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Décisions

CCE, 5 mai 2008, n° M.4956

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

STX / Aker Yards

CCE n° M.4956

5 mai 2008

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

CONSIDÉRANT CE QUI SUIT:

(1)  Le 16 novembre 2007, la Commission a reçu une notification conformément  à  l’article 4 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil (ci-après dénommé «le règlement sur les concentrations»), d’un projet de concentration par lequel l'entreprise STX Corporation Co. Ltd (ci-après dénommée «STX», Corée du Sud), acquiert au sens de l’article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations le contrôle de l'ensemble d’Aker Yards A.S.A (ci-après dénommée «Aker Yards», Norvège) (Aker Yards et STX sont, ci-après, dénommées ensemble «les parties»).

(2)  Dans sa décision du 20 décembre 2007, la Commission a estimé que  l’opération notifiée relevait du règlement sur les concentrations et a décidé, en conformité avec l’article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations, d’engager la procédure dans la présente affaire.

I. LES PARTIES

(3) STX est une société holding sud-coréenne cotée à la bourse sud-coréenne. Le groupe STX est présent dans trois grands domaines d’activités: la construction navale et l’équipement maritime (y compris les moteurs), le transport maritime et la logistique,  et l’énergie et la construction. Dans le cadre de son activité de construction navale, STX assure la conception et la construction de différents types de navires de commerce tels que des navires porte-conteneurs, des navires-citerne, des chimiquiers et des pétroliers, des vraquiers et des méthaniers pour le transport de gaz naturel liquide (GNL). STX possède actuellement deux chantiers de construction navale marchande en Corée du Sud et un troisième est en construction en Chine.

(4)  Aker Yards, société à responsabilité limitée norvégienne, est un groupe de construction navale produisant essentiellement des navires de haute technicité. Sa gamme de produits comprend des navires de croisière et des ferrys, des navires de commerce, des navires de production offshore et des navires spécialisés. Les bateaux de croisière et les ferrys représentaient en 2006 environ 44 % du chiffre d’affaires total d’Aker Yards. Elle possède dix-huit chantiers navals en Norvège, en Finlande, en Allemagne, en Roumanie, en France, en Ukraine, au Vietnam et au Brésil.

II. LA CONCENTRATION

(5)  L’opération notifiée consiste en l’acquisition par STX d’une part minoritaire  équivalant à 39,2 % du capital d’Aker Yards à la bourse d’Oslo. STX a acheté ces actions le 23 octobre 2007.

(6)  Étant donné la structure de l’actionnariat d’Aker Yards et l’exercice du droit de vote au cours de ses trois dernières assemblées  générales,  la  participation  minoritaire  de  39,2 % a toutes les chances de donner à STX la majorité des droits de vote représentés au sein d’Aker Yards, et de lui permettre de fait de contrôler de manière effective la société Aker Yards4. Communication juridictionnelle consolidée de la Commission en vertu du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises disponible à l'adresse  suivante: http://ec.europa.eu/comm/competition/mergers/legislation/fr.pdf, point 59: «Un actionnaire minoritaire peut également être considéré comme détenant un contrôle exclusif de fait. C'est notamment le cas lorsque celui-ci a la quasi-certitude d'obtenir la majorité à l'assemblée générale, compte tenu du niveau de sa participation et de la présence des actionnaires à l'assemblée générale au cours des années antérieures.» Voir également, par exemple, la décision de la Commission du 26 juin 2001 dans l'affaire COMP/M.2404 Elkem/Sapa; la décision de la Commission du 11 juillet 2003 dans l'affaire  COMP/M.3091 Konica/Minolta et la décision de la Commission du 12 mars 2004 dans l'affaire  COMP/M. 3330 RTL/M6.

(7) On relèvera que la participation aux assemblées générales des actionnaires d’Aker Yards organisées de 2005 à 2007 n’a jamais dépassé 60,44 %. Or, si STX avait exercé les droits de vote que lui confère l’ensemble des actions de la société Aker Yards qu’il vient d’acquérir lors des assemblées générales des actionnaires qui se sont tenues en 2005 et 2006, il aurait représenté 66 % de l’ensemble des actions représentées en 2005 et 65 % en 2006.

(8)  À la date de la notification, les 60,8 % d’actions et de droits de vote restants d’Aker Yards (ceux qui n’ont pas été rachetés par STX) étaient répartis de manière très éclatée sur un grand nombre de petits actionnaires dont aucun ne détenait plus de 5 % de l’ensemble. L’expérience passée indique qu’il est peu probable qu’un nombre suffisant de petits actionnaires participe aux assemblées générales à venir en vue de former une majorité5. Rien n’indique, par ailleurs, que cette tendance puisse se modifier.

(9)  L’opération notifiée constitue donc une concentration au sens de l’article  3,  paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations.

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

(10)  Les entreprises concernées représentent un chiffre d’affaires mondial cumulé supérieur à  5 milliards  d’euros6  (3,214  milliards  d’euros  pour   Aker   Yards   en   2006;   3,965 milliards d’euros pour STX en 2006). Le chiffre d’affaires cumulé à l’échelle communautaire de chacune de ces entreprises est supérieur à 250 millions d’euros   (857 millions d’euros pour STX en 2006; 715 millions d’euros pour Aker Yards en 2006) et elles ne réalisent pas plus des deux tiers de leur chiffre d’affaires cumulé à l’échelle communautaire à l’intérieur d’un seul et même Etat membre de l'Union européenne. L’opération notifiée présente donc une dimension communautaire au sens de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations.

IV. APPRECIATION SOUS L’ANGLE DE LA CONCURRENCE

A. MARCHES DE PRODUITS EN CAUSE

CONSTRUCTION NAVALE MARCHANDE

Introduction

(11)  Les activités des parties se chevauchent dans le secteur de la construction de navires de commerce dans les catégories de navire suivantes: navires porte-conteneurs et méthaniers transporteurs de GNL (ce sont deux marchés non concernés), chimiquiers, pétroliers et navires-citernes. Aker Yards est, en outre, un acteur majeur de la construction de bateaux de croisière et de ferrys.

(12)  Lors des décisions que la Commission a rendues précédemment, des différences entre les diverses catégories de navires de commerce ont été mises en évidence, mais la question consistant à savoir si la construction de l’ensemble des catégories de navires de commerce relève ou non d’un seul marché de produits en cause, n'a, en fin de Moins de 10 % des petits actionnaires ont participé aux assemblées des actionnaires organisées en 2005 et en 2006, et moins de 17 % en 2007. Chiffre d’affaires calculé conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations et de la Communication juridictionnelle consolidée de la Commission. compte, pas été tranchée. Par exemple, dans l’affaire COMP/M.2772 - HDW/Ferrostaal/Hellenic Shipyard7, il a été avancé que le marché de la construction navale marchande pouvait être subdivisé en plusieurs marchés de produits distincts suivant les principaux groupes de navires tels que les vraquiers, les navires porte- conteneurs, les cargos, les chimiquiers et les pétroliers, les méthaniers transporteurs de GNL, les transporteurs de gaz de pétrole liquéfié (GPL), les rouliers, les ferrys, les bateaux de croisière, les navires offshore/spécialisés, (voir considérant (37)). En outre, dans l’affaire COMP/M4104 – Aker Yards/Chantiers de l'Atlantique, il a été admis  que, tant du point de vue de la demande que de l’offre, il convenait d'établir une distinction entre le marché de produits des bateaux de croisière et le marché  de  produits des ferrys d’une part, et les marchés des autres navires de commerce d’autre part (voir considérants (10) et (11)).

(13)  En l'espèce, STX a fait valoir qu’il existait une ligne de partage générale entre les différents types de navires de commerce, ainsi que cela a été avancé dans  des  décisions précédentes de la Commission. Cette distinction générale a également été confirmée par la plupart des opérateurs du marché interrogés lors de l’enquête sur le marché8.

(14) Les navires transportant des marchandises doivent être distingués selon la nature des marchandises transportées, qui constitue le critère de distinction entre les différentes catégories de navires tels que les vraquiers, les navires porte-conteneurs, les navires- citernes, les chimiquiers/pétroliers, les méthaniers transporteurs de GNL, les transporteurs de GPL ou les rouliers. La substituabilité, au niveau de la demande, de  ces différents types de navires de charge est extrêmement réduite (à quelques exceptions près comme les chimiquiers/pétroliers et les navires-citernes, comme expliqué au considérant (17)). Certaines catégories spécifiques de produits exigent des installations spéciales et une conception spéciale des navires, et ne peuvent être transportées que dans des navires spécialisés. Ainsi, le gaz naturel liquéfié (GNL) se transporte uniquement dans des méthaniers transporteurs de GNL, qui requièrent des mesures de sécurité rigoureuses et des critères de construction spécifiques. De même, les rouliers sont conçus spécialement pour le transport de véhicules. Une autre catégorie de navires se distingue également dans le secteur: les navires offshore et spécialisés qui ne sont pas utilisés à proprement parler pour le transport de marchandises mais pour assurer des fonctions spécifiques liées à l’exploitation des plateformes en mer. Enfin, les bateaux de croisière et les ferrys assurent un transport de passagers, la distinction entre ces deux catégories reposant essentiellement sur l’objectif du transport (à savoir vacances et loisirs pour les bateaux de croisière et transport de passagers entre deux ports spécifiques pour les ferrys).

(15)  Du point de vue de l’offre, les constructeurs produisent généralement différents types de navires et il leur arrive fréquemment de passer d’une catégorie à l’autre. Dès lors

*7. Décision de la Commission du 25 avril 2002.

* 8. Voir le questionnaire adressé le 28 novembre 2007 aux acheteurs, question 6, et le questionnaire adressé  le 27 novembre 2008 aux constructeurs, question 7. La majorité des répondants ont convenu qu'il existe une ligne de partage nette entre les différentes catégories de navires (certains insistant sur la nuance qui existe entre les navires-citernes et les chimiquiers/pétroliers dont il sera question dans le considérant 17 ci-dessous). Cependant, un concurrent des parties, Fincantieri, a avancé, lors de l’enquête sur le marché, que la construction navale marchande constitue un seul gros marché unique, sans aucune distinction en ce qui concerne le type de navire, reposant essentiellement sur la substituabilité du point de vue de l’offre de différents types de navires. qu’un constructeur possède la technologie et le savoir-faire nécessaires pour construire un type de navire et que ses chantiers ne souffrent d’aucune contrainte de place susceptible de l’empêcher de construire des navires de grande taille, il est en mesure d’adapter sans trop de problèmes sa production aux besoins du marché. Néanmoins, dans le cas des navires de haute technicité, notamment les bateaux de croisière (qui étaient l’objet principal de l’enquête sur le marché), il existe des obstacles considérables à l'entrée sur le marché, d’ordre technologique mais aussi en termes de savoir-faire nécessaire pour la conception technique et le suivi du projet, en termes d'infrastructure du chantier naval et de main d'œuvre qualifiée et de réseau de sous- traitants géographiquement proches9, qui ne permettent pas de passer facilement de la production de bateaux de croisière à celle d’autres catégories de navires.

(16) Au vu des éléments ci-dessus, il convient de distinguer certains types de navires tels que les bateaux de croisière du reste du marché de la construction navale marchande.

Navires-citernes et chimiquiers/pétroliers

(17) Au-delà de la définition générale des marchés en fonction des différents types de navires, la partie notifiante, STX, a également avancé qu’en pratique, les chimiquiers/pétroliers et les navires-citernes peuvent assurer le transport de différents types de substances et, à ce titre, ces catégories de navire peuvent être considérées comme un marché de produits unique. L’enquête sur le marché semble confirmer une certaine substituabilité du point de vue de la demande entre ces deux catégories de navires10. Plusieurs clients ont indiqué que les pétroliers peuvent être utilisés (moyennant la prise en compte du coût de l’opération) pour transporter des produits chimiques et que les navires-citernes peuvent être utilisés (après quelques  modifications et moyennant la prise en compte du coût de l’opération) pour transporter du pétrole ou des produits chimiques, mais l’enquête sur le marché n’a pas permis d’aboutir à des conclusions à cet égard. La question de savoir si les chimiquiers/pétroliers et les navires-citernes doivent être considérés comme constituant un marché de produits unique peut néanmoins rester ouverte en l'espèce, car  l’opération notifiée n’induit aucun problème de concurrence quelle que soit la définition du marché choisie.

Les marchés des bateaux de croisière et des ferrys sont des marchés en cause distincts du marché général de la construction navale marchande

(18)  Dans l’affaire COMP/M.4104 Aker Yards/Chantiers de l’Atlantique, une distinction a été établie entre le marché de la construction de bateaux de croisière et celui de la construction des ferrys d’une part, et le marché général de la construction navale marchande d’autre part, en tenant compte à la fois des points de vue de la demande et de l’offre (voir considérants (10) et (11)). La partie notifiante propose également de reconnaître l’existence de deux marchés distincts pour ces deux catégories de navires. L’enquête sur le marché a montré, cependant, que rien ne justifiait l’abandon de la pratique antérieure de la Commission.

*9 Voir le questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de navires de croisières, question 41, et le questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux clients des navires de croisière, question 20.

*10 Voir le questionnaire adressé le 28 novembre 2007 aux acheteurs, questions 8 et 9, et le questionnaire adressé aux acheteurs des navires-citernes, question 8.

(19) Les navires de croisière sont destinés essentiellement à un public d’estivants et de vacanciers ayant vocation à passer plusieurs jours, voire plusieurs semaines, de loisirs  à bord. La conception et la composition de ces bateaux doivent donc répondre à des critères très rigoureux en termes d’hébergement, d'installation collectives (qui peuvent comprendre théâtres, piscines ou casinos), mais aussi sur le plan des caractéristiques techniques, comme les niveaux de vibration ou de bruit. Les clients directs des constructeurs de bateaux de croisière sont essentiellement de grosses entreprises internationales opérant à l’échelle mondiale et spécialisées dans le marché des croisières. Les quatre plus gros clients de ce marché représentent environ 80 % de la demande totale des navires de croisière. Cette demande présente donc des caractéristiques que l'on peut facilement distinguer de celles des autres types de navires.

(20) De même, les ferrys ont aussi un profil très spécifique du point de vue de la demande. Ce type de navire est destiné au transport de passagers (souvent conjointement avec   des voitures ou d’autres types de marchandises) entre des sites fixes. La destination essentielle d’un ferry n’est donc pas le loisir mais le transport. Les acheteurs, à savoir les exploitants de ferrys, se distinguent également des acheteurs des autres types de navires. Il s’agit, en effet, de sociétés privées ou publiques exploitant certaines voies maritimes dans une zone géographique spécifique.

(21) L’enquête sur le marché a montré qu’il existait, d’une manière générale, des  différences importantes entre les ferrys et les bateaux de croisière. La principale différence, du point de vue de la demande, est précisément la destination différente du navire, à savoir une activité de loisir par rapport à une activité de transport,  qui implique une substituabilité très limitée de la demande entre bateaux de croisière et ferrys. Cette différence au niveau des besoins entraîne des différences de configuration et de conception des navires. Outre des caractéristiques techniques telles que des niveaux de vibration et de bruit inférieurs, l’absence de ponts réservés aux automobiles et quelques autres éléments de conception, les bateaux de croisière présentent généralement un niveau d’équipement des espaces publics et des cabines, et un niveau de services offerts à bord beaucoup plus sophistiqués. Bien qu’il existe un secteur appelé «ferrys de croisière» (des ferrys plus sophistiqués répondant à des normes plus exigeantes) chevauchant en partie l’activité des petits bateaux de croisière, les caractéristiques de ces deux catégories de navires sont en général très clairement distinctes. En outre, contrairement à ce que l’on constate avec les ferrys, la demande de bateaux de croisière se caractérise par des relations durables, à long terme, entre le propriétaire du bateau et les principales entreprises de construction navale qui  jouissent, de facto, d’une relation de «constructeur privilégié».

(22) Sur le plan de la demande, on peut observer qu'il existe trois grands fournisseurs de bateaux de croisière, dont deux construisent également des ferrys. Néanmoins, toutes les autres entreprises de construction navale présentes sur le marché de la construction de ferrys (pas moins de vingt entreprises) sont pour ainsi dire absentes du secteur de la croisière. L’enquête sur le marché a montré qu’il existait, de fait, des obstacles significatifs à l’entrée sur le marché du bateau de croisière, d’ordre technologique mais aussi liés au savoir-faire nécessaire pour maîtriser toute la complexité des projets de construction des bateaux de croisière et pour coordonner le réseau important de sous- traitants  participant  à  ce  genre  de  projet11.

*11 Voir le questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de navires de croisière, question 41, et le questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de navires de croisière, question 20. substituabilité du point de vue de l’offre ne peut fonctionner que dans un seul sens (du bateau de croisière au ferry, et non l’inverse), sauf si les entreprises de construction navale se trouvaient en mesure de franchir les obstacles importants cités ci-dessus. Reste que, malgré les indices sérieux qui donnent à penser que navires de croisière et ferrys sont des marchés distincts, aux fins de l’évaluation de l'opération notifiée, il  n’est pas nécessaire de décider si les bateaux de croisière et les ferrys relèvent du  même marché de produits en cause ou s’ils constituent deux marchés distincts dès lors que l’opération ne suscite pas de problème de concurrence, et ce, même dans la définition du marché de produits la plus restreinte.

L’établissement d’une distinction entre bateaux de croisière en fonction de leur taille n’est pas une nécessité

(23) Dans le domaine des bateaux de croisière, l’enquête sur le marché a indiqué que les petits bateaux (offrant généralement un cadre luxueux) d’une capacité inférieure à 20- 30 tb (tonnes brutes) constituent un marché distinct de celui des bateaux de croisière de moyenne et grande taille ayant une capacité supérieure à 30 tb. Les clients de ces petits bateaux de croisière sont de petits opérateurs très différents des organisateurs des gros bateaux de croisière. Du côté de l’offre, on compte également un certain nombre de petits chantiers navals capables de produire de petits bateaux de croisière mais qui sont absents du secteur des grands bateaux de croisière qui exigent un niveau de technicité considérablement plus élevé.

(24) Les données collectées dans le cadre de l’enquête sur le marché font apparaître que i) aucune commande portant sur des bateaux de croisière de 20 000 tb à 30 000 tb n’a été enregistrée depuis 1998 (et aucune livraison n’a eu lieu depuis 2001), ii) un seul des 12 bateaux de croisière de moins de 20 000 tb livrés à partir de 2000 (dont deux avaient été commandés bien avant 2000) a été construit par une entreprise de construction navale produisant également de gros bateaux (à savoir Fincantieri). Ces chiffres montrent une rupture nette d’une éventuelle chaîne de substitution des petits bateaux  de croisière vers les gros. Il apparaît ainsi clairement que les commandes se  concentrent soit sur les navires de taille moyenne et de grande taille (d’une capacité supérieure à 30 000 tb), soit sur les petits bateaux de croisière (d’une capacité inférieure à 20 000 tb), avec un vide  entre les deux et que, si les grands chantiers  navals attirent 95 % à 98 % des commandes du segment supérieur (et les grands organisateurs de croisières représentent environ 80 % des commandes), ils sont (de même que les grands organisateurs de croisières) à peu près absents du segment inférieur qui reste donc ouvert à des chantiers navals plus petits.

(25) Il n’est, cependant, pas nécessaire de se prononcer sur l’envergure exacte de la définition du marché de produits, car cela ne modifierait pas l’appréciation. Il faut signaler que le segment des petits bateaux de croisière est négligeable en termes de volumes et de valeur par rapport à celui des grands bateaux de croisière (à savoir        86 000 tb contre 7 880 000 tb en volume et 600 millions EUR contre 35 milliards   EUR en valeur). C’est pourquoi, l’éventualité de regrouper dans un  segment  spécifique les petits bateaux de croisière ne modifierait pas de manière significative l'évaluation du marché. Aux fins de l’appréciation de l'opération notifiée au regard de  la concurrence, le marché du bateau de croisière de plus de 30 000 tb, dont Aker    Yards est l’un des acteurs, est analysé dans les considérants (38) à (174). Comme il   n’y a pas de problème de concurrence même sur ce marché plus restreint la portée exacte de la définition du marché de produits peut demeurer ouverte en l'espèce.

Conclusion concernant les marchés de la construction navale marchande

(26) Aux fins de l’appréciation de l'opération notifiée, l’appréciation au regard de la concurrence est concentrée sur le marché de la construction de bateaux de croisière (d’une capacité supérieure à 30 000 tb). En outre, une appréciation des effets de la concentration sur le marché des ferrys (pris en compte à part ou dans le cadre d’un marché hypothétique regroupant les ferrys et les bateaux de croisière), des chimiquiers/pétroliers et des transporteurs de produits (pris en compte à part ou dans le cadre d’un marché unique) est effectuée. En ce qui concerne les autres catégories de navires, il n’est pas nécessaire de d'arrêter la définition exacte des marchés en cause dans la mesure où ces marchés ne sont pas concernés par l’opération notifiée.

FABRICATION DES MOTEURS DE NAVIRES

(27) STX est impliqué dans la fabrication de moteurs de navires par le biais de ses filiales STX Engine CO., Ltd. et STX Heavy Industries Co., Ltd. STX a produit des moteurs diesel pouvant équiper différents types de navires, en vertu d’un accord de licence passé avec MAN Diesel SE, aux termes duquel […]*. Aker Yards ne fabrique pas, pour sa part, de moteurs de navires.

 

(28)  Selon la partie notifiante, le marché des moteurs principaux de propulsion de navires constitue un marché de produits unique. La partie notifiante avance que les moteurs sont, en général, techniquement interchangeables quel que soit le type de navire de commerce auquel on a affaire, et les constructeurs produisent généralement la gamme entière des moteurs marins. Les seules exceptions citées par la partie notifiante concernent les moteurs à deux carburants des méthaniers transporteurs de GNL. STX ne fabrique pas ce type de moteur.

(29) Dans l’affaire COMP/M.4596 – Wärtsilä Technology/Hyundai Heavy Industries/JV, la Commission a reconnu que les moteurs à deux carburants (dual fuel) et les moteurs substituables à ceux des méthaniers transporteurs de GNL pouvaient constituer un marché de produits en cause, mais elle a laissé ouverte sa définition.

(30) L’enquête sur le marché a indiqué que les moteurs de propulsion de navires pourraient se subdiviser en deux grandes catégories en fonction du carburant utilisé pour leur propulsion: moteurs diesel et moteurs à deux carburants.

(31)  Certains acteurs du marché ont indiqué que la distinction la plus pertinente serait celle entre moteurs deux temps et moteurs quatre temps, qui présentent des différences de taille et de performance. Les moteurs quatre temps sont généralement utilisés pour la propulsion des bateaux de croisière et des ferrys, l’alimentation des centrales  électriques des navires de commerce et la propulsion des petits navires de commerce alors que les moteurs deux temps sont essentiellement utilisés pour la propulsion des grands navires de commerce. L’enquête sur le marché a néanmoins également montré que, malgré certaines différences entre les moteurs diesel deux temps et quatre temps, ces deux types de moteurs sont, d’une manière générale, interchangeables du point de vue de la demande. Comme l’a expliqué un constructeur de navires, il est technologiquement possible de remplacer plusieurs moteurs quatre temps peu puissants par un seul moteur deux temps. En outre, l’enquête sur le marché a indiqué que les plus grands fabricants sont généralement capables de produire la gamme complète des moteurs diesels. * Certains passages du présent document ont été supprimés afin de ne pas publier d'informations confidentielles; ils figurent entre crochets et sont indiqués par un astérisque.

(32) Dans le cas présent, la question de l’étendue exacte de la définition du marché de produits peut, néanmoins être laissée ouverte, en raison de l’absence de tout problème de concurrence.

B. MARCHE GEOGRAPHIQUE EN CAUSE

(33) La partie notifiante a avancé que le marché géographique en cause de la construction navale marchande et de la fabrication de moteurs de navires est d’envergure mondiale.

(34) Dans l’affaire COMP/M.2772 - HDW/Ferrostaal/Hellenic Shipyard12, la Commission a admis la position des parties selon laquelle «le marché de la construction (…) de tous types de navires de commerce [est]* d’envergure mondiale, car les coûts de transport des navires sont relativement faibles et [que]* les obstacles au commerce ne sont pas significatifs».

(35) L’enquête sur le marché étaye l’idée que le marché géographique de la construction navale marchande en cause est, d’une manière générale, d’envergure mondiale car les fournisseurs honorent les commandes de clients implantés partout dans le monde13. Cette conclusion vaut pour tous les types de navires concernés par la présente décision14. De même, les résultats de l’enquête sur le marché accréditent l’idée selon laquelle le marché des moteurs de navires est d’envergure mondiale15.

(36) En conséquence, aux fins de la présente décision, les marchés géographiques en cause correspondant à la construction de navires de commerce et à la fabrication de moteurs de navires sont considérés comme étant des marchés mondiaux.

C. APPRECIATION – ASPECTS HORIZONTAUX

(37) Les activités des parties se chevauchent dans le domaine de la construction de navires de commerce pour plusieurs types de navires. Pour les marchés potentiels des navires porte-conteneurs, des chimiquiers/pétroliers et des méthaniers transporteurs de GNL, leurs parts de marché cumulées ne dépasseraient pas 15 %. Ces marchés ne sont donc pas affectés. En outre, les entreprises contactées par la Commission dans le cadre de l’enquête sur le marché n’ont pas exprimé d’inquiétudes à leur égard. L'appréciation est donc centrée sur les conséquences possibles, en terme de concurrence, sur les marchés de la construction de bateaux de croisière et de la construction de ferrys qui ne présentent pas de chevauchement horizontal, mais qui ont fait l’objet d’inquiétudes de la part de certains acteurs du marché, et sur le seul marché susceptible d’être concerné par l’opération (et ce uniquement s’il est pris en compte indépendamment  des chimiquiers/pétroliers), à savoir celui des navires-citernes.

*12  Voir note de bas de page 8.

* 13  Voir le questionnaire adressé le 28 novembre 2007 aux acheteurs, question 14, le questionnaire adressé le 27 novembre 2007 aux constructeurs, question 14.

* 14 Bien que dans le cas des ferrys, certains constructeurs de navires semblent faire une distinction entre les ensembles régionaux, comme la région méditerranéenne ou la région de la Baltique.

*15  Voir le questionnaire adressé le 28 novembre 2007 aux acheteurs, question 16, le questionnaire adressé le 27 novembre 2007 aux constructeurs, question 16.

C.1.  CONSTRUCTION DES BATEAUX DE CROISIERE

C.1.1. INTRODUCTION

(38)  Le secteur de la construction des bateaux de croisière est fortement concentré  et dominé par trois grands acteurs très expérimentés: Fincantieri, Aker Yards et Meyer Werft. STX est totalement absent de ce marché.

(39) Les petits acteurs ne sont pas assez compétitifs pour obtenir des marchés de construction portant sur les plus gros bateaux, et, dans la plupart des cas, ils ne parviennent pas même à conquérir des marchés pour des navires de taille moyenne.  Ces fournisseurs ont tendance à se spécialiser dans la construction de navires de petite taille, marché sur lequel ils ne sont pas concurrencés par les trois plus gros constructeurs, et dans la remise en état/rénovation de bateaux. Du point de vue de la demande, les petits organisateurs de croisières ont tendance à utiliser, au départ, des bateaux rénovés, et n’envisagent que plus tard l’achat de bateaux neufs.

(40) Le Tableau 1 présente une synthèse des parts de marché calculées sur la base de l’enquête sur le marché pour la période 2003-2007 (le choix de périodes plus courtes pour le calcul des parts de marché ne fournirait pas d’indicateurs fiables de l’état du marché étant donné le nombre limité des commandes et des livraisons) portant sur les commandes de bateaux de croisière d’une capacité supérieure ou égale à 30 000 tb.

Tableau 1 – Marché mondial des bateaux de croisière en fonction des commandes passées sur la période 2003-200716

 

Sur la base du nombre de navires commandés

 

 

Sur la base du tonnage brut (tb)

Sur la base de la valeur des commandes (EUR)

Fincantieri

[40-45]*%

[40-45]* %

[40-45]* %

Aker Yards

[20-25]* %

[30-35]* %

[30-35]* %

Meyer Werft

[25-30]* %

[25-30]* %

[25-30]* %

Mariotti

[5-10]* %

[0-5]* %

[0-5]* %

Mitsubishi

-

-

-

Autres

-

-

-

Total

100,00 %

100,00 %

100,00 %

Source: Commission (enquête sur le marché)

(41)  Sur une période plus longue, à savoir 2000-2007, il apparaît qu’Aker Yards bénéficiait d’une position plus solide sur le marché, mais l'entreprise a perdu des parts de marché au profit de ses deux principaux concurrents (Fincantieri et Meyer Werft). Le Tableau 2 présente une synthèse de ces données.

*16 Les chiffres correspondant aux parts de marché des bateaux de croisière utilisés dans la présente décision constituent une représentation du marché à partir des réponses à la question 9 et de l’annexe 1 du questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière. Les données  concernant Aker Yards incluent les entreprises qu'elle a rachetées au cours de cette période, à savoir Kvaerner et les Chantiers de l'Atlantique.

Tableau 2 - Marché mondial des bateaux de croisière en fonction des commandes passées sur la période 2000-2007 

 

Sur la base du nombre de navires commandés

 

 

Sur la base du tonnage brut (tb)

Sur la base de la valeur des commandes (EUR)

Fincantieri

[35-40]* %

[35-40]* %

[35-40]* %

Aker Yards

[30-35]* %

[35-40]* %

[35-40]* %

Meyer Werft

[20-25]* %

[20-25]* %

[20-25]* %

Mariotti

[5-10]* %

[0-5]* %

[0-5]* %

Mitsubishi

[0-5]* %

[0-5]* %

[0-5]* %

Others

-

-

-

Total

100,00 %

100,00 %

100,00 %

Source: Commission (enquête sur le marché)

(42)  La société italienne Mariotti semble constituer un cas à part puisqu'en 2000 elle a reçu des commandes de la société Carnival portant sur un prototype et deux navires jumeaux de [30 000 – 35 000]* tb, ce qui lui permet d’accéder à la quatrième place du marché avec une part de marché de [0-5]* % en ce qui concerne le tonnage et la valeur. Avant ces commandes, Mariotti avait livré de plus petits bateaux de croisière (avant 2000) et un bateau de croisière d’environ [35 000 – 45 000]* tb en 2003. Comme évoqué dans le considérant (47), la partie notifiante a avancé que Mitsubishi compte également parmi les acteurs du marché de la construction des bateaux de croisière, ayant livré de très grands navires ([110 000 – 120 000]* tb), en 2004, commandés par la même entreprise Carnival (en 1999-2000). Mitsubishi n’est cependant pas présente actuellement sur le marché, et les acteurs du marché ne la perçoivent pas comme un concurrent effectif.

(43)  Les bateaux de croisière sont un produit différencié impliquant, dans la plupart des  cas, une collaboration difficile sur le plan technologique et logistique  entre  l’entreprise de construction navale, le client et le réseau de sous-traitants fournissant les différents composants du navire.

(44)  En raison de la complexité des bateaux de croisière (et du fait qu’ils sont pour une large part construits sur mesure), leur construction comporte des coûts spécifiques. Il existe plusieurs manières de réduire ces coûts, consistant notamment à établir une relation suivie avec une entreprise de construction navale (en s’appuyant sur des commandes   passées)   ou   à   commander   des   «navires   jumeaux»   à   partir  d’un «prototype» existant. Cette deuxième solution permet, par exemple, de diviser les coûts de conception par le nombre de navires commandés et de réduire ainsi considérablement les coûts unitaires. Les délais de construction des navires jumeaux sont également plus courts (car le temps nécessaire à la conception et à la recherche  de toutes les solutions techniques est forcément réduit), et les risques supportés sont également moins importants en raison du raccourcissement des délais et du fait que les enseignements tirés de l’utilisation du prototype permettent d’affiner la conception du ou des navires jumeaux. Il est également possible de passer commande simultanément du prototype et des navires jumeaux, ce qui permet de négocier une remise sur le prix total.

(45)  Le nombre de navires jumeaux fabriqués à partir d’un même prototype reste néanmoins limité du fait que leur conception et/ou leurs solutions techniques spécifiques peuvent devenir obsolètes et/ou moins économiques (ou rentables) par rapport à de nouveaux modèles susceptibles d'apparaître entre-temps, ou ils peuvent tout simplement ne plus correspondre, au bout d’un certain temps, aux exigences des opérateurs de croisière. À terme, les économies (financières et non financières) liées à la commande d’un navire jumeau au lieu d’un prototype risquent d’être compensées par le coût que représente l’exploitation de solutions obsolètes. À ce stade, il sera peut-être préférable, pour un opérateur de croisière, de commander un nouveau prototype plutôt qu’un navire jumeau issu d’un prototype existant.

(46)  Comme indiqué aux considérants (38) à (41), trois grands constructeurs de bateaux de croisière se partagent l’essentiel du marché: Aker Yards, Fincantieri (le leader du marché) et Meyer Werft. Toutefois, la demande est elle aussi concentrée entre les mains de quatre grands opérateurs de croisières qui contrôlent environ 80 % du marché: Royal Caribbean Cruises Ltd. (ci-après dénommée «Royal Caribbean»), Carnival Corporation & plc (ci-après dénommée «Carnival»), Norwegian Cruise Line (ci-après dénommée «Star/NCL») et MSC Crociere SA (ci-après dénommée «MSC»).

(47)  En l’absence de chevauchements horizontaux, la position d’Aker Yards sur le marché des bateaux de croisière ne se trouverait pas renforcée du fait de l’opération notifiée. Deux concurrents importants d’Aker Yards demeureraient: la société italienne Fincantieri, le leader du marché, (qui est une entreprise publique), et la société allemande Meyer Werft. Ces deux entreprises ont effectué des livraisons au cours de  la période 2004-2007 et ont tenté (avec succès) d’obtenir de nouvelles commandes au cours des quelques années suivantes. Mais au cours de la première phase de l’enquête sur le marché, des inquiétudes se sont exprimées face à l’éviction possible de STX en tant que nouvel entrant potentiel sur le marché et au vu d’allégations de subventions publiques que pourrait recevoir le nouveau groupe après sa fusion et qui pourraient fausser de manière importante le libre jeu de la concurrence. L’enquête approfondie a montré que de telles inquiétudes ne sont pas justifiées, comme nous allons le montrer aux points suivants.

C.1.2.  EVICTION DE STX COMME NOUVEL ENTRANT POTENTIEL

Introduction

(48)  Lors de la première phase de l’enquête sur le marché, la Commission a reçu des informations indiquant que STX s’apprêterait à faire son entrée sur le marché des bateaux de croisière et que l'opération notifiée aurait donc pour effet d’écarter un nouvel entrant potentiel. Bien que STX se soit défendu auprès de la Commission de toute intention de se positionner de manière effective ou potentielle sur le marché des bateaux de croisière17, la Commission a identifié des éléments tendant à indiquer le contraire. Il a notamment été révélé que STX avait été impliqué, à partir de l’automne 2007, dans un appel d’offres pour un projet de construction d’un nouveau bateau de croisière pour le compte de la compagnie Saga Lines. En conséquence, un certain nombre d’acteurs du marché ont considéré STX comme un nouvel entrant potentiel  sur le marché et ont exprimé leurs craintes face à la perte potentielle d’un élément concurrentiel qui serait évincé du marché18. 

*17 Réponse de STX du 29 novembre 2007 à la question 11 du questionnaire de la Commission.

*18  Voir notamment le compte rendu de la téléconférence avec [nom de l’acheteur]* du 12 décembre 2007. déclarations de responsables de STX exprimant les ambitions de l’entreprise de se positionner sur le marché des bateaux de croisière19.

(49) L’enquête approfondie a tenté d’apporter des éclaircissements quant à l’éventuel effet anticoncurrentiel d’un retrait de STX en tant qu’acteur potentiel du marché. Selon les Lignes directrices horizontales20 de la Commission, «Pour qu'une concentration avec un concurrent potentiel puisse produire des effets anticoncurrentiels significatifs, il faut que deux conditions fondamentales soient réunies. D'une part, le concurrent potentiel doit déjà peser sensiblement sur le comportement des autres entreprises ou, à tout le moins, il doit exister une forte probabilité que ce concurrent devienne un  moteur de la concurrence. … D'autre part, il faut que le nombre d'autres concurrents potentiels, capables de maintenir des pressions concurrentielles suffisantes à l'issue de la concentration, soit insuffisant».

Actuellement, STX n’exerce pas une influence contraignante significative et il n’y a pas de forte probabilité qu’il puisse accéder au statut d’acteur concurrentiel effectif à court terme.

(50)  STX a participé aux phases préliminaires d’une procédure d’appel d’offres pour le compte d’un client (Saga Lines) pour la construction d’un bateau de croisière à la fin de l’année 2007. L’enquête sur le marché a confirmé qu’en dehors de ce cas précis, STX n’a participé à aucun autre appel d’offre, contact préliminaire ou conversations en vue de la construction d’un bateau de croisière21. Aucun des acheteurs de bateaux de croisière qui ont répondu à l'enquête, à l’exception de Saga Lines, n’a indiqué avoir eu des contacts de quelque sorte que ce soit avec STX concernant des projets de construction de bateaux de croisière. STX n’a, à ce jour, jamais construit de bateaux de croisière et n’a jamais tenté auparavant de développer d’activité dans le domaine des bateaux de croisière. En outre, les acheteurs ne perçoivent pas, d’une manière générale, STX comme un concurrent effectif mais plutôt comme un nouvel entrant potentiel aux côtés des autres acteurs asiatiques22. Les acheteurs n’ont eu conscience de l’implication de STX dans le secteur des bateaux de croisière que dans le cadre de l’appel d’offres de Saga Lines. Un gros acheteur a déclaré que «jusqu’à l’annonce de sa prise de participation dans Aker Yards, STX n’était pas considéré par [le client]* comme un constructeur de bateaux de croisière potentiel. Ceux qui connaissaient STX le considéraient comme un constructeur de pétroliers de bonne réputation produisant également d’autres navires de commerce de taille moyenne dont le niveau de technicité n’était pas très élevé, ainsi que des moteurs sous licence de fabricants

 *19  Lloyd's List, Special Report-South Korea, article intitulé «Le président de STX travaille dans le cadre familial afin d’envisager l’avenir de manière audacieuse» (STX chairman works within family to create bold vision). Publié le 6 octobre 2006.

*20  Paragraphe 60 des «Lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises», (JO C 31 du 5 février 2004, p. 5).

*21 Bien qu’un constructeur ait avancé que STX aurait participé à d’autres projets par le passé, cette affirmation n’a pas été confirmée par les acheteurs pertinents.

*22 Questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière,  questions 12, 15, 16 et  17. européens. Chacun sait, cependant, que STX a récemment pris contact avec un ou plusieurs opérateurs européens de ferrys et opérateurs de croisières…»23.

(51)  Concernant le premier et unique appel d’offres dans le secteur des bateaux de  croisière auquel STX ait participé, il portait sur la construction d’un bateau de croisière de relativement petite taille (42 000 tb) pour le compte d’un petit client, Saga Lines. À titre de comparaison, la taille moyenne des bateaux de croisière construits  par les trois principaux producteurs est beaucoup plus grande (Fincantieri [100 000 – 110 000]* tb, Aker Yards [115 000 – 125 000]* tb et Meyer [100 000 – 110 000]* tb). En outre, STX avance que sa participation à cet appel d’offres s’était limitée à la soumission de documents très peu élaborés et que son objectif, dans cette opération, était de profiter de l'occasion pour prendre contact avec la réalité de ce marché en vue de s’y positionner éventuellement à plus long terme. Si STX a reconnu auprès de la Commission qu’il souhaitait se positionner à long terme sur le marché des bateaux de croisière, il semble avoir à peine commencé à rassembler le savoir-faire nécessaire.

