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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 13 octobre 2020, n° 18/15908

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sarbacane Création (SARL)

Défendeur :

EDI8 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

T. com. Paris, du 7 mai 2018

7 mai 2018

Vu le jugement prononcé le 7 mai 2018 par la 15ème chambre du tribunal de commerce de Paris,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 25 septembre 2018, de la société Sarbacane Création (Sarbacane), appelante,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 21 décembre 2018, de la société Edi8, intimée,

Vu l'ordonnance de clôture du 2 juin 2020,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société Sarbacane édite des livres à destination de la jeunesse et notamment une collection nommée « Pépix » pour les 8-12 ans lancée en 2014.

La société Edi8, filiale du groupe Editis, regroupe plusieurs maisons d'édition dont Gründ et les livres du Dragon d'Or, qui publient également des ouvrages destinés à la jeunesse.

En 2014, le groupe Editis s'est rapproché de la société Sarbacane en vue de son acquisition mais les négociations se sont interrompues en juin 2014.

La société Edi8 a lancé en mai 2017 une collection pour les 8-12 ans nommée « Poulpe Fictions ».

Considérant que deux ouvrages de cette collection caractérisent une contrefaçon ou à tout le moins une concurrence déloyale au regard de la collection Pépix compte tenu de l'identité de conception et de positionnement éditorial, la société Sarbacane, après mise en demeure restée vaine du 18 septembre 2017, a saisi par acte du 26 octobre 2017 le juge des référés du tribunal de commerce de Paris lequel par ordonnance du 11 novembre 2017 a dit n'y avoir lieu à référé et renvoyé l'affaire au fond.

Par jugement dont appel, le tribunal de commerce s'est déclaré compétent, a débouté la société Sarbacane de l'ensemble de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et les agissements parasitaires, et l'a condamnée à payer à la société Edi8 une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Sur la concurrence déloyale ou parasitaire

La société Sarbacane soutient qu'il existe une totale similitude visuelle entre la collection Pépix et les ouvrages critiqués de la collection Poulpe Fictions, de nature à entraîner une confusion dans l'esprit du public, en ce que les ouvrages en cause, qui mettent pareillement l'accent sur l'humour et l'aventure, ont un format identique 14 x 21 cm, un volume de pagination similaire, une couverture sur fond blanc avec un dessin humoristique en couleur, une typographie manuscrite en couleur pour le titre et le nom de l'auteur, un pelliculage mat sur le fond blanc, un logo en noir placé en bas de couverture, un système de rabats de couverture avec portrait et biographie des auteurs et illustrateurs présentés de façon créative, des illustrations en noir et blanc réparties tout au long du texte, des jeux typographiques pour égayer les pages, et ce pour un public identique, à savoir les enfants de 8 à 12 ans.

La cour rappelle que le seul fait de commercialiser des produits identiques ou similaires à ceux distribués par un concurrent relève de la liberté du commerce et n'est pas fautif, dès lors que cela n'est pas accompagné de manœuvres déloyales constitutives d'une faute telle que la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

En l'espèce, il est établi que les ouvrages incriminés « Tarzan poney méchant » et « Roméo moustique sympathique » de la collection « Poulpe Fiction » qui s'adressent au même public que celui de la collection Pépix, à savoir les enfants de 8 à 12 ans, présentent des éléments communs avec les ouvrages de cette dernière collection, et notamment le format, la typographie manuscrite du titre, les dessins humoristiques de la couverture et un rabat de couverture présentant les auteurs de façon amusante, qui appartiennent au code du genre de l'édition jeunesse ainsi qu'il résulte notamment de la collection Witty d'Albin Michel Jeunesse dont il n'est pas contesté qu'elle a été publiée antérieurement à celle de la société Sarbacane, mais aussi des différences telles que le logo figurant un poulpe identifiant, en page de couverture, la collection dénommée « Poulpe Fiction », et le caractère coloré du dos, cette partie des livres étant fortement visible sur les rayonnages des librairies, l'ensemble de ces éléments étant exclusif de la recherche fautive d'un risque de confusion.

La société Sarbacane fonde également sa demande sur la concurrence parasitaire, laquelle consiste à capter une valeur économique d'autrui individualisée, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements et à se placer ainsi dans son sillage pour tirer indûment parti des investissements consentis ou de la notoriété acquise.

En l'espèce, la circonstance que le groupe auquel appartient la société Edi8 a entamé et rompu en 2014 des pourparlers avec la société Sarbacane en vue de son acquisition ne suffit pas à caractériser un comportement fautif de la société Edi8, en l'absence de toute démonstration de la nature des informations qui auraient été alors portées à sa connaissance et qu'elle aurait déloyalement utilisées lors du lancement en 2017 de sa collection Poulpe Fiction.

De même, le fait d'avoir effectué une étude de marché et d'avoir lancé une nouvelle collection de livres à l'humour décalé conçue pour les enfants de 8 à 12 ans, selon un concept et un style de présentation déjà présents sur ce segment de marché, sans identité visuelle forte ni importante notoriété acquise au moment du lancement de la collection incriminée, et d'avoir exposé des dépenses de conception et de promotion à hauteur de 12 368 euros, ne suffit pas à justifier de la captation d'une valeur économique individualisée, et ce au surplus alors que la société Edi8 justifie de ses propres efforts investissements de conception et de promotion d'un montant de 38 000 euros supérieur à ceux de la société Sarbacane.

Il résulte de ces développements que les demandes de la société EDI8 sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire doivent dès lors être rejetées, et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne la société Sarbacane Création aux dépens d'appel, et vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à ce titre, à la société Edi8 une somme complémentaire de 5 000 euros pour les frais irrépétibles d'appel.