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Décisions

Commission, 12 août 2010, n° M.5741

COMMISSION EUROPÉENNE

Décision

CDC/ VEOLIA ENVIRONMENT/ TRANSDEV/ VEOLIA TRANSPORT

Commission n° M.5741

12 août 2010


DÉCISION DE LA COMMISSION du 12.8.2010

de renvoyer l'affaire n° COMP/M.5741 - CDC/ VEOLIA ENVIRONNEMENT/ TRANSDEV/ VEOLIA TRANSPORT

aux autorités nationales compétentes de la République française, en vertu de l'article 9 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil

 LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ("TFUE"),

vu le règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises1 (ci-après, "le règlement sur les concentrations"), et, en particulier, son article 9, paragraphe 3, vu la notification du 25 juin 2010, effectuée par Veolia Environnement et la Caisse des Dépôts et Consignations, en vertu de l'article 4 dudit règlement, vu la demande présentée par l'Autorité de la concurrence de la République française le 20 juillet 2010 en vertu de l'article 9, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations,

CONSIDÉRANT CE QUI SUIT:

1. Le 25 juin 2010, la Commission a reçu notification, conformément à l’article 4 du règlement sur les concentrations, d’un projet de concentration par lequel les entreprises Veolia Environnement ("Veolia Environnement", France) et la Caisse des Dépôts et Consignations ("CDC", France) acquièrent le contrôle en commun des entreprises Transdev ("Transdev", France") et Veolia Transport ("Veolia Transport", France), regroupées au sein d'une nouvelle entité dénommée "Veolia Transdev".

2. Le 30 juin 2010, les autorités de concurrence françaises ("l'Autorité de la concurrence") ont reçu copie de la notification en question. Par lettre du 20 juillet 2010, la France a demandé le renvoi à l'Autorité de la concurrence du projet de concentration, en ce qui concerne toutes les activités des Parties en France, en vue de son appréciation au regard du droit français de la concurrence, conformément à l'article 9, paragraphe 2, point a) du règlement sur les concentrations ("la demande de renvoi").

3. Le 28 juillet 2010, les parties notifiantes, c'est-à-dire Veolia Environnement et  CDC (ensemble "les Parties") ont informé la Commission qu'elles prenaient acte de cette demande de renvoi sans toutefois formuler de commentaires particuliers.

I.LES PARTIES

 4.  Veolia Environnement est un groupe international d'entreprises basé en France actif dans (i) la gestion déléguée des services d'eau et d'assainissement, (ii) la fourniture de services de propreté et traitement des déchets, (iii) la prestation de services en matière d'énergie et (iv) la gestion déléguée de services de transport. Veolia Environnement est présente dans le secteur des transports via sa filiale Veolia Transport. Veolia Transport fournit des services de transport public de voyageurs et assure la gestion déléguée de réseaux urbains, départementaux, régionaux et nationaux par tous types de véhicules (bus, train, métro, tramway etc.) à l'échelle internationale.

5.  CDC est un établissement public français chargée de missions d'intérêt général qui consistent à (i) gérer des fonds privés auxquels les pouvoirs publics souhaitent apporter une protection particulière (dépôts sur les livrets d'épargne, retraites etc.) et (ii) prêter ou investir dans des activités au nom de l'intérêt général. CDC fournit notamment des services de transport de voyageurs à travers sa filiale, Transdev. Cette dernière est un opérateur de transport public urbain et interurbain par train, tramway ou métro, autobus, autocar, trolleybus, navette fluviale, auto partage2 et vélo en libre service, principalement en Europe.

II. L'OPERATION ET LA CONCENTRATION

 6. Veolia Environnement et CDC apportent leurs filiales de transport, respectivement Veolia Transport et Transdev, à une nouvelle entité, dénommée "Veolia Transdev".

7. Veolia Environnement et CDC détiendront chacune 50% du capital et des droits de vote de la nouvelle entité. En vertu du Pacte d'Actionnaires, Veolia Environnement nommera quatre membres au sein du Conseil d'Administration et CDC nommera les trois membres restants. Les décisions stratégiques seront adoptées à la majorité des deux tiers au sein du Conseil d'Administration. CDC et Veolia Environnement exerceront ainsi un contrôle conjoint sur Veolia Transdev.

