Commission, 19 septembre 2018, n° M.8966
COMMISSION EUROPÉENNE
Décision
MOTORS/FIBER/BERNARD PARTICIPATIONS
DÉCISION DE LA COMMISSION du 19.9.2018
en vertu de l’article 9 du règlement (CE) n° 139/2004
de renvoyer l'affaire M.8966 – PGA MOTORS / FIBER / BERNARD PARTICIPATIONS
(Le texte en langue française est le seul faisant foi) LA COMMISSION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne («TFUE»),
vu l’accord sur l’Espace économique européen, et notamment son article 57,
vu le règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises1 (le «règlement sur les concentrations»), et notamment son article 9, paragraphe 3,
vu la notification du 31 juillet 2018 effectuée par PGA Motors SAS en vertu de l'article 4 dudit règlement,
vu la demande présentée par l'Autorité de la concurrence française le 10 août 2018, CONSIDÉRANT CE QUI SUIT:
(1) Le 31 juillet 2018, la Commission a reçu notification d'un projet de concentration par lequel le groupe Emil Frey (ci-après «Emil Frey»), par l'intermédiaire de sa filiale PGA Motors SAS (ci-après «PGA Motors»), et la société Fiber SC (ci-après «Fiber») envisagent de faire l'acquisition du contrôle conjoint de la société Bernard Participations SAS (ci-après «Bernard Participations»). PGA Motors et Fiber sont désignées ci-après comme les «Parties notifiantes» et ensemble avec Bernard Participations comme les «Parties».
(2) Le 31 juillet 2018, l'Autorité de la concurrence française ("Autorité") a reçu copie de la notification en question, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations.
(3) Par courrier daté du 10 août 2018, la France a sollicité par le biais de l'Autorité le renvoi complet du projet de concentration entre les Parties en vue de son appréciation au regard de son droit national de la concurrence, conformément à l'article 9, paragraphe 2, point a) du règlement sur les concentrations («la Demande de renvoi»).
(4) Les Parties notifiantes ont été informées de la Demande de renvoi par courrier daté du 13 août 2018 et en ont reçu à cette occasion une copie non-confidentielle. Le 20 août 2018, les Parties notifiantes ont communiqué à la Commission des observations contestant le bien-fondé de la Demande de renvoi.
1. LES PARTIES
(5) PGA Motors est principalement active dans la distribution au détail de véhicules à moteur neufs et d'occasion et de pièces détachées, ainsi que dans la fourniture de services de réparation et d’entretien connexes. À titre accessoire, PGA Motors est également active dans la location de véhicules et la distribution de produits d'assurance.
(6) Fiber est une société holding familiale détenant une participation dans Bernard Participations.
(7) Bernard Participations est principalement active dans la distribution au détail de véhicules à moteur neufs et d'occasion et de pièces détachées, ainsi que dans la fourniture de services de réparation et d’entretien connexes. À titre accessoire, Bernard Participations est également active dans la location de véhicules et la distribution de produits d'assurance.
2. L'OPÉRATION
(8) En vertu d'une lettre d'intention du 4 avril 2018 de PGA Motors à ALCOPA NV (le détenteur actuel d'un intérêt minoritaire contrôlant dans Bernard Participations), telle qu'amendée le 17 mai 2018, ainsi que d'une offre d'achat contraignante adressée par PGA Motors à ALCOPA NV en date du 5 juillet 2018, PGA Motors ferait l'acquisition de [40-50]% des parts sociales de Bernard Participations, tandis que Fiber continuerait d'en détenir [60-70]%.
(9) En vertu d'un protocole d'accord conclu avec Fiber le 21 décembre 2017, PGA Motors disposerait de différents droits de véto sur la gestion de Bernard Participations (par ex. sur l'adoption du business plan et du budget, ainsi que la nomination, le remplacement et le licenciement du directeur général, de la direction et du président du conseil d'administration), lui conférant un contrôle conjoint avec Fiber.