(52)  STX a expliqué que lors des premières étapes de l’appel d’offres de Saga Lines, il n’a transmis à cette société qu'un nombre réduit de plans de base, très peu élaborés, de navires, alors que la construction effective d’un bateau de croisière exigerait l’élaboration de plusieurs milliers de dessins et documents techniques. Bien que STX pourrait, s’il était désigné à la suite de l’appel d’offres, faire appel dans une certaine mesure à des cabinets conseil en ingénierie pour l’aider dans les tâches de conception, il apparaît clairement que la société ne dispose pas de l’expérience et du savoir-faire requis pour procéder à la construction de bateaux de croisière complexes, tels, notamment, que les gros navires que construisent les trois principaux acteurs actuels du marché. STX, contrairement à certains de ses concurrents asiatiques, n'a pas encore dépassé les premières étapes de son activité de recherche et développement dans le domaine des bateaux de croisière24. L'acquisition d’un tel savoir-faire peut prendre un temps considérable étant donné la complexité et les spécificités de la conception des bateaux de croisière par rapport aux navires marchands. Les acteurs du marché ont mentionné ne pas avoir connaissance d’un éventuel effort significatif consenti par STX en matière de recherche et développement et qui serait susceptible de faire avancer l’entreprise vers une maîtrise du savoir-faire nécessaire pour la construction de bateaux de croisière.

(53)  Des acheteurs expérimentés peuvent collaborer avec des entreprises de construction navale qui ne sont pas encore présentes sur le marché, ce qui les aide à acquérir le savoir-faire nécessaire à la conception de bateaux de croisière en vue d’une éventuelle collaboration future. Toutefois, les acheteurs principaux ont confirmé qu'une telle collaboration technique n'est pas mise en place avec STX . Il convient de souligner qu’il  s’agit,  là  encore,  d’un  processus  progressif  et  qu’un  tel  apprentissage,   qui

*23  Réponse de [nom de l’acheteur]* du 21 janvier au questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière, question 12.

*24 STX a expliqué ne pas avoir entrepris d’activités de recherche, de développement ou d’innovation de son propre chef dans le domaine de la construction de bateaux de croisière et qu’elle n’avait commencé à participer au projet de développement lancé par le gouvernement sud-coréen concernant le savoir-faire élémentaire en matière de construction de bateaux de croisière qu’à la fin de l’année 2007. STX participe  à un groupe de travail consacré essentiellement à la recherche et au développement en matière d’architecture intérieure et qui possède un budget d’environ [moins de 5 millions USD]* sur la période quinquennale de 2007-2012. STX y contribuera à hauteur d’un quart. Pour plus d’informations sur ce programme de recherche et développement sud-coréen, reportez-vous aux considérants (95), (96) et (97). s’ajoute aux efforts de recherche et développement consentis en interne, peut prendre beaucoup de temps avant de pouvoir en recueillir les fruits. Or, STX se situe encore  au tout premier stade de ce processus.

(54) L' expérience préalable de la construction d’autres types de navires de transport de passagers tels que des ferrys peut aussi contribuer, dans une certaine mesure, à un développement du savoir-faire nécessaire à la construction de bateaux de croisière. Si les acteurs du marché ne considèrent pas qu’une expérience passée dans la construction de ferrys soit un préalable nécessaire pour entrer sur le marché des bateaux de croisière, celle-ci peut néanmoins être utile bien qu'un fossé important semble subsister entre les deux catégories de navires. Contrairement à un certain nombre de ses concurrents asiatiques, STX n’a jamais construit de ferrys. Elle a construit un petit navire de formation d’un tonnage de 5 900 tb pour l’Académie de marine coréenne. Elle a expliqué néanmoins que ce navire était destiné à assurer l’instruction et la formation des étudiants de l’Académie de marine et que, bien qu’il puisse accueillir 246 passagers, il n’est pas enregistré comme navire de transport de passagers mais comme navire spécialisé, car il est beaucoup moins développé en termes d’équipements, de sécurité et de technologie, et beaucoup moins complexe que les bateaux de croisière.

(55)  En conclusion, dans le cadre de l’enquête sur le marché, aucun projet ou élément tangible n'a été trouvé tendant à accréditer de manière significative une entrée  probable et imminente de STX sur le marché. Les acteurs du marché associent STX avec le marché des bateaux de croisière en raison essentiellement du cas isolé de sa récente participation à l’appel d’offres Saga Lines. Bien que STX reconnaisse qu’il entend se positionner à long terme sur ce marché, il est évident que l'entreprise n’a pas préparé avec suffisamment de soin une entrée significative sur le marché des bateaux de croisière. Il faut donc en conclure que STX n’exerce pas actuellement une  influence contraignante significative sur les constructeurs de bateaux de croisière et qu’il n’existe pas de forte probabilité pour qu’elle accède au statut d’acteur concurrentiel effectif à court terme.

Il existe suffisamment d’autres concurrents potentiels qui sont au moins aussi bien placés que STX pour faire leur entrée sur le marché des bateaux de croisière

(56)  L’enquête sur le marché a confirmé que d’autres entreprises de construction navale originaires d’Extrême-Orient, telles que le Japonais Mitsubishi ou les Sud-coréens Samsung et Daewoo, étaient au moins aussi bien placés que STX pour faire figure d’entrants potentiels sur le marché des bateaux de croisière. Interrogés sur les entrants potentiels, les acheteurs et les constructeurs ont cité ces trois entreprises en plus de STX25.

(57)  Mitsubishi est sans doute la plus connue des entreprises de construction de bateaux de croisière d’Extrême-Orient, étant présente depuis longtemps sur le marché. Elle a   livré de petits bateaux de croisière au début des années 1990 et, en 2004, deux grands bateaux de croisière, le Diamond Princess et le Sapphire Princess, ayant chacun un tonnage de [110 000 – 120 000]* tb (plus de 2 500 passagers), à P&O Princess (qui fait maintenant partie du plus grand opérateur de croisières mondial, la Carnival Corporation).  Mitsubishi  jouit,  de  ce  fait,  d’un  avantage  substantiel  en  terme  de

*25 Questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière, questions 15 et 16. Questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, questions 37, 38 et 39. savoir-faire par rapport aux autres entreprises de construction navale asiatiques car  elle possède déjà les compétences nécessaires pour la construction de bateaux de croisière. Bien qu'elle ne soit pas présente actuellement sur le marché, la société est perçue par les acheteurs comme un (r)entrant potentiel tout à fait crédible26.

(58)  Les entreprises de construction navale sud-coréennes n’ont, jusqu’à présent, jamais obtenu de marché de construction de bateaux de croisière. Les acteurs du marché estiment qu'elles observent actuellement le marché des bateaux de croisière avec un certain intérêt stratégique pour l’avenir, au moment où leurs concurrents chinois qui développent leurs chantiers navals sont censés se tourner progressivement vers le type de navires marchands essentiellement produits jusqu’ici par les chantiers navals sud- coréens. C’est pourquoi, les acteurs sud-coréens pourraient se tourner vers des  marchés de plus haute technicité comme, par exemple, celui des bateaux de croisière.

(59)  Les acteurs du marché estiment que les entrants potentiels, parmi les entreprises de construction navale sud-coréennes, sont STX, Samsung et Daewoo.  Comme l’explique un constructeur, «STX est, en tant qu’entreprise autonome, un nouvel entrant potentiel. Daewoo (DSME) et Samsung peuvent, de leur côté, bénéficier d’un léger avantage du fait qu’ils ont déjà construit des ferrys pour le marché européen»27. De fait, ces deux entreprises sud-coréennes possèdent une expérience dans la construction de ferrys, ce qui, en tant que nouvel entrant sur le marché des bateaux de croisière, peut constituer un avantage en terme de savoir-faire.

(60)  Daewoo aurait «acquis une technologie avancée pour la construction de transbordeurs de haute technicité du fait qu’il a construit, par le passé, trois ferrys ultra rapides de 40 nœuds, le «Treasure Island» pouvant accueillir 472 passagers, le «Blue Star» pouvant accueillir 1500 passagers et 200 voitures, construit pour un propriétaire grec, ainsi qu’un ferry de grand luxe pouvant accueillir 1800 passagers et commandé par Moby Line en Italie. Tous ces ferrys transportant des passagers se sont fait remarquer par  leur conception alliant légèreté et robustesse, mais aussi par leur élégance et pour la qualité exceptionnelle de leur architecture intérieure»28. Si l’expérience de la construction de ferrys ne semble pas constituer un préalable nécessaire à l’entrée sur  le marché complexe et très technique des bateaux de croisière, elle peut sans doute se révéler utile dans une certaine mesure.

(61)  Bien que Samsung (SHI) ait sans doute un chemin encore long à parcourir avant d’atteindre son objectif final, cette société construit également des ferrys, et  elle expose sur son site Internet sa politique de développement du savoir-faire dans le domaine des bateaux de croisière, indiquant dans le menu «Products» et dans le sous- menu «Cruise and Ferries» que «SHI est en train d’établir progressivement les fondations nécessaires pour être en mesure de concevoir et de construire des bateaux de croisière». Elle présente aussi quelques profils généraux de bateaux de croisière, notamment un navire de 85 000 tb pouvant accueillir 2 500 passagers29.

*26  Questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière, questions 12 à 16.

*27   Réponse de Meyer Werft du 21 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux  constructeurs de bateaux de croisière, question 39.

*28  www.cruiseshipportal.com

*29  http://www.shi.samsung.kr/eng/

(62)  En conclusion, d'autres entreprises de construction navale d’Extrême-Orient sont plus avancées que STX dans leur projet de pénétration du marché des bateaux de croisière. En tout état de cause, rien n’indique que STX soit plus avancé que ces entreprises  dans la préparation d’une entrée significative sur le marché.

Probabilité de l’entrée imminente de constructeurs asiatiques concurrents sur le marché des bateaux de croisière

(63) Concernant l’entrée possible de concurrents asiatiques (qu’il s’agisse de STX ou d’autres entreprises) sur le marché des bateaux de croisière, une incertitude demeure quant à la date à laquelle ils pourraient être en mesure de surmonter définitivement l’obstacle du savoir-faire (à l’exception de Mitsubishi qui possède déjà une expérience dans ce secteur). Mais une autre question, plus importante encore, reste posée: à quel moment une entrée significative d’un ou plusieurs de ces constructeurs pourrait-elle devenir effective, dans la perspective même où ces derniers auraient développé le savoir-faire et la capacité de gestion de projet nécessaires à la construction de bateaux de croisière complexes (en interne ou avec l’aide de cabinets de conseil ou de clients). De plus, la question du savoir-faire n’est qu’un obstacle à l’entrée sur le marché, et il existe d'autres éléments indiquant qu’il est peu probable de voir émerger, à court terme, une concurrence asiatique significative dans le domaine de la construction des bateaux de croisière.

(64)  Premièrement, 80 % environ de la valeur d’un bateau de croisière provient du travail des sous-traitants (depuis les équipements marins tels que les moteurs, les systèmes de lutte contre l’incendie ou de climatisation, jusqu’à l’équipement des cabines, des restaurants, des théâtres, des piscines et des casinos). Actuellement, comme la  majorité des sous-traitants se situent en Europe, l’importation de ce type d'équipements en Asie pourrait avoir un impact financier significatif sur les prix et sur la rentabilité des projets (en raison des coûts de transport supplémentaires ou du  risque de change). De plus, les sous-traitants et leur personnel accomplissent généralement une part importante de leurs interventions sur place dans le chantier naval, ce qui ferait encore augmenter les coûts de communication et de voyage. Comme l’une des entreprises de construction navale l’a noté, «la proximité géographique des sous-traitants est un facteur essentiel pour la rentabilité du projet.  À  long  terme,  les  sous-traitants  finissent  par  suivre  l’entreprise  de   construction navale. Un réseau ne peut se déplacer du jour au lendemain et doit au contraire se construire dans la durée»30. Certains sous-traitants commencent à s’établir en Asie, mais il apparaît clairement que l’émergence, en Extrême-Orient, d’un réseau local de sous-traitants dans le secteur des bateaux de croisière prendra du temps. Il faudrait, en outre,  persuader  les  gros  acheteurs  de  bateaux  de  croisière  d’accepter  des   sous-traitants asiatiques ne pouvant justifier d’aucune expérience, notamment pour les équipements marins stratégiques.

(65) Deuxièmement, l’attractivité du marché des bateaux de croisière par rapport à celui  des navires marchands peut être réduite du fait que le nombre de commandes  annuelles de bateaux de croisière est beaucoup plus faible et les délais de livraison sont plus longs, donc les risques que doivent supporter les nouveaux entrants sont également plus élevés. Les économies d’échelle du marché des bateaux de croisière (liées à la production de navires jumeaux).

*30 Réponse de [nom de l’entreprise de construction navale]* du 28 janvier 2008 au questionnaire de la Commission du 14 janvier 2008 , question 23.5. bénéficient les constructeurs de navires marchands qui sont produits en grande quantité et par des processus plus automatisés.

(66) Il faut également prendre en compte l’état actuel du marché des navires marchands, secteur dans lequel les entreprises de construction navale japonaises et sud-coréennes se sont spécialisées et pratiquent une production de masse. L’enquête sur le marché a indiqué que l’explosion du marché des navires de charge n’incite pas, actuellement, les entreprises de construction navale sud-coréennes et japonaises à se positionner sur d’autres secteurs du marché, notamment lorsqu’elles sont confrontées au type d’obstacles à l’entrée que nous avons évoqués précédemment. La Commission estime que cette situation pourrait s’inverser en raison de la capacité de production croissante dont la Chine est en train de se doter, et face à l’éventualité d’un fléchissement du marché de la construction navale. Il est cependant impossible de prévoir à quel moment pourrait avoir lieu ce revirement, et, par conséquent, à quelle échéance les constructeurs asiatiques pourraient faire leur entrée sur le marché des bateaux de croisière. L’état actuel du marché ne laisse pas supposer une entrée probable à court terme.

(67) Le choix de consacrer des investissements et de faire des efforts en vue de surmonter les obstacles (recherche et développement, l'établissement d’un réseau local de sous- traitants) et les problèmes d’inefficacité dans la production le long de la courbe d’apprentissage, et de construire à long terme, dans des conditions de rentabilité, des bateaux de croisière et non plus des navires de charge ne s’impose pas, actuellement, comme une évidence aux concurrents asiatiques.

Conclusion sur la possibilité d’une entrée des acteurs asiatiques sur le marché

(68) Les constatations présentées ci-dessus montrent que STX n’exerce pas actuellement  de contrainte concurrentielle significative sur le marché des bateaux de croisière et  que rien ne porte à croire que, en l’absence de la concentration, STX puisse devenir  un acteur concurrentiel effectif dans l’avenir proche. En outre, un certain nombre d’autres entrants possibles sont plus avancés et au moins aussi bien placés que STX pour faire leur entrée sur le marché.

(69) La concentration n’aurait pas d’effets anticoncurrentiels significatifs du fait de l’éviction de STX en tant que concurrent potentiel des trois grands constructeurs de bateaux de croisière existants.

C.1.3. PROBLEMES DE CONCURRENCE LIES AUX SUBVENTIONS

(i)Introduction

(70)  Lors de l’enquête sur le marché31, la société Fincantieri s’est plainte de ce que, outre un certain nombre d’autres avantages allégués, tels que le faible niveau des salaires et des prix de l’énergie et de l’acier32, l’entité issue de la concentration bénéficierait de subventions  de  la  part  de  l’Etat  sud-coréen  qu’elle  pourrait  utiliser  de manière.

* 31  Réponse du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière.

* 32 Ces avantages concurrentiels supposés sont enregistrés dans le cadre de la stratégie concurrentielle générale de chaque entreprise et se distinguent nettement des subventions, qui, comme l’avance le plaignant, fausseraient la concurrence en ne permettant pas la confrontation des mérites propres à chaque entreprise et revêtiraient donc un caractère perturbateur. déloyale pour baisser artificiellement ses prix et marginaliser ainsi ses concurrents existants jusqu’à les évincer du marché des bateaux de croisière, contribuant ainsi à établir une position dominante de nature monopolistique sur ce marché33.

(71) Selon le plaignant, la situation actuelle dans laquelle Aker Yards ne détient pas de position dominante sur le marché des bateaux de croisière pourrait évoluer du fait de l’acquisition immédiate du savoir-faire nécessaire par STX ajoutée au fait que STX serait en mesure de bénéficier de subventions déloyales, ce qui créerait  immédiatement les conditions d’une entrave significative à la concurrence. Le plaignant a notamment affirmé que «Au vu du soutien qu’Aker Yards/STX continuera vraisemblablement à recevoir de la part de l’ÉTAT SUD-COREEN, ce groupe sera en mesure de supporter des périodes indéfinies de pertes (ou de faible rentabilité) sans avoir à restructurer ou à rationaliser sa production. Les autres entreprises de construction navale telles que Fincantieri, qui seront, pour leur part, confrontées à une concurrence de marché, subiront, en conséquence, une pression importante et risqueront, à terme, de se trouver dans l’obligation de réagir en réduisant leur propre capacité de production. Il résulte de ces considérations qu’on peut envisager de manière réaliste que la structure de production du secteur des bateaux de croisière et des ferrys, par exemple, risquerait de devenir beaucoup plus asymétrique (comme dans le cas du GNL cité ci-dessous) que si le marché avait été libre de toute forme de subvention, et si le rachat d’Aker Yards n’avait pas lieu. Une telle situation aurait toutes les chances de produire les résultats suivants: STX disposerait d’un pouvoir de marché important, les acteurs européens se trouveraient de facto marginalisés, et les prix seraient à la hausse malgré la faiblesse des coûts supportés.»34 Selon le plaignant, cette situation pourrait être encore aggravée par les avantages allégués que constitueraient, pour les entreprises sud-coréennes de construction navale, des coûts  de production bas (le faible niveau des salaires et le faible prix de l’énergie et de l’acier), par le fait que STX serait intégré verticalement dans la production de moteurs marins et en raison de la gamme de produits plus large dont bénéficierait l’entité issue de la concentration.

(72) Selon le plaignant, les subventions perçues par l’entité combinée seront essentiellement octroyées sous la forme de prêts avant expédition et de garanties de restitution d’acomptes correspondant aux projets de construction de bateaux à venir de l’entité issue de la concentration. STX et la banque publique sud-coréenne KEXIM prétendument impliquée dans l'octroi de ces prêts et garanties à la production ont affirmé que ces instruments ont été fournis aux conditions du marché35. En outre, le plaignant a avancé que STX avait, par le passé, bénéficié de crédits à l’investissement et de programmes publics de soutien de la recherche et développement avantageux. 

*33 Fincantieri avance que le marché des navires de croisière ne doit pas être considéré comme étant distinct de celui des autres navires de commerce car ils constituent, ensemble, un seul grand marché unifié. Ce raisonnement implique que l’entité issue de la concentration monopoliserait un marché encore plus vaste que celui des simples bateaux de croisière. Étant donné que l’enquête sur le marché indique que les bateaux de croisière constituent un marché à part, les arguments de Fincantieri sont analysés sur la base exclusive de ce marché restreint.

*34 Réponse du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, question 45.

*35   Réponse du 5 février 2008 au questionnaire adressé le 30 janvier 2008 à STX. Lettre du 5 février 2008 adressée par KEXIM à STX, annexe 2 de la réponse du 5 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 30 janvier 2008. substance, l’argument était que la Corée du Sud ayant déjà accordé, par le passé, des subventions aux entreprises de construction navale, cette pratique avait toutes les chances d’être poursuivie à l’avenir. Le plaignant affirme36 que la Commission est tenue d’évaluer de manière indépendante des subventions même potentielles dans le cadre du contrôle des concentrations afin d’apprécier pleinement les effets de ces subventions sur la puissance financière de l’entité issue de la concentration et renvoie à cet égard à la jurisprudence, et notamment l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes dans l'affaire T-156/98 RJB Mining plc contre Commission des Communautés européennes37.

(73) L’inquiétude concernant une utilisation éventuelle par l’entité issue de la  concentration de ces subventions/aides d’État susceptibles de constituer une entrave à la concurrence n’a été exprimée que par deux des cinq répondants concurrents: Fincantieri et un autre petit acteur du marché38, et seule la réclamation de Fincantieri a été, au moins en partie, motivée lors de la procédure. Aucune préoccupation de cet ordre n'a été exprimée par d'autres entreprises qui seraient susceptibles de devenir des entrants potentiels. Finalement, du point de vue des acheteurs, seuls deux des sept répondants (y compris les quatre plus gros acheteurs) ont indiqué que l’opération notifiée pourrait avoir des conséquences anticoncurrentielles39. Mais ces deux points de vue concernaient l’éviction d’une concurrence potentielle (traitée aux  considérants (48) à (69)), l’affaiblissement du marché européen et la perte de savoir-faire, sujets  qui n’ont pas été motivés plus avant. Il convient de souligner que trois des quatre plus gros acheteurs (représentant une grande part de la demande de bateaux de croisière) n’ont pas exprimé d’inquiétude et que l’un d’entre eux a même indiqué que  l’opération aurait pour effet d’augmenter le nombre de fournisseurs40, suggérant ainsi qu’elle permettrait de renforcer la concurrence.

(74) Les réclamations de Fincantieri doivent être rejetées. Premièrement, les principes établis par le Tribunal de première instance dans l'affaire T-156/98, arrêt RJB Mining, concernent essentiellement la nécessité d’éviter les incohérences entre les différentes politiques communautaires, et leur pertinence dans le cas présent est donc très limitée. Deuxièmement, les résultats de l’enquête sur le marché indiquent que la position financière de STX n’est pas de nature à conférer à l’entité issue de la concentration une position dominante sur le marché de la construction de bateaux de croisière, et ce, que les instruments financiers évoqués par le plaignant constituent ou non des subventions passées ou actuelles de l’Etat sud-coréen. Troisièmement, rien ne permet de conclure que l’État sud-coréen pourrait accorder, à l’avenir, des subventions à l’entité issue de la concentration. 

*36  Contribution de Fincantieri du 15 février 2008, «Relevance of subsidies/ State aid in EC merger contro».

* 37  Affaire T-156/98 RJB Mining/Commission, Recueil 2001, p. II-337.

*38  Réponse de Fincantieri du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux  de croisière. Réponse de [constructeur]* du 23 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14  janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière.

*39   Réponse du 18 janvier 2008 au questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière, question 43. Réponse du 30 janvier 2008 au questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière.

*40   Réponse du 21 janvier 2008 au questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière. sont alléguées étaient effectivement accordées, elles ne conféreraient pas une position dominante à l’entité issue de la concentration sur le marché des bateaux de croisière.

(ii) Aides d’État et contrôle des concentrations

(75) Dans le cadre d’une analyse de concentration, la Commission doit évaluer tous les critères pertinents susceptibles de constituer une entrave significative à la  concurrence. Parmi ces nombreux éléments à prendre en compte, la puissance financière de l’entité issue de la concentration peut aussi jouer un rôle41.

Aides d’État et puissance financière

(76) Une aide d’Etat peut potentiellement augmenter la puissance financière d’une entreprise si des moyens financiers lui sont accordés sous la forme, par exemple,  d’une réduction de prix pour l’achat d’une société d’Etat cible, par simple transfert de capitaux ou sous la forme de prêts ou de garanties accordés à des conditions non conformes au marché. À titre indicatif, un prêt accordé par un État ne constitue pas une aide d’Etat s’il est accordé à des conditions de marché. Si le taux d’intérêt demandé est, en revanche, inférieur aux conditions du marché, cet avantage (la différence entre le taux avantageux et le taux du marché) constitue une forme d’aide d’Etat.

(77) En 2001, le Tribunal de première instance, dans l'affaire T-156/98 concernant RJB Mining42, a estimé que la Commission n’avait pas analysé les effets des aides d’État présumées (un transfert financier qui n'avait pas, à ce stade-là, été qualifié d'aide d’Etat) sur la puissance financière de l’entité issue de la concentration. De la même manière il a annulé la décision de la Commission dans l’affaire RAG/Saarbergwerke/Preussag Anthrazit43 (Cas IV/CECA.1252) qui avait fait l’objet d’une appréciation au regard du traité établissant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA).

(78) Cependant, l’arrêt RJB Mining fait référence à des circonstances très particulières que l’on ne retrouve pas dans le cas présent. Premièrement, il convient de souligner que, contrairement à l'aide d’État observée dans l’arrêt RJB Mining, les subventions publiques alléguées dans le cas présent ne sont pas directement «liées» à la concentration. Dans l’affaire RAG/Saarbergwerke/Preussag, l'aide d’État était non seulement liée à la concentration mais en constituait même la conséquence naturelle. En l'espèce, cependant, les subventions publiques alléguées ne présentent pas de liens significatifs avec l’opération notifiée.

(79) Plus important encore, cet arrêt du Tribunal de première instance ne permet pas de conclure que la Commission serait dans l’obligation d’effectuer une «pré-évaluation» des subventions alléguées dans le cadre d’une procédure de contrôle des concentrations en réalisant une enquête de quasi aide d’Etat (comparable à la procédure relevant de l’article 88 du traité CE) en vue de vérifier si des subventions auraient été accordées par un pays tiers (c'est-à-dire un «État non membre» de la

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

 

vu le traité instituant la Communauté européenne,

 

vu l'Accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 57,

 

vu le règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises1, et notamment son article 8, paragraphe 1,

 

vu la décision de la Commission du 20 décembre 2007 d'engager la procédure dans la présente affaire,

 

vu l'avis du comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises2, vu le rapport final du conseiller-auditeur3,

CONSIDÉRANT CE QUI SUIT:

 

 

(1)  Le 16 novembre 2007, la Commission a reçu une notification conformément  à  l’article 4 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil (ci-après dénommé «le règlement sur les concentrations»), d’un projet de concentration par lequel l'entreprise STX Corporation Co. Ltd (ci-après dénommée «STX», Corée du Sud), acquiert au sens de

 

 

 

1      JO L 24 du 29.1.2004, p. 1

2      JO C ..., ...200. , p. ...

 

3      JO C ..., ...200. , p. ...

 

l’article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations le contrôle de l'ensemble d’Aker Yards A.S.A (ci-après dénommée «Aker Yards», Norvège) (Aker Yards et STX sont, ci-après, dénommées ensemble «les parties»).

 

(2)  Dans sa décision du 20 décembre 2007, la Commission a estimé que  l’opération notifiée relevait du règlement sur les concentrations et a décidé, en conformité avec l’article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations, d’engager la procédure dans la présente affaire.

 

I.            LES PARTIES

 

(3)  STX est une société holding sud-coréenne cotée à la bourse sud-coréenne. Le groupe STX est présent dans trois grands domaines d’activités: la construction navale et l’équipement maritime (y compris les moteurs), le transport maritime et la logistique,  et l’énergie et la construction. Dans le cadre de son activité de construction navale, STX assure la conception et la construction de différents types de navires de commerce tels que des navires porte-conteneurs, des navires-citerne, des chimiquiers et des pétroliers, des vraquiers et des méthaniers pour le transport de gaz naturel liquide (GNL). STX possède actuellement deux chantiers de construction navale marchande en Corée du Sud et un troisième est en construction en Chine.

 

(4)  Aker Yards, société à responsabilité limitée norvégienne, est un groupe de construction navale produisant essentiellement des navires de haute technicité. Sa gamme de produits comprend des navires de croisière et des ferrys, des navires de commerce, des navires de production offshore et des navires spécialisés. Les bateaux de croisière et les ferrys représentaient en 2006 environ 44 % du chiffre d’affaires total d’Aker Yards. Elle possède dix-huit chantiers navals en Norvège, en Finlande, en Allemagne, en Roumanie, en France, en Ukraine, au Vietnam et au Brésil.

 

II.         LA CONCENTRATION

 

(5)  L’opération notifiée consiste en l’acquisition par STX d’une part minoritaire  équivalant à 39,2 % du capital d’Aker Yards à la bourse d’Oslo. STX a acheté ces actions le 23 octobre 2007.

 

(6)  Étant donné la structure de l’actionnariat d’Aker Yards et l’exercice du droit de vote au cours de ses trois dernières assemblées  générales,  la  participation  minoritaire  de  39,2 % a toutes les chances de donner à STX la majorité des droits de vote représentés au sein d’Aker Yards, et de lui permettre de fait de contrôler de manière effective la société Aker Yards4.

 

 

 

 

 

4          Communication juridictionnelle consolidée de la Commission en vertu du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises disponible à l'adresse  suivante: http://ec.europa.eu/comm/competition/mergers/legislation/fr.pdf, point 59: «Un actionnaire minoritaire peut également être considéré comme détenant un contrôle exclusif de fait. C'est notamment le cas lorsque celui-ci a la quasi-certitude d'obtenir la majorité à l'assemblée générale, compte tenu du niveau de sa participation et de la présence des actionnaires à l'assemblée générale au cours des années antérieures.» Voir également, par exemple, la décision de la Commission du 26 juin 2001 dans l'affaire COMP/M.2404 Elkem/Sapa; la décision de la Commission du 11 juillet 2003 dans l'affaire  COMP/M.3091 Konica/Minolta et la décision de la Commission du 12 mars 2004 dans l'affaire  COMP/M. 3330 RTL/M6.

 

(7)  On relèvera que la participation aux assemblées générales des actionnaires d’Aker Yards organisées de 2005 à 2007 n’a jamais dépassé 60,44 %. Or, si STX avait exercé les droits de vote que lui confère l’ensemble des actions de la société Aker Yards qu’il vient d’acquérir lors des assemblées générales des actionnaires qui se sont tenues en 2005 et 2006, il aurait représenté 66 % de l’ensemble des actions représentées en 2005 et 65 % en 2006.

 

(8)  À la date de la notification, les 60,8 % d’actions et de droits de vote restants d’Aker Yards (ceux qui n’ont pas été rachetés par STX) étaient répartis de manière très éclatée sur un grand nombre de petits actionnaires dont aucun ne détenait plus de 5 % de l’ensemble. L’expérience passée indique qu’il est peu probable qu’un nombre suffisant de petits actionnaires participe aux assemblées générales à venir en vue de former une majorité5. Rien n’indique, par ailleurs, que cette tendance puisse se modifier.

 

(9)  L’opération notifiée constitue donc une concentration au sens de l’article  3,  paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations.

 

III.      DIMENSION COMMUNAUTAIRE

 

(10)  Les entreprises concernées représentent un chiffre d’affaires mondial cumulé supérieur à  5 milliards  d’euros6  (3,214  milliards  d’euros  pour   Aker   Yards   en   2006;   3,965 milliards d’euros pour STX en 2006). Le chiffre d’affaires cumulé à l’échelle communautaire de chacune de ces entreprises est supérieur à 250 millions d’euros   (857 millions d’euros pour STX en 2006; 715 millions d’euros pour Aker Yards en 2006) et elles ne réalisent pas plus des deux tiers de leur chiffre d’affaires cumulé à l’échelle communautaire à l’intérieur d’un seul et même Etat membre de l'Union européenne. L’opération notifiée présente donc une dimension communautaire au sens de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations.

IV.      APPRECIATION SOUS L’ANGLE DE LA CONCURRENCE

 

A.         MARCHES DE PRODUITS EN CAUSE

 

CONSTRUCTION NAVALE MARCHANDE

 

Introduction

 

(11)  Les activités des parties se chevauchent dans le secteur de la construction de navires de commerce dans les catégories de navire suivantes: navires porte-conteneurs et méthaniers transporteurs de GNL (ce sont deux marchés non concernés), chimiquiers, pétroliers et navires-citernes. Aker Yards est, en outre, un acteur majeur de la construction de bateaux de croisière et de ferrys.

 

(12)  Lors des décisions que la Commission a rendues précédemment, des différences entre les diverses catégories de navires de commerce ont été mises en évidence, mais la question consistant à savoir si la construction de l’ensemble des catégories de navires de commerce relève ou non d’un seul marché de produits en cause, n'a, en fin de

 

 

5          Moins de 10 % des petits actionnaires ont participé aux assemblées des actionnaires organisées en 2005 et en 2006, et moins de 17 % en 2007.

 

6          Chiffre d’affaires calculé conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations et de la Communication juridictionnelle consolidée de la Commission.

 

compte, pas été tranchée. Par exemple, dans l’affaire COMP/M.2772 - HDW/Ferrostaal/Hellenic Shipyard7, il a été avancé que le marché de la construction navale marchande pouvait être subdivisé en plusieurs marchés de produits distincts suivant les principaux groupes de navires tels que les vraquiers, les navires porte- conteneurs, les cargos, les chimiquiers et les pétroliers, les méthaniers transporteurs de GNL, les transporteurs de gaz de pétrole liquéfié (GPL), les rouliers, les ferrys, les bateaux de croisière, les navires offshore/spécialisés, (voir considérant (37)). En outre, dans l’affaire COMP/M4104 – Aker Yards/Chantiers de l'Atlantique, il a été admis  que, tant du point de vue de la demande que de l’offre, il convenait d'établir une distinction entre le marché de produits des bateaux de croisière et le marché  de  produits des ferrys d’une part, et les marchés des autres navires de commerce d’autre part (voir considérants (10) et (11)).

 

(13)  En l'espèce, STX a fait valoir qu’il existait une ligne de partage générale entre les différents types de navires de commerce, ainsi que cela a été avancé dans  des  décisions précédentes de la Commission. Cette distinction générale a également été confirmée par la plupart des opérateurs du marché interrogés lors de l’enquête sur le marché8.

 

(14)  Les navires transportant des marchandises doivent être distingués selon la nature des marchandises transportées, qui constitue le critère de distinction entre les différentes catégories de navires tels que les vraquiers, les navires porte-conteneurs, les navires- citernes, les chimiquiers/pétroliers, les méthaniers transporteurs de GNL, les transporteurs de GPL ou les rouliers. La substituabilité, au niveau de la demande, de  ces différents types de navires de charge est extrêmement réduite (à quelques exceptions près comme les chimiquiers/pétroliers et les navires-citernes, comme expliqué au considérant (17)). Certaines catégories spécifiques de produits exigent des installations spéciales et une conception spéciale des navires, et ne peuvent être transportées que dans des navires spécialisés. Ainsi, le gaz naturel liquéfié (GNL) se transporte uniquement dans des méthaniers transporteurs de GNL, qui requièrent des mesures de sécurité rigoureuses et des critères de construction spécifiques. De même, les rouliers sont conçus spécialement pour le transport de véhicules. Une autre catégorie de navires se distingue également dans le secteur: les navires offshore et spécialisés qui ne sont pas utilisés à proprement parler pour le transport de marchandises mais pour assurer des fonctions spécifiques liées à l’exploitation des plateformes en mer. Enfin, les bateaux de croisière et les ferrys assurent un transport de passagers, la distinction entre ces deux catégories reposant essentiellement sur l’objectif du transport (à savoir vacances et loisirs pour les bateaux de croisière et transport de passagers entre deux ports spécifiques pour les ferrys).

 

(15)  Du point de vue de l’offre, les constructeurs produisent généralement différents types de navires et il leur arrive fréquemment de passer d’une catégorie à l’autre. Dès lors

 

 

7          Décision de la Commission du 25 avril 2002.

 

8          Voir le questionnaire adressé le 28 novembre 2007 aux acheteurs, question 6, et le questionnaire adressé  le 27 novembre 2008 aux constructeurs, question 7. La majorité des répondants ont convenu qu'il existe une ligne de partage nette entre les différentes catégories de navires (certains insistant sur la nuance qui existe entre les navires-citernes et les chimiquiers/pétroliers dont il sera question dans le considérant 17 ci-dessous). Cependant, un concurrent des parties, Fincantieri, a avancé, lors de l’enquête sur le marché, que la construction navale marchande constitue un seul gros marché unique, sans aucune distinction en ce qui concerne le type de navire, reposant essentiellement sur la substituabilité du point de vue de l’offre de différents types de navires.

 

qu’un constructeur possède la technologie et le savoir-faire nécessaires pour construire un type de navire et que ses chantiers ne souffrent d’aucune contrainte de place susceptible de l’empêcher de construire des navires de grande taille, il est en mesure d’adapter sans trop de problèmes sa production aux besoins du marché. Néanmoins, dans le cas des navires de haute technicité, notamment les bateaux de croisière (qui étaient l’objet principal de l’enquête sur le marché), il existe des obstacles considérables à l'entrée sur le marché, d’ordre technologique mais aussi en termes de savoir-faire nécessaire pour la conception technique et le suivi du projet, en termes d'infrastructure du chantier naval et de main d'œuvre qualifiée et de réseau de sous- traitants géographiquement proches9, qui ne permettent pas de passer facilement de la production de bateaux de croisière à celle d’autres catégories de navires.

 

(16)  Au vu des éléments ci-dessus, il convient de distinguer certains types de navires tels que les bateaux de croisière du reste du marché de la construction navale marchande.

 

Navires-citernes et chimiquiers/pétroliers

 

(17)  Au-delà de la définition générale des marchés en fonction des différents types de navires, la partie notifiante, STX, a également avancé qu’en pratique, les chimiquiers/pétroliers et les navires-citernes peuvent assurer le transport de différents types de substances et, à ce titre, ces catégories de navire peuvent être considérées comme un marché de produits unique. L’enquête sur le marché semble confirmer une certaine substituabilité du point de vue de la demande entre ces deux catégories de navires10. Plusieurs clients ont indiqué que les pétroliers peuvent être utilisés (moyennant la prise en compte du coût de l’opération) pour transporter des produits chimiques et que les navires-citernes peuvent être utilisés (après quelques  modifications et moyennant la prise en compte du coût de l’opération) pour transporter du pétrole ou des produits chimiques, mais l’enquête sur le marché n’a pas permis d’aboutir à des conclusions à cet égard. La question de savoir si les chimiquiers/pétroliers et les navires-citernes doivent être considérés comme constituant un marché de produits unique peut néanmoins rester ouverte en l'espèce, car  l’opération notifiée n’induit aucun problème de concurrence quelle que soit la définition du marché choisie.

 

Les marchés des bateaux de croisière et des ferrys sont des marchés en cause distincts du marché général de la construction navale marchande

 

(18)  Dans l’affaire COMP/M.4104 Aker Yards/Chantiers de l’Atlantique, une distinction a été établie entre le marché de la construction de bateaux de croisière et celui de la construction des ferrys d’une part, et le marché général de la construction navale marchande d’autre part, en tenant compte à la fois des points de vue de la demande et de l’offre (voir considérants (10) et (11)). La partie notifiante propose également de reconnaître l’existence de deux marchés distincts pour ces deux catégories de navires. L’enquête sur le marché a montré, cependant, que rien ne justifiait l’abandon de la pratique antérieure de la Commission.

 

 

 

 

9    Voir le questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de navires de croisières, question 41, et le questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux clients des navires de croisière, question 20.

 

10   Voir le questionnaire adressé le 28 novembre 2007 aux acheteurs, questions 8 et 9, et le questionnaire adressé aux acheteurs des navires-citernes, question 8.

 

(19)  Les navires de croisière sont destinés essentiellement à un public d’estivants et de vacanciers ayant vocation à passer plusieurs jours, voire plusieurs semaines, de loisirs  à bord. La conception et la composition de ces bateaux doivent donc répondre à des critères très rigoureux en termes d’hébergement, d'installation collectives (qui peuvent comprendre théâtres, piscines ou casinos), mais aussi sur le plan des caractéristiques techniques, comme les niveaux de vibration ou de bruit. Les clients directs des constructeurs de bateaux de croisière sont essentiellement de grosses entreprises internationales opérant à l’échelle mondiale et spécialisées dans le marché des croisières. Les quatre plus gros clients de ce marché représentent environ 80 % de la demande totale des navires de croisière. Cette demande présente donc des caractéristiques que l'on peut facilement distinguer de celles des autres types de navires.

