EC, March 19, 2007, No M.4191
COMMISSION OF THE EUROPEAN COMMUNITIES
Judgment
Thales/ DCN
Messieurs, Mesdatnes,
Obiet: Affaire n° COMP/M.4191 - Thales/ DCN
1. Le 12/02/2007, la Commission a reiju notification, conformement a Particle 4 du reglement (CE) n° 139/2004 du Conseil, d’un projet de concentration par lequel 1'entreprise Thales SA ("Thales", France) acquiert, au sens de farticle 3, paragraphe 1, point b), du reglement du Conseil, le controle en commun avec fEtat franqais de 1'entreprise DCN SA ("DCN", France) par achat d'actions.
1. LES PARTIES
2. L'Etat Franqais est represente par 1'Agence de Participation de 1'Etat (APE), service du ministere des finances qui gere les participations de 1'Etat dans un certain nombre d'entreprises.
3. Thales est une societe organisee en 5 divisions: aeronautique (equipements aeronautiques, electronique de mission, systemes aeroporte de surveillance), systemes aeriens (defense aerienne, gestion du trafic), systemes terre et Interarmees (communication), division navale (maitrise d'oeuvre de navires, systemes pour batiments de surface et sous-marins), et la division Solutions de securite et services (gestion des risques, prestation informatique).
4. DCN, detenu par 1'Etat fran9ais, est un groupe naval de defense present dans le developpement de navires armes, la maintenance des navires et systemes, et la realisation d'equipements de combat.
H. L’ OPERATION
5. L'operation comporte deux volets interdependants et concomitants: DCN acquiert d'une part Thales Naval France (TNF) ainsi que ses participations dans Armaris (filiale DCN/Thales) et MOPA2 (maitrise d'ceuvre pour le 2eme porte-avions franqais), et Thales acquiert d'autre part 25% de DCN.
6. Thales, conjointement a 1'Etat, se voit conferer au travers d'un pacte d'actionnaires un pouvoir d'influence determinante sur la strategic de DCN qui conduit a un changement dans la nature du controle exerce sur DCN.
7. Le pacte d'actionnaire prevoit plusieurs droits de veto portant sur la politique commerciale et la strategic de DCN. Ainsi en est-il de 1'approbation en commun avec 1'Etat des membres du premier Comite executif qui assure la gestion de DCN ([..,]1). Les seuils a partir desquels des droits de veto sont octroyes concemant les acquisitions, cessions, alliances strategiques et partenariats industriels generant un certain chiffre d'affaires assurent que tout developpement significatif de DCN sera soumis a 1'approbation de Thales.
8. II a etc demande aux parties d'identifier des decisions strategiques envisageables pour illustrer ces droits de veto. II s'en conclut que ces droits de veto permettent de conferer a Thales une influence determinante sur la strategic de developpement de DCN : toutes les acquisitions, cessions ou alliances significatives envisageables a ce jour relevent en effet d’un tel droit de veto, sauf les acquisitions peu significatives. Les droits de veto assurent egalement une influence determinante sur la strategic commerciale de DCN, des lors que les alliances et accords de cooperation sont, le plus souvent, un pre-requis pour acceder aux marches. [...]2.
9. Au surplus, un droit de concertation avec I'Etat est organise dans I'intention de voter unanimement au sein du Conseil d'administration de DCN notamment sur le budget annuel et le plan a trois ans (le plan initial a trois ans a deja etc arrete en commun). II convient de noter que Thales dispose de I'option de monter a 35% du capital [...].
10. L’operation constitue done une concentration au sens de 1’article 3 du Reglement sur les concentrations.
HI. DIMENSION COMMUNAUTAIRE
11. Les parties ont un chiffre d’affaires mondial combine de plus de 5 milliards d’euros (Thales: [...] millions d’euros, DCN: 2 833 millions d’euros)[1]. Le chiffre d’affaires realise dans la Communaute par au moins deux entreprises concemees depasse les 250 millions d’euros (Thales: [...] millions d’euros; DCN: [...] millions d’euros). Seul DCN realise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires dans la Communaute dans un seul et meme Etat Membre (France). Les seuils fixes a 1’article ler, paragraphe 2, du Reglement sur les concentrations sont done atteints et 1’operation a une dimension communautaire.
IV. ANALYSE CONCURRENTIELLE 1. Les marches de produit
Marches de produit horizontalement concernes
12. Cinq secteurs sont concernes par foperation: les batiments complets, les systemes de combat, les sous-systemes d'armes, les services de maintenance et les activites emergentes.