(10) Bernard Participations exploite diverses concessions automobiles en France, et accomplit à ce titre toutes les fonctions d'une entité économique autonome. Son autonomie fonctionnelle est assurée par un accès direct au marché à travers 95 points de vente, un personnel d'encadrement propre et 2 430 collaborateurs, ainsi que des ressources suffisantes avec un chiffre d'affaires net consolidé de plus de EUR 1,25 milliards. Bernard Participations est également conçue pour fonctionner de manière durable et son activité dépasse l'exercice d'une function spécifique pour les sociétés mères. Le projet de concentration remplit donc les conditions de l'article 3, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations.
3. LA CONCENTRATION
(11) Le projet de concentration consiste en la prise de contrôle conjoint de la société Bernard Participations par PGA Motors et Fiber au sens de l'article 3, paragraphe 1,
b) et de l'article 3, paragraphe 4 du règlement sur les concentrations.
4. DIMENSION UE
(12) Les entreprises concernées réalisent un chiffre d'affaires mondial combiné de plus de EUR 5 000 millions2 (Emil Frey: EUR […]; Bernard Participations: EUR 1 257 millions). Chacune d'elles réalise un chiffre d'affaires dans l'Union supérieur à EUR 250 millions (Emil Frey: EUR […]; Bernard Participations: EUR 1 257 millions), sans qu'elles ne réalisent chacune plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires dans l'Union au sein d'un seul et même État membre. L'opération notifiée a dès lors une dimension UE au sens de l'article 1, paragraphe 2 du règlement sur les concentrations.
5. LA DEMANDE DE RENVOI
(13) Par courrier du 10 août 2018, la France a sollicité par le biais de l'Autorité le renvoi complet du projet de concentration en vertu de l'article 9, paragraphe 2, point a) du règlement sur les concentrations, en ce qu'il menace d'affecter de manière significative la concurrence sur le marché français ou sur des marchés locaux intérieurs à la France, et que ces marchés présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts.
(14) La Demande de renvoi considère que le projet de concentration menace principalement d'affecter la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur les marchés de la distribution au détail de véhicules automobiles particuliers neufs à destination des particuliers et des professionnels, ainsi que sur le marché de la distribution au détail de pièces détachées. La pratique décisionnelle constante de l'Autorité retient une délimitation locale des marchés en question et la Demande de renvoi note que les parts de marché cumulées des Parties seraient supérieures à 40% dans au moins deux zones locales. De plus, la Demande de renvoi indique que les marchés de la distribution de pièces détachées en France, où se chevauchent également les activités des parties, sont déjà très concentrés.
(15) La Demande de renvoi souligne également que seuls des marchés situés en France sont susceptibles d'être affectés par le projet de concentration et que l'Autorité possède une bonne connaissance des marchés concernés, les ayant examinés à de très nombreuses reprises en ce compris dans le cadre d'opérations impliquant les Parties.
6. LES MARCHÉS PERTINENTS
(16) En l'espèce, le projet de concentration concerne principalement le secteur de la distribution de véhicules automobiles et des services d'entretien et de réparation associés, en ce compris la distribution de pièces détachées, en France. La location de véhicules sans chauffeur et la distribution de produits d'assurance pour compte de tiers, également sur le territoire français, sont également concernés par l'opération mais les activités des Parties y sont limitées.
(17) L'approche suggérée par les Parties notifiantes pour la définition des marchés pertinents, où se chevauchent les activités des Parties, reflète largement les précédents établis de la Commission.
6.1. La distribution de véhicules automobiles
6.1.1. Marchés de produits
(18) Concernant la distribution de véhicules automobiles, distincts des véhicules industriels, la pratique décisionnelle de la Commission distingue: (i) un marché de la distribution en gros; et (ii) un marché de la distribution de détail.3 En l'espèce, le projet de concentration concerne la distribution au détail.