 

(20)  De même, les ferrys ont aussi un profil très spécifique du point de vue de la demande. Ce type de navire est destiné au transport de passagers (souvent conjointement avec   des voitures ou d’autres types de marchandises) entre des sites fixes. La destination essentielle d’un ferry n’est donc pas le loisir mais le transport. Les acheteurs, à savoir les exploitants de ferrys, se distinguent également des acheteurs des autres types de navires. Il s’agit, en effet, de sociétés privées ou publiques exploitant certaines voies maritimes dans une zone géographique spécifique.

 

(21)  L’enquête sur le marché a montré qu’il existait, d’une manière générale, des  différences importantes entre les ferrys et les bateaux de croisière. La principale différence, du point de vue de la demande, est précisément la destination différente du navire, à savoir une activité de loisir par rapport à une activité de transport,  qui implique une substituabilité très limitée de la demande entre bateaux de croisière et ferrys. Cette différence au niveau des besoins entraîne des différences de configuration et de conception des navires. Outre des caractéristiques techniques telles que des niveaux de vibration et de bruit inférieurs, l’absence de ponts réservés aux automobiles et quelques autres éléments de conception, les bateaux de croisière présentent généralement un niveau d’équipement des espaces publics et des cabines, et un niveau de services offerts à bord beaucoup plus sophistiqués. Bien qu’il existe un secteur appelé «ferrys de croisière» (des ferrys plus sophistiqués répondant à des normes plus exigeantes) chevauchant en partie l’activité des petits bateaux de croisière, les caractéristiques de ces deux catégories de navires sont en général très clairement distinctes. En outre, contrairement à ce que l’on constate avec les ferrys, la demande de bateaux de croisière se caractérise par des relations durables, à long terme, entre le propriétaire du bateau et les principales entreprises de construction navale qui  jouissent, de facto, d’une relation de «constructeur privilégié».

 

(22)  Sur le plan de la demande, on peut observer qu'il existe trois grands fournisseurs de bateaux de croisière, dont deux construisent également des ferrys. Néanmoins, toutes les autres entreprises de construction navale présentes sur le marché de la construction de ferrys (pas moins de vingt entreprises) sont pour ainsi dire absentes du secteur de la croisière. L’enquête sur le marché a montré qu’il existait, de fait, des obstacles significatifs à l’entrée sur le marché du bateau de croisière, d’ordre technologique mais aussi liés au savoir-faire nécessaire pour maîtriser toute la complexité des projets de construction des bateaux de croisière et pour coordonner le réseau important de sous- traitants  participant  à  ce  genre  de  projet11.  Il  apparaît  donc  clairement  que        la

 

 

11    Voir le questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de navires de croisière, question 41, et le questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de navires de croisière, question 20.

 

substituabilité du point de vue de l’offre ne peut fonctionner que dans un seul sens (du bateau de croisière au ferry, et non l’inverse), sauf si les entreprises de construction navale se trouvaient en mesure de franchir les obstacles importants cités ci-dessus. Reste que, malgré les indices sérieux qui donnent à penser que navires de croisière et ferrys sont des marchés distincts, aux fins de l’évaluation de l'opération notifiée, il  n’est pas nécessaire de décider si les bateaux de croisière et les ferrys relèvent du  même marché de produits en cause ou s’ils constituent deux marchés distincts dès lors que l’opération ne suscite pas de problème de concurrence, et ce, même dans la définition du marché de produits la plus restreinte.

 

L’établissement d’une distinction entre bateaux de croisière en fonction de leur taille n’est pas une nécessité

 

(23)  Dans le domaine des bateaux de croisière, l’enquête sur le marché a indiqué que les petits bateaux (offrant généralement un cadre luxueux) d’une capacité inférieure à 20- 30 tb (tonnes brutes) constituent un marché distinct de celui des bateaux de croisière de moyenne et grande taille ayant une capacité supérieure à 30 tb. Les clients de ces petits bateaux de croisière sont de petits opérateurs très différents des organisateurs des gros bateaux de croisière. Du côté de l’offre, on compte également un certain nombre de petits chantiers navals capables de produire de petits bateaux de croisière mais qui sont absents du secteur des grands bateaux de croisière qui exigent un niveau de technicité considérablement plus élevé.

 

(24)  Les données collectées dans le cadre de l’enquête sur le marché font apparaître que i) aucune commande portant sur des bateaux de croisière de 20 000 tb à 30 000 tb n’a été enregistrée depuis 1998 (et aucune livraison n’a eu lieu depuis 2001), ii) un seul des 12 bateaux de croisière de moins de 20 000 tb livrés à partir de 2000 (dont deux avaient été commandés bien avant 2000) a été construit par une entreprise de construction navale produisant également de gros bateaux (à savoir Fincantieri). Ces chiffres montrent une rupture nette d’une éventuelle chaîne de substitution des petits bateaux  de croisière vers les gros. Il apparaît ainsi clairement que les commandes se  concentrent soit sur les navires de taille moyenne et de grande taille (d’une capacité supérieure à 30 000 tb), soit sur les petits bateaux de croisière (d’une capacité inférieure à 20 000 tb), avec un vide  entre les deux et que, si les grands chantiers  navals attirent 95 % à 98 % des commandes du segment supérieur (et les grands organisateurs de croisières représentent environ 80 % des commandes), ils sont (de même que les grands organisateurs de croisières) à peu près absents du segment inférieur qui reste donc ouvert à des chantiers navals plus petits.

 

(25)  Il n’est, cependant, pas nécessaire de se prononcer sur l’envergure exacte de la définition du marché de produits, car cela ne modifierait pas l’appréciation. Il faut signaler que le segment des petits bateaux de croisière est négligeable en termes de volumes et de valeur par rapport à celui des grands bateaux de croisière (à savoir        86 000 tb contre 7 880 000 tb en volume et 600 millions EUR contre 35 milliards   EUR en valeur). C’est pourquoi, l’éventualité de regrouper dans un  segment  spécifique les petits bateaux de croisière ne modifierait pas de manière significative l'évaluation du marché. Aux fins de l’appréciation de l'opération notifiée au regard de  la concurrence, le marché du bateau de croisière de plus de 30 000 tb, dont Aker    Yards est l’un des acteurs, est analysé dans les considérants (38) à (174). Comme il   n’y a pas de problème de concurrence même sur ce marché plus restreint la portée exacte de la définition du marché de produits peut demeurer ouverte en l'espèce.

 

Conclusion concernant les marchés de la construction navale marchande

 

(26)  Aux fins de l’appréciation de l'opération notifiée, l’appréciation au regard de la concurrence est concentrée sur le marché de la construction de bateaux de croisière (d’une capacité supérieure à 30 000 tb). En outre, une appréciation des effets de la concentration sur le marché des ferrys (pris en compte à part ou dans le cadre d’un marché hypothétique regroupant les ferrys et les bateaux de croisière), des chimiquiers/pétroliers et des transporteurs de produits (pris en compte à part ou dans le cadre d’un marché unique) est effectuée. En ce qui concerne les autres catégories de navires, il n’est pas nécessaire de d'arrêter la définition exacte des marchés en cause dans la mesure où ces marchés ne sont pas concernés par l’opération notifiée.

 

FABRICATION DES MOTEURS DE NAVIRES

 

(27)  STX est impliqué dans la fabrication de moteurs de navires par le biais de ses filiales STX Engine CO., Ltd. et STX Heavy Industries Co., Ltd. STX a produit des moteurs diesel pouvant équiper différents types de navires, en vertu d’un accord de licence passé avec MAN Diesel SE, aux termes duquel […]*. Aker Yards ne fabrique pas, pour sa part, de moteurs de navires.

 

(28)  Selon la partie notifiante, le marché des moteurs principaux de propulsion de navires constitue un marché de produits unique. La partie notifiante avance que les moteurs sont, en général, techniquement interchangeables quel que soit le type de navire de commerce auquel on a affaire, et les constructeurs produisent généralement la gamme entière des moteurs marins. Les seules exceptions citées par la partie notifiante concernent les moteurs à deux carburants des méthaniers transporteurs de GNL. STX ne fabrique pas ce type de moteur.

 

(29)  Dans l’affaire COMP/M.4596 – Wärtsilä Technology/Hyundai Heavy Industries/JV, la Commission a reconnu que les moteurs à deux carburants (dual fuel) et les moteurs substituables à ceux des méthaniers transporteurs de GNL pouvaient constituer un marché de produits en cause, mais elle a laissé ouverte sa définition.

 

(30)  L’enquête sur le marché a indiqué que les moteurs de propulsion de navires pourraient se subdiviser en deux grandes catégories en fonction du carburant utilisé pour leur propulsion: moteurs diesel et moteurs à deux carburants.

 

(31)  Certains acteurs du marché ont indiqué que la distinction la plus pertinente serait celle entre moteurs deux temps et moteurs quatre temps, qui présentent des différences de taille et de performance. Les moteurs quatre temps sont généralement utilisés pour la propulsion des bateaux de croisière et des ferrys, l’alimentation des centrales  électriques des navires de commerce et la propulsion des petits navires de commerce alors que les moteurs deux temps sont essentiellement utilisés pour la propulsion des grands navires de commerce. L’enquête sur le marché a néanmoins également montré que, malgré certaines différences entre les moteurs diesel deux temps et quatre temps, ces deux types de moteurs sont, d’une manière générale, interchangeables du point de vue de la demande. Comme l’a expliqué un constructeur de navires, il est technologiquement possible de remplacer plusieurs moteurs quatre temps peu puissants par un seul moteur deux temps. En outre, l’enquête sur le marché a indiqué que les plus grands fabricants sont généralement capables de produire la gamme complète des moteurs diesels.

 

 

*     Certains passages du présent document ont été supprimés afin de ne pas publier d'informations confidentielles; ils figurent entre crochets et sont indiqués par un astérisque.

 

(32)  Dans le cas présent, la question de l’étendue exacte de la définition du marché de produits peut, néanmoins être laissée ouverte, en raison de l’absence de tout problème de concurrence.

 

B.                 MARCHE GEOGRAPHIQUE EN CAUSE

 

(33)  La partie notifiante a avancé que le marché géographique en cause de la construction navale marchande et de la fabrication de moteurs de navires est d’envergure mondiale.

 

(34)  Dans l’affaire COMP/M.2772 - HDW/Ferrostaal/Hellenic Shipyard12, la Commission a admis la position des parties selon laquelle «le marché de la construction (…) de tous types de navires de commerce [est]* d’envergure mondiale, car les coûts de transport des navires sont relativement faibles et [que]* les obstacles au commerce ne sont pas significatifs».

 

(35)  L’enquête sur le marché étaye l’idée que le marché géographique de la construction navale marchande en cause est, d’une manière générale, d’envergure mondiale car les fournisseurs honorent les commandes de clients implantés partout dans le monde13. Cette conclusion vaut pour tous les types de navires concernés par la présente décision14. De même, les résultats de l’enquête sur le marché accréditent l’idée selon laquelle le marché des moteurs de navires est d’envergure mondiale15.

 

(36)  En conséquence, aux fins de la présente décision, les marchés géographiques en cause correspondant à la construction de navires de commerce et à la fabrication de moteurs de navires sont considérés comme étant des marchés mondiaux.

 

C.                 APPRECIATION – ASPECTS HORIZONTAUX

 

(37)  Les activités des parties se chevauchent dans le domaine de la construction de navires de commerce pour plusieurs types de navires. Pour les marchés potentiels des navires porte-conteneurs, des chimiquiers/pétroliers et des méthaniers transporteurs de GNL, leurs parts de marché cumulées ne dépasseraient pas 15 %. Ces marchés ne sont donc pas affectés. En outre, les entreprises contactées par la Commission dans le cadre de l’enquête sur le marché n’ont pas exprimé d’inquiétudes à leur égard. L'appréciation est donc centrée sur les conséquences possibles, en terme de concurrence, sur les marchés de la construction de bateaux de croisière et de la construction de ferrys qui ne présentent pas de chevauchement horizontal, mais qui ont fait l’objet d’inquiétudes de la part de certains acteurs du marché, et sur le seul marché susceptible d’être concerné par l’opération (et ce uniquement s’il est pris en compte indépendamment  des chimiquiers/pétroliers), à savoir celui des navires-citernes.

 

 

 

 

 

12       Voir note de bas de page 8.

 

13  Voir le questionnaire adressé le 28 novembre 2007 aux acheteurs, question 14, le questionnaire adressé le 27 novembre 2007 aux constructeurs, question 14.

 

14   Bien que dans le cas des ferrys, certains constructeurs de navires semblent faire une distinction entre les ensembles régionaux, comme la région méditerranéenne ou la région de la Baltique.

 

15  Voir le questionnaire adressé le 28 novembre 2007 aux acheteurs, question 16, le questionnaire adressé le 27 novembre 2007 aux constructeurs, question 16.

 

C.1.  CONSTRUCTION DES BATEAUX DE CROISIERE

 

C.1.1.       INTRODUCTION

 

(38)  Le secteur de la construction des bateaux de croisière est fortement concentré  et dominé par trois grands acteurs très expérimentés: Fincantieri, Aker Yards et Meyer Werft. STX est totalement absent de ce marché.

 

(39)  Les petits acteurs ne sont pas assez compétitifs pour obtenir des marchés de construction portant sur les plus gros bateaux, et, dans la plupart des cas, ils ne parviennent pas même à conquérir des marchés pour des navires de taille moyenne.  Ces fournisseurs ont tendance à se spécialiser dans la construction de navires de petite taille, marché sur lequel ils ne sont pas concurrencés par les trois plus gros constructeurs, et dans la remise en état/rénovation de bateaux. Du point de vue de la demande, les petits organisateurs de croisières ont tendance à utiliser, au départ, des bateaux rénovés, et n’envisagent que plus tard l’achat de bateaux neufs.

 

(40)  Le Tableau 1 présente une synthèse des parts de marché calculées sur la base de l’enquête sur le marché pour la période 2003-2007 (le choix de périodes plus courtes pour le calcul des parts de marché ne fournirait pas d’indicateurs fiables de l’état du marché étant donné le nombre limité des commandes et des livraisons) portant sur les commandes de bateaux de croisière d’une capacité supérieure ou égale à 30 000 tb.

 

Tableau 1 – Marché mondial des bateaux de croisière en fonction des commandes passées sur la période 2003-200716

 

 

Sur la base du nombre de navires commandés

 

 

Sur la base du tonnage brut (tb)

Sur la base de la valeur des commandes (EUR)

Fincantieri

[40-45]*%

[40-45]* %

[40-45]* %

Aker Yards

[20-25]* %

[30-35]* %

[30-35]* %

Meyer Werft

[25-30]* %

[25-30]* %

[25-30]* %

Mariotti

[5-10]* %

[0-5]* %

[0-5]* %

Mitsubishi

-

-

-

Autres

-

-

-

Total

100,00 %

100,00 %

100,00 %

Source: Commission (enquête sur le marché)

 

(41)  Sur une période plus longue, à savoir 2000-2007, il apparaît qu’Aker Yards bénéficiait d’une position plus solide sur le marché, mais l'entreprise a perdu des parts de marché au profit de ses deux principaux concurrents (Fincantieri et Meyer Werft). Le Tableau 2 présente une synthèse de ces données.

 

 

 

 

 

 

16       Les chiffres correspondant aux parts de marché des bateaux de croisière utilisés dans la présente décision constituent une représentation du marché à partir des réponses à la question 9 et de l’annexe 1 du questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière. Les données  concernant Aker Yards incluent les entreprises qu'elle a rachetées au cours de cette période, à savoir Kvaerner et les Chantiers de l'Atlantique.

 

Tableau 2 - Marché mondial des bateaux de croisière en fonction des commandes passées sur la période 2000-2007

 

 

Sur la base du nombre de navires commandés

 

 

Sur la base du tonnage brut (tb)

Sur la base de la valeur des commandes (EUR)

Fincantieri

[35-40]* %

[35-40]* %

[35-40]* %

Aker Yards

[30-35]* %

[35-40]* %

[35-40]* %

Meyer Werft

[20-25]* %

[20-25]* %

[20-25]* %

Mariotti

[5-10]* %

[0-5]* %

[0-5]* %

Mitsubishi

[0-5]* %

[0-5]* %

[0-5]* %

Others

-

-

-

Total

100,00 %

100,00 %

100,00 %

Source: Commission (enquête sur le marché)

 

(42)  La société italienne Mariotti semble constituer un cas à part puisqu'en 2000 elle a reçu des commandes de la société Carnival portant sur un prototype et deux navires jumeaux de [30 000 – 35 000]* tb, ce qui lui permet d’accéder à la quatrième place du marché avec une part de marché de [0-5]* % en ce qui concerne le tonnage et la valeur. Avant ces commandes, Mariotti avait livré de plus petits bateaux de croisière (avant 2000) et un bateau de croisière d’environ [35 000 – 45 000]* tb en 2003. Comme évoqué dans le considérant (47), la partie notifiante a avancé que Mitsubishi compte également parmi les acteurs du marché de la construction des bateaux de croisière, ayant livré de très grands navires ([110 000 – 120 000]* tb), en 2004, commandés par la même entreprise Carnival (en 1999-2000). Mitsubishi n’est cependant pas présente actuellement sur le marché, et les acteurs du marché ne la perçoivent pas comme un concurrent effectif.

 

(43)  Les bateaux de croisière sont un produit différencié impliquant, dans la plupart des  cas, une collaboration difficile sur le plan technologique et logistique  entre  l’entreprise de construction navale, le client et le réseau de sous-traitants fournissant les différents composants du navire.

 

(44)  En raison de la complexité des bateaux de croisière (et du fait qu’ils sont pour une large part construits sur mesure), leur construction comporte des coûts spécifiques. Il existe plusieurs manières de réduire ces coûts, consistant notamment à établir une relation suivie avec une entreprise de construction navale (en s’appuyant sur des commandes   passées)   ou   à   commander   des   «navires   jumeaux»   à   partir  d’un

«prototype» existant. Cette deuxième solution permet, par exemple, de diviser les coûts de conception par le nombre de navires commandés et de réduire ainsi considérablement les coûts unitaires. Les délais de construction des navires jumeaux sont également plus courts (car le temps nécessaire à la conception et à la recherche  de toutes les solutions techniques est forcément réduit), et les risques supportés sont également moins importants en raison du raccourcissement des délais et du fait que les enseignements tirés de l’utilisation du prototype permettent d’affiner la conception du ou des navires jumeaux. Il est également possible de passer commande simultanément du prototype et des navires jumeaux, ce qui permet de négocier une remise sur le prix total.

 

(45)  Le nombre de navires jumeaux fabriqués à partir d’un même prototype reste néanmoins limité du fait que leur conception et/ou leurs solutions techniques spécifiques peuvent devenir obsolètes et/ou moins économiques (ou rentables) par

 

rapport à de nouveaux modèles susceptibles d'apparaître entre-temps, ou ils peuvent tout simplement ne plus correspondre, au bout d’un certain temps, aux exigences des opérateurs de croisière. À terme, les économies (financières et non financières) liées à la commande d’un navire jumeau au lieu d’un prototype risquent d’être compensées par le coût que représente l’exploitation de solutions obsolètes. À ce stade, il sera peut-être préférable, pour un opérateur de croisière, de commander un nouveau prototype plutôt qu’un navire jumeau issu d’un prototype existant.

 

(46)  Comme indiqué aux considérants (38) à (41), trois grands constructeurs de bateaux de croisière se partagent l’essentiel du marché: Aker Yards, Fincantieri (le leader du marché) et Meyer Werft. Toutefois, la demande est elle aussi concentrée entre les mains de quatre grands opérateurs de croisières qui contrôlent environ 80 % du marché: Royal Caribbean Cruises Ltd. (ci-après dénommée «Royal Caribbean»), Carnival Corporation & plc (ci-après dénommée «Carnival»), Norwegian Cruise Line (ci-après dénommée «Star/NCL») et MSC Crociere SA (ci-après dénommée «MSC»).

 

(47)  En l’absence de chevauchements horizontaux, la position d’Aker Yards sur le marché des bateaux de croisière ne se trouverait pas renforcée du fait de l’opération notifiée. Deux concurrents importants d’Aker Yards demeureraient: la société italienne Fincantieri, le leader du marché, (qui est une entreprise publique), et la société allemande Meyer Werft. Ces deux entreprises ont effectué des livraisons au cours de  la période 2004-2007 et ont tenté (avec succès) d’obtenir de nouvelles commandes au cours des quelques années suivantes. Mais au cours de la première phase de l’enquête sur le marché, des inquiétudes se sont exprimées face à l’éviction possible de STX en tant que nouvel entrant potentiel sur le marché et au vu d’allégations de subventions publiques que pourrait recevoir le nouveau groupe après sa fusion et qui pourraient fausser de manière importante le libre jeu de la concurrence. L’enquête approfondie a montré que de telles inquiétudes ne sont pas justifiées, comme nous allons le montrer aux points suivants.

 

C.1.2.       EVICTION DE STX COMME NOUVEL ENTRANT POTENTIEL

 

Introduction

 

(48)  Lors de la première phase de l’enquête sur le marché, la Commission a reçu des informations indiquant que STX s’apprêterait à faire son entrée sur le marché des bateaux de croisière et que l'opération notifiée aurait donc pour effet d’écarter un nouvel entrant potentiel. Bien que STX se soit défendu auprès de la Commission de toute intention de se positionner de manière effective ou potentielle sur le marché des bateaux de croisière17, la Commission a identifié des éléments tendant à indiquer le contraire. Il a notamment été révélé que STX avait été impliqué, à partir de l’automne 2007, dans un appel d’offres pour un projet de construction d’un nouveau bateau de croisière pour le compte de la compagnie Saga Lines. En conséquence, un certain nombre d’acteurs du marché ont considéré STX comme un nouvel entrant potentiel  sur le marché et ont exprimé leurs craintes face à la perte potentielle d’un élément concurrentiel qui serait évincé du marché18. En outre, la presse s'est faite l'écho de

 

 

 

 

 

17    Réponse de STX du 29 novembre 2007 à la question 11 du questionnaire de la Commission.

 

18       Voir notamment le compte rendu de la téléconférence avec [nom de l’acheteur]* du 12 décembre 2007.

 

déclarations de responsables de STX exprimant les ambitions de l’entreprise de se positionner sur le marché des bateaux de croisière19.

 

(49)  L’enquête approfondie a tenté d’apporter des éclaircissements quant à l’éventuel effet anticoncurrentiel d’un retrait de STX en tant qu’acteur potentiel du marché. Selon les Lignes directrices horizontales20 de la Commission, «Pour qu'une concentration avec un concurrent potentiel puisse produire des effets anticoncurrentiels significatifs, il faut que deux conditions fondamentales soient réunies. D'une part, le concurrent potentiel doit déjà peser sensiblement sur le comportement des autres entreprises ou, à tout le moins, il doit exister une forte probabilité que ce concurrent devienne un  moteur de la concurrence. … D'autre part, il faut que le nombre d'autres concurrents potentiels, capables de maintenir des pressions concurrentielles suffisantes à l'issue de la concentration, soit insuffisant».

 

Actuellement, STX n’exerce pas une influence contraignante significative et il n’y a pas de forte probabilité qu’il puisse accéder au statut d’acteur concurrentiel effectif à court terme.

 

(50)  STX a participé aux phases préliminaires d’une procédure d’appel d’offres pour le compte d’un client (Saga Lines) pour la construction d’un bateau de croisière à la fin de l’année 2007. L’enquête sur le marché a confirmé qu’en dehors de ce cas précis, STX n’a participé à aucun autre appel d’offre, contact préliminaire ou conversations en vue de la construction d’un bateau de croisière21. Aucun des acheteurs de bateaux de croisière qui ont répondu à l'enquête, à l’exception de Saga Lines, n’a indiqué avoir eu des contacts de quelque sorte que ce soit avec STX concernant des projets de construction de bateaux de croisière. STX n’a, à ce jour, jamais construit de bateaux de croisière et n’a jamais tenté auparavant de développer d’activité dans le domaine des bateaux de croisière. En outre, les acheteurs ne perçoivent pas, d’une manière générale, STX comme un concurrent effectif mais plutôt comme un nouvel entrant potentiel aux côtés des autres acteurs asiatiques22. Les acheteurs n’ont eu conscience de l’implication de STX dans le secteur des bateaux de croisière que dans le cadre de l’appel d’offres de Saga Lines. Un gros acheteur a déclaré que «jusqu’à l’annonce de sa prise de participation dans Aker Yards, STX n’était pas considéré par [le client]* comme un constructeur de bateaux de croisière potentiel. Ceux qui connaissaient STX le considéraient comme un constructeur de pétroliers de bonne réputation produisant également d’autres navires de commerce de taille moyenne dont le niveau de technicité n’était pas très élevé, ainsi que des moteurs sous licence de fabricants

 

 

 

 

 

19       Lloyd's List, Special Report-South Korea, article intitulé «Le président de STX travaille dans le cadre familial afin d’envisager l’avenir de manière audacieuse» (STX chairman works within family to create bold vision). Publié le 6 octobre 2006.

 

20       Paragraphe 60 des «Lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises», (JO C 31 du 5 février 2004, p. 5).

 

21       Bien qu’un constructeur ait avancé que STX aurait participé à d’autres projets par le passé, cette affirmation n’a pas été confirmée par les acheteurs pertinents.

 

22       Questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière,  questions 12, 15, 16 et  17.

 

européens. Chacun sait, cependant, que STX a récemment pris contact avec un ou plusieurs opérateurs européens de ferrys et opérateurs de croisières…»23.

 

(51)  Concernant le premier et unique appel d’offres dans le secteur des bateaux de  croisière auquel STX ait participé, il portait sur la construction d’un bateau de croisière de relativement petite taille (42 000 tb) pour le compte d’un petit client, Saga Lines. À titre de comparaison, la taille moyenne des bateaux de croisière construits  par les trois principaux producteurs est beaucoup plus grande (Fincantieri [100 000 – 110 000]* tb, Aker Yards [115 000 – 125 000]* tb et Meyer [100 000 – 110 000]* tb). En outre, STX avance que sa participation à cet appel d’offres s’était limitée à la soumission de documents très peu élaborés et que son objectif, dans cette opération, était de profiter de l'occasion pour prendre contact avec la réalité de ce marché en vue de s’y positionner éventuellement à plus long terme. Si STX a reconnu auprès de la Commission qu’il souhaitait se positionner à long terme sur le marché des bateaux de croisière, il semble avoir à peine commencé à rassembler le savoir-faire nécessaire.

 

(52)  STX a expliqué que lors des premières étapes de l’appel d’offres de Saga Lines, il n’a transmis à cette société qu'un nombre réduit de plans de base, très peu élaborés, de navires, alors que la construction effective d’un bateau de croisière exigerait l’élaboration de plusieurs milliers de dessins et documents techniques. Bien que STX pourrait, s’il était désigné à la suite de l’appel d’offres, faire appel dans une certaine mesure à des cabinets conseil en ingénierie pour l’aider dans les tâches de conception, il apparaît clairement que la société ne dispose pas de l’expérience et du savoir-faire requis pour procéder à la construction de bateaux de croisière complexes, tels, notamment, que les gros navires que construisent les trois principaux acteurs actuels du marché. STX, contrairement à certains de ses concurrents asiatiques, n'a pas encore dépassé les premières étapes de son activité de recherche et développement dans le domaine des bateaux de croisière24. L'acquisition d’un tel savoir-faire peut prendre un temps considérable étant donné la complexité et les spécificités de la conception des bateaux de croisière par rapport aux navires marchands. Les acteurs du marché ont mentionné ne pas avoir connaissance d’un éventuel effort significatif consenti par STX en matière de recherche et développement et qui serait susceptible de faire avancer l’entreprise vers une maîtrise du savoir-faire nécessaire pour la construction de bateaux de croisière.

 

(53)  Des acheteurs expérimentés peuvent collaborer avec des entreprises de construction navale qui ne sont pas encore présentes sur le marché, ce qui les aide à acquérir le savoir-faire nécessaire à la conception de bateaux de croisière en vue d’une éventuelle collaboration future. Toutefois, les acheteurs principaux ont confirmé qu'une telle collaboration technique n'est pas mise en place avec STX . Il convient de souligner qu’il  s’agit,  là  encore,  d’un  processus  progressif  et  qu’un  tel  apprentissage,   qui

 

 

23       Réponse de [nom de l’acheteur]* du 21 janvier au questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière, question 12.

 

24       STX a expliqué ne pas avoir entrepris d’activités de recherche, de développement ou d’innovation de son propre chef dans le domaine de la construction de bateaux de croisière et qu’elle n’avait commencé à participer au projet de développement lancé par le gouvernement sud-coréen concernant le savoir-faire élémentaire en matière de construction de bateaux de croisière qu’à la fin de l’année 2007. STX participe  à un groupe de travail consacré essentiellement à la recherche et au développement en matière d’architecture intérieure et qui possède un budget d’environ [moins de 5 millions USD]* sur la période quinquennale de 2007-2012. STX y contribuera à hauteur d’un quart. Pour plus d’informations sur ce programme de recherche et développement sud-coréen, reportez-vous aux considérants (95), (96) et (97).

 

s’ajoute aux efforts de recherche et développement consentis en interne, peut prendre beaucoup de temps avant de pouvoir en recueillir les fruits. Or, STX se situe encore  au tout premier stade de ce processus.

 

(54)  L' expérience préalable de la construction d’autres types de navires de transport de passagers tels que des ferrys peut aussi contribuer, dans une certaine mesure, à un développement du savoir-faire nécessaire à la construction de bateaux de croisière. Si les acteurs du marché ne considèrent pas qu’une expérience passée dans la construction de ferrys soit un préalable nécessaire pour entrer sur le marché des bateaux de croisière, celle-ci peut néanmoins être utile bien qu'un fossé important semble subsister entre les deux catégories de navires. Contrairement à un certain nombre de ses concurrents asiatiques, STX n’a jamais construit de ferrys. Elle a construit un petit navire de formation d’un tonnage de 5 900 tb pour l’Académie de marine coréenne. Elle a expliqué néanmoins que ce navire était destiné à assurer l’instruction et la formation des étudiants de l’Académie de marine et que, bien qu’il puisse accueillir 246 passagers, il n’est pas enregistré comme navire de transport de passagers mais comme navire spécialisé, car il est beaucoup moins développé en termes d’équipements, de sécurité et de technologie, et beaucoup moins complexe que les bateaux de croisière.

 

(55)  En conclusion, dans le cadre de l’enquête sur le marché, aucun projet ou élément tangible n'a été trouvé tendant à accréditer de manière significative une entrée  probable et imminente de STX sur le marché. Les acteurs du marché associent STX avec le marché des bateaux de croisière en raison essentiellement du cas isolé de sa récente participation à l’appel d’offres Saga Lines. Bien que STX reconnaisse qu’il entend se positionner à long terme sur ce marché, il est évident que l'entreprise n’a pas préparé avec suffisamment de soin une entrée significative sur le marché des bateaux de croisière. Il faut donc en conclure que STX n’exerce pas actuellement une  influence contraignante significative sur les constructeurs de bateaux de croisière et qu’il n’existe pas de forte probabilité pour qu’elle accède au statut d’acteur concurrentiel effectif à court terme.

 

Il existe suffisamment d’autres concurrents potentiels qui sont au moins aussi bien placés que STX pour faire leur entrée sur le marché des bateaux de croisière

 

(56)  L’enquête sur le marché a confirmé que d’autres entreprises de construction navale originaires d’Extrême-Orient, telles que le Japonais Mitsubishi ou les Sud-coréens Samsung et Daewoo, étaient au moins aussi bien placés que STX pour faire figure d’entrants potentiels sur le marché des bateaux de croisière. Interrogés sur les entrants potentiels, les acheteurs et les constructeurs ont cité ces trois entreprises en plus de STX25.

 

(57)  Mitsubishi est sans doute la plus connue des entreprises de construction de bateaux de croisière d’Extrême-Orient, étant présente depuis longtemps sur le marché. Elle a   livré de petits bateaux de croisière au début des années 1990 et, en 2004, deux grands bateaux de croisière, le Diamond Princess et le Sapphire Princess, ayant chacun un tonnage de [110 000 – 120 000]* tb (plus de 2 500 passagers), à P&O Princess (qui fait maintenant partie du plus grand opérateur de croisières mondial, la Carnival Corporation).  Mitsubishi  jouit,  de  ce  fait,  d’un  avantage  substantiel  en  terme  de

 

 

25       Questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière, questions 15 et 16. Questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, questions 37, 38 et 39.

 

savoir-faire par rapport aux autres entreprises de construction navale asiatiques car  elle possède déjà les compétences nécessaires pour la construction de bateaux de croisière. Bien qu'elle ne soit pas présente actuellement sur le marché, la société est perçue par les acheteurs comme un (r)entrant potentiel tout à fait crédible26.

 

(58)  Les entreprises de construction navale sud-coréennes n’ont, jusqu’à présent, jamais obtenu de marché de construction de bateaux de croisière. Les acteurs du marché estiment qu'elles observent actuellement le marché des bateaux de croisière avec un certain intérêt stratégique pour l’avenir, au moment où leurs concurrents chinois qui développent leurs chantiers navals sont censés se tourner progressivement vers le type de navires marchands essentiellement produits jusqu’ici par les chantiers navals sud- coréens. C’est pourquoi, les acteurs sud-coréens pourraient se tourner vers des  marchés de plus haute technicité comme, par exemple, celui des bateaux de croisière.

 

(59)  Les acteurs du marché estiment que les entrants potentiels, parmi les entreprises de construction navale sud-coréennes, sont STX, Samsung et Daewoo.  Comme l’explique un constructeur, «STX est, en tant qu’entreprise autonome, un nouvel entrant potentiel. Daewoo (DSME) et Samsung peuvent, de leur côté, bénéficier d’un léger avantage du fait qu’ils ont déjà construit des ferrys pour le marché européen»27. De fait, ces deux entreprises sud-coréennes possèdent une expérience dans la construction de ferrys, ce qui, en tant que nouvel entrant sur le marché des bateaux de croisière, peut constituer un avantage en terme de savoir-faire.

 

(60)  Daewoo aurait «acquis une technologie avancée pour la construction de transbordeurs de haute technicité du fait qu’il a construit, par le passé, trois ferrys ultra rapides de 40 nœuds, le «Treasure Island» pouvant accueillir 472 passagers, le «Blue Star» pouvant accueillir 1500 passagers et 200 voitures, construit pour un propriétaire grec, ainsi qu’un ferry de grand luxe pouvant accueillir 1800 passagers et commandé par Moby Line en Italie. Tous ces ferrys transportant des passagers se sont fait remarquer par  leur conception alliant légèreté et robustesse, mais aussi par leur élégance et pour la qualité exceptionnelle de leur architecture intérieure»28. Si l’expérience de la construction de ferrys ne semble pas constituer un préalable nécessaire à l’entrée sur  le marché complexe et très technique des bateaux de croisière, elle peut sans doute se révéler utile dans une certaine mesure.

 

(61)  Bien que Samsung (SHI) ait sans doute un chemin encore long à parcourir avant d’atteindre son objectif final, cette société construit également des ferrys, et  elle expose sur son site Internet sa politique de développement du savoir-faire dans le domaine des bateaux de croisière, indiquant dans le menu «Products» et dans le sous- menu «Cruise and Ferries» que «SHI est en train d’établir progressivement les fondations nécessaires pour être en mesure de concevoir et de construire des bateaux de croisière». Elle présente aussi quelques profils généraux de bateaux de croisière, notamment un navire de 85 000 tb pouvant accueillir 2 500 passagers29.

 

 

 

26       Questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière, questions 12 à 16.

 

27       Réponse de Meyer Werft du 21 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux  constructeurs de bateaux de croisière, question 39.

 

28       www.cruiseshipportal.com

 

29       http://www.shi.samsung.kr/eng/

 

(62)  En conclusion, d'autres entreprises de construction navale d’Extrême-Orient sont plus avancées que STX dans leur projet de pénétration du marché des bateaux de croisière. En tout état de cause, rien n’indique que STX soit plus avancé que ces entreprises  dans la préparation d’une entrée significative sur le marché.

 

Probabilité de l’entrée imminente de constructeurs asiatiques concurrents sur le marché des bateaux de croisière

 

(63)  Concernant l’entrée possible de concurrents asiatiques (qu’il s’agisse de STX ou d’autres entreprises) sur le marché des bateaux de croisière, une incertitude demeure quant à la date à laquelle ils pourraient être en mesure de surmonter définitivement l’obstacle du savoir-faire (à l’exception de Mitsubishi qui possède déjà une expérience dans ce secteur). Mais une autre question, plus importante encore, reste posée: à quel moment une entrée significative d’un ou plusieurs de ces constructeurs pourrait-elle devenir effective, dans la perspective même où ces derniers auraient développé le savoir-faire et la capacité de gestion de projet nécessaires à la construction de bateaux de croisière complexes (en interne ou avec l’aide de cabinets de conseil ou de clients). De plus, la question du savoir-faire n’est qu’un obstacle à l’entrée sur le marché, et il existe d'autres éléments indiquant qu’il est peu probable de voir émerger, à court terme, une concurrence asiatique significative dans le domaine de la construction des bateaux de croisière.

 

(64)  Premièrement, 80 % environ de la valeur d’un bateau de croisière provient du travail des sous-traitants (depuis les équipements marins tels que les moteurs, les systèmes de lutte contre l’incendie ou de climatisation, jusqu’à l’équipement des cabines, des restaurants, des théâtres, des piscines et des casinos). Actuellement, comme la  majorité des sous-traitants se situent en Europe, l’importation de ce type d'équipements en Asie pourrait avoir un impact financier significatif sur les prix et sur la rentabilité des projets (en raison des coûts de transport supplémentaires ou du  risque de change). De plus, les sous-traitants et leur personnel accomplissent généralement une part importante de leurs interventions sur place dans le chantier naval, ce qui ferait encore augmenter les coûts de communication et de voyage. Comme l’une des entreprises de construction navale l’a noté, «la proximité géographique des sous-traitants est un facteur essentiel pour la rentabilité du projet.  À  long  terme,  les  sous-traitants  finissent  par  suivre  l’entreprise  de   construction

navale. Un réseau ne peut se déplacer du jour au lendemain et doit au contraire se construire dans la durée»30. Certains sous-traitants commencent à s’établir en Asie, mais il apparaît clairement que l’émergence, en Extrême-Orient, d’un réseau local de sous-traitants dans le secteur des bateaux de croisière prendra du temps. Il faudrait, en outre,  persuader  les  gros  acheteurs  de  bateaux  de  croisière  d’accepter  des   sous-

traitants asiatiques ne pouvant justifier d’aucune expérience, notamment pour les équipements marins stratégiques.

 

(65)  Deuxièmement, l’attractivité du marché des bateaux de croisière par rapport à celui  des navires marchands peut être réduite du fait que le nombre de commandes  annuelles de bateaux de croisière est beaucoup plus faible et les délais de livraison sont plus longs, donc les risques que doivent supporter les nouveaux entrants sont également plus élevés. Les économies d’échelle du marché des bateaux de croisière (liées à la production de navires jumeaux) sont beaucoup plus limitées que celles  dont

 

 

30       Réponse de [nom de l’entreprise de construction navale]* du 28 janvier 2008 au questionnaire de la Commission du 14 janvier 2008 , question 23.5.