8. L'opération constitue donc une concentration au sens de l'Article 3(1)(b) du règlement sur les concentrations.

III.DIMENSION UE

 9. Le chiffre d’affaires total réalisé au plan mondial par l’ensemble des entreprises concernées dépasse cinq milliards d’euros (34,5 milliards pour Veolia Environnement et [>5 milliards] d'euros pour CDC). Le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans l'Union par au moins deux entreprises concernées dépasse 250 millions d'euros ([>250 millions] pour Veolia Environnement et [>250 millions] pour CDC). Seule CDC a enregistré plus de deux tiers de son chiffre d'affaires de l'Union en France. Par conséquent, la présente opération a une dimension européenne.

IV. ANALYSE DE LA DEMANDE DE RENVOI

 10. Par lettre datée du 20 Juillet 2010 ("la demande de renvoi"), dans le délai visé à l'article 9, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, la République française a demandé le renvoi à l'Autorité de la concurrence de la présente concentration en ce qui concerne toutes les activités des Parties en France, en vue d'un examen de ladite concentration selon le droit national de la concurrence. La demande de renvoi est fondée sur l'article 9(2)(a) du Règlement sur les concentrations.

11.  L'Autorité de la concurrence considère i) que l'opération proposée menace  d'affecter de manière significative la concurrence sur le marché du transport urbain de voyageurs hors Île-de-France, le marché du transport routier interurbain de voyageurs hors Ile-de-France, le marché du transport public de voyageurs en Ile- de-France et ii) que ces marchés affectés sont distincts d'autres marchés nationaux et sont de dimension au plus nationale voire infranationale. Elle souligne également que l'opération pourrait avoir un impact sur les marchés accessoires des services d'assistance technique aux exploitants de réseaux de transport de voyageurs et d'auto partage de véhicules, marchés qui devraient également être distincts. A titre subsidiaire, l'Autorité de la concurrence fait valoir qu'elle possède une bonne connaissance des marchés concernés3.

12. Il y a lieu de noter que Veolia Transport et Transdev sont également actifs sur le marché du transport public de voyageurs aux Pays-Bas ainsi que dans d'autres pays européens. Veolia Transport et Transdev sont par ailleurs actifs sur le marché du transport international de voyageur par autocar.

13. La Commission considère qu'il convient de répondre favorablement à la demande de renvoi.

IV.1 Le marché du transport urbain hors Île-de-France

 Définition de marché : caractère distinct.

 Marché de produit

 14. En ce qui concerne le marché de produit, en cohérence avec la pratique décisionnelle de la Commission4, l'enquête de marché a confirmé que le marché du transport urbain, qui fonctionne par appel d'offres passés par les autorités organisatrices de transport ("AOT") constitue un marché distinct du marché du transport interurbain. Les Parties conviennent de l'existence d'un tel marché.5

15. Au sein de ce marché, l'enquête de marché indique qu'une segmentation plus fine, à laquelle ne souscrivent pas les Parties, peut être envisagée, qui conduit à distinguer selon le mode de transport utilisé. Ainsi, l'exploitation de modes de transport dits "lourds" (métro, tramway) en ce qu'elle requiert une expertise technique et une expérience particulière, n'est pas substituable, du coté de l'offre, à l'exploitation de modes de transport dits "légers", pour lesquels les barrières à l'entrée sont moins importantes. Le caractère spécifique des services offerts par les Bus à Haut Niveau de Service ("BHNS") soulève également une incertitude quant à l'appartenance ou non  de ce type de prestation au marché des modes lourds.

16. En tout cas, la définition exacte du marché de produit peut rester ouverte puisque l'analyse concurrentielle de la présente concentration ainsi que l'analyse du bien fondé de la demande restent inchangées quelle que soit la définition retenue.

Marché géographique

 17.Conformément à la pratique de l'Autorité de la concurrence, les Parties estiment que la dimension du marché du transport urbain en France est nationale. L'enquête de marché a confirmé dans une très large mesure cette approche.

18. En effet, si aucune barrière formelle n'existe de nature à empêcher les opérateurs étrangers de répondre aux appels d'offres, l'analyse des conditions dans lesquelles les appels d'offres ont été effectivement remportés fait néanmoins clairement état des difficultés à s'implanter en France que rencontrent ces opérateurs. Parmi ces difficultés, les éléments suivants ressortent de l'enquête de marché: (i) le fait que les appels d'offres sont publiés en français, (ii) des considérations de nature politique, qui peuvent parfois nourrir certaines réticences des AOT à octroyer des marchés sensibles à des entreprises non françaises dont la part de marché - et donc l'expérience locale - est limitée, (iii) l'existence de problématiques sociales complexes dans le transport urbain français qui sont source de contraintes organisationnelles fortes notamment en matière de reprise du personnel de l'opérateur sortant.