(19) Au sein du marché de la distribution de véhicules automobiles (aussi bien en gros qu'au détail), la pratique décisionnelle de la Commission distingue également: (i) un marché des véhicules neufs; et (ii) un marché des véhicules d'occasion.4 En ce qui concerne la distribution de véhicules neufs, la Commission effectue également une distinction entre (i) les véhicules particuliers; et (ii) les véhicules utilitaires légers.5
(20) La Commission a également défini des marchés distincts pour: (i) la distribution de pièces détachées;6 et (ii) les services d'entretien et de réparation.7 Différentes segmentations de ces marchés ont été considérées par la Commission.
(21) Les Parties notifiantes ne contestent pas la pratique décisionnelle de la Commission.8 En outre, elles précisent que la distribution au détail de pièces détachées, seule concernée par le projet de concentration, s'opère principalement dans le cadre de services de réparation fournis aux utilisateurs finaux.9
(22) La Demande de renvoi indique par ailleurs que la pratique décisionnelle de l'Autorité distingue, à l'intérieur du marché de la distribution de véhicules automobiles particuliers neufs, entre la distribution de véhicules à destination des particuliers et à destination des professionnels.10
(23) Dans la mesure où les conditions de l'article 9, paragraphe 2, point a) du règlement sur les concentrations sont remplies au regard de la segmentation des marchés de produits pertinents résultant de la pratique décisionnelle de la Commission, telle que résumée ci-dessus et indépendamment de possibles sous-segmentations, la définition exacte de ces marchés peut être laissée ouverte à ce stade.
6.1.2. Marchés géographiques
(24) La Commission a jusqu'à présent laissé ouverte dans sa pratique décisionnelle la question de la dimension locale, nationale ou au niveau de l'EEE de la distribution au détail de véhicules automobiles neufs ou d'occasion.11 La Commission a dès lors conduit l'analyse concurrentielle de projets de concentration sur ces marchés à un niveau local (infranational).12 En effet, il ressort de certains précédents que la majorité des utilisateurs ne sont pas disposés à se déplacer au-delà d'une certaine zone autour de leur résidence ou de leur centre d'activités pour effectuer l'achat d'un
nouveau véhicule, et que les concessionnaires appréhendent la concurrence à un niveau régional.13
(25) Les Parties notifiantes considèrent que ces marchés sont au moins de dimension nationale au regard de l'harmonisation des conditions de marché en Europe et de l'utilisation croissante d'Internet, sans pour autant apporter davantage de précisions.14 A contrario, elles indiquent également que la concurrence entre concessionnaires s'effectue "sur le marché local", notamment à travers les marques qu'ils peuvent proposer et les offres promotionnelles.15 En tout état de cause, les Parties notifiantes reconnaissent que la pratique décisionnelle de l'Autorité retient une dimension locale, généralement au niveau départemental.16 Elles soulignent cependant que, compte tenu de l'importance de l'achat d'un véhicule neuf pour les particuliers, la zone de chalandise pertinente peut s'étendre également aux départements limitrophes.
(26) La pratique décisionnelle de la Commission a également laissé ouverte la dimension locale, régionale ou nationale de la distribution de pièces détachées pour véhicules automobiles, selon le niveau de la chaîne de distribution.17 La Commission a conduit l'analyse concurrentielle de projets de concentration impliquant la distribution au détail de pièces détachées également à un niveau local (infranational).18
(27) Les Parties notifiantes ne prennent pas position à ce sujet mais expliquent qu'en ce qui concerne la distribution au détail, seule concernée par le projet de concentration, la disponibilité et le délai de livraison des pièces de rechange peuvent justifier une dimension locale ou régionale des marchés pertinents.19
(28) La pratique décisionnelle de la Commission a également laissé ouverte la définition géographique du marché de l'entretien et de la réparation des véhicules automobiles, tout en considérant une possible segmentation au niveau local ou national.20 En particulier, il ressort de certains précédents que les consommateurs font en général effectuer les opérations d'entretien ou de réparation de leurs véhicules dans l'agglomération urbaine de leur domicile, soit dans une zone de chalandise très limitée.21
(29) Les Parties notifiantes considèrent que la dimension géographique peut être laissée ouverte au regard du caractère très fragmenté de l'offre, indépendamment du développement d'enseignes nationales.22
(30) La Demande de renvoi indique par ailleurs que la pratique décisionnelle de l'Autorité retient, de manière constante, une délimitation locale (au niveau du département) de la distribution au détail de véhicules automobiles neufs et d'occasion, ainsi que de pièces de rechange et d'accessoires, et de la fourniture de services d'entretien et de réparation.23
(31) Au regard de ce qui précède, la Commission appréciera si les conditions de l'article 9, paragraphe 2, point a) du règlement sur les concentrations sont remplies au regard de la possible dimension locale (infranationale) des marchés pertinents, qui correspond en outre à une pratique établie de l'Autorité.
