que ce soit pour les activités « Tabac/Presse/Jeux/Timbres » ou « Autres Activités ».

35. [Informations sur le mécanisme d’embauche du personnel de la Société Commune].13

36. [Informations sur le mécanisme d’embauche du personnel de la Société Commune].14

37.   Selon le paragraphe 94 de la Communication juridictionnelle consolidée, le  détachement de personnel par les sociétés mères ne remet pas en cause le caractère de plein exercice (i) s'il n'a lieu que dans une phase de démarrage ou encore (ii) si l'entreprise commune traite en toute indépendance avec les sociétés mères sur la base de conditions commerciales normales et est libre de recruter ses employés ou de s'adjoindre des personnels via des tiers.

38.  La Commission considère que les conditions du paragraphe 94 de la Communication juridictionnelle consolidée dans lequelles l'absence de personnel propre ne remet pas en cause le caractère de plein exercice ne sont pas remplies dans le cas d'espèce. [Informations sur la gestion du personnel de la Société Commune].

39.  En outre, en ce qui concerne le premier point du paragraphe 94 de la Communication juridictionnelle consolidée, c'est-à-dire le fait que le détachement du personnel n'ait lieu que dans une phase de démarrage, les Parties n'ont fourni aucun élément indiquant que le système mis en place par la Société Commune aura vocation à être modifié après une période initiale d'activité. [Informations sur la gestion du personnel de la Société Commune].15 [Informations sur la gestion du personnel de la Société Commune] Il apparaît donc clairement que la Société Commune n'a pas vocation à engager le personnel d'exécution nécessaire à mettre en œuvre ses activités, et ce même après une période de démarrage de ses activités.

40. En ce qui concerne le deuxième point du paragraphe 94 de la Communication juridictionnelle consolidée, il apparaît également clairement, […], que la Société Commune n'est pas libre de recruter ses propres employés ou de s'adjoindre des personnes via des tiers, à tout le moins pour la majorité de son personnel.

41. Au vu de ce qui précède, la Commission conclut dès lors que la Société Commune ne disposera pas de suffisamment de personnel pour exercer son activité de manière durable à l'intérieur de la zone prévue par l'accord d'entreprise commune.

42. Troisièmement, comme il le sera développé plus longuement dans la section 3.3.2 suivante, la stratégie commerciale et marketing de la Société Commune sera fortement limitée par le rôle des sociétés mères, et en particulier de Lagardère Services.

43. Quatrièmement, en ce qui concerne les produits « Tabac/Presse/Jeux/Timbres », qui représentent une partie importante des ventes totales ([60-80%] du chiffre d'affaires  total de la Société Commune pendant la première année), la Société Commune ne disposera pas des licences et autorisations nécessaires pour vendre ces produits elle- même, mais dépendra d'une de ses sociétés mères, Relay France, qui continuera à détenir ces licences. Bien que les Parties aient mis en place une structure commerciale  et juridique visant à accommoder le problème d'obtention des licences requises, il n'en demeure pas moins que la Société Commune restera complètement dépendante d'une de ses sociétés mères pour l'acquisition des produits représentant la majorité de ses ventes.

44. Cinquièmement, en ce qui concerne les ressources financières de la Société Commune, la Commission note que cette dernière sera dotée dès sa constitution d'un capital social de […] millions d'euros.

45.  [Informations sur les ressources financières de la Société Commune].16

46. Ces éléments d'interaction financière entre la Société Commune et l'une de ses sociétés mères indiquent clairement une dépendance de la Société Commune à l'égard du financement de ses activités, ce qui remet en cause le fait qu'elle bénéficiera réellement de ressources financières suffisantes pour opérer de façon indépendante sur le marché.

47. Au vu de ce qui précède, la Commission conclut que la Société Commune ne disposera pas de ressources suffisantes pour opérer indépendamment sur le marché.

 i.      Activités allant au-delà d'une fonction spécifique pour les sociétés  mères

 48.  Une entreprise commune n'est pas réputée être « de plein exercice » lorsqu'elle ne reprend qu'une seule fonction spécifique parmi les activités économiques de ses sociétés mères, sans disposer de son propre accès au marché ou être elle-même présente sur le marché. C'est le cas, par exemple, des entreprises communes dont le rôle se limite à la recherche et au développement ou à la production. Ces entreprises communes jouent un rôle d'auxiliaire pour les activités économiques de leurs sociétés mères. Tel est aussi le cas de l'entreprise commune dont l'activité principale est de distribuer ou de vendre les produits de ses sociétés mères, agissant, dès lors, essentiellement comme un comptoir de vente. Toutefois, le fait qu'une entreprise commune utilise le réseau de distribution ou les points de vente d'une ou de plusieurs de ses sociétés mères ne remet normalement pas en cause son caractère « de plein exercice », dès lors que les sociétés mères agissent uniquement comme intermédiaires pour son compte.17

49.  Les Parties soumettent qu'au cas d'espèce, la Société Commune aura vocation à développer sa propre stratégie d'offre, son plan commercial et marketing, sa politique  de prix et de promotion, sa politique d'optimisation des surfaces en gare et investissements associés, et ses objectifs de vente par gare et par point de vente.