19. Dans ce contexte, des opérateurs étrangers (tels que Vectalia, Car Postal), présents marginalement en France, exercent une pression concurrentielle limitée, qui ne justifie pas aujourd'hui d'analyser le marché à une échelle géographique plus large que le territoire français6.

20. Pour l'ensemble de ces raisons, ainsi que le soutient l'Autorité de la concurrence, et sans qu'il soit besoin de trancher la question de l'existence d'un segment couvrant les modes de transport "lourds" de transport, les conclusions de l'analyse concurrentielles n'étant pas affectées, le marché du transport urbain hors Île-de- France constitue un marché distinct.

Analyse concurrentielle: menace d'affectation significative de la concurrence

 21. La transaction, en ce qu'elle fait disparaître l'un des principaux prestataires de services sur le marché du transport urbain hors Île-de-France, déjà caractérisé pré- transaction par la présence d'un nombre réduit d'acteurs, peut s'analyser, ainsi que le souligne l'Autorité de la concurrence, en termes d'effets horizontaux unilatéraux et coordonnés.

22. En ce qui concerne les effets unilatéraux, la présente opération conduira à la création du premier opérateur en nombre de réseaux opérés, et du deuxième opérateur en termes de chiffre d'affaires (derrière Keolis), comme le montre le tableau ci-dessous7:

 

 

 

Réseaux

 

%

Chiffre d'affaires (en M d'€)

 

%

Veolia

[CONFIDENTIEL]

[30-40]%

[CONFIDENTIEL]

[20-30]%

Transdev

[CONFIDENTIEL]

[10-20]%

[CONFIDENTIEL]

[10-20]%

Nouvelle entité

[CONFIDENTIEL]

[40-50]%

[CONFIDENTIEL]

[30-40]%

Keolis (SNCF)

[CONFIDENTIEL]

[30-40]%

[CONFIDENTIEL]

[50-60]%

RATP Dev

[CONFIDENTIEL]

[5-10]%

[CONFIDENTIEL]

[0-5]%

groupes       étrangers (Vectalia, Car Postal)

 

[CONFIDENTIEL]

 

[5-10]%

 

[CONFIDENTIEL]

 

[0-5]%

indépendants

[CONFIDENTIEL]

[10-20]%

[CONFIDENTIEL]

[0-5]%

TOTAL

[CONFIDENTIEL]

100%

[CONFIDENTIEL]

100%

Source: Formulaire de notification

23.  La part de marché combinée des Parties, sur un éventuel marché distinct des modes de transport urbains "lourds", serait substantiellement plus élevée, puisqu'elle atteindrait [60-70]% (en nombre de réseaux).

24. Dans ce contexte, l'enquête de marché a montré qu'une majorité des clients, ainsi que tous les concurrents, s'attendent à ce que l'opération proposée entraîne des effets négatifs significatifs. En effet, l'opération aboutira à la diminution du nombre de candidats potentiels aux appels d'offres, alors même que les conditions de marché pré-concentration se caractérisent par un nombre élevé de situations dans lesquelles des appels d'offres ne reçoivent déjà que deux candidatures. L'opération notifiée par les Parties aboutirait à réduire le nombre de candidatures pour un grand nombre d'appels d'offres, particulièrement pour les réseaux les plus importants. [CONFIDENTIEL].

25. Par ailleurs, des incertitudes importantes, confirmées par l'enquête de marché, existent en ce qui concerne la capacité de la RATP, via sa filiale RATP Dev, à s'établir rapidement comme un offreur crédible sur le marché8.

26. En outre, l'analyse des informations transmises par les parties notifiantes montre que depuis 2005, [CONFIDENTIEL] appels d'offres de remplacement d'un opérateur ont été organisés dont [CONFIDENTIEL] ont abouti à un changement d'opérateur. Sur cette période, Transdev a remporté [CONFIDENTIEL] nouveaux contrats essentiellement en remplacement de Keolis. Toutefois, Veolia a remporté [CONFIDENTIEL] nouveaux contrats remplaçant [CONFIDENTIEL] fois Keolis et [CONFIDENTIEL] fois Transdev, ces derniers remplacements ayant lieu dans  les villes globalement quatre fois plus peuplées que celles où Veolia a remplacé Keolis. La contrainte concurrentielle exercée par Veolia vis-à-vis de Transdev est donc importante.