6.2. La location de véhicules sans chauffeur
(32) Dans sa pratique décisionnelle, la Commission distingue les services de location de courte durée et de longue durée.24 Dans certains cas, la Commission a distingué la location de courte durée à des fins professionnelles et à des fins de loisirs.25
(33) En termes géographiques, la pratique décisionnelle de la Commission considère que le marché de location de courte durée de véhicules sans chauffeur est de dimension nationale ou locale (au niveau aéroport ou centre-ville).26
(34) Les Parties notifiantes ne contestent pas la pratique décisionnelle de la Commission.27
(35) En tout état de cause, les activités des Parties en matière de location de véhicules sans chauffeur apparaissent limitées indépendamment de la segmentation retenue, de sorte que la définition précise des marchés peut être laissée ouverte aux fins de la présente décision.
6.3. La distribution de produits d'assurance pour le compte de tiers
(36) La pratique décisionnelle de la Commission a identifié un marché de la distribution de produits d'assurance consistant en la commercialisation et la gestion administrative des garanties ou des contrats d'assurance dont le risque est porté par des assureurs tiers.28 Ce marché englobe généralement tous les canaux de distribution: agents, courtiers et autres intermédiaires (dont les banques), à l'exception possible de la distribution directe par les compagnies d'assurance.29 La distribution de produits d'assurance est néanmoins segmentée en fonction de la catégorie de risques assurés (vie, non-vie, réassurance, et par type de risque assuré au sein de ces catégories).30
(37) En termes géographiques, la pratique décisionnelle établie de la Commission considère que les marchés de distribution de produits d'assurance sont de dimension nationale.31
(38) Les Parties notifiantes ne contestent pas la pratique décisionnelle de la Commission.32
(39) En tout état de cause, les activités des Parties en matière de distribution de produits d'assurance apparaissent limitées indépendamment de la segmentation retenue, de sorte que la définition précise des marchés peut être laissée ouverte aux fins de la présente décision.
7. ANALYSE DES CRITERES DE RENVOI
(40) En vertu de l'article 9, paragraphe 2, point a) du règlement sur les concentrations, tel qu'invoqué par la France dans la Demande de renvoi, les critères juridiques suivants doivent être remplis pour qu'une affaire puisse être renvoyée à un État membre: (i) la concentration doit menacer d'affecter de manière significative la concurrence dans un marché; et (ii) le marché considéré doit se situer à l'intérieur de l'État membre
requérant et présenter toutes les caractéristiques d'un marché distinct.33
7.1. L'opération risque d’affecter la concurrence sur des marchés géographiques de portée infranationale
(41) Les activités de PGA Motors et de Bernard Participations se chevauchent dans la distribution au détail de véhicules automobiles neufs et d'occasion, la distribution de pièces de rechange et l'entretien et la réparation de véhicules automobiles ainsi que, dans une moindre mesure, la location de véhicules à court terme et la distribution de services d'assurance. Ces chevauchements sont tous circonscrits à (certaines zones de) la France.
