Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 29 octobre 2020, n° 19/04527

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

L'Ours (SCEA)

Défendeur :

Sudwin (Sarlu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Conseillers :

M. Fohlen, Mme Berquet

Avocat :

Me Cabanas

TGI Nice, du 23 janv. 2019

23 janvier 2019

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Le 15 novembre 2013, la SCEA L'OURS a conclu un contrat d'agent commercial pour une durée indéterminée avec la société SUDWIN qui s'est engagée à promouvoir et à négocier la vente de vin produit par la SCEA L'OURS sur le secteur géographique des Alpes Maritimes et de Monaco ainsi qu'auprès de la clientèle CHR, grossistes, cavistes, entreprises et particuliers, secteur dans lequel l'agent commercial bénéficie de l'exclusivité.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 décembre 2015, la SCEA L'OURS a signifié à la SARLU SUDWIN la rupture de contrat à échéance du 31 décembre 2015 en se prévalant de l'absence d'acquisition de nouveaux clients et de l'absence de promotion du domaine et de ses produits, et du fait de ne pas avoir été informée d'une cession de parts de la société SUDWIN à un tiers en violation des dispositions de l'article 8 du contrat d'agent commercial.

Par acte du 24 mars 2016, la SARLU SUDWIN a fait assigner la SCEA L'OURS pour la voir condamner à lui payer la somme principale de 11 097,47 à titre de dommages et intérêts, lui reprochant d'avoir abusivement procédé à la rupture de leurs relations.

Par jugement du 23 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Nice a débouté la SCEA L'OURS de ses demandes, et l'a condamné à payer à la société SUDWIN, avec exécution provisoire :

La somme de 11 097,47 en principal à titre de dommages et intérêts, indemnité égale aux deux dernières années de commissions reçues,

La somme en principal de 5 499,15 à titre de commissions sur la vente de BIB PETIT OURS ROSE,

La somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

La société SCE L'OURS a relevé appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 19 mars 2019.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 31 août 2020 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 21 septembre 2020.

Vu les conclusions de la SCEA L'OURS du 26 septembre 2019, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles elle demande à la cour de :

REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Nice le 23 janvier 2019 en ce qu'il a :

- débouté la SCEA L'OURS de l'ensemble de ses demandes

- condamné la SCEA L'OURS à payer à la société SUDWIN la somme en principal de 11 097,47 à titre de dommages et intérêts, indemnité égale aux deux dernières années de commission reçues

- condamné la SCEA L'OURS à payer à la société SUDWIN la somme de 5 499,15 à titre de la commission sur la vente de BIB PETIT OURS ROSE

- condamné la SCEA L'OURS à payer à la société SUDWIN la somme de 1 500,00 en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamné la SCEA L'OURS aux entiers dépens

Et statuant à nouveau,

A TITRE PRINCIPAL :

DIRE ET JUGER que c'est à bon droit que la société L'OURS a résilié le contrat d'agent commercial qui la liait à la société SUDWIN,

DIRE ET JUGER que la société SUDWIN a commis une faute grave de nature à justifier la privation de toute indemnité de rupture,

DEBOUTER en conséquence la société SUDWIN de toute demande formulée à ce titre à l'encontre de la société L'OURS,

CONSTATER que le contrat d'agent commercial conclu entre les parties le 15 novembre 2013 ne portait pas sur la commercialisation du vin rosé de la gamme PETIT OURS commercialisé sous forme de bib,

DIRE ET JUGER en conséquence qu'aucune commission n'est due à la société au titre de ces ventes,

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- RAMENER à la somme de 9 246,95 le montant des dommages et intérêts.

- RAMENER à la somme de 4 467,00 le montant de la somme due au titre des commissions sur la vente des bibs de rosé.

EN TOUT ETAT DE CAUSE, condamner la société SUD WIN à verser à la société L'OURS la somme de 3 000,00 en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens distraits au profit de Me Laura CABANAS, Avocat sur son affirmation de droit.

Vu les conclusions de la société SUDWIN du 1er août 2019, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu l'article 46 du code de procédure civile, Vu l'article L.134-12 alinéa 1er du code de commerce, Vu le contrat en date, à COTIGNAC, du 15 novembre 2013,

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement en date du 23 janvier 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de NICE,

Y ajoutant,

CONDAMNER également la SCEA L'OURS à payer à la société SUDWIN la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La CONDAMNER aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître X, sur sa due affirmation

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la faute grave de l'agent commercial

L'article L. 134-12 du code de commerce énonce qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandat, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'article L. 134-13 dispose que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due quand la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent.

La faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel. Il appartient au mandant d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, la SCEA L'OURS soutient tout d'abord qu'en 2013, son seul et unique client, à l'égard duquel elle se trouvait en dépendance économique, la société Y lui a imposé de faire appel aux services de la société SUDWIN, que le gérant de cette société n'en, a réalité, travaillé que pour cette société, et n'a pas exécuté le contrat d'agent commercial en bon professionnel.

Elle affirme que la société SUDWIN a, d'une part, négligé de prospecter la clientèle en ne faisant pas la promotion du vin produit par elle, qu'en deux ans, elle n'a rapporté aucun client nouveau, la société Y qui était cliente avant la conclusion du contrat est restée la seule cliente, et d'autre part la société SUWIN n'a jamais rendu compte à son mandant de l'état du marché, du comportement de la clientèle et des initiatives de la concurrence, comme elle en avait l'obligation en application de l'article 4 du contrat, de sorte qu'une faute grave privative de l'indemnité de rupture est caractérisée.