27. En ce qui concerne les effets coordonnés, la présente opération conduira à une situation de marché caractérisée par la présence de deux principaux acteurs (Veolia Transdev d'une part et Keolis d'autre part) qui opéreront [CONFIDENTIEL]% des réseaux représentant [CONFIDENTIEL]% du marché en termes de chiffre d'affaires.

28.  Compte tenu de la relative stabilité des parts de marché et d'un degré important de transparence lié à la publication par les AOT des résultats des appels d'offres et au caractère public de leurs délibérations en la matière, un risque d'effets coordonnés sur ce marché ne peut, à ce stade, être écarté.

29. A cet égard, l'enquête de marché a mis en évidence que des clients considèrent que le risque d'entente sera accru par l'opération.

30.  Il convient également de souligner, ainsi que le rappelle l'Autorité de la concurrence dans sa lettre du 20 juillet 2010, que Veolia, Transdev, et Keolis ont été sanctionnés par elle en juillet 2005 pour une entente portant sur une répartition des marchés des transports publics urbains de voyageurs.

Conclusion préliminaire

31. Il résulte des considérations précédentes que l'opération concerne le marché  distinct du transport urbain hors Ile-de-France, marché sur lequel les risques  d'effets unilatéraux ou coordonnés mis en exergue par l'enquête de marché permettent d'établir que l'opération menace d'affecter significativement la concurrence.

IV.2. Le marché du transport routier interurbain en France

 Définition de marché : caractère distinct.

 Marché de produit

 32.  En ce qui concerne le transport interurbain, quatre principales catégories de prestations existent: les services réguliers (y compris les transports scolaires)9, dont les tarifs et les horaires sont fixes et publiés à l'avance, les services à la demande, établis en fonction de la demande des usagers; les services privés comme le transport du personnel d'entreprises, et les services occasionnels. Les parties considèrent qu'une segmentation des marchés de service du transport interurbain n'est pas justifiée, dans la mesure où les clients sont souvent identiques (les autorités publiques locales, en premier lieu les départements et certains syndicats intercommunaux) ainsi que les moyens humains et matériels. Les parties considèrent également qu'une entreprise active dans le transport interurbain de voyageurs est en mesure de s'adapter à une demande nouvelle sans que cela nécessite des adaptations trop longues ou l'engagement de frais importants.

33. L'enquête de marché a confirmé qu'il n'est pas nécessaire, d'opérer des segmentations plus fines à l'intérieur du marché du transport routier interurbain10.

34.  En tout cas, la définition exacte du marché de produit peut rester ouverte puisque l'analyse concurrentielle de la présente concentration ainsi que l'analyse du bien fondé de la demande restent inchangées quelle que soit la définition retenue.

Marché géographique

 35. Tout en reconnaissant l'importance des considérations locales et la forte présence d'opérateurs locaux, les Parties, compte tenu de la présence d'acteurs de taille nationale, estiment que le marché est de dimension nationale.

36.  L'enquête de marché, toutefois, tend à confirmer que ce marché serait de dimension infranationale, ainsi que le soutient l'Autorité de la concurrence.

37. La Commission considère que le marché aurait une dimension au plus nationale, et le plus vraisemblablement infranationale.

Analyse concurrentielle: menace d'affectation significative de la concurrence

 38.  Au niveau national, les Parties indiquent que la part de marché de la nouvelle entité serait de [20-30]% contre [10-20]% pour Keolis et [60-70]% pour des plus petits groupes  actifs  principalement  au  niveau  départemental  et  régional.  L'opération ferait sortir du marché l'un des principaux offreurs, tout en faisant de la nouvelle entité le premier offreur.

39. Au niveau départemental, la nouvelle entité détiendrait une part de marché supérieure à [40-50]% dans au moins cinq départements: Eure-et-Loir, Moselle, Vaucluse, Loir-et-Cher, Var. L'enquête de marché a quant à elle fourni des  éléments qui suggèrent que la part de marché pourrait excéder [60-70]% dans 2 autres départements (Marne, Meuse).

40. Au-delà des parts de marché, plusieurs éléments qualitatifs attestent de la puissance qu'aurait sur le marché la nouvelle entité.

