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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 29 octobre 2020, n° 19/08453

LYON

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Medex MBI (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wyon

Conseillers :

Mme Clément, Mme Isola

Avocats :

Selarl Active Avocats, Me Rebufat, SELARL Laffly & Associés - Lexavoué Lyon

T. com. Gap, du 9 janv. 2015

9 janvier 2015

La société par actions simplifiée X, distributeur de boissons entretient depuis 1992 des relations commerciales avec la société Medex MBI, exerçant une activité de fournitures de logiciels spécifiques, par type de métiers. Le 28 juin 2008, elle a passé à la société Medex MBI une commande portant sur un logiciel spécifique.

Se plaignant de dysfonctionnements, la société X a saisi le tribunal de commerce de Gap qui, par jugement du 15 juin 2012, a ordonné une mesure d'expertise du système informatique qui lui avait été vendu.

Après le dépôt du rapport, la société X a assigné, par acte du 27 mai 2013, la société Medex MBI afin de la voir condamner à lui rembourser le montant de la facture réglée, ainsi que des dommages-intérêts au titre du préjudice subi et pour résistance abusive. La société Medex MBI a formé de son côté, une demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie.

Par jugement du 9 janvier 2015, le tribunal de commerce de Gap a :

- homologué le rapport d'expertise,

- déclaré la société X recevable mais mal fondée en sa demande,

- condamné la société X au paiement de toute somme dont elle resterait débitrice vis-à-vis de la société Medex MBI,

- constaté la rupture abusive à l'initiative de la société X de ses relations commerciales avec la société Medex MBI,

- condamné la société X à payer à la société Medex MBI la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts pour le préjudice subi, outre 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- et débouté la société Medex MBI de toutes ses autres demandes.

La société X a interjeté appel de cette décision et assigné M. Y en sa qualité de liquidateur de la société Medex MBI, lequel a demandé sa mise hors de cause au motif qu'il n'était pas le liquidateur de la société Medex MBI mais celui de la société Medex.

Par arrêt du 8 décembre 2016, la cour d'appel de Grenoble a :

- jugé que seule la cour d'appel de Paris était compétente pour statuer sur l'appel formé par la société Medex à l'encontre de la décision du tribunal de commerce de Gap du 9 janvier 2015

- jugé son appel irrecevable,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, et laissé les dépens d'appel à la charge de la société X.

Sur pourvoi de la société X, la cour de cassation a, par arrêt du 18 septembre 2019, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 8 décembre 2016 par la cour d'appel de Grenoble et renvoyé les parties devant la présente cour d'appel.

La cour de cassation a considéré, au visa de l'article L. 442-6, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, de l'article D. 442-3 du code de commerce, ensemble l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, que pour déclarer irrecevable l'appel de la société X, l'arrêt a retenu que le tribunal avait expressément fait application de l'article L. 442-6 du code de commerce qui était invoqué par la société Medex MBI au soutien de sa demande reconventionnelle et que seule la cour d'appel de Paris était compétente pour statuer sur le recours formé contre le jugement ; qu'en statuant ainsi, alors que, saisie de l'appel d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Gap, juridiction non spécialisée située sur son ressort, il lui appartenait de déclarer l'appel recevable, de constater, le cas échéant, le défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal pour statuer sur un litige relevant de l'article L. 442-6 du code de commerce et de statuer dans les limites de son propre pouvoir juridictionnel sur les demandes formées devant elle.

Selon déclaration du 10 décembre 2019, la société X a saisi la cour de renvoi.