 

bénéficient les constructeurs de navires marchands qui sont produits en grande quantité et par des processus plus automatisés.

 

(66)  Il faut également prendre en compte l’état actuel du marché des navires marchands, secteur dans lequel les entreprises de construction navale japonaises et sud-coréennes se sont spécialisées et pratiquent une production de masse. L’enquête sur le marché a indiqué que l’explosion du marché des navires de charge n’incite pas, actuellement, les entreprises de construction navale sud-coréennes et japonaises à se positionner sur d’autres secteurs du marché, notamment lorsqu’elles sont confrontées au type d’obstacles à l’entrée que nous avons évoqués précédemment. La Commission estime que cette situation pourrait s’inverser en raison de la capacité de production croissante dont la Chine est en train de se doter, et face à l’éventualité d’un fléchissement du marché de la construction navale. Il est cependant impossible de prévoir à quel moment pourrait avoir lieu ce revirement, et, par conséquent, à quelle échéance les constructeurs asiatiques pourraient faire leur entrée sur le marché des bateaux de croisière. L’état actuel du marché ne laisse pas supposer une entrée probable à court terme.

 

(67)  Le choix de consacrer des investissements et de faire des efforts en vue de surmonter les obstacles (recherche et développement, l'établissement d’un réseau local de sous- traitants) et les problèmes d’inefficacité dans la production le long de la courbe d’apprentissage, et de construire à long terme, dans des conditions de rentabilité, des bateaux de croisière et non plus des navires de charge ne s’impose pas, actuellement, comme une évidence aux concurrents asiatiques.

 

Conclusion sur la possibilité d’une entrée des acteurs asiatiques sur le marché

 

(68)  Les constatations présentées ci-dessus montrent que STX n’exerce pas actuellement  de contrainte concurrentielle significative sur le marché des bateaux de croisière et  que rien ne porte à croire que, en l’absence de la concentration, STX puisse devenir  un acteur concurrentiel effectif dans l’avenir proche. En outre, un certain nombre d’autres entrants possibles sont plus avancés et au moins aussi bien placés que STX pour faire leur entrée sur le marché.

 

(69)  La concentration n’aurait pas d’effets anticoncurrentiels significatifs du fait de l’éviction de STX en tant que concurrent potentiel des trois grands constructeurs de bateaux de croisière existants.

 

C.1.3.       PROBLEMES DE CONCURRENCE LIES AUX SUBVENTIONS

 

(i)  Introduction

 

(70)  Lors de l’enquête sur le marché31, la société Fincantieri s’est plainte de ce que, outre un certain nombre d’autres avantages allégués, tels que le faible niveau des salaires et des prix de l’énergie et de l’acier32, l’entité issue de la concentration bénéficierait de subventions  de  la  part  de  l’Etat  sud-coréen  qu’elle  pourrait  utiliser  de    manière

 

 

31  Réponse du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière.

 

32       Ces avantages concurrentiels supposés sont enregistrés dans le cadre de la stratégie concurrentielle générale de chaque entreprise et se distinguent nettement des subventions, qui, comme l’avance le plaignant, fausseraient la concurrence en ne permettant pas la confrontation des mérites propres à chaque entreprise et revêtiraient donc un caractère perturbateur.

 

déloyale pour baisser artificiellement ses prix et marginaliser ainsi ses concurrents existants jusqu’à les évincer du marché des bateaux de croisière, contribuant ainsi à établir une position dominante de nature monopolistique sur ce marché33.

 

(71)  Selon le plaignant, la situation actuelle dans laquelle Aker Yards ne détient pas de position dominante sur le marché des bateaux de croisière pourrait évoluer du fait de l’acquisition immédiate du savoir-faire nécessaire par STX ajoutée au fait que STX serait en mesure de bénéficier de subventions déloyales, ce qui créerait  immédiatement les conditions d’une entrave significative à la concurrence. Le plaignant a notamment affirmé que «Au vu du soutien qu’Aker Yards/STX continuera vraisemblablement à recevoir de la part de l’ÉTAT SUD-COREEN, ce groupe sera en mesure de supporter des périodes indéfinies de pertes (ou de faible rentabilité) sans avoir à restructurer ou à rationaliser sa production. Les autres entreprises de construction navale telles que Fincantieri, qui seront, pour leur part, confrontées à une concurrence de marché, subiront, en conséquence, une pression importante et risqueront, à terme, de se trouver dans l’obligation de réagir en réduisant leur propre capacité de production. Il résulte de ces considérations qu’on peut envisager de manière réaliste que la structure de production du secteur des bateaux de croisière et des ferrys, par exemple, risquerait de devenir beaucoup plus asymétrique (comme dans le cas du GNL cité ci-dessous) que si le marché avait été libre de toute forme de subvention, et si le rachat d’Aker Yards n’avait pas lieu. Une telle situation aurait toutes les chances de produire les résultats suivants: STX disposerait d’un pouvoir de marché important, les acteurs européens se trouveraient de facto marginalisés, et les prix seraient à la hausse malgré la faiblesse des coûts supportés.»34 Selon le plaignant, cette situation pourrait être encore aggravée par les avantages allégués que constitueraient, pour les entreprises sud-coréennes de construction navale, des coûts  de production bas (le faible niveau des salaires et le faible prix de l’énergie et de l’acier), par le fait que STX serait intégré verticalement dans la production de moteurs marins et en raison de la gamme de produits plus large dont bénéficierait l’entité issue de la concentration.

 

(72)  Selon le plaignant, les subventions perçues par l’entité combinée seront essentiellement octroyées sous la forme de prêts avant expédition et de garanties de restitution d’acomptes correspondant aux projets de construction de bateaux à venir de l’entité issue de la concentration. STX et la banque publique sud-coréenne KEXIM prétendument impliquée dans l'octroi de ces prêts et garanties à la production ont affirmé que ces instruments ont été fournis aux conditions du marché35. En outre, le plaignant a avancé que STX avait, par le passé, bénéficié de crédits à l’investissement et de programmes publics de soutien de la recherche et développement avantageux. En

 

 

 

33       Fincantieri avance que le marché des navires de croisière ne doit pas être considéré comme étant distinct de celui des autres navires de commerce car ils constituent, ensemble, un seul grand marché unifié. Ce raisonnement implique que l’entité issue de la concentration monopoliserait un marché encore plus vaste que celui des simples bateaux de croisière. Étant donné que l’enquête sur le marché indique que les bateaux de croisière constituent un marché à part, les arguments de Fincantieri sont analysés sur la base exclusive de ce marché restreint.

34       Réponse du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, question 45.

 

35   Réponse du 5 février 2008 au questionnaire adressé le 30 janvier 2008 à STX. Lettre du 5 février 2008 adressée par KEXIM à STX, annexe 2 de la réponse du 5 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 30 janvier 2008.

 

substance, l’argument était que la Corée du Sud ayant déjà accordé, par le passé, des subventions aux entreprises de construction navale, cette pratique avait toutes les chances d’être poursuivie à l’avenir. Le plaignant affirme36 que la Commission est tenue d’évaluer de manière indépendante des subventions même potentielles dans le cadre du contrôle des concentrations afin d’apprécier pleinement les effets de ces subventions sur la puissance financière de l’entité issue de la concentration et renvoie à cet égard à la jurisprudence, et notamment l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes dans l'affaire T-156/98 RJB Mining plc contre Commission des Communautés européennes37.

 

(73)  L’inquiétude concernant une utilisation éventuelle par l’entité issue de la  concentration de ces subventions/aides d’État susceptibles de constituer une entrave à la concurrence n’a été exprimée que par deux des cinq répondants concurrents: Fincantieri et un autre petit acteur du marché38, et seule la réclamation de Fincantieri a été, au moins en partie, motivée lors de la procédure. Aucune préoccupation de cet ordre n'a été exprimée par d'autres entreprises qui seraient susceptibles de devenir des entrants potentiels. Finalement, du point de vue des acheteurs, seuls deux des sept répondants (y compris les quatre plus gros acheteurs) ont indiqué que l’opération notifiée pourrait avoir des conséquences anticoncurrentielles39. Mais ces deux points de vue concernaient l’éviction d’une concurrence potentielle (traitée aux  considérants

(48) à (69)), l’affaiblissement du marché européen et la perte de savoir-faire, sujets  qui n’ont pas été motivés plus avant. Il convient de souligner que trois des quatre plus gros acheteurs (représentant une grande part de la demande de bateaux de croisière) n’ont pas exprimé d’inquiétude et que l’un d’entre eux a même indiqué que  l’opération aurait pour effet d’augmenter le nombre de fournisseurs40, suggérant ainsi qu’elle permettrait de renforcer la concurrence.

 

(74)  Les réclamations de Fincantieri doivent être rejetées. Premièrement, les principes établis par le Tribunal de première instance dans l'affaire T-156/98, arrêt RJB Mining, concernent essentiellement la nécessité d’éviter les incohérences entre les différentes politiques communautaires, et leur pertinence dans le cas présent est donc très limitée. Deuxièmement, les résultats de l’enquête sur le marché indiquent que la position financière de STX n’est pas de nature à conférer à l’entité issue de la concentration une position dominante sur le marché de la construction de bateaux de croisière, et ce, que les instruments financiers évoqués par le plaignant constituent ou non des subventions passées ou actuelles de l’Etat sud-coréen. Troisièmement, rien ne permet de conclure que l’État sud-coréen pourrait accorder, à l’avenir, des subventions à l’entité issue de la concentration. Quatrièmement, même si les subventions à venir qui

 

 

 

36  Contribution de Fincantieri du 15 février 2008, «Relevance of subsidies/ State aid in EC merger contro».

 

37    Affaire T-156/98 RJB Mining/Commission, Recueil 2001, p. II-337.

38  Réponse de Fincantieri du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux  de croisière. Réponse de [constructeur]* du 23 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14  janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière.

 

39   Réponse du 18 janvier 2008 au questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière, question 43. Réponse du 30 janvier 2008 au questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière.

 

40   Réponse du 21 janvier 2008 au questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière.

 

sont alléguées étaient effectivement accordées, elles ne conféreraient pas une position dominante à l’entité issue de la concentration sur le marché des bateaux de croisière.

 

(ii)   Aides d’État et contrôle des concentrations

 

(75)  Dans le cadre d’une analyse de concentration, la Commission doit évaluer tous les critères pertinents susceptibles de constituer une entrave significative à la  concurrence. Parmi ces nombreux éléments à prendre en compte, la puissance financière de l’entité issue de la concentration peut aussi jouer un rôle41.

 

Aides d’État et puissance financière

 

(76)  Une aide d’Etat peut potentiellement augmenter la puissance financière d’une entreprise si des moyens financiers lui sont accordés sous la forme, par exemple,  d’une réduction de prix pour l’achat d’une société d’Etat cible, par simple transfert de capitaux ou sous la forme de prêts ou de garanties accordés à des conditions non conformes au marché. À titre indicatif, un prêt accordé par un État ne constitue pas une aide d’Etat s’il est accordé à des conditions de marché. Si le taux d’intérêt demandé est, en revanche, inférieur aux conditions du marché, cet avantage (la différence entre le taux avantageux et le taux du marché) constitue une forme d’aide d’Etat.

 

(77)  En 2001, le Tribunal de première instance, dans l'affaire T-156/98 concernant RJB Mining42, a estimé que la Commission n’avait pas analysé les effets des aides d’État présumées (un transfert financier qui n'avait pas, à ce stade-là, été qualifié d'aide d’Etat) sur la puissance financière de l’entité issue de la concentration. De la même manière il a annulé la décision de la Commission dans l’affaire RAG/Saarbergwerke/Preussag Anthrazit43 (Cas IV/CECA.1252) qui avait fait l’objet d’une appréciation au regard du traité établissant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA).

 

(78)  Cependant, l’arrêt RJB Mining fait référence à des circonstances très particulières que l’on ne retrouve pas dans le cas présent. Premièrement, il convient de souligner que, contrairement à l'aide d’État observée dans l’arrêt RJB Mining, les subventions publiques alléguées dans le cas présent ne sont pas directement «liées» à la concentration. Dans l’affaire RAG/Saarbergwerke/Preussag, l'aide d’État était non seulement liée à la concentration mais en constituait même la conséquence naturelle. En l'espèce, cependant, les subventions publiques alléguées ne présentent pas de liens significatifs avec l’opération notifiée.

 

(79)  Plus important encore, cet arrêt du Tribunal de première instance ne permet pas de conclure que la Commission serait dans l’obligation d’effectuer une «pré-évaluation» des subventions alléguées dans le cadre d’une procédure de contrôle des concentrations en réalisant une enquête de quasi aide d’Etat (comparable à la procédure relevant de l’article 88 du traité CE) en vue de vérifier si des subventions auraient été accordées par un pays tiers (c'est-à-dire un «État non membre» de la Communauté européenne). L’arrêt du Tribunal de première instance dans l’affaire (Cas T-156/98) RJB Mining tenait compte de la double compétence de la Commission en matière de contrôle des aides d’Etat et de contrôle des concentrations à l’intérieur de la Communauté et de l’application cohérente des deux procédures. Néanmoins, les subventions potentiellement accordées par un pays tiers, tel que la Corée du Sud, ne relèvent pas des règles communautaires relatives aux aides d’Etat mais des dispositions applicables du droit international. Les principales règles régissant les subventions au sein de l’Organisation mondiale du commerce («OMC») sont définies par les articles VI et XVI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce  de 1994 («GATT 1994») et par l’accord de l’OMC sur les subventions et les mesures compensatoires («Accord SMC») qui s’appliquent à tous les Etats membres de l’OMC, y compris la Communauté européenne et la Corée du Sud44. Les différends portés devant l’OMC doivent être tranchés par un groupe spécial de l’OMC dans le cadre d’une procédure dont la Commission n’est qu’un acteur parmi d’autres, et non pas l’organe souverain.

41    Voir les lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales de la  Commission,  paragraphe 36.

42    Affaire T-156/98 RJB Mining / Commission, Recueil 2001, p. II-337.

43    Décision de la Commission du 29 juillet 1998 RAG/Saarbergwerke/Preussag Anthrazit (Cas IV/ECSC.1252) http://ec.europa.eu/comm/competition/mergers/cases/decisions/ecsc1252_fr.pdf

(80) L’arrêt RJB Mining ne permet donc pas de conclure que la Commission est tenue de prendre en compte, dans son enquête sur les concentrations, d’autres procédures dont la compétence dépasse celle du droit communautaire, notamment s’agissant du règlement éventuel d’un différend porté devant l’OMC portant allégation d’une violation de l’accord SMC. Il ne permet pas, non plus, de conclure que la Commission devrait réaliser sa propre enquête indépendante afin de parvenir à des conclusions quant à l’existence de subventions dans le cadre d’une procédure de contrôle des concentrations dans des cas où l’application en parallèle, par la Commission, de deux procédures en matière de concurrence conformément au droit communautaire ne s’applique pas45. En outre, l’OMC n’a, à ce jour, engagé aucune procédure contre la Corée du Sud pour des subventions accordées par le passé à des entreprises de construction navale ou des programmes ou dispositifs de subvention susceptibles de   se poursuivre à l’avenir.

Caractère adéquat des procédures de l’OMC

(81) Le plaignant avance, cependant, que la Commission ne devrait pas se contenter, pour l’appréciation des subventions étrangères, du contrôle ex post exercé par l’OMC mais devrait, au contraire, recourir au contrôle des concentrations et à son appréciation ex ante afin d'apporter des réponses effectives au problème des subventions étrangères. Le plaignant soutient que la procédure de l’OMC est inadéquate du fait que ses décisions ne sont pas contraignantes, que la réglementation des subventions ne repose pas sur une «analyse des conséquences sur la concurrence» et que l’OMC ne dispose pas de véritables pouvoirs d’investigation46. Les arguments avancés par le plaignant

*44 Concernant les subventions accordées par un État tiers, la Commission peut soit enquêter sur la  subvention incriminée et imposer éventuellement des droits compensateurs s’il s’avérait que ces subventions constituent un préjudice pour la production nationale (conformément à la partie IV  de l’accord SMC et au règlement (CE) n° 2026/97 du Conseil du 6 octobre 1997, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 288 du 21.10.1997, p. 1.). Règlement odifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 461/2004 JO L 77 du 13.3.2004, p. 12)), soit déposer réclamation devant l’OMC (conformément aux parties II & III de l’accord SMC).

*45 Voir également l’affaire T-114/02 BaByliss/Commission, point 441, recueil 2003, p. II-1279.

*46 Contribution de Fincantieri du 15 février 2008, «Relevance of subsidies/ State aid in EC merger control». semblent indiquer que la Commission devrait apprécier les aides d’État octroyées par un pays tiers dans le cadre de sa politique de contrôle des concentrations étant donné que la procédure de l’OMC en cette matière semble insuffisante au plaignant.

(82) Il convient néanmoins de noter que, outre le fait qu'une décision de l’OMC est contraignante en droit international, la conclusion de préjudice grave ou de préjudice envers le marché national, qui font l’objet d'analyses dans le cadre de l’accord SMC, ne suffirait pas à empêcher une concentration. Il faudrait, au contraire, identifier un motif d’entrave significative à la concurrence, ce qui correspond l'analyse prévue par l'article 2 du règlement sur les concentrations. L'analyse appliquée au titre de ce règlement est donc plus stricte que celle qu'utilise l’OMC.

(83) En  outre,  la  Commission  dispose  de  pouvoirs  d’investigation  conformément  au «règlement sur les obstacles au commerce»47 qui l’habilite à enquêter sur des allégations de subvention en violation de l’accord SMC, ce qui permet de porter et de motiver une réclamation devant l’OMC. En outre, l’Annexe V de l’accord SMC prévoit une procédure permettant de recueillir des informations soumises à l’examen d’un groupe spécial qui doit établir si un État membre de l’OMC a, ou non, accordé  ou maintenu une subvention ayant causé un préjudice à l’industrie nationale, l’annulation ou la réduction d’avantages pour d’autres membres ou un préjudice grave à un autre membre.

(84)  Enfin, et il s’agit du point le plus important, toute différence supposée ou  inadéquation alléguée concernant la procédure de l’OMC ne constituerait pas un motif suffisant pour conclure, comme le plaignant semble le suggérer, que la Commission pourrait élargir le champ d’application des procédures de contrôle des concentrations afin de «corriger» le caractère supposément inadéquat des procédures de l’OMC.

Conclusion en ce qui concerne les aides d’État et le contrôle des concentrations

(85) Dans l'analyse d'une concentration, la Commission est en principe tenue de prendre  en compte toutes les subventions en tant que facteurs susceptibles de renforcer la puissance financière de l’entité issue de la concentration dans la mesure où des éléments prouvant l’existence ou la probabilité de telles subventions existent. Toutefois, en l’absence d’éléments tangibles prouvant l’existence de subventions accordées par des pays tiers, l’arrêt RJB Mining ne constitue pas pour la Commission, contrairement à ce que prétend le plaignant, une obligation générale de procéder, dans le cadre d’une procédure de contrôle des concentrations, à une analyse indépendante – comparable à une procédure en matière d'aide d’Etat conformément à l’article 88 du traité CE – afin d’établir si oui ou non les aides financières accordées par des pays tiers, l’ont été à des conditions ne correspondant pas à celles du marché et constituent, en conséquence, des subventions. Les insuffisances alléguées des procédures internationales, telles que les procédures de l’OMC, ne sont pas pertinentes.

(86) Comme l’indique l’analyse des subventions alléguées présentée dans les points suivants, les opérations financières signalées par le plaignant ne peuvent pas être qualifiées, d’une manière générale, de cas évidents de subvention. 

47 Règlement (CE) n° 3286/94 du Conseil, du 22 décembre 1994 arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d'assurer l'exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, en particulier celles instituées sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce (JO L 349 du 31.12.1994, p. 71). Règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 125/2008 (JO L 40 du 14.2.2008, p. 1). concentration n’a donc pas pu établir que les subventions, sous forme d'opérations financières, désignées par le plaignant, existent effectivement ou sont susceptibles d'être distribuées à l'avenir. Même si une telle conclusion permet déjà de conclure qu’il n’existe aucun élément suffisant pour accréditer une quelconque augmentation  de la puissance financière à l'aide de ces opérations financières, la Commission a néanmoins élargi son analyse afin d’évaluer, à partir des données disponibles, la probabilité de ces subventions alléguées et leurs effets potentiels. Ainsi que cela est exposé ci-après, même si une part de subventions était présente dans ces opérations financières, elles n’auraient que très peu de chances d’affecter de  manière significative la puissance financière de l’entité issue de la concentration.

(iii) Rapport entre la puissance financière et l’octroi de subventions passées ou présentes

Puissance financière générale de STX

(87) Il est, d’une manière générale, peu probable qu’une entreprise ne jouissant pas de la position de numéro un du marché puisse acquérir une position dominante sur la base de sa seule puissance financière. Après la concentration, la part de STX/Aker Yards représentera [30-35]* % du marché des bateaux de croisière, le numéro un étant Fincantieri (avec une part de marché d’environ [40-45]* %). L’enquête sur le marché n’a pas révélé que STX pouvait actuellement bénéficier d’une puissance financière supérieure à celle de la plupart de ses concurrents actuels ou potentiels.

(88)  Il faut savoir que, si selon l’article 2, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, la puissance économique et financière est un critère important à prendre en compte pour évaluer si oui ou non une concentration est compatible avec le marché commun, la puissance financière, en tant que telle, n'est pas suffisante, en l’absence d’autres indicateurs, pour mener à la création ou au renforcement d'une position dominante qui pourrait représenter une entrave significative à la concurrence effective48.

(89) En tout état de cause, l’argument selon lequel la puissance financière de l’entité issue de la concentration pourrait se trouvée renforcée de manière significative au point de lui permettre de marginaliser ses concurrents n’est pas corroboré par les faits.

(90) Le Tableau 3 ci-dessous présente la synthèse des principaux indicateurs financiers du groupe STX et de Fincantieri49.

Tableau 3 - Indicateurs financiers en millions d’euros pour l’année 2006

 

Groupe STX

Fincantieri

Aker Yards

Chiffre d’affaires

3 965

2 467

3 215

Bénéfice brut

207

158

178

EBITDA

293

[…]*

179

Marge EBITDA

7,4 %

[…]*

5,5 %

*48  Décision de la Commission du 21 octobre 2002, affaire M.2908 - Deutsche Post / DHL, considérant 32.

*49  Réponse de Fincantieri du 6 mars 2008 au questionnaire qui lui a été adressé le 22 février 2008; réponses de STX du 26 février 2008 au questionnaire qui lui a été adressé le 22 février 2008, et du 11 mars 2008 à la demande de renseignements de la Commission du 10 mars 2008.

Résultat d’exploitation (EBIT)

172

125

155

Marge d’exploitation (EBIT)

4,3 %

5 %

4,8 %

Bénéfice net

25

52

129

Coefficient       de liquidité

44 %

[…]* %

34 %

Endettement net

804

(143)

988

Capitaux propres

922

779

764

Total de l’actif

3 306

5 663

3 545

(91) Comme le montre le tableau 3, bien que STX ait un chiffre d’affaires supérieur à celui de Fincantieri, les autres indicateurs financiers ne semblent pas indiquer une puissance financière plus importante, même si STX est supposé avoir bénéficié, par le passé, de subventions déloyales. Plus précisément, si Fincantieri bénéficie d’une situation financière nette positive (pas d’endettement net), l’endettement net de STX équivaut à 2,7 fois son résultat avant frais financiers, impôts, amortissement et provisions (RAFFIAP).

(92) Si l’on considère que les capitaux sont un facteur important dans l'activité des bateaux de croisière (étant donné qu’environ 80 % de la valeur d’un bateau de croisière est financée par l’entreprise de construction navale), l’absence d’accès aux capitaux peut constituer un obstacle à l’entrée sur le marché. Mais au vu des données présentées  dans le tableau 3, il est difficile de conclure que la position financière de STX par rapport à celle de Fincantieri lui assurerait un accès plus favorable aux capitaux nécessaires au financement de son activité de production. Au contraire, Fincantieri semble être dans une position plus avantageuse que STX sur le plan des bénéfices et de l’endettement. Cette position financière moins favorable de STX est même explicitement reconnue par Fincantieri dans son appréciation de la solvabilité de STX (voir considérant 98).

(93) En outre, cette situation n’est pas susceptible d’être modifiée à la suite de la concentration. STX construit actuellement un type de navires pour lequel le financement de la production par des moyens autres que les avances des propriétaires de navires joue un rôle moins important que dans le cas des bateaux de croisière qui sont financés à 80 % par le constructeur à partir de ses ressources propres ou par des emprunts extérieurs. Ce qui signifie que si STX se lance dans la production  de bateaux de croisière en Corée du Sud, cela aurait pour effet d’augmenter son niveau d’endettement. En outre, comme le montre le tableau 3 ci-dessus, Aker Yards est également fortement endetté et les résultats plus récents du quatrième trimestre 2007 sont également inférieurs aux résultats attendus avec un RAFFIAP négatif de -146 millions d’euros, ce qui aggraverait encore la situation financière globale de l’entité issue de la concentration prise dans son ensemble50.

(94)  Comme nous le montrerons ci-dessous, on ne peut pas, non plus, considérer que les opérations financières décrites par Fincantieri et dont, selon le plaignant, STX aurait 50  Demande de dérogation de STX du 5 mars 2008. bénéficié de la part de l'État sud-coréen, seraient de nature à renforcer de manière significative la puissance financière de STX, et ce quand bien même elles contiendraient une part de subventions.

Programme de développement des connaissances technologiques

(95)  Le plaignant a indiqué que le programme national de développement des connaissances technologiques de la Corée du Sud pourrait constituer un moyen de renforcement de la puissance financière de l’entité issue de la concentration. Selon le plaignant, ce programme annoncé publiquement représente un soutien équivalent à 222,8 milliards de KRW (160 millions d’euros) sur la période 2007-201451.

(96)  La partie notifiante a confirmé l’existence d’un tel programme mais a précisé qu’il portait sur vingt-et-un projets dans différents secteurs industriels. Or un seul de ces projets concerne le secteur de la construction navale, et le budget  correspondant s’élève à 22 milliards de KRW (16 millions d’euros) sur la période 2007-2014 et fait l’objet d’un cofinancement de la part du gouvernement sud-coréen (à concurrence de  8 millions d’euros) et des participants au projet issus du secteur privé (également pour 8 millions d’euros)52. Selon la partie notifiante, une vingtaine d’entreprises de construction navale et de sous-traitants participent à ce projet, au rang desquelles tous les principaux constructeurs de navires sud-coréens. Plus précisément, la partie notifiante n’est impliquée que dans un seul des cinq sous-projets. Le budget quinquennal alloué à ce sous-projet s’élève à [moins de 4 millions d'euros]*, 50 % étant couverts, en espèces ou en nature, par la Corée du Sud, les autres 50 %  provenant des entreprises participantes (STX et d'autres). STX contribue à hauteur de [moins de 2 millions d'euros]*, auxquels viennent s'ajouter 200 millions de KRW (0,2 millions d'euros) de contribution de la Corée du Sud53. La partie notifiante a confirmé que ce projet est la seule activité de recherche et développement concernant le marché des bateaux de croisière à laquelle elle ait été associée54.

(97) Il résulte de ces considérations que rien n’indique que ce programme technologique subventionné en partie par le gouvernement sud-coréen, qui ne semble avoir aucun caractère exceptionnel dans le secteur de la construction navale (des programmes comparables ont été appliqués dans d’autres régions du monde), soit de nature à susciter un tel renforcement de la situation financière de STX qui puisse conduire à une entrave significative de la concurrence.

Un crédit à l’investissement de 400 millions d'USD

(98)  Le plaignant avance que55 STX aurait bénéficié d’un crédit à l’investissement de 400 millions d'USD utilisé pour la construction d’un chantier naval en Chine et que ce crédit aurait bénéficié de «conditions extrêmement avantageuses par rapport aux conditions dont bénéficient les entreprises européennes». Selon Fincantieri, le taux

*51 Réponse de Fincantieri du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, question 45.

*52 Réponse du 7 février 2008 au questionnaire adressé le 30 janvier à STX, question 1.

*53 Réponse du 21 janvier 2008 aux questions adressées à la partie notifiante le 11 janvier 2008, question 2.

*54 Réponse du 21 janvier 2008 aux questions adressées  à la partie notifiante le 11 janvier 2008, question 2.

*55 Réponse du 6 février 2008 au questionnaire adressé le 30 janvier 2008 à Fincantieri, question 3.

D’intérêt de ce crédit était de 130 points base du taux interbancaire offert à Londres (LIBOR) à six mois, ce que Fincantieri considère comme un taux très bas étant donné l’importance de l’endettement et le profil de risque de STX. Fincantieri estime que la notation BBB+ Stable attribuée à STX par deux agences de notation sud-coréennes correspond en réalité à «un équivalent international» BB bas/B haut (Low BB/High  B). Fincantieri considère qu’au vu des résultats financiers de STX, et notamment de son rapport endettement/EBIDTA qui correspond à un endettement lourd, il apparaît clairement que STX n’aurait pas été en mesure de se financer de manière suffisante  par l’emprunt en respectant les procédures normales du marché financier

(99)  Fincantieri donne ensuite des exemples de crédits allégués, libellés également en USD et accordés à des entreprises sud-coréennes supposément comparables au même moment que le crédit accordé à STX, et avance que le taux du marché du crédit accordé à STX était de l’ordre de 300 à 700 points de base au-dessus du taux de référence pour les crédits publics.

(100)  La partie notifiante a confirmé56 que deux de ses filiales en Chine (STX Dalian Shipbuilding et STX Dalian Heavy Industry) avaient perçu, en novembre 2007, un crédit de [...]* d'USD pour la construction d’un chantier naval en Chine. Ce crédit a été accordé par un consortium de quatre banques sud-coréennes: [...]* (l’une des plus importantes banques commerciales en [...]*), [...]* (banque commerciale [...]* dont [...]* est l’un des actionnaires principaux), [...]* (banque détenue indirectement par [...]*) et [...]*. Ces quatre banques ont prêté [...]* aux mêmes conditions; elles ont confirmé qu'elles partageaient, sur une base égalitaire, les mêmes droits et obligations concernant ce crédit57. Ces quatre banques ont participé à la négociation du crédit et à sa documentation; leurs commissions de crédit respectives ont toutes approuvé ce crédit. Selon la partie notifiante, le taux d’intérêt correspond [...]* et il a été défini en tenant compte de différents facteurs dont l’évaluation des risques liés au projet, les perspectives de l’activité, les notations (ratings) des emprunteurs et de la caution et les conditions relative à la garantie. Les quatre banques ont confirmé à la Commission  que le crédit avait été accordé aux conditions du marché de l'époque, en appréciant les différents facteurs sur une base commerciale58. Le crédit a été attribué contre une garantie financière [...]*. Les emprunteurs ont également demandé à d’autres institutions financières de leur soumettre leurs propositions de crédit et ont opté pour ce consortium, estimant qu’il représentait «l’offre la plus concurrentielle»59.

(101)  La partie notifiante donne ensuite d’autres exemples de crédits à l’investissement accordés à des entreprises au profil de risque comparable au cours de la même période et avec des taux d’intérêt identiques voire plus bas60.

(102)  En réponse à la demande de Fincantieri selon laquelle ce crédit constituerait une subvention, il convient de noter que, selon les informations transmises par la partie notifiante,  ce  crédit  avait  été  accordé  sur  un  pied  d’égalité  (dans  des  conditions identiques et en supportant les mêmes risques) par quatre banques différentes. Le fait que ces quatre banques, au rang desquelles se trouvent deux banques privées dont l’une compte parmi ses actionnaires la banque européenne BNP Paribas, se soient engagées dans des conditions identiques indique, à première vue, que le prêt a été  porté à bout de bras.

*56  Réponse du 7 février 2008 au questionnaire adressé le 30 janvier 2008 à STX, question 3.

*57  Confirmation des quatre banques dans leurs réponses des 17, 18 et 19 mars 2008.

*58  Réponses des quatre banques des 17, 18 et 19 mars 2008

*59     Réponse du 7 février 2008 au questionnaire adressé le 30 janvier 2008 à STX, question 4.

*60  Réponse du 7 février 2008 au questionnaire adressé le 30 janvier 2008 à STX, question 4

(103)  Concernant le lien qui existerait entre un crédit accordé pour la construction d’infrastructures de production en Chine et l’éventualité d’une utilisation future des avantages financiers allégués en vue de baisser de manière significative les prix des bateaux de croisière fabriqués par STX à l’avenir, celui-ci apparaît comme extrêmement improbable. Rien, dans le cas présent, n’accrédite le fait ou n’indique que la nouvelle structure de production de STX en Chine puisse être utilisée pour la construction de bateaux de croisière.

(104)  Comme deux filiales de STX, qui sont peu susceptibles de produire des bateaux de croisière, bénéficient de ce crédit, il est peu probable que celui-ci, quand bien même il comprendrait une part de subvention, puisse contribuer à renforcer la puissance financière de STX de manière tellement significative qu’il contribuerait à établir une position dominante ou une entrave significative à la concurrence sur le marché des bateaux de croisière.

(105)  Il convient de souligner que si le crédit avait été obtenu à des conditions plus avantageuses que celles du marché, la subvention n'aurait pas correspondu à la totalité du crédit de 400 millions d'USD, mais seulement à la différence entre un taux d’intérêt correspondant au niveau du marché et un taux d’intérêt inférieur accordé à  STX Dalian Shipbuilding et STX Dalian Heavy Industry. Le montant de la subvention correspondrait donc uniquement à une petite partie des 400 millions d'USD. Le crédit a, en plus, été accordé à deux filiales de STX, cette dernière se bornant à être le garant du remboursement du crédit. Même si ce crédit avait été accordé à des conditions avantageuses et comprenait donc une part de subvention, la puissance financière de STX aurait peu de chances de s’en trouver renforcée de manière significative dans ces conditions.

Financement du rachat d’Aker Yards

(106)  Enfin, Fincantieri a allégué61 qu’étant donné le flou qui entourait le financement par STX des 700 millions d'USD nécessaires à l’acquisition d’Aker Yards62, il fallait en déduire que la société s’était financée essentiellement au moyen d'un prêt financier. Fincantieri pointe dès lors la situation financière de STX, et notamment son endettement d’un niveau tel qu’il n'autoriserait pas STX à s'endetter davantage sur le marché financier libre. Fincantieri arrive ainsi à la conclusion que STX ne peut supporter un tel niveau d’endettement sur la base des conditions du marché. L’affirmation ainsi prononcée par Fincantieri semble infondée.

(107)  La partie notifiante a expliqué63 que STX avait eu recours, pour l’acquisition d’Aker Yards, [...]*.

(108)  Ces informations indiquent que l’acquisition d’Aker Yards a été financée en interne par le groupe STX et non pas par des moyens extérieurs.

*61 Contribution de Fincantieri du 22 février 2008: "Impact of Subsidies/State Aids in the Cruise and Ferry Segments", partie I.

*62 Les 100 millions d'USD restants ont été apportés par STX Engines.

*63 Réponse du 15 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 13 février 2008, question 1.

Conclusion concernant la puissance financière et les subventions alléguées, passées ou présentes

(109)  Eu égard aux considérations qui précèdent, il faut conclure que la situation financière de STX n’est pas actuellement de nature à conférer une position dominante à l’entité issue de la concentration sur le marché de la construction des bateaux de croisière, et ce indépendamment de la question de savoir si les instruments financiers évoqués par le plaignant ont constitué ou constituent des subventions publiques passées ou présentes de la part de la Corée du Sud

(iv)  Appréciation d’éventuelles subventions futures

(110)  Fincantieri s’est inquiété de ce que l’entité issue de la concentration puisse se livrer, à l’avenir, à des pratiques de tarification déloyale sur la base de subventions perçues sous la forme de conditions de financement de projet avantageuses. La Commission n’a pas connaissance de projets spécifiques de subventions qui pourraient être accordées à STX à l’avenir. Cependant, les principales inquiétudes visant des questions de concurrence exprimées par le plaignant sont liées à d’éventuelles subventions futures que STX pourrait percevoir. Le plaignant a avancé que STX bénéficiera de prêts avantageux de la part de l’État sud-coréen pour le financement de futurs projets de construction de bateaux de croisière. Cette forme de subvention devrait, soi-disant, permettre à STX de réduire de manière artificielle ses coûts de construction de bateaux de croisière et de pratiquer des prix notablement inférieurs à ceux du marché, aboutissant ainsi à une monopolisation du marché.

Prêts et garanties spécifiques au projet

(111)  Le plaignant a identifié deux instruments susceptibles d’être utilisés à cette fin: les prêts avant expédition et les garanties de restitution d’acomptes accordés par KEXIM, la banque publique d’exportation sud-coréenne. Les prêts avant expédition assurent le financement de la construction avant que le prix total d’achat du navire n’ait été acquitté par le client. Les garanties de restitution d’acomptes sont un dispositif par lequel une institution financière garantit le remboursement de l’acompte versé par le client avant la livraison du navire (qui correspond généralement à 80 % du prix total pour les navires de commerce et entre 15 et 20 % du prix total pour les bateaux de croisière) en cas de non exécution du contrat de construction.

(112)  L’enquête sur le marché a montré que les chantiers navals ont couramment recours à ce genre d’instruments pour financer leur fonds de roulement. Les navires étant des produits mobilisant un capital important, la plupart des chantiers navals doivent faire appel à des sources de financement extérieures, sous la forme d’acomptes de la part des acheteurs ou d’emprunts extérieurs. Le financement des fonds de roulement représente donc un coût pour les chantiers navals.

(113)  Si ces instruments financiers sont accordés par des institutions publiques dans des conditions plus avantageuses que celles du marché, ils comprennent par conséquent  un élément de subvention sous la forme de taux d’intérêt réduits ou d’une commission de garantie réduite. Ce type de subvention est spécifique aux projets liés à des appels d’offre et ne serait susceptible d’affecter la concurrence, comme supposé par le plaignant, que s’il était accordé à l’entité issue de la concentration pour des appels d’offre de bateaux de croisière à venir.

(114)  Le plaignant avance64 que STX finance actuellement ses fonds de roulement  au moyen des prêts avant expédition et des garanties de restitution d’acomptes accordés par KEXIM. Malgré le fait que le plaignant n'était pas en mesure d’identifier à quelles conditions ces instruments sont actuellement proposés à STX, il continue de soutenir que STX bénéficie et continuera à bénéficier à l’avenir de taux d’intérêt et de commissions de garantie inférieurs aux taux du marché sous forme de subvention accordées par KEXIM, soit un subventionnement public de la Corée du Sud. Fincantieri avance que ces conditions financières avantageuses permettront à STX de réduire ses coûts de production, de proposer des «conditions de paiement artificiellement favorables à ses clients» et de «conquérir des parts de marché de manière agressive en pratiquant des baisses de prix»65.

(115)  La partie notifiante confirme66 que STX fait actuellement appel au programme de garanties de restitution d’acomptes et de prêts avant expédition de KEXIM pour financer son activité de construction navale en Corée du Sud. La partie notifiante avance que ces programmes ne sont pas, en tant que tels, considérés comme des subventions par l’accord de l’OMC sur les subventions et les mesures compensatoires.

(116)  Selon la partie notifiante67, les garanties de restitution d’acomptes lui sont accordées non seulement par KEXIM mais aussi par d’autres banques commerciales. Les garanties de restitution d’acomptes de KEXIM ne constituent qu’une partie de l’ensemble des garanties de restitution d’acomptes auxquelles STX a recours pour financer sa production (environ [...]* en 2005, [...]* en 2006 et [...]* en 2007). La partie notifiante a soumis à la Commission des listes de garanties de restitution d’acomptes qu’elle avait perçues de la part de KEXIM et d’autres banques commerciales pour la période 2005-2007. D’après ces données, les commissions de garantie exigées par les banques commerciales étaient de même niveau, voire de niveau inférieur à celles de KEXIM68. La commission de garantie est censée être fixée en tenant compte de divers facteurs tels que le profil de risque de l’entreprise et les conditions de la garantie financière.