13. Au sein du secteur des batiments complets. on distingue traditionnellement entre les batiments de surface et les sous-marins (cf. cas n° COMP/M1709 - Preussag/Babcock/Celcius, 19/01/2000). Parmi les batiments de surface, les fregates (2500-6000 tonnes) se distinguent des corvettes (1200-2500 tonnes), des navires amphibies (10 000-30 000 tonnes) et des chasseurs de mines par leurs specificites operationnelles tres varices (protection d'une flottille, lutte anti sous-marine, capacite d'action vers la terre) et leurs prix. DCN et Thales sont actifs sur ce marche. DCN et Thales fabriquent egalement des destroyers (superieurs a 6000 tonnes) et cooperent pour la realisation du deuxieme porte-avions franqais. S'agissant des sous-marins, DCN et Thales, a travers leur societe commune Armaris, sont actifs pour la fabrication de sous-marins conventionnels (a propulsion classique) alors que seul DCN est actif sur le marche des sous-marins nucleaires.
14. Les systemes de combat ("Combat Management Systems" CMS) assurent 1'interface entre les equipements electroniques et les armes. Ils ont etc definis notamment dans le cas n° COMP/M.4160 - ThyssenKrupp/EADS/Atlas, 10/05/2006. DCN et Thales sont actifs aussi bien pour les CMS pour batiment de surface que pour sous-marin.
15. Les sous-systemes d'armes regroupent rartillerie, les missiles et les torpilles. Les activites de DCN et Thales ne se chevauchent que pour les systemes de torpilles. Concernant les torpilles legeres, DCN et Thales sont actifs sur le marche exclusivement a travers une entreprise commune. Seul DCN produit des torpilles lourdes.
16. Les services de maintenance peuvent concerner soit une offre globale de maintien en conditions operationnelles (MCO) soit une offre differenciee scion que le MCO s'attache aux systemes plateforme (navigation, propulsion, manoeuvre) ou aux systemes electroniques et armes (senseurs, optiques, calculateurs, canons). DCN et Thales sont tons deux actifs sur ce marche.
17. Les svstemes d'information et de commandement (SIC), qui assurent la gestion d'informations et de donnees pour foumir une aide au commandement, ont ete identifies dans le cas n° COMP/M. 1309 - Matra/Aerospatiale du 28/04/1996. DCN et Thales sont tous deux presents sur ce marche en France; seul Thales est actif en dehors du marche franqais.
18. Les activites emergentes regroupent des activites sur lesquelles DCN et Thales ont une presence actuellement tres faible mais sont susceptibles de jouer un role dans le futur: les drones navals (de surface ou sous-marin), et les systemes de securite et de surveillance maritime.
Marches de produit verticalement concernes
19. En amont de 1'integration d'un navire complet, les activites de systemes et equipements pour la plateforme (navigation, propulsion, manoeuvre; seul DCN est actif et pour ses besoins propres), les sous-systemes d'armes (DCN est actif sur les torpilles lourdes et les lanceurs de missile moyenne et longue portee; Thales est present sur les segments sur lesquels DCN est absent) et les equipements electroniques (Thales offre les radars, sonars et systemes de communication) constituent des marches de produit concernes verticalement.
Les marches geograyhigues
20. En matiere militaire, la Commission a identifie dans le passe des marches nationaux lorsqu'il existe des constructeurs locaux en mesure de repondre a la demande nationale (certains pays de I'UE mais aussi les USA ou TAustralie), et un marche mondial (reste du monde)[2] si un tel constructeur n'est pas present[3].
Conclusion relative aux definitions de marche
21. L'enquete de marche a de maniere generate confirme les analyses menees jusqu'a present par la Commission, aussi bien pour ce qui concerne les marches de produit que leurs dimensions geographiques. II ne sera toutefois pas necessaire de se prononcer definitivement dans la mesure ou les conclusions de 1'analyse concurrentielle demeureront inchangees quelle que soient les hypotheses retenues.
2. Analyse
a) Effets horizontaux
22. D’un point de vue horizontal, les parts de marche sur les marches affectes6 s’etablissent comme suit (source: les parties):
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23. Dans la majorite de ces marches, au vu de 1'accroissement de la part de marche, I'operation de concentration ne modifie pas de fa9on significative la structure de la concurrence. Sur le marche mondial des fregates, le part de marche combinee des parties reste modeste et plusieurs concurrents significatifs sont presents. La situation concurrentielle ne change pas sur le marche Fran9ais des systemes de combat, car les parties des avant la concentration detiennent [90-100]% du marche et la majorite de leur chiffre d'affaires etait generee a travers leur entreprise commune. Au niveau mondial, il reste des concurrents Europeens et Americains capables de contraindre la position des parties. Le chevauchement sur le marche Fran9ais des services de maintenance est non significatif, et ces services de toute fa9on sont generalement accessoires aux contrats principaux de foumiture de systeme ou de materiel. Finalement, le chevauchement sur le marche Fran9ais des SIC est minimal. De plus, un concurrent puissant est present sur ce marche, EADS, qui detient une position comparable.