(42) Comme expliqué ci-dessus (section 6), la pratique décisionnelle de la Commission considère également que les marchés pertinents en cause sont – ou peuvent à tout le moins être raisonnablement considérés – de dimension locale (infranationale), ce que les Parties notifiantes ne contestent d'ailleurs pas.34 En France, les marchés pertinents sont définis de manière constante par l'Autorité à un niveau infranational (département) en ce qui concerne la distribution de véhicules automobiles et les services associés, dont un certain nombre sont affectés par l'opération.
(43) Les Parties notifiantes considèrent que l'opération notifiée pourrait avoir un impact sur les échanges entre États membres en raison des ventes transfrontalières de véhicules neufs ou d'occasion. Cependant, Fiber et Bernard Participations réalisent la totalité de leur chiffre d'affaires sur le territoire français. Emil Frey est la seule partie présente à la fois en France et dans d'autres États européens. Dès lors, contrairement à ce qu'avancent les Parties notifiantes, et au regard de la dimension locale (infranationale) des marchés pertinents, les prétendus effets de l'opération sur le commerce entre États membres apparaissent très hypothétiques.35
(44) En conclusion, l'ensemble des marchés pertinents et, par déduction, des marchés affectés par le projet de concentration, constituent des marchés distincts situés à l'intérieur de l'État membre requérant son renvoi, soit la France. À ce titre, la Demande de renvoi remplit la seconde condition fixée par l'article 9, paragraphe 2, point a) du règlement sur les concentrations.
7.2. L'opération implique un risque réel d'effets néfastes significatifs sur la concurrence et mérite un examen approfondi
(45) Selon les informations communiquées par les Parties notifiantes, le projet de concentration donne lieu à 11 marchés affectés concernant la distribution de véhicules particuliers neufs et véhicules utilitaires légers neufs dans six départements français, soit l'Ain, les Ardennes, la Drôme, la Marne, la Savoie et la Haute Savoie.36 Les parts de marchés combinées des Parties sont particulièrement élevées en ce qui concerne la vente au détail de véhicules particuliers neufs dans la Drôme ([30-40]%), la Marne ([40-50]%) et en Savoie ([40-50]%); et la vente au détail de véhicules utilitaires légers neufs en Savoie ([40-50]%). Dans chacun de ces marchés, le différentiel de parts de marché résultant de l'opération est également significatif (variant entre […] et […] points). De telles parts de marché constituent en tant que telles des premiers éléments de preuve d'effets néfastes significatifs sur la concurrence, méritant un examen approfondi.37(46) Contrairement à ce qu'avancent les Parties notifiantes, il importe peu que les départements dans lesquels les parts de marché sont les plus élevées ne soient pas particulièrement nombreux et ne représentent qu'un pourcentage limité du volume d'affaires total réalisé au niveau national par les Parties notifiantes,38 dans la mesure où les départements concernés peuvent constituer des marchés distincts où l’opération risque de produire des effets néfastes significatifs sur la concurrence. Pour la même raison, il importe peu que le degré de concentration dans la distribution de véhicules neufs puisse être relativement faible au niveau national.39 En revanche, contrairement à ce que soutiennent les Parties notifiantes, la Commission a considéré dans plusieurs affaires que des opérations de concentration ayant pour effet de porter la part de marché combinée des parties à un niveau entre 40 et 50%, et dans certaines affaires à des niveaux inférieurs à 40%, sont susceptibles d'entraîner la création ou le renforcement d'une position dominante40 et donc, à fortiori, d’avoir des effets néfastes significatifs sur la concurrence. Enfin, l'activité importante en termes de fusions et acquisitions dans le secteur de la distribution automobile n'est pas en soi de nature à démontrer l'existence d'une concurrence vive sur les marchés locaux en cause en l'espèce. Quant aux arguments avancés par les parties notifiantes concernant l'existence d'une concurrence résiduelle effective sur les marchés affectés, seul un examen approfondi permettrait d'en apprécier le bien- fondé.