Les factures de commissions sur ventes versées aux débats par la SCEA L’OURS en pièce 8 sont toutes effectivement des factures concernant des ventes à la société Y et la société SUDWIN ne fait pas non plus état de nouveaux clients démarchés. Pour autant force est de constater que la SCEA L'OURS ne verse pas d'autres pièces à l'appui de ses affirmations. Si les attestations versées aux débats par la société SUDWIN, et dont les signataires font état des démarches de prospection (participation à des portes ouvertes ou à des tournées) sont insuffisantes pour emporter la conviction de la cour dès lors qu'elles émanent du l'ancien gérant de la société SUDWIN, M. Z, et de personnes employées par la société SUDWIN, à l'exclusion de clients ou tiers, il convient de rappeler que la charge de la preuve d'une faute grave incombe au mandant, en l'occurrence à la SCEA L'OURS. La pièce 5 que la SCEA L'OURS invoque pour établir que sa propre prospection après rupture du contrat a porté ses fruits, s'agissant d'un document établi sur papier libre et sans référence de date, n’a pas de valeur probante.

La SCEA L'OURS, alors qu'elle fait le reproche d'une faute grave par absence de prospection pendant les deux années d'exécution du contrat, ne justifie d'aucune lettre à son agent commercial pour le mettre en demeure de respecter les termes du contrat, et que l'activité s'évince des relevés de commissions et factures versés aux débats (pièce 8). Il en est de même pour le grief selon lequel l'agent n'aurait adressé aucun compte-rendu écrit à son mandant. Il s'en infère que le comportement de l'agent a été toléré, de sorte qu'une faute grave ne peut être retenue à ces deux titres.

La SCEA L'OURS justifie également la rupture sans indemnité du contrat d'agent commercial, considérant que le fait pour la société SUDWIN d'avoir procédé à une cession de ses parts sociales à un tiers sans l'informer constitue une faute au regard des dispositions de l'article 8 du contrat d'agent commercial.

L'article 8 du contrat susvisé envisage la transmission du mandat à un successeur par la société SUDWIN et la faculté pour le mandant de s'y opposer. Il stipule qu'en cas de refus non motivé par une cause réelle et sérieuse, l'agent commercial recevra une indemnité égale aux deux dernières années de commissions reçues. Les dispositions de l'article 8 ne visent pas l'hypothèse d'une cession à un tiers des parts sociales de la société SUDWIN, qui au demeurant dans ce cas, reste liée par le contrat d'agent commercial à la SCEA L'OURS. Aucune faute grave n'est donc caractérisée à ce titre, de sorte que l'agent est bien-fondé à solliciter une indemnité de fin de contrat. Le jugement critiqué sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation

La SCEA L'OURS ne rapportant pas la preuve d'une faute grave de l'agent commercial, seule susceptible de faire obstacle au droit à indemnisation de l'agent commercial, c'est à bon droit que le premier juge a retenu qu'en l'absence de faute grave avérée, l'indemnité de fin de contrat était due.

La SCEA L'OURS conteste le montant de l'indemnité au paiement de laquelle elle a été condamnée en première instance, soutenant que le calcul s'effectue sur le montant hors taxe des commissions perçues, et la société SUDWIN sollicitant la confirmation de la décision du premier juge.

Il sera observé que la rémunération, hors taxe, de l'agent correspond au montant des commissions fixé sur le prix hors taxe (cf. annexe 1 du contrat ), que l'indemnité de fin de contrat due n'est pas soumise à TVA.

Il n'y a pas lieu de retenir dans l'assiette de calcul de l'indemnité le montant TTC mais bien le montant HT, de sorte que l'indemnité due est de 9 246,95 euros aux lieu et place de la somme de 11 097,47 euros. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les ventes de bibs de vin rosé pour un montant de 54 992,50 euros

La société L'OURS soutient ne pas devoir de commissions au titre de ces ventes, ce type de produit n'entrant pas dans la gamme des produits faisant l'objet du contrat en application des articles 1 et 3 du contrat, ce qui est contesté par la société SUDWIN.

L'article 1 renvoie à l'article 3 quant à la détermination des produits concernés par le contrat. L'article 3 du contrat énonce que

« Le mandant confié à l'agent porte sur la totalité des produits (ou services) fabriqués ou commercialisées par le mandant.

La gamme de ces produits est précisée dans le document en annexe 1. »

L'annexe 1 vise :

Les bouteilles de vin rosé de 75 cl de la cuvée GRIZZLY

Les bouteilles de vin blanc de 75 cl de la cuvée NANOOK,

Les bouteilles de vin rouge de 75 cl sans précision de cuvée.

Il sera observé qu'il n'est pas contesté que la société SUDWIN n'a pas réclamé en son temps de commission au titre de cette vente.

Au regard de ces dispositions contractuelles interprétées à la lumière de la commune intention des parties, laquelle résulte de leur comportement, il y a lieu de dire qu'aucune commission n'est due à ce titre par la SCEA L’OURS à la société SUDWIN. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Il convient de condamner la SCEA L'OURS qui succombe en sa demande principale, à payer à la société SUDWIN une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement attaqué uniquement en ce qu'il a condamné la SCEA L'OURS à régler à la société SUDWIN la somme de 11 097,47 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat et la somme de 5 499,15 euros au titre de commissions sur la vente de BIB PETIT OURS,

Confirme le jugement attaqué dans l'intégralité de ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne la SCEA L'OURS à régler la somme de 9 246,95 euros à la société SUDWIN au titre de l'indemnité de fin de contrat,

Déboute la société SUDWIN de sa demande en paiement de la somme de 5 499,15 euros au titre de commissions sur la vente de BIB PETIT OURS ROSE,

Condamne la SCEA L'OURS à payer à la société SUDWIN une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,

Condamne la SCEA L'OURS aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.