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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 8 octobre 2020, n° 17/08911

LYON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wyon

Conseillers :

Mme Clément, Mme Isola

Avocats :

Selarl Laffly & Associés - Lexavoué Lyon, Me Morlon, SCP Elisabeth Ligier de Mauroy & Laurent Ligier Avoués Associés, Me Bousquet

TGI Lyon, 9e ch. cab. 9, du 5 sept. 2017

5 septembre 2017

M. X et Mme Y ont exercé à Lyon l'activité d'agents généraux des sociétés Allianz IARD et Allianz Vie dans le cadre de la société en participation Cabinet d'assurances Y-X (ci-après le cabinet Y-X).

Le 11 février 2013, M. X et Mme Y ont constitué avec M. Z la SAS Bourse Assurances qui avait pour objet la gestion de patrimoine et le courtage d'assurance. M. Z en a été nommé président.

Par lettre recommandée du 9 avril 2014, M. Z a mis en demeure le cabinet Y-X de lui payer diverses sommes correspondant à des commissions, au motif qu'il exerçait depuis 2012 une activité d'agent commercial pour le compte du cabinet.

Par lettre du 28 avril 2014, il lui a été répondu qu'il n'avait pas de lien juridique avec le cabinet, que dans l'attente de l'obtention par la société Bourse Assurances des codes courtage lui permettant d'exercer son activité, il avait, dans le cadre de cette société, apporté provisoirement des affaires au cabinet, et que ce dernier avait rémunéré la société Bourse Assurances proportionnellement aux commissions perçues lors des opérations réalisées.

M. Z a saisi le tribunal de grande instance de Lyon afin d'obtenir la condamnation du Cabinet d'assurances Y-X à lui payer diverses sommes représentant des commissions, une indemnité de rupture de son contrat oral d'agent commercial et une indemnité pour ses frais de défense.

Par jugement du 5 septembre 2017, le tribunal l'a déclaré recevable en ses demandes et l'en a débouté. Il l'a condamné à payer au cabinet Y-X une indemnité de 1 200 euros pour ses frais de défense et aux dépens, avec distraction au profit de Me A.

Par déclaration enregistrée le 20 décembre 2017, M. Z a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 25 janvier 2019, et demande à la cour de :

- déclarer recevables ses conclusions

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré ses demandes recevables,

infirmant pour le surplus, de :

- prononcer la résiliation du contrat d'agent commercial qui le liait au Cabinet Y-X

- condamner le cabinet Y-X à lui payer la somme de 39 476,63 au titre des commissions, outre intérêts de droit à compter du 14 avril 2014

- condamner le cabinet Y-X à lui payer la somme de 100 000 euros avec intérêt de droit à compter du 14 avril 2014

- condamner le cabinet Y-X à lui payer 139 600 euros à titre d'indemnité de rupture avec intérêt de droit à compter du 14 avril 2014,

- le condamner à lui payer une indemnité de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Laffly, avocat.

Il fait valoir qu'il était titulaire d'un contrat d'agent commercial conclu oralement avec le cabinet Y-X, et qu'il a commencé à exécuter ce contrat avant la création de la société Bourse Assurances.

Il rappelle que le cabinet a porté son prénom sur une liste des contrats souscrits par son entremise en 2012, 2013 et 2014, qu'il lui a payé des commissions par chèque émis à son nom, et non à celui de la société Bourse Assurances et qu'il a reconnu en devoir d'autres dans son courrier du 15 mai 2014.

Il soutient que la rupture de ce contrat est imputable au cabinet Y-X dans la mesure où, après avoir cédé le portefeuille de leur clientèle à la compagnie Allianz le 16 mai 2014, Mme Y et M. X ont entrepris d'exercer eux-mêmes l'activité de prospection qu'ils lui avaient jusque là confiée, et que le défaut de paiement des commissions justifie la résolution du contrat aux torts du cabinet.

Par conclusions notifiées par RPVA le 8 novembre 2018, le cabinet Y-X a soulevé l'irrecevabilité des conclusions adverses au motif qu'elles ne contiennent pas l'énoncé des chefs de jugement critiqués, en contravention avec les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile. Il ajoute que cette carence lui cause un grief au sens de l'article 114 du code de procédure civile puisque ne connaissant pas la critique de l'appelant, il ne peut la combattre.

Au fond, il répond que l'activité d'intermédiation en assurance que prétend avoir exercée l'appelant à titre personnel est régie par des dispositions particulières au sens de l'article L. 134-1 du code de commerce, qui sont codifiées aux articles L. 511-1 et R. 511-1 du code des assurances et font échec à l'application du statut d'agent commercial qu'il revendique.

Il expose que M. X a formé M. Z qui n'avait ni formation, ni expérience dans le domaine du courtage en assurance et voulait créer sa société de courtage, ce du 3 septembre au 7 décembre 2012, et en déduit que M. Z ne peut prétendre avoir participé à la conclusion de nombreux contrats dès 2012 puisqu'il n'a achevé sa formation que le 7 décembre 2012.