(47) Par ailleurs, la Demande de renvoi souligne également que les marchés de la distribution de pièces détachées en France sont déjà très concentrés.41 Or, les Parties notifiantes n'ont pas été en mesure jusqu'à présent de fournir des parts de marché au niveau local, considéré pertinent par la Commission (et l'Autorité) dans sa (leur) pratique décisionnelle. En outre, la Commission note que les parts de marchés combinées des Parties au niveau national sont plus élevées pour la distribution de pièces détachées que pour la distribution de véhicules automobiles neufs.42 Il apparaît dès lors que le projet de concentration mérite également un examen approfondi de ses effets sur la distribution de pièces détachées.
(48) En conclusion, selon une analyse préliminaire, le projet de concentration menace d'affecter de manière significative la concurrence dans le domaine de la distribution au détail de véhicules particuliers neufs, de véhicules utilitaires légers neufs et de pièces détachées sur plusieurs marchés géographiques distincts en France, et mérite donc un examen approfondi. À ce titre, la Demande de renvoi remplit la première condition fixée par l'article 9, paragraphe 2, point a) du règlement sur les concentrations.
7.3.L'Autorité est la mieux à même d'examiner le projet de concentration
(49) En outre, contrairement à ce qu'avancent les Parties notifiantes,43 le renvoi apparaît opportun en l'espèce dans la mesure où la France est la mieux placée pour examiner le projet de concentration.44 Comme expliqué ci-dessus, les effets de l'opération se concentrent à l'intérieur du territoire français, et de certaines parties de celui-ci en particulier. À cet égard, la Communication sur le renvoi indique clairement que les concentrations de dimension communautaire susceptibles d'affecter la concurrence sur les marchés nationaux ou infranationaux et dont les effets se feraient ressentir ou auraient leur effet économique principal dans un seul État membre sont celles qui se prêtent le mieux à un renvoi à cet État membre, en l'espèce la France.45 En revanche, comme indiqué ci-dessus, les effets transfrontaliers potentiels de l'opération invoqués par les Parties notifiantes apparaissent très hypothétiques.
(50) Par ailleurs, l’Autorité a déjà traité un grand nombre d’opérations dans le secteur automobile impliquant les marchés concernés et possède dès lors une connaissance spécifique des marchés locaux nécessaire pour examiner efficacement le projet de concentration.46 PGA Motors (et/ou sa maison-mère Emil Frey) et Bernard Participations ont également notifié en France un nombre important d'opérations de concentration au cours des dernières années, de sorte que l'Autorité a également une bonne connaissance des Parties et de leurs activités,47 de nature à faciliter significativement le traitement de l'affaire.
(51) Au final, compte tenu des liens étroits entre les différents marchés concernés par le projet de concentration, en ce compris la distribution de produits d'assurance à travers les concessions automobiles et les services de location de voiture, ainsi que la dimension également nationale ou infranationale de ces marchés, il apparaît approprié de renvoyer l'ensemble de l'examen de l'affaire à l'Autorité. La fragmentation des affaires sous l'effet des renvois doit être évitée autant que possible et, en l'espèce, l'Autorité apparaît mieux à même de veiller à une protection effective de la concurrence sur tous les marchés concernés par l'opération.48
(52) Au regard de ce qui précède, la Commission dispose d'indications préliminaires suffisantes que l'opération menace, en France, d'affecter de manière significative la concurrence sur plusieurs marchés qui présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts. Contrairement à ce qu'avancent les Parties, les conditions d'un renvoi à l'Autorité en vertu de l'article 9, paragraphe 2, point a) du règlement sur les concentrations sont donc réunies.
8. CONCLUSION
(53) Eu égard aux considérations qui précèdent, les conditions juridiques sont réunies pour accéder à la demande de renvoi sollicitée par la France en vertu de l'article 9, paragraphe 2, point a), du règlement sur les concentrations. La Commission considère également que, compte tenu du caractère potentiellement local (infranational) des marchés concernés par l'opération, les autorités françaises compétentes sont mieux placées pour procéder à un examen approfondi de l'affaire dans son ensemble. Elle estime donc indiqué d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l'article 9, paragraphe 3), point b), du règlement sur les concentrations en vue d'autoriser le renvoi.