(117)  Concernant les prêts avant expédition, la partie notifiante avance69 que KEXIM a fixé son taux d’intérêt à un niveau égal [...]* plus une marge calculée sur le profil de risque de l’entreprise et sur les conditions de la garantie financière. La partie notifiante a fourni à la Commission une liste de prêts avant expédition, confirmant que les taux d’intérêt correspondant aux prêts avant expédition de KEXIM pour la période 2005- 2007 étaient supérieurs au taux applicable du KORIBOR70.

(118)  Sur la base de l’enquête sur le marché, il faut conclure que STX recourt à  des garanties de restitution d’acomptes et à des prêts avant expédition dont certains lui sont accordés par KEXIM. Les éléments recueillis par la Commission dans le cadre de la présente procédure de contrôle des concentrations n’indiquent pas que ces instruments financiers soient actuellement accordés à des conditions plus  avantageuses que celles du marché et qu’ils puissent, par conséquent constituer des subventions. Sur cette base, il n'est pas permis de supposer que l’entité issue de la concentration pourrait, à l’avenir, avoir recours à des financements subventionnés en vue de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles sur le marché des bateaux de croisière.

* 64 Réponse du 6 février 2008 au questionnaire adressé à Fincantieri le 30 janvier 2008, question 5.

*65 Réponse du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière, question 45.

*66 Réponse du 21 janvier 2008 aux questions adressées à la partie notifiante le 11 janvier 2008, question 8.

*67 Réponse du 7 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 30 janvier 2008, question 7.

*68 Annexe 1 de la réponse du 7 février au questionnaire adressé à STX le 30 janvier 2008.

*69 Réponse du 15 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 13 février 2008.

*70 Annexe 3 de la réponse du  7 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 30 janvier 2008.

Prévision des décisions publiques à venir de la Corée du Sud

(119)  L’enquête sur le marché de la Commission n’a pas révélé d’éléments permettant de prévoir d’éventuelles décisions à venir de la Corée du Sud visant à accorder des garanties de restitution d’acomptes et des prêts avant expédition à des conditions plus avantageuses que celles du marché.

(120)  Le plaignant avance71 que la pratique courante de KEXIM telle qu’elle a été établie par le passé, devrait constituer une preuve suffisante que la Corée du Sud est appelée à poursuivre cette pratique à l’avenir. Le plaignant fait ici référence à l’affaire que les Communautés européennes ont parafée en 2002 devant l’OMC, soutenant, entre autres, que le programme de garanties de restitution d’acomptes et de prêts avant expédition de KEXIM constituent une subvention interdite aux termes de l’accord SMC72.

(121) Il est exact qu’en 2002, après deux ans d’enquête, dans le cadre du règlement sur les obstacles au commerce, la Commission a déposé une réclamation auprès de l’OMC73 invoquant que la Corée du Sud accordait des subventions à l’exportation interdites aux grandes entreprises sud-coréennes de construction navale, y compris à STX, sous la forme de financements de projets octroyés par KEXIM à des conditions inférieures à celles du marché. La Commission note que le groupe spécial de l’OMC a établi74 que STX avait bénéficié, à la fin des années 1990, de garanties de restitution d’acomptes  et de prêts avant expédition individuels constituant des subventions interdites. Le groupe spécial de l’OMC a cependant considéré que la Commission n’avait  pas justifié à première vue que le régime juridique sous lequel KEXIM exerçait son activité et que les garanties de restitution d’acomptes et les prêts avant expédition que KEXIM accordaient constituaient en tant que tels une subvention. 75

(122)  La Commission n’a pas actuellement d’éléments nouveaux à sa disposition, et le plaignant n’a pas fourni d’éléments attestant que ces deux programmes gérés par KEXIM aient été systématiquement utilisés à des fins de financement subventionné de la production. Le fait que le groupe spécial de l’OMC ait conclu que certaines garanties et certains prêts contestés par la Commission ont effectivement constitué des cas de subventions à l’exportation interdites ne permet pas de conclure que l’État sud- coréen pourrait, à l’avenir, accorder des subventions sous cette forme à STX. Il n’est pas, non plus, possible de présumer avec une probabilité suffisante et sans preuves supplémentaires que la Corée pourrait, à l’avenir se livrer à des pratiques illégales  sous la forme de subventions accordées à l’entité issue de la concentration  en  violation de ses obligations envers l’OMC.

*71 Réponse du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé aux constructeurs de bateaux de croisière le 14 janvier 2008, question 45.

*72 Rapport du groupe spécial du 22 décembre 2004 dans l'affaire WT/DS 273 Korea – Measures affecting trade in commercial vessels

*73  WT/DS 273 Korea - Measures affecting trade in commercial vessels. Le 21 octobre 2002, la Commission a demandé l'ouverture de consultations au sein de l'OMC avec la Corée conformément au Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, GATT 1994 et à l'accord MSC, et le 11 juin 2003 la Commission a demandé l'établissementd'un groupe spécial de l'OMC.

*74 Rapport du groupe spécial du 22 décembre 2004 dans l'affaire WT/DS 273 Korea – Measures affecting trade in commercial vessels.

*75  En tant que tels, signifiant que l’instrument financier ne constitue pas en soi une subvention.

Conclusion concernant les subventions futures alléguées

(123)  Il y a donc lieu de conclure qu’aucun élément ne permet d’affirmer que la Corée du Sud est susceptible, à l’avenir, d’accorder des subventions à l’entité issue de la concentration.

(v) Même si l’entité issue de la concentration recevait effectivement, à l’avenir, des subventions, leurs conséquences sur les coûts des bateaux de croisière seraient limitées

(124)  Même si les éventuelles subventions futures étaient effectivement accordées, celles-ci ne pourraient conférer à l’entité issue de la concentration une position dominante sur  le marché des bateaux de croisière, et ce pour les raisons suivantes.

STX ne pourrait utiliser les subventions alléguées pour son activité de construction de bateaux de croisière que de  manière limitée, car ces subventions porteraient à peu près exclusivement sur les bateaux de croisière construits en Corée du Sud.

(125)  La Commission a, premièrement, étudié dans quelle mesure ces instruments  pourraient être affectés à la construction de bateaux de croisière et dans quelle mesure ils pourraient être utilisés par l’entité issue de la concentration.

(126)  L’enquête sur le marché a indiqué que le financement de la construction d’un bateau de croisière est généralement le suivant: le propriétaire du navire s’acquitte de 15 à   20 % du prix du navire à titre d’acompte avant sa livraison et ne verse la somme restante qu’à la livraison76. Le constructeur doit apporter des garanties de remboursement de cet acompte en cas d’échec de la production. Il apparaît dès lors que les garanties de restitution d’acomptes n’ont qu’une importance limitée pour le financement de la construction des bateaux de croisière car l’acompte ne représente qu’une partie (de 15 à 20 %) de la valeur totale du navire.

(127)  En outre, selon la partie notifiante77, les garanties de restitution d’acomptes accordées par KEXIM (celles-là mêmes qui sont alléguées comprendre un élément de  subvention résultant de la différence alléguée entre le niveau des conditions accordées par KEXIM et le niveau normal du marché) ne représentent qu’une partie des garanties de restitution d’acomptes dont STX bénéficie actuellement (voir considérant 116 ci-dessus). Sur la période 2005-2007, elles ont représenté en moyenne [moins de 50 %]*. Cela relativise encore les effets d’une éventuelle subvention comprise dans les garanties de restitution d’acomptes accordées par KEXIM sur la puissance financière de STX.

*76  Voir notamment la réponse de Fincantieri du 28 janvier 2008 au Questionnaire adressé aux acheteurs de bateaux de croisière le 14 janvier 2008.

*77  Réponse du 7 février au questionnaire adressé à STX le 30 janvier 2008, question 7.

(128)  Enfin, alors que, selon les éléments fournis à la Commission78, le cadre juridique de KEXIM ne fixe aucune limite à l’élargissement des garanties de restitution d’acomptes aux filiales étrangères des chantiers navals sud-coréens, il existe une condition préalable à cet élargissement, à savoir que la société mère sud-coréenne fournisse un recautionnement afin de couvrir les risques, la limite de crédit de la société mère étant alors réduite proportionnellement à la somme garantie. KEXIM a confirmé que, du fait de ces conditions, les entreprises sud-coréennes de construction navale n’ont pas sollicité auprès de KEXIM de garanties de restitution d’acomptes pour le compte des filiales étrangères dont elles détenaient moins de 50 % du capital. Ce fait relativise encore l’effet d’une éventuelle subvention qui serait comprise dans les garanties de restitution d’acomptes accordées par KEXIM sur la puissance financière de STX

(129)  Il s’ensuit que l’élément décisif d’un éventuel renforcement de la position financière de STX devrait consister en l’octroi de prêts avant expédition potentiellement subventionnés par KEXIM. Néanmoins, selon les informations fournies par KEXIM79, le régime juridique actuel n’autorise pas les prêts avant expédition pour la  construction de navires dans des chantiers navals étrangers, y compris par des filiales étrangères d’un constructeur sud-coréen. KEXIM a confirmé que le cadre juridique existant ne l’autorisait pas à accorder des prêts avant expédition individuels à des entreprises de construction navale étrangères, y compris les filiales étrangères des entreprises de construction navale sud-coréennes. Il s’ensuit que STX ne sera pas en mesure de bénéficier de prêts avant expédition accordés par KEXIM pour financer des projets de construction navale à l’extérieur de la Corée du Sud, notamment sur les  sites européens d’Aker Yards.

(130)  Indépendamment de tout élément de subvention potentiel inhérent aux prêts avant expédition accordés par KEXIM, l’entité issue de la concentration ne pourra  bénéficier de ce type d’aide d’État pour la production de bateaux de croisière en Europe (actuellement STX ne produit pas non plus de bateaux de croisière en Corée  du Sud). L’impact relatif de prêts avant expédition potentiellement subventionnés sur la puissance financière de l’entité issue de la concentration se trouvera clairement atténué par les limites indiquées ci-dessous. Il ne serait pas réaliste de supposer que l’ensemble de la production de bateaux de croisière d’Aker Yards puisse être transférée en Corée du Sud dans un proche avenir. STX n’aurait d'ailleurs guère intérêt, sur le plan commercial, à racheter Aker Yards au prix de 800 millions d'USD dans le seul but de s'approprier son savoir-faire en matière de construction de bateaux de croisière.

L’incidence des subventions alléguées sur le coût de production final d’un bateau  de croisière et sur la puissance financière de STX ne serait pas significative.

 *78 Lettre adressée par KEXIM à STX le 5 février 2008, Annexe 2 à la réponse du 5 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 30 janvier 2008.

*79 Lettre adressée par KEXIM à STX le 5 février 2008, Annexe 2 à la réponse du 5 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 30 janvier 2008.

(131)  En dépit de ces arguments, la Commission a examiné les éléments qui lui ont été soumis afin d’apprécier l’impact que pourrait avoir l’exploitation de ces instruments financiers sur la situation financière de STX. À cet effet, la Commission doit considérer un certain nombre d’hypothèses.

(132)  Selon une estimation de la partie notifiante80, que la Commission a considérée comme pertinente au vue des informations fournies par d’autres acteurs du marché, le coût du financement de la production de bateaux de croisière, y compris le coût des emprunts nécessaires à la constitution du fonds de roulement et le coût lié à l’obtention de garanties de restitution d’acomptes (coût de la commission de garantie), représente environ 4 % de l’ensemble des coûts de production d’un navire81. Ce chiffre s’appuie sur le postulat que 80 % des fonds de roulement nécessaires sont financés par des emprunts extérieurs.

(133)  La Commission a premièrement apprécié l’hypothèse selon laquelle STX serait en mesure d’obtenir les prêts avant expédition et les garanties de restitution d’acomptes sans frais (sans avoir à payer de taux d’intérêt ni de commission). Cela implique que STX bénéficierait d’une réduction des coûts de production généraux pour ses navires fabriqués en Corée du Sud équivalent à ses coûts de financement habituels, soit environ 4 %. Si, en théorie, STX conservait la même marge commerciale, il serait en mesure de répercuter cette baisse en réduisant le prix de vente actuellement proposé par Aker Yards de 4 % au maximum. Il convient de rappeler que cette opération ne peut s’appliquer qu’aux navires construits dans les chantiers navals de l’entité issue de la concentration situés en Corée du Sud.

(134)  Ce scénario s’appuie sur plusieurs hypothèses qui expliquent le caractère purement fictif de cet exercice.

(135)  La première hypothèse est que 80 % du fonds de roulement nécessaire sont assurés  par le recours à l’emprunt extérieur. Or, l’enquête sur le marché a indiqué que les chantiers navals ont recours à différents modes de financement de leur production: par les emprunts extérieurs ou par des formules associant différents degrés de financement extérieur et intérieur82. Cette hypothèse s’avère donc excessivement pessimiste.

(136)  La deuxième hypothèse est que l’entité issue de la concentration répercuterait intégralement la réduction de coût sur une baisse de prix (et non pas, par exemple, sur un accroissement de ses marges), ce qui est loin d’être acquis.

(137)  La troisième hypothèse est que STX bénéficierait de prêts avant expédition et de garanties de restitution d’acomptes sans aucun frais. Or, il a été constaté, au cours de l'enquête sur le marché, qu’une telle hypothèse est infondée. La partie notifiante a avancé que le taux d’intérêt pratiqué par KEXIM pour les prêts avant expédition était, en 2006 et en 2007, de […]* par an en moyenne, contre 4,8 % en moyenne pour le KORIBOR. Comme aucun acteur du marché n’a pu définir quels étaient les taux du marché normalement pratiqués pour ce type de prêts, la Commission a fixé ce taux à 10 % par an, ce qui constitue une estimation extrêmement pessimiste83. Si tel était, néanmoins, le taux effectif du marché, STX aurait à supporter environ 50 % des coûts d’emprunt «normalement» supportés par les chantiers navals qui se trouvent dans l’obligation d’emprunter au taux du marché. Cela signifie que l’hypothétique  réduction de coûts évoquée ci-dessus et liée à l’accès à des conditions de marché déloyales serait de 50 % inférieure et que l’éventuelle baisse de prix correspondante  ne se situerait qu’autour de [0-5]* %.

*80 Réponse du 15 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 13 février 2008, question 12.

*81 Réponse de STX le 20 février 2008 au Questionnaire adressé à STX le 13 février 2008. STX simule le calcul de la part des coûts financiers par rapport du prix du navire. Après déduction d’une marge bénéficiaire, la Commission a calculé la part estimée des coûts financiers par rapport à l’ensemble des coûts de production.

*82 Réponse du 7 février 2008 au questionnaire adresé à STX le 30 janvier 2008, question 10. Réponse du 6 février 2008 au questionnaire adressé à Fincantieri le 30 janvier 2008, question 5 e).

(138) Cette réduction éventuelle ne porterait que sur les navires construits en Corée du Sud et non pas dans les chantiers navals européens de l’entité issue de la concentration. Si STX optait, comme le suggère le plaignant, pour une stratégie visant à proposer ses bateaux de croisière au prix moyen des navires produits en Corée du Sud et de ceux produits en Europe, la baisse de prix correspondant aux subventions alléguées serait alors réduite à environ [0-2]* %.

(139) Pour apprécier l’importance de ce différentiel de prix éventuel, une série de facteurs ont été pris en compte.

(140)  Premièrement, selon les informations fournies à la Commission dans le cadre de l’enquête sur le marché, il existe des différences de coûts de  financement considérables entre certains acteurs du marchés, les écarts étant supérieurs à 1 % en fonction du mode de financement des fonds de roulement choisi par chaque constructeur, et notamment de la part du financement extérieur. Or, ces différences de niveau des coûts de financement ne semblent pas empêcher la concurrence entre les différentes entreprises concernées. Compte tenu de ces différences entre les acteurs du marché et compte tenu du fait que les coûts de financement de l’entité issue de la concentration pourraient faire l’objet d’une subvention et bénéficier ainsi d’une baisse comprise entre [0-5]* % et [0-5]* % de l’ensemble des coûts, cette différence ne serait pas de nature à permettre à l’entité issue de la concentration d’évincer Fincantieri du marché des bateaux de croisière. Il convient de rappeler que les informations dont dispose la Commission n’indiquent en rien que l’entité issue de la concentration  puisse être en mesure de réduire les coûts de financement correspondant à son activité en Europe, et que celle-ci devrait donc continuer à supporter les mêmes coûts de financement que ceux de ses concurrents qui disposeraient des mêmes structures de financement des fonds de roulement.

(141)  En outre, l’enquête sur le marché a clairement démontré que les clients prennent en compte différents facteurs dans le choix d’une entreprise de construction navale84. Certains clients ont indiqué qu’ils attachaient autant d’importance au critère du prix qu’à celui de l’expérience de l’entreprise dans la gestion de projets complexes ou de la qualité des moyens technologiques mis en œuvre par le constructeur. Plusieurs clients ont clairement indiqué que ce n’était pas le prix, mais l’expérience de l’entreprise dans la gestion de projets complexes qui était, à leurs yeux, le critère le plus important pour le choix d’un constructeur. Plusieurs clients ont mis l’accent sur la question des contraintes de capacité, et le respect par le constructeur des délais de livraison des navires fixés par le client est également apparu comme une forte exigence.

*83 Des données disponibles auprès de l’OCDE concernant les tendances de l’évolution des taux d’intérêt au sein de l’EEE et en Corée entre 2002 et 2007 indiquent que les taux à court terme sont restés inférieurs ou légèrement supérieurs au seuil des 5 % et que les taux à long terme (obligations d’État à 10 ans) sont   restés inférieurs à 6 % (à l’exception de l’année 2002 où ils se sont situés autour de 7 % pour la Corée). Il apparaît ainsi clairement que l’hypothèse d’un taux d’intérêt de 10 % pour des emprunts inférieur à 2 ans, portant sur des projets concrets et assortis de garanties financières est extrêmement pessimiste.

*84 Questionnaire du 11 janvier 2008 destiné aux acheteurs de bateaux de croisière, question 33.

(142)  Il convient également de souligner qu’un report soudain de la clientèle vers les nouveaux acteurs du marché apparaît comme peu probable eu égard aux relations «privilégiées» qui existent entre les clients établis et leurs fournisseurs, notamment en raison du phénomène important des navires jumeaux (voir considérants 150 et 151). Compte tenu de ces éléments, il est peu probable que le prix puisse devenir un facteur concurrentiel décisif.

(143)  Il est, par ailleurs, probable qu’à court terme l’entité issue de la concentration, si elle souhaite démarrer la production de bateaux de croisière en Corée du Sud, ait à supporter des coûts de production plus élevés car elle ne possède pas, dans le pays, de réseau de sous-traitants développé (d’où la nécessité d’importer des composants d’Europe) et est tributaire de l’effet de courbe d’apprentissage (d’où une productivité plus faible et l’utilisation d’une main d’œuvre plus nombreuse au début).

(144)  Il y a lieu de conclure que, à partir d’hypothèses extrêmement pessimistes, l’entité issue de la concentration pourrait être en mesure de réduire le prix de ses navires prototypes construits en Corée du Sud d’environ 1 à 2 % en raison de possibilités de financement extérieur comportant une présomption de subvention.

(145)  Si l’on considère que le prix moyen d’un bateau de croisière de 100 000 tb85 est d’environ 450 millions d’euros, l’avantage correspondant peut être estimé entre 4,5 et 9 millions d’euros par navire, ce qui ne représente que 0,1 % à 0,2 % du chiffre d’affaires de STX, en tenant compte de ce navire supplémentaire. Quand bien même ce phénomène serait accentué par l’augmentation du nombre de bateaux de croisière construits, il convient de tenir du compte du fait que le nombre de commandes annuelles de bateaux de croisière est très réduit (de 10 à 15 navires par an au cours des 3 dernières années) et que par conséquent, même si STX était amené à s’adjuger une partie importante du carnet de commande mondial, ce qui est peu probable par  ailleurs, l’impact d’une telle situation resterait néanmoins très limité.

(146)  Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que, quand bien même des éléments tendraient à prouver que l’entité issue de la concentration pourrait, à l’avenir, bénéficier de financements subventionnés de sa production, un tel avantage ne serait pas de nature à renforcer de manière significative la puissance financière de l’entité issue de la concentration.

Quand bien même l’incidence des subventions alléguées futures sur la puissance financière de l’entité issue de la concentration serait significative, les caractéristiques propres au marché des bateaux de croisière ne permettraient pas à l’entité issue de la concentration d’exercer un pouvoir de marché et d’y acquérir  une position dominante.

(147)  Les inquiétudes exprimées par Fincantieri pendant l’enquête sur le marché portent sur la  possibilité  qu’aurait  l’entité  issue  de  la  concentration  d’exploiter  les avantages

* 85 Questionnaire adressé aux constructeurs de bateaux de croisière le 14 janvier 2008. Moyenne basée sur   les commandes des trois dernières années. concurrentiels liés à des subventions et de réduire, en conséquence, ses coûts de production en vue de marginaliser ses concurrents. Bien que l’enquête sur le marché ait indiqué que des différences existent entre la Corée du Sud et l’Europe sur la question des coûts de production (concernant, par exemple le prix de l’acier, le différentiel de prix entre la Corée du Sud et l’Europe peut correspondre à environ 5 % du coût final d’un bateau de croisière86), la Commission note néanmoins qu’il existe d’autres facteurs importants permettant de contester sérieusement l’idée selon laquelle l’entité issue de la concentration aurait capacité à établir une position dominante sur le marché des bateaux de croisière comme conséquence du renforcement allégué de sa puissance financière.

L’entité issue de la concentration ne dispose pas actuellement d’un pouvoir de marché considérable

(148) Comme il a déjà été indiqué, l'opération notifiée ne modifiera en rien la structure du marché des bateaux de croisière sur le plan horizontal, et l’incidence sur la concurrence issue des relations verticales n’est pas significatif. La position d’Aker Yards Yard sur le marché de la construction des bateaux de croisière se situe entre [30-35]* %87, alors que celle de Fincantieri se situe autour de [40-45]* %, et celle de Meyer-Werft entre [25-30]* %. Ces parts de marché sont à peu près équivalentes, que l'on se base sur les commandes, le tonnage des navires livrées ou la valeur des ventes. Les [0-5]* % restants du marché sont occupés par d’autres acteurs moins importants. En outre, l’enquête sur le marché n’a pas indiqué qu’Aker Yards pourrait être en mesure d’exercer un pouvoir de marché, et il constitue, de fait, le deuxième acteur du marché derrière Fincantieri.

Les clients importants et sophistiqués seront en mesure d’atténuer les effets d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles

(149)  Le marché des bateaux de croisière se caractérise par la présence de clients importants susceptibles d’avoir, à l’intérieur de la structure de marché actuelle, la capacité de réagir à d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles de la part de l’entité issue de la concentration.

(150)  Les clients principaux sont Carnival, Royal Caribbean, MSC et STAR/NCL, quatre sociétés qui représentent 80 % environ de la demande mondiale de bateaux de croisière88. Ces clients ont établi des relations préférentielles à long terme avec les principales sociétés de construction navale. Par exemple, l’un des trois principaux constructeurs de bateaux de croisière (Fincantieri, Aker Yards et Meyer) n’a, au cours des sept dernières années, livré des bateaux de croisière qu’à un seul de ces quatre  plus gros clients, soit plus de 90 % de ses ventes; par ailleurs, l’un de ces clients a adressé  l’ensemble  de  ses  commandes  à  un  seul  constructeur,  et  deux  des autres clients n’ont passé commande de bateaux de croisière qu’à deux de ces trois fournisseurs89.

*86 Calcul effectué par la Commission sur la base des informations recueillies dans le cadre de l’enquête sur  le marché et de la réponse fournie par STX le 20 février 2008 au questionnaire qui lui a été adressé le 13 février 2008, questions 5 à 7.

*87 Capacité mesurée en terme de capacités commandées sur la période 2004-2007.

*88 En tonnage brut sur la période 2007-2012Réponse de STX le 25 janvier à la décision 6.1., point c), de la Commission, page 4, note de bas de page 5 (GP Wild report, Cruise industry statistical review, janvier 2007).

(151)  En outre, les sociétés européennes de construction navale bénéficieraient de cet avantage sur STX qu’ils sont en mesure de produire des bateaux de croisière jumeaux à partir de prototypes existants, sachant que le constructeur qui a conçu le prototype est nettement avantagé par rapport aux autres constructeurs pour ce type d’opération.

(152)  Tous les principaux acheteurs ont indiqué que l’avantage en terme de coût était la raison principale du choix du constructeur ayant conçu le prototype en cas de commande de navires jumeaux90. D’autres facteurs, comme l’existence de relations commerciales suivies ou l’expérience acquise par la société de construction navale ayant assuré la construction du prototype, poussent les clients à faire appel à ce même constructeur pour la construction d’un navire jumeau. De fait, l’enquête sur le marché a révélé que le propriétaire du navire est souvent associé à l’entreprise de construction navale pour la conception du navire prototype, qu’il supervise également la production, qu’il intervient dans le choix des sous-traitants et qu’il participe au processus complexe de gestion du projet. Cela explique les relations étroites qui se créent entre l’acheteur et le constructeur dès la phase de conception.

(153)  L’enquête sur le marché a aussi confirmé que, malgré l’existence de ces relations

«préférentielles», les clients demandent des devis à différents producteurs afin de faire jouer la concurrence et ils estiment que la présence d’au moins trois constructeurs est nécessaire pour maintenir une concurrence suffisante91. Ce pouvoir des clients (bien que quelque peu relativisé par le «phénomène des navires jumeaux») est liée au fait qu’ils recherchent en permanence de nouveaux fournisseurs éventuels (et les chantiers navals qu’ils détiennent) soit directement, soit en faisant appel à des courtiers. Cela tend à confirmer le point de vue déjà exprimé dans l’affaire M.4104 – Aker Yards / Chantiers de l'Atlantique (voir considérant 38) selon lequel la présence de trois gros fournisseurs (Fincantieri, Aker Yards et Meyer Werft), semble conférer aux organisateurs de croisières une certaine puissance d’achat qui leur permet de faire jouer efficacement la concurrence entre fournisseurs.

(154)  En outre, eu égard au nombre limité des commandes annuelles (environ 10 à 15 navires alors que le nombre de prototypes est encore plus réduit), chaque contrat portant sur un prototype (qui peut s’accompagner ultérieurement d’autres contrats de navires jumeaux avec le même opérateur de croisières, lorsque l’opération n’est pas purement et simplement inscrite dans le contrat initial du prototype) constitue pour les entreprises de construction navale une opportunité commerciale importante. En conséquence, même si les appels d’offre totalement ouverts ne représentent qu’une minorité des contrats de construction de nouveaux bateaux de croisière (navires jumeaux et prototypes confondus), ils ont néanmoins toutes les chances de donner lieu à une vive concurrence de la part des fournisseurs existants, notamment s’ils sont susceptibles de déboucher sur des contrats portant sur plusieurs navires, dans la mesure où ce type de marché constitue une part importante de leur chiffre d’affaires.

*89 Questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, question 12.

*90 Questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière, questions 28, 29 et 30.

*91 Questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux acheteurs, question 26.

(155)  Il est donc tout à fait improbable que, étant donné la structure actuelle du marché dans laquelle les trois grands constructeurs de bateaux de croisière sont appelés à se maintenir, l’entité issue de la concentration soit en mesure de marginaliser Meyer (qui de son côté n’a pas évoqué ce problème) et Fincantieri au point d’imposer ensuite des augmentations de prix aux clients.

Les concurrents ne sont pas dans l’impossibilité de réagir et, tout au plus, ils peuvent brandir la menace d’une réintégration du marché

(156)  Dans sa déclaration du 15 février 200892, le plaignant a avancé plusieurs raisons pour lesquelles, malgré l’augmentation des prix, il n’a pas pu réintégrer le marché du GNL à court ou moyen terme après que l’essentiel de la production a été transférée en Extrême-Orient, suggérant que tel pourrait également être le cas pour le marché des bateaux de croisière. Cependant, on peut considérer que ces deux marchés ne sont pas comparables et qu’une telle réintégration serait possible pour les raisons suivantes.

(157)  Une partie significative du chiffre d’affaires de Fincantieri est générée par des  activités autres que la construction de bateaux de croisière et de ferrys, ce qui signifie que, même si la société se trouvait dans l’obligation d’adapter et de rationaliser sa capacité de production, elle pourrait néanmoins poursuivre ses autres activités commerciales (réparations et conversions, activité offshore, fabrication de navires militaires et de yachts de très grande taille)93.

(158)  De manière plus réaliste, elle pourrait aussi identifier d’autres créneaux en vue d’utiliser ses capacités de production. Citons, comme exemples de ces autres activités possibles, la remise en état et la réparation de bateaux de croisière, soit en raison de leur vieillissement soit à cause de l’augmentation attendue de la demande dans ce domaine au cours des années à venir (autour de 8 % par an94), ou éventuellement une activité liée aux petits bateaux de croisière et yachts de luxe exigeant une technicité très élevée. Fincantieri pourrait aussi se développer dans des créneaux existants tels que les navires offshore et spécialisés, la société indiquant elle-même que cela lui est arrivé par le passé: «…Au cours des dernières années, Fincantieri a toujours adapté sa capacité de production aux exigences du marché (par exemple, en modifiant le niveau d’externalisation de son activité, en passant de la production de navires militaires à la production de navires de commerce tels que les yachts de très grande taille, les ferrys ultra rapides, les navires spécialisés, etc.), afin de réduire les effets d’une éventuelle baisse de l’activité»95. Ont également été enregistrés des cas de transferts d’activités de construction navale vers d’autres créneaux de marché. En résumé, on ne peut partir du principe que l’ensemble des infrastructures matérielles seront fermées suite à la rationalisation alléguée des capacités.

(159)  En outre, le savoir-faire et l’expérience acquise dans la construction de navires de croisière ne seraient pas perdus au cas où Fincantieri devait réduire son activité. Les conclusions de la Commission96 indiquent clairement que le savoir-faire fondamental est préservé chez les quelques personnes capables de gérer des projets aussi  complexes que la construction d’un bateau de croisière. L’essentiel des autres besoins, tels que la présence d’un réseau de sous-traitants, notamment ceux qui assurent la livraison de projets clés en main, ou la capacité de conception, élément lui aussi fondamental et qui est en partie sous-traité à des entreprises spécialisées, demeureraient, eux aussi, disponibles. En outre, quand bien même de nouvelles commandes échapperaient à Fincantieri, le délai existant entre la date de production d’un navire commandé et celle de sa livraison finale suffirait à garantir à la société plusieurs années d’activité sur le marché de la construction des bateaux de croisière neufs, qu’elle pourrait mettre à profit pour restructurer et adapter sa production.

*92 Déclaration de Fincantieri le 15 février 2008 : "Relevance of Subsidies/State aid in EC Merger Control", page 23, point 4 et suivants.

*93 Questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, question 3.

*94 Questionnaires adressés le 14 janvier aux constructeurs question 13.

*95 Réponse de Fincantieri du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière , question 15.

(160)  Sur le plan de l’innovation, un écart pourrait se creuser entre Fincantieri et l’entité issue de la concentration si le premier cité n’obtenait pas de commandes pendant plusieurs années. Cependant, quelle que soit l’importance de l’innovation, il convient de prendre en compte le fait que celle-ci est en partie assurée par les sous-traitants, et qu’elle reste donc, dans une certaine mesure, accessible. Le cas de Mitsubishi prouve de manière éclatante que le facteur le plus important pour la construction de bateaux de croisière est le savoir-faire en matière de gestion de projets complexes et que certains défauts d’innovation sont surmontables. Cette société a, en effet, été en mesure de livrer en 2004 deux bateaux de croisière de très haute qualité alors qu’elle ne comptait aucune expérience préalable sur le marché des bateaux de croisière.

(161)  Eu égard à ce qui précède, si les prix du marché augmentaient jusqu’à un niveau non concurrentiel en raison d’une monopolisation du marché, comme l’avance Fincantieri, et que les autres fournisseurs aient disparu, rien ne permet de conclure que Fincantieri serait dans l’impossibilité de réintégrer le marché grâce au soutien d’un ou plusieurs gros clients.

(162)  À cet égard, aucune préoccupation n'a été exprimée en ce sui concerne la société Meyer Werft, ce qui tend à confirmer l’improbabilité du scénario concurrentiel avancé par Fincantieri.

L’exemple des navires transportant du GNL

(163)  Le plaignant soulève également le problème de la «monopolisation» par les entreprises de construction navale sud-coréennes du marché du GNL97 et avance que ce phénomène pourrait se répéter sur le marché des bateaux de croisière. Le plaignant justifie notamment sa réclamation en s’appuyant sur la situation du secteur du GNL pour avancer l’éventualité d’une tarification prédatoire et de l’éviction de la concurrence dans les secteurs des bateaux de croisière et des ferrys. Le plaignant avance que, grâce à des subventions, les entreprises de construction navale sud- coréennes, ont pu poursuivre une stratégie agressive de baisse des prix (au cours de la période 1997-2000), ce qui leur a permis de développer leurs parts de marché jusqu’à jouir d’une position de quasi-monopole et marginaliser les autres constructeurs. Après s’être imposées sur le marché du GNL, les entreprises de construction navale sud-coréennes ont pu augmenter leurs prix sur la période 2002 – 200798. Le plaignant indique également que ce processus a eu des effets négatifs en termes d’innovation, étant donné que les entreprises de construction navale sud-coréennes continuent actuellement à exploiter des brevets de systèmes de confinement achetés à des entreprises de construction navale européennes et qui ont été développés dans les années 1970.

*96 Conversations téléphoniques de la Commission avec des acheteurs et réponses des constructeurs à la demande d’informations de la Commission, question 41.

*97 Déclaration de Fincantieri le 15 février 2008: Relevance of Subsidies/State aid in EC Merger Control,  page 21, section VI et page 23, point 4.

(164)  Premièrement, on constate que rien n’indique que le marché des navires transportant du GNL soit monopolisé. Bien qu’il soit exact d’affirmer que la production  des navires transportant du GNL ait été transférée de l’Europe vers l’Asie au cours des deux dernières décennies, ce marché comptait au moins six acteurs sud-coréens et japonais en 200499. L’enquête sur le marché a confirmé qu’aujourd’hui, ces acteurs sont encore actifs sur le marché et certains autres acteurs peuvent être considérés comme des constructeurs crédibles de navires transportant du GNL (par exemple, le Chinois Hudong Zhonghua100; et le Japonais Mitsui101). Il n’est donc pas exact de dire que le marché du GNL est de nature monopolistique et que la concurrence n’y règne pas.

(165)  Eu égard à la structure de l’offre du marché du GNL, la Commission ne dispose d’aucun élément indiquant que l’augmentation des prix des navires transportant du GNL enregistrée au cours des dernières années pourrait être due à des pratiques anticoncurrentielles liées à un phénomène de monopolisation. On constate que le niveau des prix du secteur de la construction navale a augmenté pour tous les types de navires au cours des six dernières années au même titre que l’augmentation des prix des matières premières et des composants (essentiellement l’acier qui constitue le matériau principal entrant dans la construction des conteneurs et des pétroliers). En outre, les autres facteurs susceptibles d’affecter l’évolution des prix sont l’augmentation continue des carnets de commandes au niveau mondial et les contraintes qui en résultent en matière de capacité.

(166)  Il faudrait également tenir compte du fait que l’évolution des taux de change qui montre que l’affaiblissement du dollar américain et la dépréciation des autres devises (yen japonais, won sud-coréen et yuan ren-min-bi) face à l’euro ont entamé la compétitivité des entreprises de construction navale européennes102.

(167)  Concernant la question de l’innovation, le seul élément fourni par le plaignant est que la technologie utilisée par les entreprises de construction navale sud-coréennes correspond  à  des  brevets  développés  dans  les  années  1970.  Il  faut cependant remarquer que l’évolution évoquée du secteur du GNL a eu lieu à la fin des années 1990, ce qui signifie que soit i) au cours de la période allant des années 1970 aux années 1990, ces technologies ont cessé d’être développées et on ne peut, dès lors, affirmer que les entreprises de construction navale sud-coréennes ont freiné l’innovation, soit ii) si l’innovation s’est maintenue entre les années 1970  et  les années 1990, les clients se sont tournés de préférence vers une technologie ancienne et fiable dès lors qu’elle leur était proposée à des tarifs compétitifs.

*98  Déclaration de Fincantieri le 15 février 2008: Relevance of Subsidies/State aid in EC Merger Control et réponse du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, question 45.

*99 Corée du sud: Heavy Daewoo, Samsung, Hyundai Heavy Industries, STX; Japon: Mitsubishi, Kawasaki Shipbuilding Corporation (secteur public)

*100 Réponse de [client]* le 5 décembre 2007 au questionnaire adressé le 28 novembre 2007  aux acheteurs  .

*101 Réponse de Fincantieri le 6 décembre 2007 au questionnaire adressé le 28 novembre 2007 aux constructeurs .

*102 Voir http://www.ecb.int/stats/exchange/eurofxref/html/eurofxref-graph-usd.en.html  (comme  indiqué  le  4 mars 2008)

(168)  En outre, il apparaît que les prix observés dans le secteur du GNL sont actuellement trop faibles pour permettre à des acteurs tels que Fincantieri de réintégrer le  marché103. Cela tend à prouver que le marché du GNL demeure compétitif, les prix étant inférieurs à ce qu’ils seraient si la production n’avait été transférée en Extrême- Orient.

(169)  En tout état de cause, le secteur du GNL et celui des bateaux de croisière constituent des cas très difficilement comparables, notamment du point de vue de l’importance de l’innovation et des économies d’échelle.

(170)  Concernant l’innovation, il est évident que le transport du GNL, qui fait encore appel  à une technologie ancienne utilisée et acceptée par la clientèle, n’est pas comparable au secteur des bateaux de croisière dont l’innovation et la différentiation sont des aspects fondamentaux. Le plaignant n’a fourni aucun élément permettant de conclure que les entreprises de construction navale sud-coréennes pourraient freiner l’innovation sur le marché des bateaux de croisière. Il convient, en outre, de prendre  en compte le fait que les acheteurs de bateaux de croisière sont des clients importants, expérimentés et sophistiqués disposant d’une puissance d’achat importante, et qu’il  est donc très peu probable qu’ils soient amenés à se tourner vers de nouveaux fournisseurs sachant que ceux-ci ne disposent pas d’une capacité d’innovation appropriée et que, ce faisant, ils contribueraient à la marginalisation de constructeurs de bateaux de croisière expérimentés.

(171)  Le plaignant a également indiqué que la construction des transporteurs de GNL exige des moyens de production de masse et que les économies d’échelle ainsi réalisées autorisent des réductions de coûts significatives. Il convient, néanmoins, de souligner que les économies d’échelle sont moins importantes pour les bateaux de croisière qu’elles ne semblent l’être pour les navires transportant du GNL. Premièrement, le nombre de navires produits par ces deux marchés est extrêmement différent, à savoir environ 102 bateaux de croisière pour la période 1998-2007104 contre 262 navires transportant du GNL au cours de la même période105. Deuxièmement, et il s’agit du point le plus important, les bateaux de croisière sont des produits fortement personnalisés, conçus spécifiquement pour répondre aux exigences des clients, ce qui  a pour effet de rallonger la durée des négociations, mais aussi les temps de conception et de production (soit 15 à 20 mois pour la production et jusqu’à quatre ans pour la totalité du processus), et pour lesquels les économies d’échelle ont un effet beaucoup plus réduit.