41. D'une part, il semble que certains départements choisissent de manière croissante de lancer des appels d’offres uniques pour l’ensemble des lignes, à la place d’appels d’offres divisés en multiples lots. Les grands groupes, tels que la nouvelle entité, sont naturellement plus à même de répondre à ces appels d'offres pour lesquels les économies d'échelles et la capacité à gérer des flux logistiques complexes constituent un avantage concurrentiel.

42. D'autre part, l'enquête de marché a confirmé que le marché du transport interurbain se caractérise par l'existence de barrières à l'entrée liées à la nécessité pour l'opérateur de posséder ses propres véhicules et ses dépôts dans la zone desservie, même si en théorie la participation aux appels d'offres est ouverte à la fois aux opérateurs internationaux et français.

43. En outre, l'enquête de marché a montré un renforcement des plus importants groupes privés sur certaines parties du territoire français, avec la création ou la consolidation d'une position prépondérante de la nouvelle entité sur certains marchés locaux situés dans le Sud et l'Est de la France. Ce renforcement spécifique sur des zones géographiques particulières serait susceptible de conférer à Veolia Transdev un avantage concurrentiel significatif, par le biais d'économies d'échelles réalisées entre les différents réseaux au sein d'une même zone (notamment en ce  qui concerne la maintenance, les services généraux, etc.)11. Ainsi, il serait particulièrement difficile pour un concurrent non-implanté dans une telle zone géographique de proposer une offre compétitive.

44. Enfin, bien qu'au cours des années récentes le taux de rotation des opérateurs lors des appels d'offres semble avoir augmenté, l'enquête a montré que généralement les concessions sont encore fréquemment renouvelées aux mêmes opérateurs qui sont déjà concessionnaires, en raison en particulier d'une meilleure connaissance des services sur lesquels il(s) soumissionne(nt).

Conclusion préliminaire

45.  Il résulte des considérations précédentes que la transaction intervient dans un secteur où la concurrence est déjà limitée et devrait entraîner de plus grandes difficultés pour les AOT pour changer d'opérateur. C'est en particulier le cas dans certains départements où les parties ont déjà des positions significatives. Il apparaît en conséquence que la transaction menace d'affecter significativement la concurrence sur le ou les marchés du transport interurbain en France.

IV.3. Le marché des transports publics de voyageurs en Île-de-France

 Définition de marché : caractère distinct.

 Marché de produit

 46. Le marché du transport public de voyageurs en Île-de-France est organisé de manière très spécifique, qui résulte d'un cadre législatif particulier12.

47. Les transports publics dans la région Île-de-France sont en effet largement structurés autour du réseau ferroviaire et routier de la RATP, qui bénéficie d’un monopole historique à Paris et dans la proche banlieue, mais dont les activités s'étendent également au-delà de ce périmètre13. Le monopole de la RATP concerne les services routiers (bus)14, mais aussi le transport ferroviaire "léger"  (métro, tram), tandis que la SNCF opère des services de transport ferroviaire lourd en Île- de-France (Réseau Express Régional RER, et Train Express Régional TER).

48. Compte-tenu du régime juridique qui accorde un monopole à la RATP et à la  SNCF à Paris et pour tous les modes de transport "lourds", la concurrence ne peut s’exercer que pour certaines lignes de bus situées dans la grande banlieue. Toutefois, sans préjudice de l'évolution des procédures d'attribution des lignes (voir infra) la gestion de ces lignes est, en l'état, octroyée par l’autorité organisatrice (Syndicat des Transports d'Île-de-France - STIF), sans procédure de mise en concurrence, aux opérateurs de bus obligatoirement membres de l’association Optile15.

49.  Les Parties considèrent que, compte tenu du statut particulier conféré par la loi française à cette région, et en cohérence avec la pratique décisionnelle des autorités françaises16, le marché du transport public de voyageurs en Île-de-France constitue un marché distinct du reste du territoire français. Dans leur demande de renvoi, les autorités françaises considèrent également que le marché du transport public de voyageurs en Île-de-France représente un marché pertinent distinct pour l'analyse de l'opération concernée.

50. L'enquête de la Commission a confirmé sans ambigüité que, du fait de son organisation spécifique et du monopole de la RATP, le marché du transport public de voyageurs en Île-de-France représentait un marché distinct des autres marchés de transport en France.