1 JO L 24 du 29.1.2004, p. 1. À compter du 1er décembre 2009, le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne («TFUE») a introduit certains changements, tels que le remplacement des termes
«Communauté» et «communautaire(s)» par les termes «Union» ou «de l'Union», ainsi que des termes
«marché commun» par les termes «marché intérieur». La terminologie du TFUE sera utilisée dans la totalité de la présente décision.
2 Chiffre d'affaires calculé conformément à l'article 5 du règlement sur les concentrations ainsi que la communication consolidée sur la compétence de la commission (JO C 95 du 16.4.2008, p. 1).
3 Voy. M.6403 – Volkswagen / KPI Polska / Skoda Auto Polska / VW Bank Polska / VW Leasing Polska;
M.8449 – Peugeot/Opel.
4 Voy. M.7747 – PGA/MSA; M.6958 CD&R / We Buy Any Car; M.6718 Toyota Tsusho Corporation / CFAO; M.5347 Mapfre / Salvador Caetano / JV's; M.3388 Ford Motor Company Ltd / Polar Motor Group Ltd; M.3352 VW / Hahn + Lang.
5 Voy. M.2832 General Motors / Daewoo Motors; M.3352 VW / Hahn + Lang; M.3388 Ford Motor
Company / Polar Motor Group; M.8449 – Peugeot/Opel.
6 Voy. M.7401 Blackstone / Alliance BV / Aliance Automotive Group; M.6063 – Itochu / Speedy; M.5219
VWAG / OFH / VWGI; M.5250 – Porsche / Volkswagen.
7 Voy. M.6063 – Itochu / Speedy; M.2087 – Feu Vert / Carrefour / Autocenter Delauto; M.1526 – Ford / Kwik-Fit.
8 Formulaire CO, section 6.2.
9 Formulaire CO, paragraphe 84.
10 Demande de renvoi, page 4.
11 M.8449 – Peugeot/Opel; M.7747 - PGA/MSA (2015); M.6718 - Toyota Tsusho Corporation / CFAO; M.6403 - Volkswagen / KPI Polska / Skoda Auto Polska / VW Bank Polska / VW Leasing Polska; M.5709 - Volkswagen / Mahag; M.5250 - Porsche / Volkswagen; M.3388 - Ford Motor Company Ltd / Polar Motor Group Ltd; M.3352 - VW / Hahn + Lang.
12 Pour un exemple récent, voy. M.8449 – Peugeot/Opel, paragraphe 411.
13 Voy. par exemple M.7747 – PGA/MSA, paragraphe 18.
14 Formulaire CO, paragraphes 76 et 82.
15 Formulaire CO, paragraphe 210.
16 Idem.
17 M.3198 – VW-Audi/VW-Audi Vertriebszentren; M.5250 - Porsche/Volkswagen; M.6063 –
Itochu/Speedy.
18 Voy. par exemple M.6718 – Toyota Tsusho Corporation/CFAO, paragraphes 22 et 29-34.
19 Formulaire CO, paragraphes 85-86.
20 M.6063 – Itochu/Speedy; M.2087 – Feu Vert / Carrefour / Autocenter Delauto; M.1526 – Ford / Kwik- Fit.
21 Voy. par exemple M.2087 – Feu Vert / Carrefour / Autocenter Delauto, paragraphe 9.
22 Formulaire CO, paragraphes 91-92.
23 Demande de renvoi, p. 2.
24 Voy. M.8569 – Europcar/Goldcar; M.4613 – Eurazeo/Apcoa Parking Holdings; M.3090 –
Volkswagen/Offset/Crescent/Leaseplan/JV; M.2510 – Cendant/Galileo; M.1810 – VW/Europcar.