50.  Toutefois, la Commission constate que l'autonomie fonctionnelle réelle de la Société Commune en matière de politique commerciale, tarifaire ou marketing est limitée de trois manières importantes.

51.  Premièrement, Relay France assumera un rôle prépondérant dans la mise en œuvre du processus de marketing et de vente de la Société Commune.

52.   En ce qui concerne les produits « Autres Activités », la Société Commune achètera tous ses produits à Relay France, via sa centrale d'achats. Ces produits deviendront ensuite la propriété de la Société Commune. Toutefois, ces produits seront stockés dans un entrepôt appartenant à Relay France18 et c'est Relay France, en tant que Commissionnaire de la Société Commune, qui effectuera la partie opérationnelle du processus marketing et de vente de ces produits. [Informations sur les clauses du contrat de commission].19 [Informations sur les clauses du contrat de commission] c'est bien Relay France qui sera responsable de l'engagement et de la rémunération du personnel de vente, devra tenir une comptabilité régulière des ventes en magasin, veiller au bon entretien des installations, du matériel des équipements et des agencements, et sera responsable du renouvellement des produits et marchandises de façon à assurer le maintien d'un niveau de stock au niveau approprié.20

53.     En ce qui concerne les produits « Tabac/Presse/Jeux/Timbres », la Société Commune n'achètera pas ces produits et ceux-ci ne deviendront pas sa propriété. Au contraire, c'est Relay France, au titre du contrat de sous-occupation passé avec la Société Commune, qui commandera, étant détenteur des licences nécessaires à cet effet, et commercialisera directement ces produits, avec ses propres moyens et son propre personnel. La Commission note que cette activité représentera la majorité des ventes de la Société Commune ([60-80]% du chiffre d'affaires total pendant la première année d'activité de la Société Commune).

54.  Deuxièmement, la Société Commune ne sera pas en mesure d'aller à l'encontre du positionnement ou de la stratégie d'enseigne de Relay, Lagardère Services ou de ses partenaires.21 [Informations sur le contenu du protocole d’accord]22. La Commission considère que cet élément est de nature à limiter fortement la capacité de la Société Commune à développer une politique commerciale et marketing propre.

55. Troisièmement, l'autonomie de la Société Commune en matière de politique commerciale, tarifaire et marketing est limitée par l'implication forte du Comité Marketing dans la définition de celles-ci. [Informations sur la nomination et le rôle du Comité Marketing]23  [Informations sur la nomination et le rôle du Comité Marketing]24

56.     […]25  [Informations sur la gouvernance de la Société Commune].26

57.  Tout ceci démontre que les sociétés mères décident également au niveau opérationnel  de la politique commerciale et marketing de la Société Commune.

58.  Ces trois contraintes mènent la Commission à conclure que, dans la présente affaire, plutôt qu'une entité autonome, la Société Commune paraît plus proche d'un comptoir de vente pour Lagardère et SNCF-P. La Commission considère dès lors que les activités de la Société Commune ne vont probablement pas au-delà d'une fonction spécifique des sociétés mères.

 ii.      Relation de vente / d'achat avec les sociétés mères

 59.  La forte présence des sociétés mères sur des marchés situés en amont ou en aval de celui sur lequel l'entreprise commune intervient est un facteur à prendre en compte afin d'apprécier si une entreprise commune est « de plein exercice », dès lors que cette présence occasionne des ventes ou des achats notables entre les sociétés mères et l'entreprise commune. Le fait que, pendant une phase de démarrage uniquement, l'entreprise commune soit presque totalement tributaire des ventes à ses sociétés mères ou des achats auprès de celles-ci ne remet normalement pas en cause son caractère « de plein exercice ». En effet, cette phase de démarrage peut être nécessaire pour implanter l'entreprise  commune  sur  un  marché  donné.  Mais  elle  ne  devra  pas, en principe, dépasser une durée de trois ans, en fonction des conditions spécifiques qui règnent sur  le marché en question.27

60.  Selon la Communication juridictionnelle consolidée, le fait que pendant une phase de démarrage uniquement, une entreprise commune soit presque totalement tributaire des ventes à sa société mère ne remet normalement pas en cause son caractère « de plein exercice ».28 En l'espèce, cette disposition ne trouve pas à s'appliquer étant donné que les biens vendus dans les 307 points de ventes en gare seront vendus à des clients finaux.