Il souligne que M. Z n'a jamais été inscrit à l'ORIAS, organisme pour le registre unique des intermédiaires d'assurance et n'a pu dès lors exercer en son nom personnel.

Il rappelle qu'à l'issue de la formation de M. Z, M. X, Mme Y et l'appelant ont créé la société Bourse Assurances, que pour aider M. Z qui ne disposait pas de locaux, le cabinet a sous-loué partie de ses locaux suivant bail du 1er mars 2013 à la société Bourse Assurances, et que celle-ci n'a jamais eu de salarié, M. Z travaillant seul.

Il précise que la société Bourse Assurances a été inscrite sur les registres de l'ORIAS du 21 juin 2013 au 28 février 2014, date à laquelle M. Z n'a pas renouvelé son inscription. Celle-ci n'ayant pas obtenu les codes courtage des compagnies lui permettant de les représenter pour d'exercer son activité, il avait été convenu qu'elle apporterait des opérations d'assurances au cabinet moyennant rémunération.

Il affirme que le cabinet a établi un avoir de 1 237,87 euros à l'ordre de la société Bourse Assurances en paiement des commissions de 2013 et 2014 et que M. Z a cessé toute collaboration à compter de mars 2014.

Il conclut à la confirmation de la décision déférée et sollicite la condamnation de M. Z à lui payer une indemnité de 4 500 euros au titre de ses frais de défense et à supporter les dépens, dont distraction au profit de la SCP Ligier de Mauroy & Ligier, avocats.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 avril 2019.

Il convient de se référer aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des conclusions de M. Z :

M. Z indique dans ses conclusions récapitulatives et le dispositif de celles-ci qu'il sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes. M. Z critique tous les chefs du jugement qui ont conduit au rejet de ses demandes et argumente ses demandes.

C'est pourquoi il convient de rejeter l'irrecevabilité soulevée.

Au fond :

M. Z se prévaut d'un contrat d'agent commercial. Aux termes de l'article L. 134-1 du code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.

M. Z indique dans ses conclusions que son activité consistait à démarcher des prospects, puis à négocier et conclure des contrats d'assurance, au nom et pour le compte du cabinet Y-X. Il exerçait donc une activité d'intermédiaire en assurances.

L'article L. 134-1 du code de commerce déjà cité prévoit dans son second alinéa que "ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières".

Ainsi que l'a justement rappelé le tribunal, les activités des courtiers et intermédiaires d'assurances font l'objet d'un statut spécifique particulier régi par l'article L. 511-1 du code des assurances, aux termes duquel "est un intermédiaire d'assurance ou de réassurance toute personne qui, contre rémunération, exerce une activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance".

L'activité dont se prévaut M. Z entre dans le cadre de ce texte ; elle ne relève donc pas du statut des agents commerciaux. Il convient donc de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a constaté que M. Z ne pouvait prétendre au bénéfice du statut d'agent commercial.

L'article L. 512-1 du code des assurances dispose que les intermédiaires définis à l'article L. 511-1 doivent être immatriculés sur un registre unique. Ce registre est tenu par l'ORIAS, organisme pour le registre unique des intermédiaires d'assurance.

Celui qui exerce une activité d'intermédiation en assurance sans respecter l'obligation d'inscription à l'ORIAS ne peut prétendre au versement de commissions.

Or, M. Z ne démontre nullement qu'il a été personnellement inscrit auprès de l'ORIAS, au contraire de la société Bourse Assurances qu'il présidait.

M. Z affirme avoir reçu en 2014 des commissions qui lui ont été versées par le cabinet Y-X et produit la copie du chèque qui a en effet été établi à son nom, mal orthographié (Z).

De son côté, le cabinet Y-X produit un avoir dont l'intitulé porte les mentions suivantes : Bourse Assurances, M. Floris Boestra, président (même erreur). La pièce comptable étant établie au nom de la société Bourse Assurances, il ne peut en être déduit que le paiement était destiné à M. Z personne physique, ainsi que l'a retenu le tribunal.

De même, l'indication du prénom de l'appelant sur des listes de contrats pour la période de décembre 2012 à janvier 2014 et les attestations de certains souscripteurs affirmant avoir conclu avec lui des contrats d'assurance ne démontrent pas davantage que M. Z a agi en son nom propre et pas au nom de la société Bourse Assurance.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté M. Z de l'ensemble de ses demandes ; la décision dont appel sera confirmée.

L'équité commande de condamner M. Z, qui supportera les dépens, à payer au cabinet Y-X une indemnité de 4 500 euros au titre de ses frais de défense.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

Déclare recevable les conclusions de M. Z ;

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 septembre 2017 par le tribunal de grande instance de Lyon ;

Y ajoutant, condamne M. C... Z à supporter les dépens, dont distraction au profit de la SCP Ligier de Mauroy et Ligier, avocats et à payer à la STEP Cabinet d'assurances Y-X une indemnité de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.