*103 Fincantieri a elle-même déclaré qu’elle ne serait pas en mesure de réintégrer le secteur du GNL étant dans l’impossibilité d’atteindre la masse critique de production nécessaire pour réaliser des économies d’échelle. Déclaration de Fincantieri le 15 février 2008: Relevance of Subsidies/State aid in EC Merger Control, page 24, point b).

*104 Réponse de STX le 25 janvier 2008 à la décision 6.1., point c), de la Commission, page 5.

*105 Déclaration de  Fincantieri le 15 février 2008:Relevance of Subsidies/State aid in EC Merger Control,  page 22, tableau 9.

(172)  On peut ainsi conclure, eu égard à ce qui précède, qu’il est peu probable i) que l’augmentation des prix des navires transportant du GNL enregistrée depuis 2002 ait été le résultat d’une politique de monopolisation et de tarification prédatoire menée  par les entreprises de construction navale sud-coréennes à la fin des années 1990106, ii) que l’innovation soit freinée en raison de l’opération et iii), que, même si les effets anticoncurrentiels allégués dénoncés par le plaignant concernant le marché du GNL se révélaient fondés, le même phénomène pourrait se reproduire sur le marché des bateaux de croisière au vu des différences significatives que l’on peut observer entre ces deux marchés.

(173)  En conséquence, STX ne serait pas en mesure d’entraver la concurrence de manière significative et à long terme du fait des subventions alléguées et des autres avantages avancés par le plaignant, notamment par l’établissement d’une position dominante sur le marché des bateaux de croisière.

C.1.4.  CONCLUSION SUR LE MARCHE DES BATEAUX DE CROISIERE 

(174)  Eu égard à ce qui précède, on peut conclure que l’opération notifiée n’est pas de  nature à entraver de manière significative la concurrence sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, notamment en raison de l'établissement ou du renforcement d’une position dominante sur le marché de la construction de bateaux de croisière.

C.2 CONSTRUCTION DE FERRYS

(175)  L’enquête approfondie sur le marché a également analysé l’impact potentiel d’une concentration sur le marché des ferrys. La situation est, dans une certaine mesure, similaire à celle du marché des bateaux de croisière: Aker Yards est l’un des principaux acteurs de ce marché et STX n’y est pas encore présent. Même si la concentration n'occasionnera pas de chevauchements horizontaux entre les parties, certains acteurs du marché ont émis des inquiétudes concernant i) les risques d’éviction de STX en tant que nouvel entrant potentiel sur le marché et ii) le risque de voir l’entité issue de la concentration évincer les autres acteurs du marché au point de le monopoliser en raison des avantages concurrentiels dont elle bénéficierait, notamment en termes de subventions déloyales alléguées. Le cas du marché des ferrys est néanmoins quelque peu différent de celui des bateaux de croisière. Contrairement au marché des bateaux de croisière qui est fortement concentré, celui des  ferrys compte beaucoup plus d’acteurs, ce qui réduit d’autant le risque éventuel de pratiques anticoncurrentielles.

*106 Cette conclusion n’est en rien contradictoire avec les conclusions des Communautés européennes dans l’affaire portée contre la Corée devant l’OMC en 2002, et qui concernait également le secteur du GNL. Comme nous l’avons vu ci-dessus, les tests de l’accord SMC sur les subventions donnant lieu à une action constituent un préjudice porté contre l’industrie nationale d’un autre membre, un préjudice grave contre  les intérêts d’un autre membre, l’annulation ou la réduction d’avantages revenant à un autre membre au titre du GATT 1994 et de l’accord SMC, alors que le contrôle des concentrations de la CE relève d’un autre test (test des effets de la concurrence (effects of competition test).

(176)  Au cours des cinq dernières années, les parts de marché des acteurs du  marché mondial des ferrys se sont établies comme suit:

Tableau 4 – Parts de marché des acteurs du marché mondial des ferrys sur la base des commandes passées pendant la période 2003-2007

 

 

Tonnage

Nombre      de navires

 

Aker Yards

[10-15]*

%

 

[5-10]* %

 

Fincantieri

[10- 15]* %

 

[0-5]* %

 

Flensburger

[10-15]*

%

 

[0-5]* %

 

Hyunday

[5-10]*

%

 

[0-5]* %

 

Visentini

[5-10]*

%

 

[0-5]* %

 

Apuania

[5-10]*

%

 

[0-5]* %

Barreras

[0-5]* %

[0-5]* %

Austal

[0-5]* %

[5-10]* %

Jinling

[0-5]* %

[0-5]* %

Mitsubishi

[0-5]* %

[0-5]* %

Samsung

[0-5]* %

[0-5]* %

Fosen

[0-5]* %

[0-5]* %

AUTRES

25 %

72 %

Source: Enquête sur le marché107

(177)  Comme l’indique le tableau 4 ci-dessus, les principaux acteurs du marché des ferrys sont Aker Yards ([10-15]* % de part de marché sur la base des commandes de tonnage), Fincantieri ([10-15]* %), Flensburger ([5-10]* %), Hyundai ([5-10]* %) et Visentini ([5-10]* %). Le nombre global de constructeurs de ferrys est relativement élevé. Les clients ont souvent cité une vingtaine d’entreprises de construction navale qu’ils considèrent comme les concurrents existants du marché des ferrys108. Outre quelques petits acteurs européens, les chantiers navals asiatiques sont activement impliqués depuis un certain nombre d’années dans la construction de ferrys, y compris pour le compte de clients européens. Par exemple, l’entreprise de construction navale sud-coréenne Hyundai a livré deux ferrys (de 43 500 tb et 55 000 tb) à l’opérateur de ferrys suédois Stena Line en 2003, un autre constructeur sud-coréen, Samsung construit actuellement deux ferrys pour ce même client (la commande a été passée en août 2007) et a déjà livré six ferrys depuis 2001 (le plus grand ayant une capacité de

107  Reconstitution du marché sur la base des données fournies par les constructeurs de ferrys – réponse à la question 10 du questionnaire adressé aux constructeurs de ferrys le 11 janvier 2008 – et des données d’Aker Yards, sur la base du Lloyd's Register, Fairpaly WSE, Shipping Statistics, version 9,51, base de données, octobre 2007. Aucune information pertinente concernant la valeur des navires n’a été recueillie permettant de reconstituer les parts de marché en valeur. Cependant, comme c’est le cas avec les bateaux de croisière, les valeurs indiquées correspondent, en principe, dans une large mesure, aux parts de marché basées sur le tonnage commandé. 36 000 tb); une autre grande entreprise sud-coréenne de construction navale, Daewoo, a livré six ferrys, dont deux au client grec Blue Star en 2002 et deux à Moby Line, en Italie, en 2001; deux concurrents chinois ont également livré des ferrys en Europe109. Mitsubishi construit aussi des ferrys mais semble concentrer sa production sur le marché intérieur japonais.

*107  Reconstitution du marché sur la base des données fournies par les constructeurs de ferrys – réponse à la question 10 du questionnaire adressé aux constructeurs de ferrys le 11 janvier 2008 – et des données d’Aker Yards, sur la base du Lloyd's Register, Fairpaly WSE, Shipping Statistics, version 9,51, base de données, octobre 2007. Aucune information pertinente concernant la valeur des navires n’a été recueillie permettant de reconstituer les parts de marché en valeur. Cependant, comme c’est le cas avec les bateaux de croisière, les valeurs indiquées correspondent, en principe, dans une large mesure, aux parts de marché basées sur le tonnage commandé.

*108  Questionnaire adressé aux acheteurs de ferrys le 11 janvier 2008, questions 11 et 12.

(178)  STX n’a, à ce jour, jamais construit de ferrys et n’a jamais obtenu de contrat de construction de ferrys. Bien que certains acteurs considèrent que STX est un nouvel entrant potentiel sur le marché des ferrys, l’enquête sur le marché n’a, à ce jour, révélé aucune tentative d’offre de services concrète de la part de STX en direction de clients potentiels. Comme l’a observé un client important, «STX pourrait faire son entrée sur le marché mais ne possède, à ce jour, aucune expérience en matière de construction de ferrys. Si STX décide de faire son entrée sur le marché des ferrys, il devra sans doute faire comme les autres constructeurs coréens, c'est-à-dire construire un ferry à titre d’essai pour assimiler les caractéristiques spécifiques à ce type de projet et les différences existant avec les navires de fret. Il ne fait aucun doute, au vu de l’engagement et de l’implication dont font généralement preuve les entreprises sud-coréennes, que leur tentative sera couronnée de succès, mais cela aura sans doute un coût au début, car il y a beaucoup de choses à apprendre.»110.

(179)  En tout état de cause, même si STX devenait, à l’avenir, un nouvel entrant potentiel sur une base individuelle, son arrivée sur le marché ne modifierait pas de manière significative la structure de celui-ci étant donné le grand nombre d’acteurs qu’il compte actuellement. Il n’y a donc pas, non plus, lieu de croire que le retrait de STX en tant que nouvel entrant potentiel risquerait de constituer une entrave significative à la concurrence effective sur le marché des ferrys.

(180)  Certains acteurs du marché, notamment Fincantieri (qui considère que le marché des bateaux de croisière et celui des ferrys ne constituent qu’un seul et unique marché),  ont exprimé l’inquiétude selon laquelle l’entité issue de la concentration serait en mesure de bénéficier de subventions déloyales et de coûts de construction plus bas en Corée du Sud, et pratiquerait des prix notablement inférieurs à ceux du marché aboutissant à évincer les autres constructeurs de ferrys du marché pour le  monopoliser. La question des subventions sud-coréennes alléguées a été largement analysée dans la section précédente concernant les bateaux de croisière, et le raisonnement s’applique a fortiori au marché des ferrys111. Il existe à l'heure actuelle trois grandes entreprises sud-coréennes de construction navale qui sont déjà présentes sur le marché des ferrys, et leur expérience du marché comme leur présence sur celui- ci ont un caractère tout à fait significatif (selon le tableau 4, Hyunday représente le quatrième fournisseur mondial de ferrys en commandes de tonnage au cours des cinq dernières années). Ces trois grands acteurs sud-coréens bénéficieraient donc des mêmes avantages et subventions allégués que STX. Le fait que STX, en tant que quatrième entreprise sud-coréenne de construction navale accéderait au savoir-faire 109  Information fournie par Meyer Werft le 21 janvier 2008, dans sa réponse au au questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux constructeurs de ferrys,  question 15.

*110  Réponse de Stena RoRo du 24 janvier 2008 au questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de ferrys,question 16.

*111  À l’exception de l’argument concernant la puissance d’achat des acheteurs, qui sont beaucoup plus dispersés dans le cas du marché des ferrys. nécessaire à la construction de ferrys via l’acquisition d’Aker Yards, ne modifierait donc pas de manière significative le contexte concurrentiel.

(181)  Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’opération notifiée n’est pas de nature à constituer une entrave significative à la concurrence sur le marché commun ou dans une partie substantielle de ce celui-ci, notamment en raison de l’établissement ou du renforcement d’une position dominante sur le marché des ferrys.

(182)  En outre, l’opération notifiée n'ouvrira pas la voie à une entrave significative à la concurrence si l’on adopte une définition du marché plus large englobant les bateaux de croisière et les ferrys, étant donné qu’il n'y a aucun problème de concurrence sur  les marchés de produits plus restreints (à savoir le marché des bateaux de croisière et celui des ferrys) et le raisonnement utilisé pour ces deux marchés peut être appliqué per analogiam.

C.3. CONSTRUCTION DE TRANSPORTEURS DE PRODUITS

(183)  Comme indiqué au considérant 17, si l’on considère que les transporteurs de produits font partie du même marché de produits que les chimiquiers/pétroliers, la part de marché moyenne cumulée des deux entreprises sur la période 2004-2007 s’élevait à 14,75 % en termes de livraisons basées sur le tonnage et à 11 % en termes de commandes basées sur le tonnage112.

(184)  Même si l’on adopte une définition restreinte du marché de produits, à savoir un marché réservé aux seuls transporteurs de produits, les parts de marché cumulés des parties et l’augmentation induite par l’opération notifiée resteraient limitées. Sur la base du nombre de livraisons et en tonnage [tb], la part de marché moyenne était la suivante:

Tableau 5 – Parts de marché pour les transporteurs de produits

Parts de marché sur la période 2004- 2007113

STX

Aker Yards

STX + Aker Yards

Hyundai Mipo

New Century

En nombre de livraisons

13,5 %

0,25 %

13,75 %

10,25 %

6,5 %

En tonnage des livraisons

 

14,75 %

 

0,25 %

 

15 %

 

13,75 %

 

9,25 %

En nombre de commandes

9,5 %

1,25 %

10,75 %

15,5 %

3,75 %

En tonnage commandé

 

8,5 %

 

1,5 %

 

10 %

 

15,5 %

 

5,5 %

Source: partie notifiante

(185)  Le chevauchement entre les parties sur ce marché de produits a été très limité au cours des quatre dernières années. Sur cette période, Aker Yards n’a livré des transporteurs de produits qu’en 2006, année pour laquelle sa part de marché en terme de livraisons [tpl]* au niveau mondial s’est élevée à 1 %. Sur la période 2004-2005 et en 2007, la part  de  marché  correspondante  d’Aker  Yards  était  de  0 %.  STX,  de  son  côté a 112  Réponse de STX le 30 novembre 2007 à la demande de renseignements du 26 novembre 2007, Annexe 1. 113 Ces calculs s’appuient sur les données soumises par la partie notifiante le 10 mars 2008. bénéficié d’une part de marché moyenne correspondante égale à 14,75 %. En termes de commandes [tpl]*, Aker Yards a bénéficié d’une part de marché moyenne égale à 1,5 % pour la période 2004-2007, avec une absence de commandes en 2004, 2006 et 2007. La part de marché moyenne correspondante de STX s’élevait à 8,5 %. En nombre de navires livrés et commandés au cours de cette période, les parts de marchés sont identiques.

(186)  En outre, l’enquête approfondie a confirmé qu’Aker Yards n’est pas considéré comme le concurrent le plus direct de STX dans le secteur des transporteurs de produits, et vice versa. Les réponses des clients indiquent que les concurrents les plus direct de STX sur ce marché sont Hyundai Mipo et New Century S/Y114, ce qui reflète la position relativement importante qu’occupent ces deux entreprises sur le  marché. Selon les données fournies par la partie notifiante, la part de marché de Hyundai Mipo en termes de livraisons [tpl] au niveau mondial s’est élevée, en moyenne, sur la période 2004-2007, à 13,75 %. La part de marché moyenne correspondante de New Century S/Y était de 9,25 %. Les autres acteurs présentaient une part de marché moyenne inférieure à 10 %.

(187)  L’enquête sur le marché a confirmé qu’un grand nombre d’acteurs se partagent le marché des transporteurs de produits, et qu’aucun d’entre eux n’en constitue un leader naturel. Les clients ont identifié de nombreux constructeurs crédibles de transporteurs de produits, essentiellement asiatiques (au rang desquels figure STX mais dont Aker Yards est souvent absent), l’un de ces clients citant treize entreprises, et un autre estimant qu’il existait plus de vingt constructeurs crédibles de transporteurs de produits115. Le grand nombre de constructeurs présents après la concentration  garantira la persistance d’une concurrence effective.

(188)  Le marché des transporteurs de produits semble fonctionner par appels d’offre à l’échelle mondiale. L’achat des navires s’effectue généralement dans le cadre d’un appel d’offre (pour un navire unique ou une série de navires jumeaux), essentiellement sur la base d’un prix et d’un délai de livraison. Le coût du transport ne semble pas dissuader les acheteurs de commander des navires construits dans d’autres régions que la leur; le navire est généralement livré sur le chantier naval et utilisé pour son   premier voyage commercial à destination de sa région d’exploitation principale. En dehors du nombre important de concurrents que compte le marché des transporteurs  de produits, les autres obstacles à l’entrée semblent insignifiants. De fait, les répondants à l’enquête sur le marché ont indiqué qu’ils avaient observé l’arrivée récente de nouveaux entrants sur le marché des transporteurs de produits comme les sud-coréens SPP et SLS, ou les nouveaux constructeurs chinois116. Les données historiques concernant les commandes de transporteurs de produits indiquent aussi clairement qu’au cours des dernières années, un nombre de commandes de plus en plus important a été passé auprès de nouveaux entrants sans cesse plus nombreux117.

*114  Questionnaire adressé aux acheteurs le 28 novembre 2007, question 19, et le questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de transporteurs de produits, question 14.

*115  Questionnaire adressé aux acheteurs le 28 novembre 2007, question 17 .

*116  Questionnaire adressé le  28 novembre 2007 aux acheteurs, question 21.

*117  D’après les données du Clarksons Reseach Institute, fournies par la partie notifiante. Par exemple, SPP a commencé à passer des commandes de transporteurs de produits en 2005 et a obtenu, pour l’année   2007,

(189)  On peut conclure de ce qui précède que l’opération notifiée n’est pas de nature à entraver de manière significative la concurrence effective dans le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, notamment en raison de l’établissement ou du renforcement d’une position dominante sur le marché des transporteurs de produits.

D. APPRECIATION – ASPECTS VERTICAUX

D.1 FABRICATION DES MOTEURS DE NAVIRES

(190) Au cours de l’enquête sur le marché, certains constructeurs ont émis des inquiétudes quant à d’éventuels effets négatifs des relations verticales que l'opération notifiée pourrait créer. Seul le plaignant a, cependant, fourni des arguments plus fondés à cet égard.

(191) STX est actuellement active dans la fabrication de moteurs de bateaux, marché dont sont absents les opérateurs actuels de bateaux de croisière. Selon certains constructeurs118, l’entité issue de la concentration serait en mesure de bénéficier des activités en amont de STX, ce qui lui conférerait un avantage significatif en termes de coûts et de délais de livraison. En outre, STX pourrait concentrer la fourniture de ses moteurs de navires sur Aker Yards, réduisant ainsi les livraisons aux concurrents d’Aker Yards. Il a également été avancé que la fourniture par STX de moteurs de bateaux de croisière risquerait de faire baisser les ventes des fournisseurs actuels de moteurs de bateaux de croisière en dessous de la masse critique permettant de supporter le niveau d’investissement et de recherche et développement, ce qui aboutirait à faire reculer l’innovation119.

(192)  Du point de vue des acheteurs, l’intégration verticale dans la production de moteurs n’est pas un élément de concurrence essentiel, et aucune inquiétude n’a été exprimée à ce sujet.

(193) D’une manière générale, le marché des moteurs de bateaux n’est pas concentré. La  part du marché mondial des moteurs diesel marins que détenait STX en 2007 se situait autour de [15-20]* % (en unités livrées), les autres concurrents importants étant Wärtsilä [15-20]* %, Yanmar [15-20]* %, Daihatsu [25-30]* %, Doosan [5-10]* % et Mitsui [5-10]* % . Dans le secteur des moteurs diesel «deux temps», qui constituent, en général, le principal mode de propulsion des grands navires de commerce, les principaux concurrents sont STX avec [15-20]* % de part de marché, HHI [5-10]* %, Doosan [30-35]* %, Mitsui [30-35]* % et Hitachi [5-10]* %. Dans le secteur des moteurs diesel «quatre temps», qui constituent le principal mode de propulsion des bateaux de croisière et des ferrys, mais aussi des navires de commerce de petite taille, et qui servent aussi à l’alimentation des centrales électriques des navires de  commerce, les parts de marché des principaux fabricants s’échelonneraient comme une part de marché annuelle de 14 % en tonnage commandé. Une autre entreprise considérée comme un nouvel entrant, SLS, a obtenu une part de marché de 8 % en 2007. Ces données indiquent que trois entreprises ont commencé à prendre des commandes de transporteurs de produits en 2007 et quatre en 2006, alors qu’elles ne semblent pas avoir pris de commande pour ce type de navire auparavant.

*118  Questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, question 33.

*119  Questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de navires de croisière  , question 33 et  réponse de Fincantieri le 6 février 2008 à la demande de renseignements de la Commission du 30 janvier 2008, questions 13 à 18. suit:  STX  [15-20]* %,  Wärtsilä  [20-25]* %, Yanmar [20-25]* %    et Daihatsu [30- 35]* %120.

(194) L’opération notifiée aurait des répercussions verticales sur le marché sur la base du secteur des moteurs de navires dans lequel STX est actif et du fait de la position d’Aker Yards sur le marché des bateaux de croisière (supérieure à 25 %). STX ne produit ni ne vend cependant de moteurs de bateaux de croisière, le secteur étant dominé par deux entreprises, MAN B&W Diesel Group («MAN») et Wärtsilä Corporation («Wärtsilä»)121.

(195) Selon les informations fournies au cours de l'enquête sur le marché122, STX ne peut produire de moteurs utilisables par les bateaux de croisière et/ou les ferrys à partir de sa propre technologie et il n’a jamais fourni, directement ou indirectement, ce type de moteurs. Il exploite, par contre, une technologie sous licence de MAN pour la production de moteurs de navires de commerce. Dans le cadre de l’accord de licence, les moteurs fabriqués par STX (notamment via sa filiale STX Engine) sont essentiellement des moteurs-générateurs «quatre temps» servant à fournir de l’électricité aux navires de commerce, et non pas à assurer la propulsion des bateaux de croisière ou des ferrys.

(196) STX (via sa filiale STX Heavy Industries) fabrique également, dans le cadre de l’accord de licence passé avec MAN, des moteurs «deux temps» destinés à la propulsion des navires de commerce. Mais STX ne produit pas et n’a jamais fourni, directement ou indirectement, de moteurs destinés aux bateaux de croisière ou aux ferrys. Les inquiétudes exprimées par certains acteurs du marché apparaissent donc injustifiées étant donné que STX ne serait pas en mesure de fournir des moteurs pour ses propres bateaux de croisière.

(197)  En outre, […]*.

(198)  Le plaignant a avancé123 qu’il est possible de contourner la contrainte géographique portant sur la production de moteurs sous licence en développant en interne de nouveaux modèles ou par la renégociation de l’accord de licence.

(199)  Concernant la possibilité de développer un nouveau modèle de moteur de bateaux de croisière, il y a lieu de noter que STX affirme que la technologie dont il dispose ne lui permet pas de produire ce type de moteur. En tout état de cause, il convient de ne pas oublier qu’une entreprise appartenant au groupe Fincantieri, Isotta Fraschini Motori, produit également des moteurs marins et que, même si celle-ci affirme également ne pas être en mesure de produire ce type de moteurs, rien ne porte à croire que STX pourrait se trouver dans une position significativement meilleure qu’Isotta Fraschini Motori pour développer un nouveau modèle. Il faut aussi de rappeler que les arguments du plaignant semblent comporter une contradiction. Si la vente éventuelle de moteurs de bateaux de croisière par STX avait pour effet de réduire l’incitation à l’innovation pour les producteurs actuels de moteurs de bateaux de croisière (leur chiffre d’affaires étant inférieur à la masse critique nécessaire pour justifier de nouveaux investissements), STX aurait, de son côté, toutes les chances d’être confronté à l’absence de rentabilité des investissements nécessaires à la conception d’un nouveau moteur destiné aux bateaux de croisière, étant donné que ses futures ventes seraient également relativement limitées.

*120 Déclaration de STX le 12 décembre 2007 et le 10 mars 2008.

*121 Réponse du 6 février 2008 de Fincantieri au questionnaire qui lui a été adressé le 30 janvier 2008,  question 18.

*122  Réponses de STX des 7 et 12 février 2008 au questionnaire qui lui a été adressé le 30 janvier 2008, question 14.

*123  Réponse de Fincantieri du 6 février 2008 au questionnaire qui lui a été adressé le 30 janvier 2008,  question 13.

(200) Concernant la renégociation possible des accords actuels […]*, MAN recevrait tout de même une compensation financière au titre d'une telle licence. Il est donc difficile  de conclure que MAN pourrait être incitée à accepter la modification de l’accord actuel au cas où cette modification pourrait réduire ses bénéfices et sa capacité à poursuivre ses activités de recherche et développement.

(201) Enfin, certains exemples, dans l’industrie, indiquent que l’intégration verticale n’est pas un facteur décisif de réussite. Samsung et Daewoo, par exemple, ne sont pas intégrées verticalement en amont pour la production des moteurs de bateaux, et sont pourtant d’importants constructeurs de navires de commerce124.

(202) On peut conclure, eu égard à ce qui précède, que les relations verticales résultant de l'opération notifiée en ce qui concerne la fabrication des moteurs de navires ne sont pas de nature à constituer une entrave significative à la concurrence sur le marché commun ou dans une partie substantielle de ce celui-ci, notamment en raison de l’établissement ou du renforcement d’une position dominante sur les différents marchés des navires de commerce, et notamment sur les marchés des bateaux de croisière et des ferrys.

D.2  SERVICES DE TRANSPORT MARITIME

(203) STX est également actif, à travers sa filiale STX Pan Ocean, dans le domaine du transport maritime, essentiellement dans le secteur des vraquiers (qui ont représenté plus de 90 % de la gamme des navires utilisés par STX pour ses services de transport maritime au cours des quatre dernières années). Aucun chevauchement horizontal n’existe avec Aker Yards pour cette activité.

(204) La partie notifiante a avancé que la part de marché mondiale de STX dans  le transport maritime par vraquiers était d’environ [0-5]* % au cours de la période 2004- 2007. Considérant que les marchés de la construction navale sont d’envergure  mondiale et que les approvisionnements se font au niveau mondial, la présence très limitée de STX sur les marchés en aval de l’expédition ne porte pas à craindre une éventuelle exclusion, de la part des acheteurs, des concurrents de l’entité issue de la concentration sur le marché en amont de la construction navale.

(205) Eu égard à ce qui précède, on peut conclure que les relations verticales établies par l’opération actuelle par rapport aux services d’expédition ne constituera pas une  entrave significative à la concurrence sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, notamment en raison de l’établissement ou du renforcement d’une position dominante sur les différents marchés des navires de commerce, et notamment sur celui des bateaux de croisière et des ferrys.

*124 Questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, question 33.

VI. CONCLUSION

(206)  Pour les raisons énoncées ci-dessus, la Commission a décidé de ne pas s’opposer à l’opération notifiée et de la déclarer compatible avec le marché commun et avec l’accord EEE. La présente décision est adoptée en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement CE n° 139/2004 du Conseil.

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

La concentration notifiée, par laquelle STX Corporation acquiert le contrôle exclusif d’Aker Yards A.S.A au sens de l’article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, est déclarée compatible avec le marché commun et le fonctionnement de l’accord EEE. Est destinataire de la présente décision:

STX CORPORATION

Communauté européenne). L’arrêt du Tribunal de première instance dans l’affaire (Cas T-156/98) RJB Mining tenait compte de la double compétence de la Commission en matière de contrôle des aides d’Etat et de contrôle des concentrations à l’intérieur de la Communauté et de l’application cohérente des deux procédures. Néanmoins, les subventions potentiellement accordées par un pays tiers, tel que la Corée du Sud, ne relèvent pas des règles communautaires relatives aux aides d’Etat mais des dispositions applicables du droit international. Les principales règles régissant les subventions au sein de l’Organisation mondiale du commerce («OMC») sont définies par les articles VI et XVI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce  de 1994 («GATT 1994») et par l’accord de l’OMC sur les subventions et les mesures compensatoires («Accord SMC») qui s’appliquent à tous les Etats membres de l’OMC, y compris la Communauté européenne et la Corée du Sud44. Les différends portés devant l’OMC doivent être tranchés par un groupe spécial de l’OMC dans le cadre d’une procédure dont la Commission n’est qu’un acteur parmi d’autres, et non pas l’organe souverain.

(80)  L’arrêt RJB Mining ne permet donc pas de conclure que la Commission est tenue de prendre en compte, dans son enquête sur les concentrations, d’autres procédures dont la compétence dépasse celle du droit communautaire, notamment s’agissant du règlement éventuel d’un différend porté devant l’OMC portant allégation d’une violation de l’accord SMC. Il ne permet pas, non plus, de conclure que la Commission devrait réaliser sa propre enquête indépendante afin de parvenir à des conclusions quant à l’existence de subventions dans le cadre d’une procédure de contrôle des concentrations dans des cas où l’application en parallèle, par la Commission, de deux procédures en matière de concurrence conformément au droit communautaire ne s’applique pas45. En outre, l’OMC n’a, à ce jour, engagé aucune procédure contre la Corée du Sud pour des subventions accordées par le passé à des entreprises de construction navale ou des programmes ou dispositifs de subvention susceptibles de   se poursuivre à l’avenir.

Caractère adéquat des procédures de l’OMC

(81)  Le plaignant avance, cependant, que la Commission ne devrait pas se contenter, pour l’appréciation des subventions étrangères, du contrôle ex post exercé par l’OMC mais devrait, au contraire, recourir au contrôle des concentrations et à son appréciation ex ante afin d'apporter des réponses effectives au problème des subventions étrangères. Le plaignant soutient que la procédure de l’OMC est inadéquate du fait que ses décisions ne sont pas contraignantes, que la réglementation des subventions ne repose pas sur une «analyse des conséquences sur la concurrence» et que l’OMC ne dispose pas de véritables pouvoirs d’investigation46. Les arguments avancés par le plaignant Concernant les subventions accordées par un État tiers, la Commission peut soit enquêter sur la  subvention incriminée et imposer éventuellement des droits compensateurs s’il s’avérait que ces subventions constituent un préjudice pour la production nationale (conformément à la partie IV  de l’accord SMC et au règlement (CE) n° 2026/97 du Conseil du 6 octobre 1997, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 288 du 21.10.1997, p. 1.). Règlement odifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 461/2004 JO L 77 du 13.3.2004, p. 12)), soit déposer réclamation devant l’OMC (conformément aux parties II & III de l’accord SMC). semblent indiquer que la Commission devrait apprécier les aides d’État octroyées par un pays tiers dans le cadre de sa politique de contrôle des concentrations étant donné que la procédure de l’OMC en cette matière semble insuffisante au plaignant.

(82)  Il convient néanmoins de noter que, outre le fait qu'une décision de l’OMC est contraignante en droit international, la conclusion de préjudice grave ou de préjudice envers le marché national, qui font l’objet d'analyses dans le cadre de l’accord SMC, ne suffirait pas à empêcher une concentration. Il faudrait, au contraire, identifier un motif d’entrave significative à la concurrence, ce qui correspond l'analyse prévue par l'article 2 du règlement sur les concentrations. L'analyse appliquée au titre de ce règlement est donc plus stricte que celle qu'utilise l’OMC.

(83)  En  outre,  la  Commission  dispose  de  pouvoirs  d’investigation  conformément  au «règlement sur les obstacles au commerce»47 qui l’habilite à enquêter sur des allégations de subvention en violation de l’accord SMC, ce qui permet de porter et de motiver une réclamation devant l’OMC. En outre, l’Annexe V de l’accord SMC prévoit une procédure permettant de recueillir des informations soumises à l’examen d’un groupe spécial qui doit établir si un État membre de l’OMC a, ou non, accordé  ou maintenu une subvention ayant causé un préjudice à l’industrie nationale, l’annulation ou la réduction d’avantages pour d’autres membres ou un préjudice grave à un autre membre.

(84)  Enfin, et il s’agit du point le plus important, toute différence supposée ou  inadéquation alléguée concernant la procédure de l’OMC ne constituerait pas un motif suffisant pour conclure, comme le plaignant semble le suggérer, que la Commission pourrait élargir le champ d’application des procédures de contrôle des concentrations afin de «corriger» le caractère supposément inadéquat des procédures de l’OMC.

Conclusion en ce qui concerne les aides d’État et le contrôle des concentrations

(85)  Dans l'analyse d'une concentration, la Commission est en principe tenue de prendre  en compte toutes les subventions en tant que facteurs susceptibles de renforcer la puissance financière de l’entité issue de la concentration dans la mesure où des éléments prouvant l’existence ou la probabilité de telles subventions existent. Toutefois, en l’absence d’éléments tangibles prouvant l’existence de subventions accordées par des pays tiers, l’arrêt RJB Mining ne constitue pas pour la Commission, contrairement à ce que prétend le plaignant, une obligation générale de procéder, dans le cadre d’une procédure de contrôle des concentrations, à une analyse indépendante – comparable à une procédure en matière d'aide d’Etat conformément à l’article 88 du traité CE – afin d’établir si oui ou non les aides financières accordées par des pays tiers, l’ont été à des conditions ne correspondant pas à celles du marché et constituent, en conséquence, des subventions. Les insuffisances alléguées des procédures internationales, telles que les procédures de l’OMC, ne sont pas pertinentes.

(86)  Comme l’indique l’analyse des subventions alléguées présentée dans les points suivants, les opérations financières signalées par le plaignant ne peuvent pas être qualifiées, d’une manière générale, de cas évidents de subvention. L’enquête sur la concentration n’a donc pas pu établir que les subventions, sous forme d'opérations financières, désignées par le plaignant, existent effectivement ou sont susceptibles d'être distribuées à l'avenir. Même si une telle conclusion permet déjà de conclure qu’il n’existe aucun élément suffisant pour accréditer une quelconque augmentation  de la puissance financière à l'aide de ces opérations financières, la Commission a néanmoins élargi son analyse afin d’évaluer, à partir des données disponibles, la probabilité de ces subventions alléguées et leurs effets potentiels. Ainsi que cela est exposé ci-après, même si une part de subventions était présente dans ces opérations financières, elles n’auraient que très peu de chances d’affecter de  manière significative la puissance financière de l’entité issue de la concentration. Règlement (CE) n° 3286/94 du Conseil, du 22 décembre 1994 arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d'assurer l'exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, en particulier celles instituées sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce (JO L 349 du 31.12.1994, p. 71). Règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 125/2008 (JO L 40 du 14.2.2008, p. 1).

(iii)Rapport entre la puissance financière et l’octroi de subventions passées ou présentes

Puissance financière générale de STX

(87)  Il est, d’une manière générale, peu probable qu’une entreprise ne jouissant pas de la position de numéro un du marché puisse acquérir une position dominante sur la base de sa seule puissance financière. Après la concentration, la part de STX/Aker Yards représentera [30-35]* % du marché des bateaux de croisière, le numéro un étant Fincantieri (avec une part de marché d’environ [40-45]* %). L’enquête sur le marché n’a pas révélé que STX pouvait actuellement bénéficier d’une puissance financière supérieure à celle de la plupart de ses concurrents actuels ou potentiels

(88)  Il faut savoir que, si selon l’article 2, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, la puissance économique et financière est un critère important à prendre en compte pour évaluer si oui ou non une concentration est compatible avec le marché commun, la puissance financière, en tant que telle, n'est pas suffisante, en l’absence d’autres indicateurs, pour mener à la création ou au renforcement d'une position dominante qui pourrait représenter une entrave significative à la concurrence effective48.

(89)  En tout état de cause, l’argument selon lequel la puissance financière de l’entité issue de la concentration pourrait se trouvée renforcée de manière significative au point de lui permettre de marginaliser ses concurrents n’est pas corroboré par les faits.

(90)  Le Tableau 3 ci-dessous présente la synthèse des principaux indicateurs financiers du groupe STX et de Fincantieri49.

Tableau 3 - Indicateurs financiers en millions d’euros pour l’année 2006

 

Groupe STX

Fincantieri

Aker Yards

Chiffre d’affaires

3 965

2 467

3 215

Bénéfice brut

207

158

178

EBITDA

293

[…]*

179

Marge EBITDA

7,4 %

[…]*

5,5 %

Décision de la Commission du 21 octobre 2002, affaire M.2908 - Deutsche Post / DHL, considérant 32.

Réponse de Fincantieri du 6 mars 2008 au questionnaire qui lui a été adressé le 22 février 2008; réponses de STX du 26 février 2008 au questionnaire qui lui a été adressé le 22 février 2008, et du 11 mars 2008 à la demande de renseignements de la Commission du 10 mars 2008.

Résultat d’exploitation (EBIT)

172

125

155

Marge d’exploitation (EBIT)

4,3 %

5 %

4,8 %

Bénéfice net

25

52

129

Coefficient       de liquidité

44 %

[…]* %

34 %

Endettement net

804

(143)

988

Capitaux propres

922

779

764

Total de l’actif

3 306

5 663

3 545

(91)  Comme le montre le tableau 3, bien que STX ait un chiffre d’affaires supérieur à celui de Fincantieri, les autres indicateurs financiers ne semblent pas indiquer une puissance financière plus importante, même si STX est supposé avoir bénéficié, par le passé, de subventions déloyales. Plus précisément, si Fincantieri bénéficie d’une situation financière nette positive (pas d’endettement net), l’endettement net de STX équivaut à 2,7 fois son résultat avant frais financiers, impôts, amortissement et provisions (RAFFIAP).

(92)  Si l’on considère que les capitaux sont un facteur important dans l'activité des bateaux de croisière (étant donné qu’environ 80 % de la valeur d’un bateau de croisière est financée par l’entreprise de construction navale), l’absence d’accès aux capitaux peut constituer un obstacle à l’entrée sur le marché. Mais au vu des données présentées  dans le tableau 3, il est difficile de conclure que la position financière de STX par rapport à celle de Fincantieri lui assurerait un accès plus favorable aux capitaux nécessaires au financement de son activité de production. Au contraire, Fincantieri semble être dans une position plus avantageuse que STX sur le plan des bénéfices et de l’endettement. Cette position financière moins favorable de STX est même explicitement reconnue par Fincantieri dans son appréciation de la solvabilité de STX (voir considérant 98).

(93)  En outre, cette situation n’est pas susceptible d’être modifiée à la suite de la concentration. STX construit actuellement un type de navires pour lequel le financement de la production par des moyens autres que les avances des propriétaires de navires joue un rôle moins important que dans le cas des bateaux de croisière qui sont financés à 80 % par le constructeur à partir de ses ressources propres ou par des emprunts extérieurs. Ce qui signifie que si STX se lance dans la production  de bateaux de croisière en Corée du Sud, cela aurait pour effet d’augmenter son niveau d’endettement. En outre, comme le montre le tableau 3 ci-dessus, Aker Yards est également fortement endetté et les résultats plus récents du quatrième trimestre 2007 sont également inférieurs aux résultats attendus avec un RAFFIAP négatif de -146 millions d’euros, ce qui aggraverait encore la situation financière globale de l’entité issue de la concentration prise dans son ensemble50.

(94)  Comme nous le montrerons ci-dessous, on ne peut pas, non plus, considérer que les opérations financières décrites par Fincantieri et dont, selon le plaignant, STX aurait bénéficié de la part de l'État sud-coréen, seraient de nature à renforcer de manière significative la puissance financière de STX, et ce quand bien même elles contiendraient une part de subventions. Demande de dérogation de STX du 5 mars 2008.

Programme de développement des connaissances technologiques

(95) Le plaignant a indiqué que le programme national de développement des connaissances technologiques de la Corée du Sud pourrait constituer un moyen de renforcement de la puissance financière de l’entité issue de la concentration. Selon le plaignant, ce programme annoncé publiquement représente un soutien équivalent à 222,8 milliards de KRW (160 millions d’euros) sur la période 2007-201451.