25 Voy. M.8569 – Europcar/Goldcar; M.2510 – Cendant/Galileo; M.3090 –
Volkswagen/Offset/Crescent/Leaseplan/JV.
26 M.8569 – Europcar/Goldcar; M.8309 – Volvo Car Corporation/First Rent A Car; M.3090 –
Volkswagen/Offset/Crescent/Leaseplan/JV; M.4199 – De Lage Landen/Athlon; M.2510 – Cendant/Galileo. La Demande de renvoi indique que la pratique décisionnelle de l'Autorité retient, de manière constante, une délimitation locale des services de location (p. 2).
27 Formulaire CO, section 6.2, 7).
28 M.8257 – NN Group/Delta Lloyd; M.5384 - BNP Paribas/Fortis; M.4284 - AXA/Winterthur.
29 M.8257 – NN Group/Delta Lloyd; M.6957 - IF P&C/TOPDANMARK; M.6053 - CVC/Apollo/Brit Insurance.
30 Voy. M.7233 – Allianz/Going Concern of Unipolsai Assicurazioni; M.8010 – Irish Life/Aviva Health/Globalhealth; M.8257 – NN Group/Delta Lloyd; M.5568 – Volkswagen/Fleet
Investments/Laseplan Corporation JV.
31 M.4284 – AXA/Winterthur; M.5568 – Volkswagen/Fleet Investments/Leaseplan Corporation JV; M.6521 – Talanx International/Meiji Yasuda Life Insurance/Warta. La Demande de renvoi indique également que l'Autorité considère les marchés de la distribution de produits d'assurance comme étant, pour l'essentiel, de dimension nationale (p. 4).
32 Formulaire CO, section 6.2, 8).
33 Communication de la Commission sur le renvoi des affaires en matière de concentrations ("Communication sur le renvoi"), J.O.U.E., 2005, C 56/02, point 34
34 Voy. également les Observations des Parties notifiantes sur la Demande de renvoi, 20 août 2018, p. 2.
35 Voy. les Observations des Parties sur la Demande de renvoi du 20 août 2018.
36 Le marché de la distribution de véhicules utilitaires légers n'est pas affecté dans le département des Ardennes (cf. Formulaire CO, point 103). La distribution de véhicules particuliers neufs dans le département de l'Isère est également techniquement affectée mais Emil Frey n'y a vendu que […]
véhicules en 2017 (cf. Formulaire CO, point 118, Tableau 3) et la part de marché combinée des Parties est de [20-30]%.
37 Communication sur le renvoi, point 35.
38 Observations des Parties notifiantes sur la Demande de renvoi, 20 août 2018, p. 2.
39 Idem.
40 Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales, J.O.U.E., 2004, C 31/03, point 17.
41 Demande de renvoi, p. 5.
42 Formulaire CO, Tableau 2 et Tableau 47.
43 Voy. les Observations des Parties sur la Demande de renvoi du 20 août 2018.
44 Communication sur le renvoi, point 37.
45 Communication sur le renvoi, point 20 (auquel se réfère le point 37).
46 Communication sur le renvoi, point 23. La Demande de renvoi indique que pour la seule année 2017, trente-neuf décisions de l'Autorité ont concerné la distribution automobile et six le secteur des assurances (p. 5). Contrairement à ce qu'avancent les Parties notifiantes, le fait que certaines de ces décisions aient été adoptées à la suite d'une procédure simplifiée de contrôle des concentrations n'apparaît pas pertinent en l'espèce.
47 Demande de renvoi, p. 5. Voy. par exemple les décisions de l'Autorité portant les références 17-DCC- 226, 17-DCC-224, 17-DCC-78, 17-DCC-57, 17-DCC-58, 16-DCC-161, 16-DCC-45, 15-DCC-32, 14-
DCC-175, 14-DCC-138, 14-DCC-74, 14-DCC-05.
48 Communication sur le renvoi, point 12.