51. En tout cas, la définition exacte du marché de produit peut rester ouverte puisque l'analyse concurrentielle de la présente concentration ainsi que l'analyse du bien fondé de la demande restent inchangées quelle que soit la définition retenue.

Marché géographique

 52. Les Parties considèrent que la dimension géographique de ce marché est limitée à l'Île-de-France, de manière cohérente avec la Commission qui a considéré que ce marché était de dimension "au plus nationale, voire limitée à l'Île–de-France"17. Cette délimitation géographique a été confirmée par l'enquête de marché.

53. En tout état de cause, la définition exacte du marché géographique peut rester ouverte puisque l'analyse concurrentielle de la présente concentration ainsi que l'analyse du bien fondé de la demande restent inchangées quelle que soit la définition retenue.

Analyse concurrentielle: menace d'affectation significative de la concurrence

 54. Comme mentionné ci-dessus, la situation concurrentielle actuelle du marché du transport public de voyageurs en Île-de-France est singulière compte-tenu du régime juridique qui accorde un monopole à la RATP et à la SNCF à Paris et pour tous les modes de transport moins lourds. Dès lors, la concurrence ne peut  s’exercer que pour certaines lignes de bus situées dans la grande banlieue, la gestion de ces lignes étant attribuée par l’autorité organisatrice (STIF) sans procédure de mise en concurrence, aux opérateurs de bus obligatoirement membres de l’association Optile18 (voir supra).

55. Sur le marché hors monopole des transports publics en Île-de-France, les Parties détiennent une part de marché combinée d'environ [50-60]% (en termes de chiffre d’affaires). Le concurrent le plus important, Keolis, réalise un chiffre d’affaires  plus de trois fois inférieur.

56. Par ailleurs, le STIF est actuellement en train de passer progressivement d'une procédure d'attribution directe des lignes (contrats dits "T1") à une mise en concurrence par appels d'offres (contrats dits "T2").

57.  L'enquête de marché a mis en évidence qu'à l'issue de l'opération, le STIF fera face à une entité disposant d'une part de marché très importante. En tout cas, l'opération entraînerait une réduction du nombre de concurrents potentiels (de grande dimension) pour la gestion de lignes en Île-de-France de quatre à trois (Keolis, RATP et l'entité fusionnée).

Conclusion préliminaire

58. Il résulte des considérations précédentes que la transaction menace d'affecter significativement la concurrence sur le ou les marchés des transports publics de voyageurs en Île-de-France.

V. ELEMENTS COMPLEMENTAIRES

 59.  Si l'enquête de marché n'a pas permis d'établir de risques portant sur les autres marchés accessoires, l'opération se traduit par la création d'un nouvel acteur central du transport. Dans ce contexte, compte tenu de la convergence croissante des modes de transport et de l'évolution des habitudes de déplacement (pour ce qui a trait notamment à l'intermodalité), des synergies importantes au bénéfice de la nouvelle entité peuvent résulter de l'opération notifiée par les Parties19.

60. Dans sa demande, l'Autorité de la concurrence fait état d'une série de raisons qui, selon elle, la rend particulièrement apte à connaître de cette opération, parmi lesquelles :

(i)  le fait qu'à plusieurs reprises, elle a été amenée à examiner les marchés concernés, qu'il s'agisse d'opérations de concentration20, ou de décisions portant sur des pratiques anticoncurrentielles21.

(ii)le fait qu'elle a examiné l'opération de reprise, par la RATP, de certains actifs  des groupes Veolia Transport et Transdev, laquelle lui a été notifiée en date du  21 juin 2010, et qui est liée à la transaction objet de la présente décision. Elle a autorisé cette concentration en date du 27 juillet 2010.

VI. CONCLUSION

 61. Eu égard aux considérations qui précèdent, les conditions d'un renvoi au titre de l'article 9, paragraphe 2, point a), du règlement sur les concentrations sont réunies. La Commission considère également que l'Autorité de la concurrence est la plus appropriée pour examiner la présente concentration, en ce qui concerne la partie de la transaction relative à la France, eu égard aux particularités de l'affaire ainsi qu'aux instruments et à l'expertise dont l'Autorité dispose. La Commission estime donc qu'en l'espèce, il est approprié d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l'article 9, paragraphe 3, point b), du règlement sur les concentrations et d'accepter la demande de renvoi.

62.  Cette décision ne préjuge en rien d'une éventuelle infraction aux dispositions du TFUE relatives aux aides d'Etat ou d'autres dispositions du droit de l'Union européenne.