(96)  La partie notifiante a confirmé l’existence d’un tel programme mais a précisé qu’il portait sur vingt-et-un projets dans différents secteurs industriels. Or un seul de ces projets concerne le secteur de la construction navale, et le budget  correspondant s’élève à 22 milliards de KRW (16 millions d’euros) sur la période 2007-2014 et fait l’objet d’un cofinancement de la part du gouvernement sud-coréen (à concurrence de  8 millions d’euros) et des participants au projet issus du secteur privé (également pour 8 millions d’euros)52. Selon la partie notifiante, une vingtaine d’entreprises de construction navale et de sous-traitants participent à ce projet, au rang desquelles tous les principaux constructeurs de navires sud-coréens. Plus précisément, la partie notifiante n’est impliquée que dans un seul des cinq sous-projets. Le budget quinquennal alloué à ce sous-projet s’élève à [moins de 4 millions d'euros]*, 50 % étant couverts, en espèces ou en nature, par la Corée du Sud, les autres 50 %  provenant des entreprises participantes (STX et d'autres). STX contribue à hauteur de [moins de 2 millions d'euros]*, auxquels viennent s'ajouter 200 millions de KRW (0,2 millions d'euros) de contribution de la Corée du Sud53. La partie notifiante a confirmé que ce projet est la seule activité de recherche et développement concernant le marché des bateaux de croisière à laquelle elle ait été associée54.

(97)  Il résulte de ces considérations que rien n’indique que ce programme technologique subventionné en partie par le gouvernement sud-coréen, qui ne semble avoir aucun caractère exceptionnel dans le secteur de la construction navale (des programmes comparables ont été appliqués dans d’autres régions du monde), soit de nature à susciter un tel renforcement de la situation financière de STX qui puisse conduire à une entrave significative de la concurrence.

Un crédit à l’investissement de 400 millions d'USD

(98)  Le plaignant avance que55 STX aurait bénéficié d’un crédit à l’investissement de 400 millions d'USD utilisé pour la construction d’un chantier naval en Chine et que ce crédit aurait bénéficié de «conditions extrêmement avantageuses par rapport aux conditions dont bénéficient les entreprises européennes». Selon Fincantieri, le taux d’intérêt de ce crédit était de 130 points base du taux interbancaire offert à Londres (LIBOR) à six mois, ce que Fincantieri considère comme un taux très bas étant donné l’importance de l’endettement et le profil de risque de STX. Fincantieri estime que la notation BBB+ Stable attribuée à STX par deux agences de notation sud-coréennes correspond en réalité à «un équivalent international» BB bas/B haut (Low BB/High  B). Fincantieri considère qu’au vu des résultats financiers de STX, et notamment de son rapport endettement/EBIDTA qui correspond à un endettement lourd, il apparaît clairement que STX n’aurait pas été en mesure de se financer de manière suffisante  par l’emprunt en respectant les procédures normales du marché financier.

*51  Réponse de Fincantieri du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, question 45.

*52  Réponse du 7 février 2008 au questionnaire adressé le 30 janvier à STX, question 1.

*53  Réponse du 21 janvier 2008 aux questions adressées à la partie notifiante le 11 janvier 2008, question 2.

*54 Réponse du 21 janvier 2008 aux questions adressées  à la partie notifiante le 11 janvier 2008, question 2.

*55 Réponse du 6 février 2008 au questionnaire adressé le 30 janvier 2008 à Fincantieri, question 3.

(99)  Fincantieri donne ensuite des exemples de crédits allégués, libellés également en USD et accordés à des entreprises sud-coréennes supposément comparables au même moment que le crédit accordé à STX, et avance que le taux du marché du crédit accordé à STX était de l’ordre de 300 à 700 points de base au-dessus du taux de référence pour les crédits publics.

(100)  La partie notifiante a confirmé56 que deux de ses filiales en Chine (STX Dalian Shipbuilding et STX Dalian Heavy Industry) avaient perçu, en novembre 2007, un crédit de [...]* d'USD pour la construction d’un chantier naval en Chine. Ce crédit a été accordé par un consortium de quatre banques sud-coréennes: [...]* (l’une des plus importantes banques commerciales en [...]*), [...]* (banque commerciale [...]* dont [...]* est l’un des actionnaires principaux), [...]* (banque détenue indirectement par [...]*) et [...]*. Ces quatre banques ont prêté [...]* aux mêmes conditions; elles ont confirmé qu'elles partageaient, sur une base égalitaire, les mêmes droits et obligations concernant ce crédit57. Ces quatre banques ont participé à la négociation du crédit et à sa documentation; leurs commissions de crédit respectives ont toutes approuvé ce crédit. Selon la partie notifiante, le taux d’intérêt correspond [...]* et il a été défini en tenant compte de différents facteurs dont l’évaluation des risques liés au projet, les perspectives de l’activité, les notations (ratings) des emprunteurs et de la caution et les conditions relative à la garantie. Les quatre banques ont confirmé à la Commission  que le crédit avait été accordé aux conditions du marché de l'époque, en appréciant les différents facteurs sur une base commerciale58. Le crédit a été attribué contre une garantie financière [...]*. Les emprunteurs ont également demandé à d’autres institutions financières de leur soumettre leurs propositions de crédit et ont opté pour ce consortium, estimant qu’il représentait «l’offre la plus concurrentielle»59.

(101)  La partie notifiante donne ensuite d’autres exemples de crédits à l’investissement accordés à des entreprises au profil de risque comparable au cours de la même période et avec des taux d’intérêt identiques voire plus bas60.

(102)  En réponse à la demande de Fincantieri selon laquelle ce crédit constituerait une subvention, il convient de noter que, selon les informations transmises par la partie notifiante,  ce  crédit  avait  été  accordé  sur  un  pied  d’égalité  (dans des conditions identiques et en supportant les mêmes risques) par quatre banques différentes. Le fait que ces quatre banques, au rang desquelles se trouvent deux banques privées dont l’une compte parmi ses actionnaires la banque européenne BNP Paribas, se soient engagées dans des conditions identiques indique, à première vue, que le prêt a été  porté à bout de bras.

*56  Réponse du 7 février 2008 au questionnaire adressé le 30 janvier 2008 à STX, question 3.

*57 Confirmation des quatre banques dans leurs réponses des 17, 18 et 19 mars 2008.

*58  Réponses des quatre banques des 17, 18 et 19 mars 2008

*59  Réponse du 7 février 2008 au questionnaire adressé le 30 janvier 2008 à STX, question 4.

*60  Réponse du 7 février 2008 au questionnaire adressé le 30 janvier 2008 à STX, question 4

(103)  Concernant le lien qui existerait entre un crédit accordé pour la construction d’infrastructures de production en Chine et l’éventualité d’une utilisation future des avantages financiers allégués en vue de baisser de manière significative les prix des bateaux de croisière fabriqués par STX à l’avenir, celui-ci apparaît comme extrêmement improbable. Rien, dans le cas présent, n’accrédite le fait ou n’indique que la nouvelle structure de production de STX en Chine puisse être utilisée pour la construction de bateaux de croisière.

(104)  Comme deux filiales de STX, qui sont peu susceptibles de produire des bateaux de croisière, bénéficient de ce crédit, il est peu probable que celui-ci, quand bien même il comprendrait une part de subvention, puisse contribuer à renforcer la puissance financière de STX de manière tellement significative qu’il contribuerait à établir une position dominante ou une entrave significative à la concurrence sur le marché des bateaux de croisière.

(105)  Il convient de souligner que si le crédit avait été obtenu à des conditions plus avantageuses que celles du marché, la subvention n'aurait pas correspondu à la totalité du crédit de 400 millions d'USD, mais seulement à la différence entre un taux d’intérêt correspondant au niveau du marché et un taux d’intérêt inférieur accordé à  STX Dalian Shipbuilding et STX Dalian Heavy Industry. Le montant de la subvention correspondrait donc uniquement à une petite partie des 400 millions d'USD. Le crédit a, en plus, été accordé à deux filiales de STX, cette dernière se bornant à être le garant du remboursement du crédit. Même si ce crédit avait été accordé à des conditions avantageuses et comprenait donc une part de subvention, la puissance financière de STX aurait peu de chances de s’en trouver renforcée de manière significative dans ces conditions.

Financement du rachat d’Aker Yards

(106)  Enfin, Fincantieri a allégué61 qu’étant donné le flou qui entourait le financement par STX des 700 millions d'USD nécessaires à l’acquisition d’Aker Yards62, il fallait en déduire que la société s’était financée essentiellement au moyen d'un prêt financier. Fincantieri pointe dès lors la situation financière de STX, et notamment son endettement d’un niveau tel qu’il n'autoriserait pas STX à s'endetter davantage sur le marché financier libre. Fincantieri arrive ainsi à la conclusion que STX ne peut supporter un tel niveau d’endettement sur la base des conditions du marché. L’affirmation ainsi prononcée par Fincantieri semble infondée.

(107)  La partie notifiante a expliqué63 que STX avait eu recours, pour l’acquisition d’Aker Yards, [...]*.

*61 Contribution de Fincantieri du 22 février 2008: "Impact of Subsidies/State Aids in the Cruise and Ferry Segments", partie I.

*62 Les 100 millions d'USD restants ont été apportés par STX Engines.

*63  Réponse du 15 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 13 février 2008, question 1.

(108)  Ces informations indiquent que l’acquisition d’Aker Yards a été financée en interne par le groupe STX et non pas par des moyens extérieurs.

Conclusion concernant la puissance financière et les subventions alléguées, passées ou présentes

(109)  Eu égard aux considérations qui précèdent, il faut conclure que la situation financière de STX n’est pas actuellement de nature à conférer une position dominante à l’entité issue de la concentration sur le marché de la construction des bateaux de croisière, et ce indépendamment de la question de savoir si les instruments financiers évoqués par le plaignant ont constitué ou constituent des subventions publiques passées ou présentes de la part de la Corée du Sud.

(iv) Appréciation d’éventuelles subventions futures

(110)  Fincantieri s’est inquiété de ce que l’entité issue de la concentration puisse se livrer, à l’avenir, à des pratiques de tarification déloyale sur la base de subventions perçues sous la forme de conditions de financement de projet avantageuses. La Commission n’a pas connaissance de projets spécifiques de subventions qui pourraient être accordées à STX à l’avenir. Cependant, les principales inquiétudes visant des questions de concurrence exprimées par le plaignant sont liées à d’éventuelles subventions futures que STX pourrait percevoir. Le plaignant a avancé que STX bénéficiera de prêts avantageux de la part de l’État sud-coréen pour le financement de futurs projets de construction de bateaux de croisière. Cette forme de subvention devrait, soi-disant, permettre à STX de réduire de manière artificielle ses coûts de construction de bateaux de croisière et de pratiquer des prix notablement inférieurs à ceux du marché, aboutissant ainsi à une monopolisation du marché

Prêts et garanties spécifiques au projet

(111)  Le plaignant a identifié deux instruments susceptibles d’être utilisés à cette fin: les prêts avant expédition et les garanties de restitution d’acomptes accordés par KEXIM, la banque publique d’exportation sud-coréenne. Les prêts avant expédition assurent le financement de la construction avant que le prix total d’achat du navire n’ait été acquitté par le client. Les garanties de restitution d’acomptes sont un dispositif par lequel une institution financière garantit le remboursement de l’acompte versé par le client avant la livraison du navire (qui correspond généralement à 80 % du prix total pour les navires de commerce et entre 15 et 20 % du prix total pour les bateaux de croisière) en cas de non exécution du contrat de construction.

(112)  L’enquête sur le marché a montré que les chantiers navals ont couramment recours à ce genre d’instruments pour financer leur fonds de roulement. Les navires étant des produits mobilisant un capital important, la plupart des chantiers navals doivent faire appel à des sources de financement extérieures, sous la forme d’acomptes de la part des acheteurs ou d’emprunts extérieurs. Le financement des fonds de roulement représente donc un coût pour les chantiers navals.

(113)  Si ces instruments financiers sont accordés par des institutions publiques dans des conditions plus avantageuses que celles du marché, ils comprennent par conséquent  un élément de subvention sous la forme de taux d’intérêt réduits ou d’une commission de garantie réduite. Ce type de subvention est spécifique aux projets liés à des appels d’offre et ne serait susceptible d’affecter la concurrence, comme supposé par le plaignant, que s’il était accordé à l’entité issue de la concentration pour des appels d’offre de bateaux de croisière à venir.

(114)  Le plaignant avance64 que STX finance actuellement ses fonds de roulement  au moyen des prêts avant expédition et des garanties de restitution d’acomptes accordés par KEXIM. Malgré le fait que le plaignant n'était pas en mesure d’identifier à quelles conditions ces instruments sont actuellement proposés à STX, il continue de soutenir que STX bénéficie et continuera à bénéficier à l’avenir de taux d’intérêt et de commissions de garantie inférieurs aux taux du marché sous forme de subvention accordées par KEXIM, soit un subventionnement public de la Corée du Sud. Fincantieri avance que ces conditions financières avantageuses permettront à STX de réduire ses coûts de production, de proposer des «conditions de paiement artificiellement favorables à ses clients» et de «conquérir des parts de marché de manière agressive en pratiquant des baisses de prix»65.

(115)  La partie notifiante confirme66 que STX fait actuellement appel au programme de garanties de restitution d’acomptes et de prêts avant expédition de KEXIM pour financer son activité de construction navale en Corée du Sud. La partie notifiante avance que ces programmes ne sont pas, en tant que tels, considérés comme des subventions par l’accord de l’OMC sur les subventions et les mesures compensatoires.

(116)  Selon la partie notifiante67, les garanties de restitution d’acomptes lui sont accordées non seulement par KEXIM mais aussi par d’autres banques commerciales. Les garanties de restitution d’acomptes de KEXIM ne constituent qu’une partie de l’ensemble des garanties de restitution d’acomptes auxquelles STX a recours pour financer sa production (environ [...]* en 2005, [...]* en 2006 et [...]* en 2007). La partie notifiante a soumis à la Commission des listes de garanties de restitution d’acomptes qu’elle avait perçues de la part de KEXIM et d’autres banques commerciales pour la période 2005-2007. D’après ces données, les commissions de garantie exigées par les banques commerciales étaient de même niveau, voire de niveau inférieur à celles de KEXIM68. La commission de garantie est censée être fixée en tenant compte de divers facteurs tels que le profil de risque de l’entreprise et les conditions de la garantie financière.

(117)  Concernant les prêts avant expédition, la partie notifiante avance69 que KEXIM a fixé son taux d’intérêt à un niveau égal [...]* plus une marge calculée sur le profil de risque de l’entreprise et sur les conditions de la garantie financière. La partie notifiante a fourni à la Commission une liste de prêts avant expédition, confirmant que les taux d’intérêt correspondant aux prêts avant expédition de KEXIM pour la période 2005- 2007 étaient supérieurs au taux applicable du KORIBOR70.

(118)  Sur la base de l’enquête sur le marché, il faut conclure que STX recourt à  des garanties de restitution d’acomptes et à des prêts avant expédition dont certains lui sont accordés par KEXIM. Les éléments recueillis par la Commission dans le cadre de la présente procédure de contrôle des concentrations n’indiquent pas que ces instruments financiers soient actuellement accordés à des conditions plus  avantageuses que celles du marché et qu’ils puissent, par conséquent constituer des subventions. Sur cette base, il n'est pas permis de supposer que l’entité issue de la concentration pourrait, à l’avenir, avoir recours à des financements subventionnés en vue de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles sur le marché des bateaux de croisière.

*64 Réponse du 6 février 2008 au questionnaire adressé à Fincantieri le 30 janvier 2008, question 5.

*65 Réponse du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière, question 45.

*66  Réponse du 21 janvier 2008 aux questions adressées à la partie notifiante le 11 janvier 2008, question 8.

*67  Réponse du 7 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 30 janvier 2008, question 7.

*68 Annexe 1 de la réponse du 7 février au questionnaire adressé à STX le 30 janvier 2008.

*69  Réponse du 15 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 13 février 2008.

*70 Annexe 3 de la réponse du  7 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 30 janvier 2008.

Prévision des décisions publiques à venir de la Corée du Sud

(119)  L’enquête sur le marché de la Commission n’a pas révélé d’éléments permettant de prévoir d’éventuelles décisions à venir de la Corée du Sud visant à accorder des garanties de restitution d’acomptes et des prêts avant expédition à des conditions plus avantageuses que celles du marché.

(120)  Le plaignant avance71 que la pratique courante de KEXIM telle qu’elle a été établie par le passé, devrait constituer une preuve suffisante que la Corée du Sud est appelée à poursuivre cette pratique à l’avenir. Le plaignant fait ici référence à l’affaire que les Communautés européennes ont parafée en 2002 devant l’OMC, soutenant, entre autres, que le programme de garanties de restitution d’acomptes et de prêts avant expédition de KEXIM constituent une subvention interdite aux termes de l’accord SMC72.

(121)  Il est exact qu’en 2002, après deux ans d’enquête, dans le cadre du règlement sur les obstacles au commerce, la Commission a déposé une réclamation auprès de l’OMC73 invoquant que la Corée du Sud accordait des subventions à l’exportation interdites aux grandes entreprises sud-coréennes de construction navale, y compris à STX, sous la forme de financements de projets octroyés par KEXIM à des conditions inférieures à celles du marché. La Commission note que le groupe spécial de l’OMC a établi74 que STX avait bénéficié, à la fin des années 1990, de garanties de restitution d’acomptes  et de prêts avant expédition individuels constituant des subventions interdites. Le groupe spécial de l’OMC a cependant considéré que la Commission n’avait  pas justifié à première vue que le régime juridique sous lequel KEXIM exerçait son activité et que les garanties de restitution d’acomptes et les prêts avant expédition que KEXIM accordaient constituaient en tant que tels une subvention. 

(122)  La Commission n’a pas actuellement d’éléments nouveaux à sa disposition, et le plaignant n’a pas fourni d’éléments attestant que ces deux programmes gérés par a demandé l'ouverture de consultations au sein de l'OMC avec la Corée conformément au Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, GATT 1994 et à l'accord MSC, et le 11 juin 2003 la Commission a demandé l'établissementd'un groupe spécial de l'OMC. Rapport du groupe spécial du 22 décembre 2004 dans l'affaire WT/DS 273 Korea – Measures affecting trade in commercial vessels.KEXIM aient été systématiquement utilisés à des fins de financement subventionné de la production. Le fait que le groupe spécial de l’OMC ait conclu que certaines garanties et certains prêts contestés par la Commission ont effectivement constitué des cas de subventions à l’exportation interdites ne permet pas de conclure que l’État sud- coréen pourrait, à l’avenir, accorder des subventions sous cette forme à STX. Il n’est pas, non plus, possible de présumer avec une probabilité suffisante et sans preuves supplémentaires que la Corée pourrait, à l’avenir se livrer à des pratiques illégales  sous la forme de subventions accordées à l’entité issue de la concentration  en  violation de ses obligations envers l’OMC.

*71  Réponse du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé aux constructeurs de bateaux de croisière le 14 janvier 2008, question 45.

*72   Rapport du groupe spécial du 22 décembre 2004 dans l'affaire WT/DS 273 Korea – Measures affecting trade in commercial vessels

*73  WT/DS 273 Korea - Measures affecting trade in commercial vessels. Le 21 octobre 2002, la Commission

*74 En tant que tels, signifiant que l’instrument financier ne constitue pas en soi une subvention.

Conclusion concernant les subventions futures alléguées

(123)  Il y a donc lieu de conclure qu’aucun élément ne permet d’affirmer que la Corée du Sud est susceptible, à l’avenir, d’accorder des subventions à l’entité issue de la concentration.

(v) Même si l’entité issue de la concentration recevait effectivement, à l’avenir, des subventions, leurs conséquences sur les coûts des bateaux de croisière seraient limitées

(124)  Même si les éventuelles subventions futures étaient effectivement accordées, celles-ci ne pourraient conférer à l’entité issue de la concentration une position dominante sur  le marché des bateaux de croisière, et ce pour les raisons suivantes.

STX ne pourrait utiliser les subventions alléguées pour son activité de construction de bateaux de croisière que de  manière limitée, car ces subventions porteraient à peu près exclusivement sur les bateaux de croisière construits en Corée du Sud.

(125)  La Commission a, premièrement, étudié dans quelle mesure ces instruments  pourraient être affectés à la construction de bateaux de croisière et dans quelle mesure ils pourraient être utilisés par l’entité issue de la concentration.

(126)  L’enquête sur le marché a indiqué que le financement de la construction d’un bateau de croisière est généralement le suivant: le propriétaire du navire s’acquitte de 15 à   20 % du prix du navire à titre d’acompte avant sa livraison et ne verse la somme restante qu’à la livraison76. Le constructeur doit apporter des garanties de remboursement de cet acompte en cas d’échec de la production. Il apparaît dès lors que les garanties de restitution d’acomptes n’ont qu’une importance limitée pour le financement de la construction des bateaux de croisière car l’acompte ne représente qu’une partie (de 15 à 20 %) de la valeur totale du navire.

(127)  En outre, selon la partie notifiante77, les garanties de restitution d’acomptes accordées par KEXIM (celles-là mêmes qui sont alléguées comprendre un élément de  subvention résultant de la différence alléguée entre le niveau des conditions accordées par KEXIM et le niveau normal du marché) ne représentent qu’une partie des garanties de restitution d’acomptes dont STX bénéficie actuellement (voir considérant 116 ci-dessus). Sur la période 2005-2007, elles ont représenté en moyenne [moins de 50 %]*. Cela relativise encore les effets d’une éventuelle subvention comprise dans les garanties de restitution d’acomptes accordées par KEXIM sur la puissance financière de STX.

*76  Voir notamment la réponse de Fincantieri du 28 janvier 2008 au Questionnaire adressé aux acheteurs de bateaux de croisière le 14 janvier 2008.

*77  Réponse du 7 février au questionnaire adressé à STX le 30 janvier 2008, question 7.

(128)  Enfin, alors que, selon les éléments fournis à la Commission78, le cadre juridique de KEXIM ne fixe aucune limite à l’élargissement des garanties de restitution d’acomptes aux filiales étrangères des chantiers navals sud-coréens, il existe une condition préalable à cet élargissement, à savoir que la société mère sud-coréenne fournisse un recautionnement afin de couvrir les risques, la limite de crédit de la société mère étant alors réduite proportionnellement à la somme garantie. KEXIM a confirmé que, du fait de ces conditions, les entreprises sud-coréennes de construction navale n’ont pas sollicité auprès de KEXIM de garanties de restitution d’acomptes pour le compte des filiales étrangères dont elles détenaient moins de 50 % du capital. Ce fait relativise encore l’effet d’une éventuelle subvention qui serait comprise dans les garanties de restitution d’acomptes accordées par KEXIM sur la puissance financière de STX.

(129)  Il s’ensuit que l’élément décisif d’un éventuel renforcement de la position financière de STX devrait consister en l’octroi de prêts avant expédition potentiellement subventionnés par KEXIM. Néanmoins, selon les informations fournies par KEXIM79, le régime juridique actuel n’autorise pas les prêts avant expédition pour la  construction de navires dans des chantiers navals étrangers, y compris par des filiales étrangères d’un constructeur sud-coréen. KEXIM a confirmé que le cadre juridique existant ne l’autorisait pas à accorder des prêts avant expédition individuels à des entreprises de construction navale étrangères, y compris les filiales étrangères des entreprises de construction navale sud-coréennes. Il s’ensuit que STX ne sera pas en mesure de bénéficier de prêts avant expédition accordés par KEXIM pour financer des projets de construction navale à l’extérieur de la Corée du Sud, notamment sur les  sites européens d’Aker Yards.

(130)  Indépendamment de tout élément de subvention potentiel inhérent aux prêts avant expédition accordés par KEXIM, l’entité issue de la concentration ne pourra  bénéficier de ce type d’aide d’État pour la production de bateaux de croisière en Europe (actuellement STX ne produit pas non plus de bateaux de croisière en Corée  du Sud). L’impact relatif de prêts avant expédition potentiellement subventionnés sur la puissance financière de l’entité issue de la concentration se trouvera clairement atténué par les limites indiquées ci-dessous. Il ne serait pas réaliste de supposer que l’ensemble de la production de bateaux de croisière d’Aker Yards puisse être transférée en Corée du Sud dans un proche avenir. STX n’aurait d'ailleurs guère intérêt, sur le plan commercial, à racheter Aker Yards au prix de 800 millions d'USD dans le seul but de s'approprier son savoir-faire en matière de construction de bateaux de croisière.

L’incidence des subventions alléguées sur le coût de production final d’un bateau  de croisière et sur la puissance financière de STX ne serait pas significative.

*78 Lettre adressée par KEXIM à STX le 5 février 2008, Annexe 2 à la réponse du 5 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 30 janvier 2008.

*79 Lettre adressée par KEXIM à STX le 5 février 2008, Annexe 2 à la réponse du 5 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 30 janvier 2008.

(131)  En dépit de ces arguments, la Commission a examiné les éléments qui lui ont été soumis afin d’apprécier l’impact que pourrait avoir l’exploitation de ces instruments financiers sur la situation financière de STX. À cet effet, la Commission doit considérer un certain nombre d’hypothèses.

(132)  Selon une estimation de la partie notifiante80, que la Commission a considérée comme pertinente au vue des informations fournies par d’autres acteurs du marché, le coût du financement de la production de bateaux de croisière, y compris le coût des emprunts nécessaires à la constitution du fonds de roulement et le coût lié à l’obtention de garanties de restitution d’acomptes (coût de la commission de garantie), représente environ 4 % de l’ensemble des coûts de production d’un navire81. Ce chiffre s’appuie sur le postulat que 80 % des fonds de roulement nécessaires sont financés par des emprunts extérieurs.

(133)  La Commission a premièrement apprécié l’hypothèse selon laquelle STX serait en mesure d’obtenir les prêts avant expédition et les garanties de restitution d’acomptes sans frais (sans avoir à payer de taux d’intérêt ni de commission). Cela implique que STX bénéficierait d’une réduction des coûts de production généraux pour ses navires fabriqués en Corée du Sud équivalent à ses coûts de financement habituels, soit environ 4 %. Si, en théorie, STX conservait la même marge commerciale, il serait en mesure de répercuter cette baisse en réduisant le prix de vente actuellement proposé par Aker Yards de 4 % au maximum. Il convient de rappeler que cette opération ne peut s’appliquer qu’aux navires construits dans les chantiers navals de l’entité issue de la concentration situés en Corée du Sud.

(134)  Ce scénario s’appuie sur plusieurs hypothèses qui expliquent le caractère purement fictif de cet exercice.

(135)  La première hypothèse est que 80 % du fonds de roulement nécessaire sont assurés  par le recours à l’emprunt extérieur. Or, l’enquête sur le marché a indiqué que les chantiers navals ont recours à différents modes de financement de leur production: par les emprunts extérieurs ou par des formules associant différents degrés de financement extérieur et intérieur82. Cette hypothèse s’avère donc excessivement pessimiste.

(136)  La deuxième hypothèse est que l’entité issue de la concentration répercuterait intégralement la réduction de coût sur une baisse de prix (et non pas, par exemple, sur un accroissement de ses marges), ce qui est loin d’être acquis.

(137)  La troisième hypothèse est que STX bénéficierait de prêts avant expédition et de garanties de restitution d’acomptes sans aucun frais. Or, il a été constaté, au cours de l'enquête sur le marché, qu’une telle hypothèse est infondée. La partie notifiante a avancé que le taux d’intérêt pratiqué par KEXIM pour les prêts avant expédition était, en 2006 et en 2007, de […]* par an en moyenne, contre 4,8 % en moyenne pour le KORIBOR. Comme aucun acteur du marché n’a pu définir quels étaient les taux du marché normalement pratiqués pour ce type de prêts, la Commission a fixé ce taux à 10 % par an, ce qui constitue une estimation extrêmement pessimiste83. Si tel était, néanmoins, le taux effectif du marché, STX aurait à supporter environ 50 % des coûts d’emprunt «normalement» supportés par les chantiers navals qui se trouvent dans l’obligation d’emprunter au taux du marché. Cela signifie que l’hypothétique  réduction de coûts évoquée ci-dessus et liée à l’accès à des conditions de marché déloyales serait de 50 % inférieure et que l’éventuelle baisse de prix correspondante  ne se situerait qu’autour de [0-5]* %.

*80 Réponse du 15 février 2008 au questionnaire adressé à STX le 13 février 2008, question 12.

*81 Réponse de STX le 20 février 2008 au Questionnaire adressé à STX le 13 février 2008. STX simule le calcul de la part des coûts financiers par rapport du prix du navire. Après déduction d’une marge bénéficiaire, la Commission a calculé la part estimée des coûts financiers par rapport à l’ensemble des coûts de production.

*82 Réponse du 7 février 2008 au questionnaire adresé à STX le 30 janvier 2008, question 10. Réponse du 6 février 2008 au questionnaire adressé à Fincantieri le 30 janvier 2008, question 5 e).

(138)  Cette réduction éventuelle ne porterait que sur les navires construits en Corée du Sud et non pas dans les chantiers navals européens de l’entité issue de la concentration. Si STX optait, comme le suggère le plaignant, pour une stratégie visant à proposer ses bateaux de croisière au prix moyen des navires produits en Corée du Sud et de ceux produits en Europe, la baisse de prix correspondant aux subventions alléguées serait alors réduite à environ [0-2]* %.

(139)  Pour apprécier l’importance de ce différentiel de prix éventuel, une série de facteurs ont été pris en compte.

(140)  Premièrement, selon les informations fournies à la Commission dans le cadre de l’enquête sur le marché, il existe des différences de coûts de  financement considérables entre certains acteurs du marchés, les écarts étant supérieurs à 1 % en fonction du mode de financement des fonds de roulement choisi par chaque constructeur, et notamment de la part du financement extérieur. Or, ces différences de niveau des coûts de financement ne semblent pas empêcher la concurrence entre les différentes entreprises concernées. Compte tenu de ces différences entre les acteurs du marché et compte tenu du fait que les coûts de financement de l’entité issue de la concentration pourraient faire l’objet d’une subvention et bénéficier ainsi d’une baisse comprise entre [0-5]* % et [0-5]* % de l’ensemble des coûts, cette différence ne serait pas de nature à permettre à l’entité issue de la concentration d’évincer Fincantieri du marché des bateaux de croisière. Il convient de rappeler que les informations dont dispose la Commission n’indiquent en rien que l’entité issue de la concentration  puisse être en mesure de réduire les coûts de financement correspondant à son activité en Europe, et que celle-ci devrait donc continuer à supporter les mêmes coûts de financement que ceux de ses concurrents qui disposeraient des mêmes structures de financement des fonds de roulement.

(141)  En outre, l’enquête sur le marché a clairement démontré que les clients prennent en compte différents facteurs dans le choix d’une entreprise de construction navale84. Certains clients ont indiqué qu’ils attachaient autant d’importance au critère du prix qu’à celui de l’expérience de l’entreprise dans la gestion de projets complexes ou de la qualité des moyens technologiques mis en œuvre par le constructeur. Plusieurs clients ont clairement indiqué que ce n’était pas le prix, mais l’expérience de l’entreprise dans la gestion de projets complexes qui était, à leurs yeux, le critère le plus important pour le choix d’un constructeur. Plusieurs clients ont mis l’accent sur la question des contraintes de capacité, et le respect par le constructeur des délais de livraison des navires fixés par le client est également apparu comme une forte exigence.

*83 Des données disponibles auprès de l’OCDE concernant les tendances de l’évolution des taux d’intérêt au sein de l’EEE et en Corée entre 2002 et 2007 indiquent que les taux à court terme sont restés inférieurs ou légèrement supérieurs au seuil des 5 % et que les taux à long terme (obligations d’État à 10 ans) sont   restés inférieurs à 6 % (à l’exception de l’année 2002 où ils se sont situés autour de 7 % pour la Corée). Il apparaît ainsi clairement que l’hypothèse d’un taux d’intérêt de 10 % pour des emprunts inférieur à 2 ans, portant sur des projets concrets et assortis de garanties financières est extrêmement pessimiste.

*84 Questionnaire du 11 janvier 2008 destiné aux acheteurs de bateaux de croisière, question 33.

(142)  Il convient également de souligner qu’un report soudain de la clientèle vers les nouveaux acteurs du marché apparaît comme peu probable eu égard aux relations «privilégiées» qui existent entre les clients établis et leurs fournisseurs, notamment en raison du phénomène important des navires jumeaux (voir considérants 150 et 151). Compte tenu de ces éléments, il est peu probable que le prix puisse devenir un facteur concurrentiel décisif.

(143)  Il est, par ailleurs, probable qu’à court terme l’entité issue de la concentration, si elle souhaite démarrer la production de bateaux de croisière en Corée du Sud, ait à supporter des coûts de production plus élevés car elle ne possède pas, dans le pays, de réseau de sous-traitants développé (d’où la nécessité d’importer des composants d’Europe) et est tributaire de l’effet de courbe d’apprentissage (d’où une productivité plus faible et l’utilisation d’une main d’œuvre plus nombreuse au début).

(144)  Il y a lieu de conclure que, à partir d’hypothèses extrêmement pessimistes, l’entité issue de la concentration pourrait être en mesure de réduire le prix de ses navires prototypes construits en Corée du Sud d’environ 1 à 2 % en raison de possibilités de financement extérieur comportant une présomption de subvention.

(145)  Si l’on considère que le prix moyen d’un bateau de croisière de 100 000 tb85 est d’environ 450 millions d’euros, l’avantage correspondant peut être estimé entre 4,5 et 9 millions d’euros par navire, ce qui ne représente que 0,1 % à 0,2 % du chiffre d’affaires de STX, en tenant compte de ce navire supplémentaire. Quand bien même ce phénomène serait accentué par l’augmentation du nombre de bateaux de croisière construits, il convient de tenir du compte du fait que le nombre de commandes annuelles de bateaux de croisière est très réduit (de 10 à 15 navires par an au cours des 3 dernières années) et que par conséquent, même si STX était amené à s’adjuger une partie importante du carnet de commande mondial, ce qui est peu probable par  ailleurs, l’impact d’une telle situation resterait néanmoins très limité.

(146)  Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que, quand bien même des éléments tendraient à prouver que l’entité issue de la concentration pourrait, à l’avenir, bénéficier de financements subventionnés de sa production, un tel avantage ne serait pas de nature à renforcer de manière significative la puissance financière de l’entité issue de la concentration.

Quand bien même l’incidence des subventions alléguées futures sur la puissance financière de l’entité issue de la concentration serait significative, les caractéristiques propres au marché des bateaux de croisière ne permettraient pas à l’entité issue de la concentration d’exercer un pouvoir de marché et d’y acquérir  une position dominante.

(147)  Les inquiétudes exprimées par Fincantieri pendant l’enquête sur le marché portent sur la  possibilité  qu’aurait  l’entité  issue  de  la  concentration  d’exploiter  les avantages concurrentiels liés à des subventions et de réduire, en conséquence, ses coûts de production en vue de marginaliser ses concurrents. Bien que l’enquête sur le marché ait indiqué que des différences existent entre la Corée du Sud et l’Europe sur la question des coûts de production (concernant, par exemple le prix de l’acier, le différentiel de prix entre la Corée du Sud et l’Europe peut correspondre à environ 5 % du coût final d’un bateau de croisière86), la Commission note néanmoins qu’il existe d’autres facteurs importants permettant de contester sérieusement l’idée selon laquelle l’entité issue de la concentration aurait capacité à établir une position dominante sur le marché des bateaux de croisière comme conséquence du renforcement allégué de sa puissance financière.

*85 Questionnaire adressé aux constructeurs de bateaux de croisière le 14 janvier 2008. Moyenne basée sur   les commandes des trois dernières années.

L’entité issue de la concentration ne dispose pas actuellement d’un pouvoir de marché considérable

(148)  Comme il a déjà été indiqué, l'opération notifiée ne modifiera en rien la structure du marché des bateaux de croisière sur le plan horizontal, et l’incidence sur la concurrence issue des relations verticales n’est pas significatif. La position d’Aker Yards Yard sur le marché de la construction des bateaux de croisière se situe entre [30-35]* %87, alors que celle de Fincantieri se situe autour de [40-45]* %, et celle de Meyer-Werft entre [25-30]* %. Ces parts de marché sont à peu près équivalentes, que l'on se base sur les commandes, le tonnage des navires livrées ou la valeur des ventes. Les [0-5]* % restants du marché sont occupés par d’autres acteurs moins importants. En outre, l’enquête sur le marché n’a pas indiqué qu’Aker Yards pourrait être en mesure d’exercer un pouvoir de marché, et il constitue, de fait, le deuxième acteur du marché derrière Fincantieri.

Les clients importants et sophistiqués seront en mesure d’atténuer les effets d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles

(149)  Le marché des bateaux de croisière se caractérise par la présence de clients importants susceptibles d’avoir, à l’intérieur de la structure de marché actuelle, la capacité de réagir à d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles de la part de l’entité issue de la concentration.

(150)  Les clients principaux sont Carnival, Royal Caribbean, MSC et STAR/NCL, quatre sociétés qui représentent 80 % environ de la demande mondiale de bateaux de croisière88. Ces clients ont établi des relations préférentielles à long terme avec les principales sociétés de construction navale. Par exemple, l’un des trois principaux constructeurs de bateaux de croisière (Fincantieri, Aker Yards et Meyer) n’a, au cours des sept dernières années, livré des bateaux de croisière qu’à un seul de ces quatre  plus gros clients, soit plus de 90 % de ses ventes; par ailleurs, l’un de ces clients a adressé  l’ensemble  de  ses  commandes  à  un  seul  constructeur,  et  deux  des autres clients n’ont passé commande de bateaux de croisière qu’à deux de ces trois fournisseurs89.

*86. Calcul effectué par la Commission sur la base des informations recueillies dans le cadre de l’enquête sur  le marché et de la réponse fournie par STX le 20 février 2008 au questionnaire qui lui a été adressé le 13 février 2008, questions 5 à 7.

*87. Capacité mesurée en terme de capacités commandées sur la période 2004-2007.

*88. En tonnage brut sur la période 2007-2012Réponse de STX le 25 janvier à la décision 6.1., point c), de la Commission, page 4, note de bas de page 5 (GP Wild report, Cruise industry statistical review, janvier 2007).

(151)  En outre, les sociétés européennes de construction navale bénéficieraient de cet avantage sur STX qu’ils sont en mesure de produire des bateaux de croisière jumeaux à partir de prototypes existants, sachant que le constructeur qui a conçu le prototype est nettement avantagé par rapport aux autres constructeurs pour ce type d’opération.

(152)  Tous les principaux acheteurs ont indiqué que l’avantage en terme de coût était la raison principale du choix du constructeur ayant conçu le prototype en cas de commande de navires jumeaux90. D’autres facteurs, comme l’existence de relations commerciales suivies ou l’expérience acquise par la société de construction navale ayant assuré la construction du prototype, poussent les clients à faire appel à ce même constructeur pour la construction d’un navire jumeau. De fait, l’enquête sur le marché a révélé que le propriétaire du navire est souvent associé à l’entreprise de construction navale pour la conception du navire prototype, qu’il supervise également la production, qu’il intervient dans le choix des sous-traitants et qu’il participe au processus complexe de gestion du projet. Cela explique les relations étroites qui se créent entre l’acheteur et le constructeur dès la phase de conception.

(153)  L’enquête sur le marché a aussi confirmé que, malgré l’existence de ces relations «préférentielles», les clients demandent des devis à différents producteurs afin de faire jouer la concurrence et ils estiment que la présence d’au moins trois constructeurs est nécessaire pour maintenir une concurrence suffisante91. Ce pouvoir des clients (bien que quelque peu relativisé par le «phénomène des navires jumeaux») est liée au fait qu’ils recherchent en permanence de nouveaux fournisseurs éventuels (et les chantiers navals qu’ils détiennent) soit directement, soit en faisant appel à des courtiers. Cela tend à confirmer le point de vue déjà exprimé dans l’affaire M.4104 – Aker Yards / Chantiers de l'Atlantique (voir considérant 38) selon lequel la présence de trois gros fournisseurs (Fincantieri, Aker Yards et Meyer Werft), semble conférer aux organisateurs de croisières une certaine puissance d’achat qui leur permet de faire jouer efficacement la concurrence entre fournisseurs.