Vu les conclusions récapitulatives de la société X notifiées par RPVA le 23 juillet 2020 afin d'obtenir que :

- soit réformé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Gap le 9 janvier 2015,

- la société Medex MBI soit condamnée à lui rembourser le montant de la facturation réalisée et payée soit 33 458,31 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 avril 2011,

- la société Medex MBI soit condamnée à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

- la société Medex MBI soit condamnée à lui verser la somme de 30 000 euros pour résistance abusive et celle de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Vu les conclusions notifiées par RPVA le 8 avril 2020 par la SARL Medex MBI tendant à obtenir :

- la confirmation du jugement rendu par le tribunal de commerce de Gap en ce qu'il a débouté la société X de ses demandes,

- sauf à porter à la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi au titre de la rupture abusive de son contrat de prestation de services en violation de l'article 1147 du code civil, lui allouer la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et une indemnité de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- que la société X soit déboutée de l'ensemble de ses demandes complémentaires et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure, du 16 septembre 2020 ;

MOTIFS ET DECISION

La société X fait essentiellement valoir qu'elle a demandé une étude à la société Medex MBI (ci-après Medex), qu'une commande a été réalisée le 25 juin 2008, qu'au terme de trois ans de difficultés continues, elle a informé son co-contractant qu'elle ne pouvait utiliser le matériel et qu'elle allait solliciter du tribunal la désignation d'un expert.

Elle précise qu'elle est en relation contractuelle avec la société Medex depuis 1992, que celle-ci connaissait parfaitement ses besoins et son fonctionnement ainsi que son secteur géographique d'activité.

Elle reprend les conclusions de l'expert judiciaire qui a conclu que « le problème vient plutôt de l'utilisation d'un serveur de messagerie quel qu'il soit pour ce type de transfert. Il aurait été préférable de développer un système de communication directe avec contrôle de données dès réception. D'autre part, le système de transfert aurait dû évoluer très vite, au fur et à mesure de l'évolution du réseau vers des technologies plus fiables » ; que « le matériel qui a été acheté pour la saisie de commandes à distance est inutilisable ; le taux d'anomalies résiduelles après près de deux années de fonctionnement est très important, 25 concernant le programme dans le courant du premier trimestre 2011».

Elle conteste les dires de la société Medex qui impute les difficultés aux employés de la société X et soutient que les besoins de sa cliente avaient été mal définis, et indique que l'audit qu'elle a fait réaliser le 18 mars 2011 par la société CTB confirme l'avis de l'expert.

Elle critique la production par la société Medex d'attestations de ses propres salariés et d'un constat d'huissier selon lequel le système était en fonctionnement pendant l'expertise et opérationnel, alors que l'expert judiciaire a relevé que seuls quelques éléments informatiques basiques étaient utilisés et que le système d'un coût de 35 000 euros n'était pas opérationnel. Elle relève que cet huissier s'est connecté sur son serveur sans l'en informer.

Elle conteste l'expertise de M. E... que communique la société Medex et affirme qu'il ne l'a pas interrogée et qu'elle ne lui a pas montré le matériel objet du litige.

Elle fait observer qu'elle n'aurait pas réalisé de tels investissements si elle n'avait pas souhaité que ses commerciaux puissent prendre les commandes à distance, et ajoute que la société Medex, informée des difficultés, n'a pas objecté qu'il ne s'agissait pas de la commande initiale, qu'elle-même n'a pas privilégié le choix de la messagerie Gmail et que si cette messagerie n'était pas adaptée, il appartenait à la société Medex de le lui indiquer.

La société MEDEX indique que le matériel informatique a été commandé en 2008 sans mention de délai ni de cahier des charges, et qu'à aucun moment il n'a été prévu lors de la commande initiale la possibilité de procéder à une saisie à distance avec transfert des données à distance vers le serveur de la société X. Elle rappelle que les livraisons se sont succédées jusqu'au 18 décembre 2008 pour un montant total de 25 655,31 euros.

Elle précise que le 22 octobre 2009, la société X a demandé à pouvoir passer les commandes en temps réel à partir de portables utilisés par les commerciaux chez les clients par l'utilisation de données du réseau 3G, qu'elle-même a fait part de ses réticences compte tenu de l'absence de fiabilité de ce réseau en zone de montagne et qu'elle a procédé à l'adaptation du système et des programmes à titre gracieux, en opérant la facturation des nouveaux matériels nécessaires mais aucune facturation «logiciel».