61.  Pour ce qui est des achats de l'entreprise commune auprès de ses sociétés mères, le caractère « de plein exercice » de l'entreprise commune est sujet à caution, notamment lorsque les produits ou services concernés n'acquièrent qu'une faible valeur ajoutée à son niveau. Dans ce cas, l'entreprise commune s'apparentera davantage à un comptoir  de vente commun.29

62.  En ce qui concerne, d'abord, les produits « Tabac/Presse/Jeux/Timbres », comme relevé ci-dessus (paragraphe 53), la Société Commune n'achètera même pas ces produits et ceux-ci ne deviendront pas sa propriété. Au contraire, c'est Relay France, au titre du contrat de sous-occupation passé avec la Société Commune, qui commandera ces produits.

63.  En ce qui concerne l'approvisionnement des produits « Autres activités », la Société Commune recourra à la centrale d'achat de Relay afin de bénéficier des économies d'échelle réalisables par Relay et des compétences de négociation de Relay auprès des fournisseurs. La Société Commune commandera les produits auprès de Relay et Relay assurera la vente et la logistique de ces produits.30 Tous ces produits sont d'abord  achetés par Relay et ensuite vendus à la Société Commune. Il n'y a donc, en principe, pas d'achats de la Société Commune à des fournisseurs tiers.

64.  Les Parties expliquent qu'aucune disposition n'interdit à la Société Commune de s'approvisionner auprès de fournisseurs tiers. Toutefois, elles relèvent que l’approvisionnement auprès de la centrale d’achat de Relay permet à la Société Commune de maximiser son intérêt en bénéficiant des économies d’échelles réalisables par Relay et des compétences de négociation de cette dernière auprès des fournisseurs, tout en lui évitant de supporter la charge d’une cellule d’achat en son sein. Selon les Parties, la Société Commune n’aura donc pas d’intérêt économique à s’approvisionner auprès de fournisseurs tiers de façon directe.31

65.  Les modalités de recours de la Société Commune à la centrale d'achat de Relay France sont, dès lors, de nature à créer une situation de dépendance durable de la Société Commune vis-à-vis des achats effectués auprès de Relay France.

4. CONCLUSION

 66. La Commission européenne décide, pour les raisons exposées ci-dessus, que l’opération notifiée ne constitue pas une concentration au sens de l'article 3 du règlement sur les concentrations et qu'elle ne relève donc pas du règlement sur les concentrations. La présente décision est prise sur la base de l’article 6, paragraphe 1, point a), du règlement sur les concentrations.

 

1 JO L  24  du  29.1.2004,  p. 1  («  le  règlement  sur  les  concentrations  »).  Applicable  à  compter  du  1er décembre 2009, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE ») a introduit divers

changements, parmi lesquels le remplacement des termes « Communauté » par « Union » et « marché commun » par « marché intérieur ». Les termes du TFUE seront utilisés dans cette décision.

2 Publication au Journal officiel de l’Union européenne no. C 203 du 01.07.2014, p. 5

3  Un EPIC est une entreprise publique chargée de la gestion d’une activité de service public industriel et commercial.

4   Chiffre d’affaires calculé sur l'année 2011 conformément à l’article 5(1) du règlement sur les concentrations et à la Communication juridictionnelle codifiée (OJ C 95, 16.04.2008, p. 1).

5      […].

6  Voir paragraphe 6 de la présente Décision.

7  Communication consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, JOCE 21.2.2009, C 43/10 (ci-après, « Communication juridictionnelle consolidée »).

8  Communication juridictionnelle consolidée, paragraphe 64.

9  En ce qui concerne les critères qu'une entreprise commune doit remplir pour être considérée comme étant de plein exercice, voir également la Communication juridictionnelle consolidée.

10  Communication juridictionnelle consolidée, paragraphe 93.

11  Communication juridictionnelle consolidée, paragraphe 94.

12  [Informations sur la gouvernance de la Société Commune].

13    […].

14    […].

15    […].

16    […].

17         Communication juridictionnelle consolidée, paragraphe 95.

18       Form CO, paragraphe 233.

19    […].

20    […].

21     Form CO, paragraphe 72 et réponse des parties aux questions de la Commission – email du 20 mars 2014.

22    […].

23     Form CO, Annexe 5.4h, […].

24    […].

25    […].

26    […].

27  Communication juridictionnelle consolidée, paragraphe 97.

28  Communication juridictionnelle consolidée, paragraphe 97.

29 Communication juridictionnelle consolidée, paragraphe 101.

30  […].

31 Form CO, paragraphe 67