24. L'enquete de marche a egalement confirme que les clients, c'est-a-dire les Etats et leurs ministeres de la defense, disposent d’un fort pouvoir de negociation. Ce pouvoir de negociation trouve a s'exprimer en raison de la presence de plusieurs grands groupes intemationaux ainsi que des acteurs de table plus reduite qui entretiennent un degre de concurrence meme au niveau national. On peut par ailleurs relever une tendance vers Finternationalisation de certains marches militaires nationaux.
b) Effets verticaux
25. S'agissant des marches verticalement concernes, I'operation s'inscrit dans un contexte d'integration constate aussi bien en Europe (ThyssenKrupp en Allemagne, BAe- Systems au Royaume-Uni, Navantia en Espagne) qu’aux USA (Northrop-Grumman et General Dynamics).
26. La transaction a une portee limitee sur la structure de concurrence et ce pour differentes raisons. II apparait que si DCN ou Thales occupe des positions importantes dans leur domaine respectif, aucun n'est un client ou un fournisseur unique pour leurs partenaires, qui disposeront post concentration d'alternatives (que cela soit des constructeurs navals ou des equipementiers) suffisantes8.
27. De plus, Thales et DCN se foumissent deja dans une large mesure Fun aupres de Fautre pour les equipements et systemes qu’ils ne fabriquent pas. Thales est ainsi le premier fournisseur de DCN et DCN et SFCS (une filiale de la societe commune Armaris) figurent parmi les principaux fournisseurs de Thales.
28. DCN et Thales sont deja en partenariat pour une grande partie de leurs activites notamment par I'intermediaire de societes communes (Armaris et ses propres filiales, MOPA2, Eurotorp et Eurolslat).
29. Enfin les clients, qui disposent d’un fort pouvoir de negociation, peuvent imposer au maitre d’ceuvre un equipementier different de celui choisi par le constructeur ce qui est de nature a exclure un risque concurrentiel de forclusion. L'enquete de marche a par exemple confirme que, s'agissant de la France, le rapprochement ne modifiait pas la competition au niveau des equipements compte tenu de la capacite de la Direction Generale pour 1'Armement, en tant que client, a s'assurer que les meilleurs choix soient effectues, en particulier grace aux procedures de plan d'acquisition.
c) Accord de cooperation industrielle et commerciale
30. Au cours de 1'enquete de marche, certains concurrents ont fait part de leur interrogation relative a un accord de cooperation industrielle et commerciale signe dans le cadre de la transaction et au fait que certaines de ses clauses, notamment une clause de preference, ne pourraient pas etre considerees comme accessoires a foperation de concentration et done couvertes par la presente decision. II suffit de rappeler que, conformement a la pratique de la Commission en la matiere, cette presente decision est sans prejudice d'une analyse de tout ou partie de cet accord, qui ne serait pas directement liee et necessaire a foperation, au titre des autres dispositions du droit communautaire de la concurrence, notamment au titre de 1'article 81 du Traite CE (voir Communication de la Commission sur les restrictions accessoires)[5].
V. CONCLUSION
31. Pour les raisons exposees ci-dessus, la Commission a decide de ne pas s'opposer a foperation notifiee et de la declarer compatible avec le marche commun et avec faccord EEE. Cette decision est prise sur la base de farticle 6, paragraphe 1, point b, du reglement du Conseil n° 139/2004.
1. Chiffre d’affaires calcule conformement a 1'article 5(1) du reglement relatif au controle des operations de concentrations et a la communication de la Commission sur le calcul du chiffre d’affaire (JO C 66, du 2.3.1999, p. 25).
2. Communication de la Commission sur les restrictions directement liees et necessaires aux concentrations, 20/07/2004.
3. Les marches inaccessibles aux constructeurs occidentaux (Coree du Nord par exemple) sont exclus.
4. Voir par exemple le cas n° COMP/M.3596 TK/HDW, 10/12/2004.
5. Les marches ou les parties sont actives au travers une entreprise commune ou les marches ou seule une partie est active ne sont pas consideres comme affectes, car la transaction ne changera pas la situation concurrentielle.
6. En fonction de la duree de vie des programmes en question.
7. Sur le marche francais des systemes de combat, les parties detiennent deja [90-100]% du marche avant la concentration, et DCN est le seul client de ces systemes en France.