Elle déclare que la qualité aléatoire du réseau 3G n'a pas permis l'envoi des commandes dans de bonnes conditions, et que la société X a sollicité la modification du système par le transfert des commandes au siège par l'intermédiaire d'une messagerie. Elle dit avoir préconisé l'utilisation de la messagerie Orange plutôt que la messagerie Gmail privilégiée par la société X qui a maintenu son choix.

Elle précise que l'imprimante laser qu'elle avait prévue a été remplacée à la demande de la société X par une imprimante à aiguilles afin que celle-ci puisse utiliser un stock de factures pré-imprimées dont elle disposait, et qu'elle a dû intervenir à de nombreuses reprises pour remédier à la qualité très aléatoire de l'impression, le tout sans facturation supplémentaire.

Elle soutient n'être débitrice que d'une obligation de moyen, comme l'a retenu le tribunal de commerce de Gap, affirme que le système commandé en 2008 fonctionne normalement, comme l'a indiqué l'expert.

Elle argue que la liste des anomalies a été établie unilatéralement par la société X, que celle-ci mentionne des difficultés mais non des erreurs pendant la période de 2009 à 2011 pour un nombre de 38 et non de 131, ce qui réduit considérablement le taux d'anomalies. Elle conclut que le travail de l'expert sur ce point doit être écarté.

Elle conclut que sur une période de trois ans seuls onze problèmes lui sont imputables et qu'elle s'est aussitôt attachée à les résoudre, jusqu'à ce que la société X interrompe son travail puis lui demande par lettre recommandée avec avis de réception du 18 avril 2011 de reprendre l'intégralité du matériel fourni et de rembourser l'intégralité des paiement opérés, et y ajoute 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Elle indique qu'un constat réalisé à sa demande le 3 mai 2011 a montré que la société X utilisait le système informatique qu'elle avait installé et qui fonctionnait parfaitement.

Elle se prévaut du rapport de l'expert judiciaire qui a qualifié le système vendu de conforme à l'usage auquel il était contractuellement destiné, et a précisé que les difficultés se situent au niveau du transfert des données. Il a estimé que l'utilisation d'un serveur de messagerie était problématique et qu'il aurait été préférable de développer un système de communication directe avec contrôle des données en réception et renvoi automatique en cas d'échec. Le transfert aurait eu lieu dès qu'un accès réseau était fiable.

Elle estime que sa responsabilité n'est pas engagée et fait observer que la société X n'a jamais restitué le matériel et s'en sert vraisemblablement encore.

Sur ce :

Par lettre du 5 juin 2008, la société Medex a communiqué à la société X les éléments de mise en place dans ses locaux d'une extension de son système informatique, pour une somme de 19 136 euros TTC.

La société X a signé une confirmation de commande datée du 25 juin 2008 qui prévoyait la fourniture et l'installation de matériel informatique, d'un logiciel et des prestations d'assistance et de formation pour une somme totale de 25 116 euros TTC.

Le contrat conclu entre les parties sous la forme du bon de commande du 25 juin 2008 par la société Medex énumère très succinctement le matériel et les logiciels fournis ; aucun cahier des charges n'a été rédigé, aucun délai d'exécution n'a été convenu, de sorte qu'il incombe à la juridiction de qualifier l'obligation liant les parties en recherchant leur commune intention.

En l'espèce, la société Medex, qui a fourni à la fois son travail et la matière, s'est engagée à assurer un travail spécifique comportant une prestation intellectuelle. Un tel contrat implique une obligation de conseil du prestataire et un devoir de collaboration du client qui naît dès la phase de pourparlers et se prolonge durant la phase d'installation et de mise en œuvre du système. Il comporte nécessairement un aléa qui conduit à écarter la qualification d'obligation de résultat au profit de l'obligation de moyen.

Ici, si le rôle de la société Medex était prépondérant lors de la réalisation de la solution informatique, il n'en demeure pas moins que le client exerçait un rôle indispensable à la bonne exécution de cette obligation, de sorte que sera retenue à la charge de la société Medex une obligation de moyen renforcée comme l'a fait la juridiction de première instance.