(154)  En outre, eu égard au nombre limité des commandes annuelles (environ 10 à 15 navires alors que le nombre de prototypes est encore plus réduit), chaque contrat portant sur un prototype (qui peut s’accompagner ultérieurement d’autres contrats de navires jumeaux avec le même opérateur de croisières, lorsque l’opération n’est pas purement et simplement inscrite dans le contrat initial du prototype) constitue pour les entreprises de construction navale une opportunité commerciale importante. En conséquence, même si les appels d’offre totalement ouverts ne représentent qu’une minorité des contrats de construction de nouveaux bateaux de croisière (navires jumeaux et prototypes confondus), ils ont néanmoins toutes les chances de donner lieu à une vive concurrence de la part des fournisseurs existants, notamment s’ils sont susceptibles de déboucher sur des contrats portant sur plusieurs navires, dans la mesure où ce type de marché constitue une part importante de leur chiffre d’affaires.

*89 Questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, question 12.

*90 Questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de bateaux de croisière, questions 28, 29 et 30.

*91 Questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux acheteurs, question 26.

(155)  Il est donc tout à fait improbable que, étant donné la structure actuelle du marché dans laquelle les trois grands constructeurs de bateaux de croisière sont appelés à se maintenir, l’entité issue de la concentration soit en mesure de marginaliser Meyer (qui de son côté n’a pas évoqué ce problème) et Fincantieri au point d’imposer ensuite des augmentations de prix aux clients.

Les concurrents ne sont pas dans l’impossibilité de réagir et, tout au plus, ils peuvent brandir la menace d’une réintégration du marché

(156)  Dans sa déclaration du 15 février 200892, le plaignant a avancé plusieurs raisons pour lesquelles, malgré l’augmentation des prix, il n’a pas pu réintégrer le marché du GNL à court ou moyen terme après que l’essentiel de la production a été transférée en Extrême-Orient, suggérant que tel pourrait également être le cas pour le marché des bateaux de croisière. Cependant, on peut considérer que ces deux marchés ne sont pas comparables et qu’une telle réintégration serait possible pour les raisons suivantes.

(157)  Une partie significative du chiffre d’affaires de Fincantieri est générée par des  activités autres que la construction de bateaux de croisière et de ferrys, ce qui signifie que, même si la société se trouvait dans l’obligation d’adapter et de rationaliser sa capacité de production, elle pourrait néanmoins poursuivre ses autres activités commerciales (réparations et conversions, activité offshore, fabrication de navires militaires et de yachts de très grande taille)93.

(158)  De manière plus réaliste, elle pourrait aussi identifier d’autres créneaux en vue d’utiliser ses capacités de production. Citons, comme exemples de ces autres activités possibles, la remise en état et la réparation de bateaux de croisière, soit en raison de leur vieillissement soit à cause de l’augmentation attendue de la demande dans ce domaine au cours des années à venir (autour de 8 % par an94), ou éventuellement une activité liée aux petits bateaux de croisière et yachts de luxe exigeant une technicité très élevée. Fincantieri pourrait aussi se développer dans des créneaux existants tels que les navires offshore et spécialisés, la société indiquant elle-même que cela lui est arrivé par le passé: «…Au cours des dernières années, Fincantieri a toujours adapté sa capacité de production aux exigences du marché (par exemple, en modifiant le niveau d’externalisation de son activité, en passant de la production de navires militaires à la production de navires de commerce tels que les yachts de très grande taille, les ferrys ultra rapides, les navires spécialisés, etc.), afin de réduire les effets d’une éventuelle baisse de l’activité»95. Ont également été enregistrés des cas de transferts d’activités de construction navale vers d’autres créneaux de marché. En résumé, on ne peut partir du principe que l’ensemble des infrastructures matérielles seront fermées suite à la rationalisation alléguée des capacités.

(159)  En outre, le savoir-faire et l’expérience acquise dans la construction de navires de croisière ne seraient pas perdus au cas où Fincantieri devait réduire son activité. Les conclusions de la Commission96 indiquent clairement que le savoir-faire fondamental est préservé chez les quelques personnes capables de gérer des projets aussi  complexes que la construction d’un bateau de croisière. L’essentiel des autres besoins, tels que la présence d’un réseau de sous-traitants, notamment ceux qui assurent la livraison de projets clés en main, ou la capacité de conception, élément lui aussi fondamental et qui est en partie sous-traité à des entreprises spécialisées, demeureraient, eux aussi, disponibles. En outre, quand bien même de nouvelles commandes échapperaient à Fincantieri, le délai existant entre la date de production d’un navire commandé et celle de sa livraison finale suffirait à garantir à la société plusieurs années d’activité sur le marché de la construction des bateaux de croisière neufs, qu’elle pourrait mettre à profit pour restructurer et adapter sa production.

*92. Déclaration de Fincantieri le 15 février 2008 : "Relevance of Subsidies/State aid in EC Merger Control", page 23, point 4 et suivants.

*93. Questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, question 3

*94. Questionnaires adressés le 14 janvier aux constructeurs question 13.

*95. Réponse de Fincantieri du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière , question 15.

(160)  Sur le plan de l’innovation, un écart pourrait se creuser entre Fincantieri et l’entité issue de la concentration si le premier cité n’obtenait pas de commandes pendant plusieurs années. Cependant, quelle que soit l’importance de l’innovation, il convient de prendre en compte le fait que celle-ci est en partie assurée par les sous-traitants, et qu’elle reste donc, dans une certaine mesure, accessible. Le cas de Mitsubishi prouve de manière éclatante que le facteur le plus important pour la construction de bateaux de croisière est le savoir-faire en matière de gestion de projets complexes et que certains défauts d’innovation sont surmontables. Cette société a, en effet, été en mesure de livrer en 2004 deux bateaux de croisière de très haute qualité alors qu’elle ne comptait aucune expérience préalable sur le marché des bateaux de croisière.

(161)  Eu égard à ce qui précède, si les prix du marché augmentaient jusqu’à un niveau non concurrentiel en raison d’une monopolisation du marché, comme l’avance Fincantieri, et que les autres fournisseurs aient disparu, rien ne permet de conclure que Fincantieri serait dans l’impossibilité de réintégrer le marché grâce au soutien d’un ou plusieurs gros clients.

(162)  À cet égard, aucune préoccupation n'a été exprimée en ce sui concerne la société Meyer Werft, ce qui tend à confirmer l’improbabilité du scénario concurrentiel avancé par Fincantieri.

L’exemple des navires transportant du GNL

(163)  Le plaignant soulève également le problème de la «monopolisation» par les entreprises de construction navale sud-coréennes du marché du GNL97 et avance que ce phénomène pourrait se répéter sur le marché des bateaux de croisière. Le plaignant justifie notamment sa réclamation en s’appuyant sur la situation du secteur du GNL pour avancer l’éventualité d’une tarification prédatoire et de l’éviction de la concurrence dans les secteurs des bateaux de croisière et des ferrys. Le plaignant avance que, grâce à des subventions, les entreprises de construction navale sud- coréennes, ont pu poursuivre une stratégie agressive de baisse des prix (au cours de la période 1997-2000), ce qui leur a permis de développer leurs parts de marché jusqu’à jouir d’une position de quasi-monopole et marginaliser les autres constructeurs. Après s’être imposées sur le marché du GNL, les entreprises de construction navale sud-coréennes ont pu augmenter leurs prix sur la période 2002 – 200798. Le plaignant indique également que ce processus a eu des effets négatifs en termes d’innovation, étant donné que les entreprises de construction navale sud-coréennes continuent actuellement à exploiter des brevets de systèmes de confinement achetés à des entreprises de construction navale européennes et qui ont été développés dans les années 1970.

*96. Conversations téléphoniques de la Commission avec des acheteurs et réponses des constructeurs à la demande d’informations de la Commission, question 41.

*97. Déclaration de Fincantieri le 15 février 2008: Relevance of Subsidies/State aid in EC Merger Control,  page 21, section VI et page 23, point 4.

(164) Premièrement, on constate que rien n’indique que le marché des navires transportant du GNL soit monopolisé. Bien qu’il soit exact d’affirmer que la production  des navires transportant du GNL ait été transférée de l’Europe vers l’Asie au cours des deux dernières décennies, ce marché comptait au moins six acteurs sud-coréens et japonais en 200499. L’enquête sur le marché a confirmé qu’aujourd’hui, ces acteurs sont encore actifs sur le marché et certains autres acteurs peuvent être considérés comme des constructeurs crédibles de navires transportant du GNL (par exemple, le Chinois Hudong Zhonghua100; et le Japonais Mitsui101). Il n’est donc pas exact de dire que le marché du GNL est de nature monopolistique et que la concurrence n’y règne pas.

(165) Eu égard à la structure de l’offre du marché du GNL, la Commission ne dispose d’aucun élément indiquant que l’augmentation des prix des navires transportant du GNL enregistrée au cours des dernières années pourrait être due à des pratiques anticoncurrentielles liées à un phénomène de monopolisation. On constate que le niveau des prix du secteur de la construction navale a augmenté pour tous les types de navires au cours des six dernières années au même titre que l’augmentation des prix des matières premières et des composants (essentiellement l’acier qui constitue le matériau principal entrant dans la construction des conteneurs et des pétroliers). En outre, les autres facteurs susceptibles d’affecter l’évolution des prix sont l’augmentation continue des carnets de commandes au niveau mondial et les contraintes qui en résultent en matière de capacité.

(166)  Il faudrait également tenir compte du fait que l’évolution des taux de change qui montre que l’affaiblissement du dollar américain et la dépréciation des autres devises (yen japonais, won sud-coréen et yuan ren-min-bi) face à l’euro ont entamé la compétitivité des entreprises de construction navale européennes102.

(167)  Concernant la question de l’innovation, le seul élément fourni par le plaignant est que la technologie utilisée par les entreprises de construction navale sud-coréennes correspond  à  des  brevets  développés  dans  les  années  1970.  Il  faut cependant remarquer que l’évolution évoquée du secteur du GNL a eu lieu à la fin des années 1990, ce qui signifie que soit i) au cours de la période allant des années 1970 aux années 1990, ces technologies ont cessé d’être développées et on ne peut, dès lors, affirmer que les entreprises de construction navale sud-coréennes ont freiné l’innovation, soit ii) si l’innovation s’est maintenue entre les années 1970  et  les années 1990, les clients se sont tournés de préférence vers une technologie ancienne et fiable dès lors qu’elle leur était proposée à des tarifs compétitifs.

*98. Déclaration de Fincantieri le 15 février 2008: Relevance of Subsidies/State aid in EC Merger Control et réponse du 28 janvier 2008 au questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, question 45.

*99. Corée du sud: Heavy Daewoo, Samsung, Hyundai Heavy Industries, STX; Japon: Mitsubishi, Kawasaki Shipbuilding Corporation (secteur public)

*100. Réponse de [client]* le 5 décembre 2007 au questionnaire adressé le 28 novembre 2007  aux acheteurs  

*101. Réponse de Fincantieri le 6 décembre 2007 au questionnaire adressé le 28 novembre 2007 aux constructeurs .

*102. Voir http://www.ecb.int/stats/exchange/eurofxref/html/eurofxref-graph-usd.en.html  (comme  indiqué  le  4 mars 2008)

(168)  En outre, il apparaît que les prix observés dans le secteur du GNL sont actuellement trop faibles pour permettre à des acteurs tels que Fincantieri de réintégrer le  marché103. Cela tend à prouver que le marché du GNL demeure compétitif, les prix étant inférieurs à ce qu’ils seraient si la production n’avait été transférée en Extrême- Orient.

(169)  En tout état de cause, le secteur du GNL et celui des bateaux de croisière constituent des cas très difficilement comparables, notamment du point de vue de l’importance de l’innovation et des économies d’échelle.

(170)  Concernant l’innovation, il est évident que le transport du GNL, qui fait encore appel  à une technologie ancienne utilisée et acceptée par la clientèle, n’est pas comparable au secteur des bateaux de croisière dont l’innovation et la différentiation sont des aspects fondamentaux. Le plaignant n’a fourni aucun élément permettant de conclure que les entreprises de construction navale sud-coréennes pourraient freiner l’innovation sur le marché des bateaux de croisière. Il convient, en outre, de prendre  en compte le fait que les acheteurs de bateaux de croisière sont des clients importants, expérimentés et sophistiqués disposant d’une puissance d’achat importante, et qu’il  est donc très peu probable qu’ils soient amenés à se tourner vers de nouveaux fournisseurs sachant que ceux-ci ne disposent pas d’une capacité d’innovation appropriée et que, ce faisant, ils contribueraient à la marginalisation de constructeurs de bateaux de croisière expérimentés.

(171)  Le plaignant a également indiqué que la construction des transporteurs de GNL exige des moyens de production de masse et que les économies d’échelle ainsi réalisées autorisent des réductions de coûts significatives. Il convient, néanmoins, de souligner que les économies d’échelle sont moins importantes pour les bateaux de croisière qu’elles ne semblent l’être pour les navires transportant du GNL. Premièrement, le nombre de navires produits par ces deux marchés est extrêmement différent, à savoir environ 102 bateaux de croisière pour la période 1998-2007104 contre 262 navires transportant du GNL au cours de la même période105. Deuxièmement, et il s’agit du point le plus important, les bateaux de croisière sont des produits fortement personnalisés, conçus spécifiquement pour répondre aux exigences des clients, ce qui  a pour effet de rallonger la durée des négociations, mais aussi les temps de conception et de production (soit 15 à 20 mois pour la production et jusqu’à quatre ans pour la totalité du processus), et pour lesquels les économies d’échelle ont un effet beaucoup plus réduit.

*103. Fincantieri a elle-même déclaré qu’elle ne serait pas en mesure de réintégrer le secteur du GNL étant dans l’impossibilité d’atteindre la masse critique de production nécessaire pour réaliser des économies d’échelle. Déclaration de Fincantieri le 15 février 2008: Relevance of Subsidies/State aid in EC Merger Control, page 24, point b).

*104. Réponse de STX le 25 janvier 2008 à la décision 6.1., point c), de la Commission, page 5.

*105. Déclaration de  Fincantieri le 15 février 2008:Relevance of Subsidies/State aid in EC Merger Control,  page 22, tableau 9.

(172)  On peut ainsi conclure, eu égard à ce qui précède, qu’il est peu probable i) que l’augmentation des prix des navires transportant du GNL enregistrée depuis 2002 ait été le résultat d’une politique de monopolisation et de tarification prédatoire menée  par les entreprises de construction navale sud-coréennes à la fin des années 1990106, ii) que l’innovation soit freinée en raison de l’opération et iii), que, même si les effets anticoncurrentiels allégués dénoncés par le plaignant concernant le marché du GNL se révélaient fondés, le même phénomène pourrait se reproduire sur le marché des bateaux de croisière au vu des différences significatives que l’on peut observer entre ces deux marchés.

(173)  En conséquence, STX ne serait pas en mesure d’entraver la concurrence de manière significative et à long terme du fait des subventions alléguées et des autres avantages avancés par le plaignant, notamment par l’établissement d’une position dominante sur le marché des bateaux de croisière.

C.1.4. CONCLUSION SUR LE MARCHE DES BATEAUX DE CROISIERE

(174)  Eu égard à ce qui précède, on peut conclure que l’opération notifiée n’est pas de  nature à entraver de manière significative la concurrence sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, notamment en raison de l'établissement ou du renforcement d’une position dominante sur le marché de la construction de bateaux de croisière.

C.2 CONSTRUCTION DE FERRYS

(175) L’enquête approfondie sur le marché a également analysé l’impact potentiel d’une concentration sur le marché des ferrys. La situation est, dans une certaine mesure, similaire à celle du marché des bateaux de croisière: Aker Yards est l’un des principaux acteurs de ce marché et STX n’y est pas encore présent. Même si la concentration n'occasionnera pas de chevauchements horizontaux entre les parties, certains acteurs du marché ont émis des inquiétudes concernant i) les risques d’éviction de STX en tant que nouvel entrant potentiel sur le marché et ii) le risque de voir l’entité issue de la concentration évincer les autres acteurs du marché au point de le monopoliser en raison des avantages concurrentiels dont elle bénéficierait, notamment en termes de subventions déloyales alléguées. Le cas du marché des ferrys est néanmoins quelque peu différent de celui des bateaux de croisière. Contrairement au marché des bateaux de croisière qui est fortement concentré, celui des  ferrys compte beaucoup plus d’acteurs, ce qui réduit d’autant le risque éventuel de pratiques anticoncurrentielles.

*106. Cette conclusion n’est en rien contradictoire avec les conclusions des Communautés européennes dans l’affaire portée contre la Corée devant l’OMC en 2002, et qui concernait également le secteur du GNL. Comme nous l’avons vu ci-dessus, les tests de l’accord SMC sur les subventions donnant lieu à une action constituent un préjudice porté contre l’industrie nationale d’un autre membre, un préjudice grave contre  les intérêts d’un autre membre, l’annulation ou la réduction d’avantages revenant à un autre membre au titre du GATT 1994 et de l’accord SMC, alors que le contrôle des concentrations de la CE relève d’un autre test (test des effets de la concurrence (effects of competition test).

(176)  Au cours des cinq dernières années, les parts de marché des acteurs du  marché mondial des ferrys se sont établies comme suit:

Tableau 4 – Parts de marché des acteurs du marché mondial des ferrys sur la base des commandes passées pendant la période 2003-2007

 

 

Tonnage

Nombre      de navires

 

Aker Yards

[10-15]*

%

 

[5-10]* %

 

Fincantieri

[10- 15]* %

 

[0-5]* %

 

Flensburger

[10-15]*

%

 

[0-5]* %

 

Hyunday

[5-10]*

%

 

[0-5]* %

 

Visentini

[5-10]*

%

 

[0-5]* %

 

Apuania

[5-10]*

%

 

[0-5]* %

Barreras

[0-5]* %

[0-5]* %

Austal

[0-5]* %

[5-10]* %

Jinling

[0-5]* %

[0-5]* %

Mitsubishi

[0-5]* %

[0-5]* %

Samsung

[0-5]* %

[0-5]* %

Fosen

[0-5]* %

[0-5]* %

AUTRES

25 %

72 %

Source: Enquête sur le marché107

(177)  Comme l’indique le tableau 4 ci-dessus, les principaux acteurs du marché des ferrys sont Aker Yards ([10-15]* % de part de marché sur la base des commandes de tonnage), Fincantieri ([10-15]* %), Flensburger ([5-10]* %), Hyundai ([5-10]* %) et Visentini ([5-10]* %). Le nombre global de constructeurs de ferrys est relativement élevé. Les clients ont souvent cité une vingtaine d’entreprises de construction navale qu’ils considèrent comme les concurrents existants du marché des ferrys108. Outre quelques petits acteurs européens, les chantiers navals asiatiques sont activement impliqués depuis un certain nombre d’années dans la construction de ferrys, y compris pour le compte de clients européens. Par exemple, l’entreprise de construction navale sud-coréenne Hyundai a livré deux ferrys (de 43 500 tb et 55 000 tb) à l’opérateur de ferrys suédois Stena Line en 2003, un autre constructeur sud-coréen, Samsung construit actuellement deux ferrys pour ce même client (la commande a été passée en août 2007) et a déjà livré six ferrys depuis 2001 (le plus grand ayant une capacité de 36 000 tb); une autre grande entreprise sud-coréenne de construction navale, Daewoo, a livré six ferrys, dont deux au client grec Blue Star en 2002 et deux à Moby Line, en Italie, en 2001; deux concurrents chinois ont également livré des ferrys en Europe109. Mitsubishi construit aussi des ferrys mais semble concentrer sa production sur le marché intérieur japonais.

*107.  Reconstitution du marché sur la base des données fournies par les constructeurs de ferrys – réponse à la question 10 du questionnaire adressé aux constructeurs de ferrys le 11 janvier 2008 – et des données d’Aker Yards, sur la base du Lloyd's Register, Fairpaly WSE, Shipping Statistics, version 9,51, base de données, octobre 2007. Aucune information pertinente concernant la valeur des navires n’a été recueillie permettant de reconstituer les parts de marché en valeur. Cependant, comme c’est le cas avec les bateaux de croisière, les valeurs indiquées correspondent, en principe, dans une large mesure, aux parts de marché basées sur le tonnage commandé.

*108.  Questionnaire adressé aux acheteurs de ferrys le 11 janvier 2008, questions 11 et 12.

(178)  STX n’a, à ce jour, jamais construit de ferrys et n’a jamais obtenu de contrat de construction de ferrys. Bien que certains acteurs considèrent que STX est un nouvel entrant potentiel sur le marché des ferrys, l’enquête sur le marché n’a, à ce jour, révélé aucune tentative d’offre de services concrète de la part de STX en direction de clients potentiels. Comme l’a observé un client important, «STX pourrait faire son entrée sur le marché mais ne possède, à ce jour, aucune expérience en matière de construction de ferrys. Si STX décide de faire son entrée sur le marché des ferrys, il devra sans doute faire comme les autres constructeurs coréens, c'est-à-dire construire un ferry à titre d’essai pour assimiler les caractéristiques spécifiques à ce type de projet et les différences existant avec les navires de fret. Il ne fait aucun doute, au vu de l’engagement et de l’implication dont font généralement preuve les entreprises sud-coréennes, que leur tentative sera couronnée de succès, mais cela aura sans doute un coût au début, car il y a beaucoup de choses à apprendre.»110.

(179)  En tout état de cause, même si STX devenait, à l’avenir, un nouvel entrant potentiel sur une base individuelle, son arrivée sur le marché ne modifierait pas de manière significative la structure de celui-ci étant donné le grand nombre d’acteurs qu’il compte actuellement. Il n’y a donc pas, non plus, lieu de croire que le retrait de STX en tant que nouvel entrant potentiel risquerait de constituer une entrave significative à la concurrence effective sur le marché des ferrys.

(180)  Certains acteurs du marché, notamment Fincantieri (qui considère que le marché des bateaux de croisière et celui des ferrys ne constituent qu’un seul et unique marché),  ont exprimé l’inquiétude selon laquelle l’entité issue de la concentration serait en mesure de bénéficier de subventions déloyales et de coûts de construction plus bas en Corée du Sud, et pratiquerait des prix notablement inférieurs à ceux du marché aboutissant à évincer les autres constructeurs de ferrys du marché pour le  monopoliser. La question des subventions sud-coréennes alléguées a été largement analysée dans la section précédente concernant les bateaux de croisière, et le raisonnement s’applique a fortiori au marché des ferrys111. Il existe à l'heure actuelle trois grandes entreprises sud-coréennes de construction navale qui sont déjà présentes sur le marché des ferrys, et leur expérience du marché comme leur présence sur celui- ci ont un caractère tout à fait significatif (selon le tableau 4, Hyunday représente le quatrième fournisseur mondial de ferrys en commandes de tonnage au cours des cinq dernières années). Ces trois grands acteurs sud-coréens bénéficieraient donc des mêmes avantages et subventions allégués que STX. Le fait que STX, en tant que quatrième entreprise sud-coréenne de construction navale accéderait au savoir-faire nécessaire à la construction de ferrys via l’acquisition d’Aker Yards, ne modifierait donc pas de manière significative le contexte concurrentiel.

*109.  Information fournie par Meyer Werft le 21 janvier 2008, dans sa réponse au au questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux constructeurs de ferrys,  question 15.

*110.  Réponse de Stena RoRo du 24 janvier 2008 au questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de ferrys,question 16.

*111.  À l’exception de l’argument concernant la puissance d’achat des acheteurs, qui sont beaucoup plus dispersés dans le cas du marché des ferrys.

(181)  Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’opération notifiée n’est pas de nature à constituer une entrave significative à la concurrence sur le marché commun ou dans une partie substantielle de ce celui-ci, notamment en raison de l’établissement ou du renforcement d’une position dominante sur le marché des ferrys.

(182)  En outre, l’opération notifiée n'ouvrira pas la voie à une entrave significative à la concurrence si l’on adopte une définition du marché plus large englobant les bateaux de croisière et les ferrys, étant donné qu’il n'y a aucun problème de concurrence sur  les marchés de produits plus restreints (à savoir le marché des bateaux de croisière et celui des ferrys) et le raisonnement utilisé pour ces deux marchés peut être appliqué per analogiam.

C.3. CONSTRUCTION DE TRANSPORTEURS DE PRODUITS

(183)  Comme indiqué au considérant 17, si l’on considère que les transporteurs de produits font partie du même marché de produits que les chimiquiers/pétroliers, la part de marché moyenne cumulée des deux entreprises sur la période 2004-2007 s’élevait à 14,75 % en termes de livraisons basées sur le tonnage et à 11 % en termes de commandes basées sur le tonnage112.

(184)  Même si l’on adopte une définition restreinte du marché de produits, à savoir un marché réservé aux seuls transporteurs de produits, les parts de marché cumulés des parties et l’augmentation induite par l’opération notifiée resteraient limitées. Sur la base du nombre de livraisons et en tonnage [tb], la part de marché moyenne était la suivante:

Tableau 5 – Parts de marché pour les transporteurs de produits

Parts de marché sur la période 2004- 2007113

STX

Aker Yards

STX + Aker Yards

Hyundai Mipo

New Century

En nombre de livraisons

13,5 %

0,25 %

13,75 %

10,25 %

6,5 %

En tonnage des livraisons

 

14,75 %

 

0,25 %

 

15 %

 

13,75 %

 

9,25 %

En nombre de commandes

9,5 %

1,25 %

10,75 %

15,5 %

3,75 %

En tonnage commandé

 

8,5 %

 

1,5 %

 

10 %

 

15,5 %

 

5,5 %

Source: partie notifiante

(185) Le chevauchement entre les parties sur ce marché de produits a été très limité au cours des quatre dernières années. Sur cette période, Aker Yards n’a livré des transporteurs de produits qu’en 2006, année pour laquelle sa part de marché en terme de livraisons [tpl]* au niveau mondial s’est élevée à 1 %. Sur la période 2004-2005 et en 2007, la part  de  marché  correspondante  d’Aker  Yards  était  de  0 %.  STX,  de  son  côté a 112  Réponse de STX le 30 novembre 2007 à la demande de renseignements du 26 novembre 2007, Annexe 1. 113 Ces calculs s’appuient sur les données soumises par la partie notifiante le 10 mars 2008. bénéficié d’une part de marché moyenne correspondante égale à 14,75 %. En termes de commandes [tpl]*, Aker Yards a bénéficié d’une part de marché moyenne égale à 1,5 % pour la période 2004-2007, avec une absence de commandes en 2004, 2006 et 2007. La part de marché moyenne correspondante de STX s’élevait à 8,5 %. En nombre de navires livrés et commandés au cours de cette période, les parts de marchés sont identiques.

(186)  En outre, l’enquête approfondie a confirmé qu’Aker Yards n’est pas considéré comme le concurrent le plus direct de STX dans le secteur des transporteurs de produits, et vice versa. Les réponses des clients indiquent que les concurrents les plus direct de STX sur ce marché sont Hyundai Mipo et New Century S/Y114, ce qui reflète la position relativement importante qu’occupent ces deux entreprises sur le  marché. Selon les données fournies par la partie notifiante, la part de marché de Hyundai Mipo en termes de livraisons [tpl] au niveau mondial s’est élevée, en moyenne, sur la période 2004-2007, à 13,75 %. La part de marché moyenne correspondante de New Century S/Y était de 9,25 %. Les autres acteurs présentaient une part de marché moyenne inférieure à 10 %.

(187) L’enquête sur le marché a confirmé qu’un grand nombre d’acteurs se partagent le marché des transporteurs de produits, et qu’aucun d’entre eux n’en constitue un leader naturel. Les clients ont identifié de nombreux constructeurs crédibles de transporteurs de produits, essentiellement asiatiques (au rang desquels figure STX mais dont Aker Yards est souvent absent), l’un de ces clients citant treize entreprises, et un autre estimant qu’il existait plus de vingt constructeurs crédibles de transporteurs de produits115. Le grand nombre de constructeurs présents après la concentration  garantira la persistance d’une concurrence effective.

(188)  Le marché des transporteurs de produits semble fonctionner par appels d’offre à l’échelle mondiale. L’achat des navires s’effectue généralement dans le cadre d’un appel d’offre (pour un navire unique ou une série de navires jumeaux), essentiellement sur la base d’un prix et d’un délai de livraison. Le coût du transport ne semble pas dissuader les acheteurs de commander des navires construits dans d’autres régions que la leur; le navire est généralement livré sur le chantier naval et utilisé pour son   premier voyage commercial à destination de sa région d’exploitation principale. En dehors du nombre important de concurrents que compte le marché des transporteurs  de produits, les autres obstacles à l’entrée semblent insignifiants. De fait, les répondants à l’enquête sur le marché ont indiqué qu’ils avaient observé l’arrivée récente de nouveaux entrants sur le marché des transporteurs de produits comme les sud-coréens SPP et SLS, ou les nouveaux constructeurs chinois116. Les données historiques concernant les commandes de transporteurs de produits indiquent aussi clairement qu’au cours des dernières années, un nombre de commandes de plus en plus important a été passé auprès de nouveaux entrants sans cesse plus nombreux117.

*114. Questionnaire adressé aux acheteurs le 28 novembre 2007, question 19, et le questionnaire adressé le 11 janvier 2008 aux acheteurs de transporteurs de produits, question 14.

*115. Questionnaire adressé aux acheteurs le 28 novembre 2007, question 17 .

*116. Questionnaire adressé le  28 novembre 2007 aux acheteurs, question 21..

*117.  D’après les données du Clarksons Reseach Institute, fournies par la partie notifiante. Par exemple, SPP a commencé à passer des commandes de transporteurs de produits en 2005 et a obtenu, pour l’année   2007,

(189)  On peut conclure de ce qui précède que l’opération notifiée n’est pas de nature à entraver de manière significative la concurrence effective dans le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, notamment en raison de l’établissement ou du renforcement d’une position dominante sur le marché des transporteurs de produits.

D.APPRECIATION – ASPECTS VERTICAUX

D.1 FABRICATION DES MOTEURS DE NAVIRES

(190)  Au cours de l’enquête sur le marché, certains constructeurs ont émis des inquiétudes quant à d’éventuels effets négatifs des relations verticales que l'opération notifiée pourrait créer. Seul le plaignant a, cependant, fourni des arguments plus fondés à cet égard.

(191)  STX est actuellement active dans la fabrication de moteurs de bateaux, marché dont sont absents les opérateurs actuels de bateaux de croisière. Selon certains constructeurs118, l’entité issue de la concentration serait en mesure de bénéficier des activités en amont de STX, ce qui lui conférerait un avantage significatif en termes de coûts et de délais de livraison. En outre, STX pourrait concentrer la fourniture de ses moteurs de navires sur Aker Yards, réduisant ainsi les livraisons aux concurrents d’Aker Yards. Il a également été avancé que la fourniture par STX de moteurs de bateaux de croisière risquerait de faire baisser les ventes des fournisseurs actuels de moteurs de bateaux de croisière en dessous de la masse critique permettant de supporter le niveau d’investissement et de recherche et développement, ce qui aboutirait à faire reculer l’innovation119.

(192)  Du point de vue des acheteurs, l’intégration verticale dans la production de moteurs n’est pas un élément de concurrence essentiel, et aucune inquiétude n’a été exprimée à ce sujet.

(193)  D’une manière générale, le marché des moteurs de bateaux n’est pas concentré. La  part du marché mondial des moteurs diesel marins que détenait STX en 2007 se situait autour de [15-20]* % (en unités livrées), les autres concurrents importants étant Wärtsilä [15-20]* %, Yanmar [15-20]* %, Daihatsu [25-30]* %, Doosan [5-10]* % et Mitsui [5-10]* % . Dans le secteur des moteurs diesel «deux temps», qui constituent, en général, le principal mode de propulsion des grands navires de commerce, les principaux concurrents sont STX avec [15-20]* % de part de marché, HHI [5-10]* %, Doosan [30-35]* %, Mitsui [30-35]* % et Hitachi [5-10]* %. Dans le secteur des moteurs diesel «quatre temps», qui constituent le principal mode de propulsion des bateaux de croisière et des ferrys, mais aussi des navires de commerce de petite taille, et qui servent aussi à l’alimentation des centrales électriques des navires de  commerce, les parts de marché des principaux fabricants s’échelonneraient comme une part de marché annuelle de 14 % en tonnage commandé. Une autre entreprise considérée comme un nouvel entrant, SLS, a obtenu une part de marché de 8 % en 2007. Ces données indiquent que trois entreprises ont commencé à prendre des commandes de transporteurs de produits en 2007 et quatre en 2006, alors qu’elles ne semblent pas avoir pris de commande pour ce type de navire auparavant.

*118. Questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, question 33.

*119.  Questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de navires de croisière  , question 33 et  réponse de Fincantieri le 6 février 2008 à la demande de renseignements de la Commission du 30 janvier 2008, questions 13 à 18. suit:  STX  [15-20]* %,  Wärtsilä  [20-25]* %, Yanmar [20-25]* %    et Daihatsu [30- 35]* %120.

(194)  L’opération notifiée aurait des répercussions verticales sur le marché sur la base du secteur des moteurs de navires dans lequel STX est actif et du fait de la position d’Aker Yards sur le marché des bateaux de croisière (supérieure à 25 %). STX ne produit ni ne vend cependant de moteurs de bateaux de croisière, le secteur étant dominé par deux entreprises, MAN B&W Diesel Group («MAN») et Wärtsilä Corporation («Wärtsilä»)121.

(195)  Selon les informations fournies au cours de l'enquête sur le marché122, STX ne peut produire de moteurs utilisables par les bateaux de croisière et/ou les ferrys à partir de sa propre technologie et il n’a jamais fourni, directement ou indirectement, ce type de moteurs. Il exploite, par contre, une technologie sous licence de MAN pour la production de moteurs de navires de commerce. Dans le cadre de l’accord de licence, les moteurs fabriqués par STX (notamment via sa filiale STX Engine) sont essentiellement des moteurs-générateurs «quatre temps» servant à fournir de l’électricité aux navires de commerce, et non pas à assurer la propulsion des bateaux de croisière ou des ferrys.

(196)  STX (via sa filiale STX Heavy Industries) fabrique également, dans le cadre de l’accord de licence passé avec MAN, des moteurs «deux temps» destinés à la propulsion des navires de commerce. Mais STX ne produit pas et n’a jamais fourni, directement ou indirectement, de moteurs destinés aux bateaux de croisière ou aux ferrys. Les inquiétudes exprimées par certains acteurs du marché apparaissent donc injustifiées étant donné que STX ne serait pas en mesure de fournir des moteurs pour ses propres bateaux de croisière.

(197)  En outre, […]*.

(198)  Le plaignant a avancé123 qu’il est possible de contourner la contrainte géographique portant sur la production de moteurs sous licence en développant en interne de nouveaux modèles ou par la renégociation de l’accord de licence.

(199)  Concernant la possibilité de développer un nouveau modèle de moteur de bateaux de croisière, il y a lieu de noter que STX affirme que la technologie dont il dispose ne lui permet pas de produire ce type de moteur. En tout état de cause, il convient de ne pas oublier qu’une entreprise appartenant au groupe Fincantieri, Isotta Fraschini Motori, produit également des moteurs marins et que, même si celle-ci affirme également ne pas être en mesure de produire ce type de moteurs, rien ne porte à croire que STX pourrait se trouver dans une position significativement meilleure qu’Isotta Fraschini Motori pour développer un nouveau modèle. Il faut aussi de rappeler que les arguments du plaignant semblent comporter une contradiction. Si la vente éventuelle de moteurs de bateaux de croisière par STX avait pour effet de réduire l’incitation à l’innovation pour les producteurs actuels de moteurs de bateaux de croisière (leur chiffre d’affaires étant inférieur à la masse critique nécessaire pour justifier de nouveaux investissements), STX aurait, de son côté, toutes les chances d’être confronté à l’absence de rentabilité des investissements nécessaires à la conception d’un nouveau moteur destiné aux bateaux de croisière, étant donné que ses futures ventes seraient également relativement limitées.

*120. Déclaration de STX le 12 décembre 2007 et le 10 mars 2008.

*121. Réponse du 6 février 2008 de Fincantieri au questionnaire qui lui a été adressé le 30 janvier 2008,  question 18.

*122.  Réponses de STX des 7 et 12 février 2008 au questionnaire qui lui a été adressé le 30 janvier 2008, question 14.

*123.  Réponse de Fincantieri du 6 février 2008 au questionnaire qui lui a été adressé le 30 janvier 2008,  question 13.

(200) Concernant la renégociation possible des accords actuels […]*, MAN recevrait tout de même une compensation financière au titre d'une telle licence. Il est donc difficile  de conclure que MAN pourrait être incitée à accepter la modification de l’accord actuel au cas où cette modification pourrait réduire ses bénéfices et sa capacité à poursuivre ses activités de recherche et développement.

(201) Enfin, certains exemples, dans l’industrie, indiquent que l’intégration verticale n’est pas un facteur décisif de réussite. Samsung et Daewoo, par exemple, ne sont pas intégrées verticalement en amont pour la production des moteurs de bateaux, et sont pourtant d’importants constructeurs de navires de commerce124.

(202) On peut conclure, eu égard à ce qui précède, que les relations verticales résultant de l'opération notifiée en ce qui concerne la fabrication des moteurs de navires ne sont pas de nature à constituer une entrave significative à la concurrence sur le marché commun ou dans une partie substantielle de ce celui-ci, notamment en raison de l’établissement ou du renforcement d’une position dominante sur les différents marchés des navires de commerce, et notamment sur les marchés des bateaux de croisière et des ferrys.

D.2  SERVICES DE TRANSPORT MARITIME

(203) STX est également actif, à travers sa filiale STX Pan Ocean, dans le domaine du transport maritime, essentiellement dans le secteur des vraquiers (qui ont représenté plus de 90 % de la gamme des navires utilisés par STX pour ses services de transport maritime au cours des quatre dernières années). Aucun chevauchement horizontal n’existe avec Aker Yards pour cette activité.

(204) La partie notifiante a avancé que la part de marché mondiale de STX dans  le transport maritime par vraquiers était d’environ [0-5]* % au cours de la période 2004- 2007. Considérant que les marchés de la construction navale sont d’envergure  mondiale et que les approvisionnements se font au niveau mondial, la présence très limitée de STX sur les marchés en aval de l’expédition ne porte pas à craindre une éventuelle exclusion, de la part des acheteurs, des concurrents de l’entité issue de la concentration sur le marché en amont de la construction navale.

(205) Eu égard à ce qui précède, on peut conclure que les relations verticales établies par l’opération actuelle par rapport aux services d’expédition ne constituera pas une  entrave significative à la concurrence sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, notamment en raison de l’établissement ou du renforcement d’une position dominante sur les différents marchés des navires de commerce, et notamment sur celui des bateaux de croisière et des ferrys.

124  Questionnaire adressé le 14 janvier 2008 aux constructeurs de bateaux de croisière, question 33.

VI.  CONCLUSION

(206)  Pour les raisons énoncées ci-dessus, la Commission a décidé de ne pas s’opposer à l’opération notifiée et de la déclarer compatible avec le marché commun et avec l’accord EEE. La présente décision est adoptée en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement CE n° 139/2004 du Conseil.

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

La concentration notifiée, par laquelle STX Corporation acquiert le contrôle exclusif d’Aker Yards A.S.A au sens de l’article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, est déclarée compatible avec le marché commun et le fonctionnement de l’accord EEE.