63. Par décision de ce jour, la Commission a renvoyé la partie néerlandaise de l'affaire à l'autorité de la concurrence néerlandaise (Nederlandse Mededingingsautoriteit),  et a autorisé l'opération en ce qui concerne ses effets pour le reste de l'EEE.

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article 1

 Le projet de concentration notifié par lequel Veolia Environnement et la Caisse des Dépôts et Consignations acquièrent le contrôle conjoint de Veolia Transdev est renvoyé aux autorités compétentes de la République française, conformément à l'article 9, paragraphe 3, point b), du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, pour ce qui concerne la totalité des effets de l'opération en France.

Article 2

 La République française est destinataire de la présente décision.

 

 

 

1  JO L 24 du 29.1.2004, p. 1. À compter du 1er  décembre 2009, le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne («TFUE»)    a introduit certains changements, tels que le remplacement des termes

«Communauté» et «communautaire(s)» par les termes «Union» ou «de l'Union», ainsi que des  termes

«marché commun» par les termes «marché intérieur». La terminologie du TFUE sera utilisée dans la totalité de la présente décision.

2  Service de location d’automobiles en libre-service.

3  Décision SNCF/Keolis N°10-DCC-02 du 12 janvier 2010, Décision N°05-D-39 du 5 juillet 2005, Avis du 4 novembre 2009 sur le secteur du transport public terrestre de voyageurs.

4  Voir Décision COMP/M.5557 SNCF/CDPQ/KEOLIS/EFFIA, paragraphe 27.

5  Comme confirmé par l'enquête de marché, ces deux marchés se distinguent par des prestations de nature différente, liées à des matériels spécifiques (bus, tramway et métro pour le transport urbain, autocars pour le transport interurbain). De plus, les AOT sont différentes en ce qui concerne le transport urbain et le transport interurbain.

 6  Voir décision COMP/M.5557 SNCF/CDPQ/KEOLIS/EFFIA, paragraphe 42.

7  Sans compter les régies (entités publiques gérant un réseau de transport dans leur zone de  compétence)  et sociétés d'économies mixtes (entités semi-publiques gérant un réseau de transport   dans leur zone de compétence), qui n'ont pas vocation à répondre à des appels d'offres en dehors de leur zone de compétence.

8  Une distinction entre transport interurbain régulier et transport scolaire a été envisagée par  les  autorités françaises de concurrence mais la question a été laissée ouverte.

9  Par exemple, les services scolaires peuvent par exemple faire l'objet d'un lot spécifique lors d'un appel d'offres lobal organisé par une AOT.

10  De surcroît, des économies d'échelles seraient également susceptibles de s'exercer avec les réseaux urbains présents au sein des mêmes zones.

11 Le cadre juridique est fixé par l'ordonnance de 1959 relative à l'organisation de transports de  voyageurs dans la région parisienne et le décret du 14 novembre 1949 relatif à la coordination et à l'harmonisation des transports ferroviaires et routiers. La LOTI n'est pas applicable  en Île de France.

12 La RATP est également présente sur le marché hors-monopole en Ile-de-France, par le biais de sa filiale RATP Dev – cf. infra.

13 La loi prévoit la mise en concurrence de l'ensemble des services routiers en 2024.

14  Organisation professionnelle des transports d’Ile-de-France. Cette association est l'interlocuteur  unique de l'autorité organisatrice, le STIF, et fédère tous les opérateurs de bus afin de gérer le plan de transport dans la région. Par ailleurs, l'ensemble des opérateurs d'Optile dont font partie Transdev et Veolia  ne représente qu'environ [5-10]% de l'activité économique gérée par le STIF.

15  Lettre du Ministre de l'Economie du 28 mai 2008 Transdev /Espaces.

12 Décision M.5557 SNCF/CDPQ/KEOLIS/EFFIA, paragraphe 40.

13 Les transports publics en Ile-de-France représentent un budget d'environ 7,4 Milliards d'Euros, dont environ 570 Millions pour le marché des bus hors monopole de la RATP.

12 Voir décision article 9 COMP/M.5557 SNCF/CDPQ/KEOLIS/EFFIA, paragraphe 66.

13  Par exemple, décision sur le dossier SNCF/Keolis N°10-DCC-02 du 12 janvier 2010.

Par exemple, décision N°05-D-39 du 5 juillet 2005 qui a sanctionné