En conséquence, il pèse sur la société Medex une présomption simple de faute lui permettant de s'exonérer en établissant son absence de faute.

- sur le système informatique commandé en 2008 :

L'expert conclut que ce système est conforme à l'usage auquel il est contractuellement destiné en termes de matériel et de logiciel. La société Medex s'appuie sur cette phrase qui figure en tête des conclusions de l'expert.

La société X rétorque que selon l'expert, le taux d'anomalies résiduelles après deux années de fonctionnement est très important, avec 25 anomalies de programme pendant le 1er trimestre 2011, malgré les corrections très régulièrement apportées par la société Medex.

Sur ce point, l'expert relève que les procédures de test et de mise en exploitation utilisées par la société Medex ne sont pas du tout fiables, et que celle-ci a mis en exploitation chez la société X des programmes insuffisamment testés et présentant des anomalies préjudiciables pour la société X. Il conclut que sans une modification en profondeur des procédures de test de la société Medex, la solution informatique ne fonctionnera pas avec un niveau de dysfonctionnement acceptable, soit moins d'une anomalie par mois.

La société Medex répond en produisant des attestations de ses salariés et de ses clients qu'elle assure un suivi sérieux et diligent pour adapter les systèmes informatiques qu'elle a installés et indique qu'elle a dû cesser d'intervenir auprès de la société X après la rupture par celle-ci des relations contractuelles.

Elle s'appuie sur un tableau intitulé Annexe 4 bis pour évaluer à 11 les problèmes survenus en trois ans d'utilisation de son système et souligne qu'elle est intervenue régulièrement pour apporter des corrections au système.

Ce tableau a été présenté à l'expert qui a retenu 48 anomalies sur la liste de 130 difficultés, et non 11. Ce chiffrage de 11 par la société Medex n'est confirmé par aucune autre pièce ou avis technique, et ne peut donc être retenu.

La société X produit pour sa part un audit réalisé par la société CTB le 18 mars 2011, qui déplore le manque de suivi technique des postes client et conclut que le logiciel de gestion fourni par la société Medex ne correspond pas aux desiderata de l'entreprise, car il n'est pas évolutif, dysfonctionne très souvent et ralentit le travail des utilisateurs. Il précise que Mme X reçoit les commandes en double ou triple exemplaires et critique le niveau de sécurité.

En réponse, la société Medex verse aux débats un courrier rédigé par M. B..., gérant de la société Électronique comptable de Marseille, à qui elle a demandé de commenter l'audit. Celui-ci relève que la société CTB a cherché à « mettre en avant des incompétences supposées d'un concurrent direct dans le service informatique», que sa rédaction est destinée à un lecteur non averti, et que ce rapport très imparfait distribue des affirmations peu étayées et sans argument et qu'il est brouillon et incomplet.

Enfin, la société Medex se réfère à un constat d'huissier qu'elle a fait pratiquer le 3 mai 2011 et qui démontre qu'à cette date, la société X utilisait le logiciel de comptabilité qu'elle lui a fourni. La société X a critiqué l'intrusion de la société Medex dans son système informatique mais non les constatations effectuées par l'huissier.

De ce qui précède, il ressort que la société Medex a fourni et installé dans les locaux de la société X un système informatique adapté à l'usage que cette dernière voulait en faire. En outre, la société Medex prouve qu'au 3 mai 2011, la société X travaillait sur le système objet du contrat qui manifestement remplissait son office.

La société X a mis en demeure son co-contractant de lui restituer le prix payé par mise en demeure du 18 avril 2011, au motif que le matériel et les logiciels fournis ne fonctionnaient pas, et la société Medex a sommé la société X de ne plus utiliser le matériel installé par ses soins par lettre du 22 avril 2011. L'installation était pourtant en fonctionnement le 3 mai suivant.

Si l'installation fournie était conforme à sa destination, des difficultés de fonctionnement sont apparues et subsistaient à la date de l'expertise. L'expert les a analysées afin de déterminer si leur taux et leur fréquence empêchaient une utilisation du système dans des conditions acceptables.

Il a conclu qu'elles étaient anormalement nombreuses et que les réponses apportées par la société Medex n'étaient pas satisfaisantes. Cependant, il a relevé que la société Medex apportait très régulièrement des corrections et essayait de corriger les problèmes dès que ceux-ci apparaissaient, mais que ses interventions étaient insuffisantes pour réduire ces anomalies de manière significative. Il n'a pas énoncé que ces difficultés empêchaient la société X d'utiliser ce système dans des conditions acceptables. Au surplus, la société Medex a prouvé que le système était encore utilisé par la société X en mai 2011.

- sur le fonctionnement du système d'impression :

L'expert indique que les décalages dans les données imprimées auraient pu être corrigés depuis longtemps et simplement. La société Medex répond que la société X a imposé le choix d'imprimantes à aiguilles alors qu'elle-même préconisait des imprimantes laser, ce que la société X n'a pas contesté. La société Medex n'a toutefois pas pris position sur la possibilité technique de corriger ces défaillances.

- sur le module de saisie des commandes à distance :

La société Medex affirme que le système de saisie des commandes à distance n'a pas été installé dans le cadre du contrat du 25 juin 2008 facturé le 10 juillet 2009 pour 25 655,31 euros mais a été commandé par la société X dans un deuxième temps.

Elle verse aux débats une proposition qu'elle a adressée le 22 octobre 2009 à la société X sur la demande de celle-ci, relative à une extension du système informatique avec fourniture d'un serveur pour 1 975 euros.

La société X n'a pas contesté les dires de la société Medex sur ce point. De plus, l'expert judiciaire les confirme en indiquant que le système commandé en 2008 a été installé le 25 juin 2009 et qu'en octobre 2009, la société X a commandé un module supplémentaire de saisie des commandes à distance chez le client à partir d'ordinateurs portables et le transfert de ces commandes au siège de la société X. Le contrat de fourniture d'une extension informatique pour l'envoi des commandes à distance est donc en date du 22 octobre 2009. Comme pour le système initial, aucun cahier des charges n'a été établi et le bon de commande comporte l'indication du serveur fourni, de son prix et du coût horaire de la mise en œuvre ainsi que des conditions financières, à l'exclusion de toute autre donnée technique ou même de la finalité de l'installation.

L'expert énonce que ce système de saisie des commandes à distance ne fonctionne pas de façon satisfaisante. Il estime que le développement d'un système de communication directe avec contrôle des données en réception aurait été préférable, et précise que ce système aurait dû évoluer très vite au fur et à mesure de l'évolution des réseaux. L'expert rappelle que les réseaux de communication étaient en constante évolution en 2009.

Son avis est contredit par M. E..., expert près la cour d'appel d'Aix en Provence qui a été sollicité par la société Medex. M. E... n'a été consulté qu'au sujet du système de saisie des commandes à distance. Il indique que ce type d'applications ne fonctionne pas en temps réel, que le transfert des informations a lieu en temps différé de quelques heures à quelques jours et que s'il est demandé un transfert plus rapide, cela doit être spécifié au moment des négociations contractuelles. Il en déduit qu'il s'est produit un malentendu entre les deux sociétés, la société Medex, en l'absence de cahier des charges précis, ayant évalué le besoin de la société X selon les critères habituels. Il fait observer que, pour satisfaire aux critères en usage, un envoi par courriel était suffisant.

L'expert judiciaire ne stigmatise aucune faute de la société Medex dans le cadre de ce développement informatique. Toutefois, il est établi que la société X a financé dès juin 2008, au paragraphe intitulé «options module saisie commande/portable » des logiciels pour un coût total de 1 745 euros HT. En faisant acquérir par la société X des matériels qui ne lui étaient pas utiles à ce stade du projet, et qui, une fois la commande réalisée en octobre 2009, n'ont pas pu être utilisés faute par la société Medex de parvenir à développer ce système, la société Medex a commis un manquement à ses obligations contractuelles.

Il résulte de ce qui précède que la société Medex, débitrice d'une obligation de moyens renforcée, a satisfait à son obligation initiale en exécutant la prestation qui lui avait été commandée par la société X le 25 juin 2008, malgré l'absence de cahier des charges déplorée par l'expert judiciaire, puis en intervenant rapidement à de très nombreuses reprises pour remédier aux dysfonctionnements du système.

L'expert a relevé que les compétences de la société Medex étaient insuffisantes pour résoudre définitivement ces anomalies. Ceci ne constitue pas une faute à la charge de la société Medex qui n'était pas tenue d'une obligation de résultat, d'autant qu'il résulte de l'expertise que la société Medex a assuré le suivi du système informatique avec la diligence requise pour remédier aux dysfonctionnements, conformément à son obligation contractuelle qui a ainsi été satisfaite.

La société Medex n'est pas parvenue à régler le système d'impression à aiguilles que la société X lui avait commandé. Toutefois, dans la mesure où elle avait préconisé l'acquisition de matériel laser et que la société X a tenu à se procurer un matériel différent, aucune faute ne peut être retenue à ....

En ce qui concerne l'installation du système de commande à distance voulu par sa cliente, qu'elle n'est pas parvenue à mettre en oeuvre mais qu'elle n'a pas facturé, il n'est pas établi par la société X qu'elle ait subi un préjudice autre que le financement inutile de deux logiciels acquis dès la première commande pour la somme de 1 745 euros. C'est pourquoi il sera fait droit à sa demande de dommages-intérêts à hauteur de cette somme.

C'est pourquoi le jugement du tribunal de commerce de Gap sera infirmé sur ce point.

- sur la rupture des relations contractuelles par la société X :

L'article L. 442-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable à compter du 29 juillet 2010 disposait :

I.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (...)

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

En l'espèce, les sociétés X et Medex étaient en relation d'affaires depuis 19 années et avaient conclu des contrats de maintenance à effet du 1er juin et du 1er juillet 1992 qui comportaient une clause de résiliation prévoyant que «si l'une des parties manque à une ou plusieurs de ses obligations au titre du présent contrat, l'autre partie pourra résilier celui-ci immédiatement et sans indemnité, s'il n'a pas été remédié à ce manquement dans les 30 jours suivant la notification écrite adressée par la partie concernée.

Par lettre du 18 avril 2011, le conseil de la société X a mis en demeure la société Medex de reprendre l'intégralité du matériel, de lui rembourser l'ensemble des factures payées, et de lui verser 5 000 euros pour l'indemniser de son préjudice, ce dans les 15 jours de la réception, faute de quoi il saisirait la juridiction compétente d'une demande en résolution de la vente et d'indemnisation. Il n'a pas évoqué la résiliation des contrats de maintenance pour manquement aux obligations de son fournisseur en référence à la clause prévue à cet effet entre les parties.

Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que, quels que soient les griefs de la société X à l'égard de la société Medex, la rupture de leur relation commerciale sans respect de la forme et du préavis contractuellement prévus ne peut qu'être qualifiée de brutale et ouvrir droit à une indemnisation de 10 000 euros.

Il y a lieu d'ordonner d'office la compensation entre les créances réciproques des parties.

Aucune des parties ne démontrant que l'autre ait usé de mauvaise foi dans le cadre de la présente procédure et lui ait causé un préjudice, elles seront toutes deux déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Il y n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. La société X sera condamnée aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de maître Romain Laffly, avocat.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Infirme le jugement rendu le 9 janvier 2015 par le tribunal de commerce de Gap en ce qu'il a débouté la société X de sa demande de dommages-intérêts et, statuant à nouveau,

Condamne la société Medex MBI à payer à la société X la somme de 1 745 euros ;

Confirme le jugement sur le surplus ;

Rejette le surplus des demandes ;

Ordonne la compensation des créances réciproques des parties ;

Condamne la société X aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Romain Laffly, avocat.