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Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 3 novembre 2020, n° 18/03824

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Agrideal (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monge

Conseillers :

M. Maury, Mme Verrier

TGI Sables d'Olonne, du 13 nov. 2018

13 novembre 2018

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Suivant facture n° 14/12 du 28 avril 2014, la Société AGRIDEAL a vendu à M. Michel F. une ensileuse d'occasion, de marque NEW HOLLAND FR 9090, moyennant la somme de 150 000 € HT avec reprise d'une ensileuse de marque CLAAS 880 pour un montant de 70 000 € HT.

Déduction faite de la reprise, la vente est intervenue pour un montant de 80.000€ HT, soit 96 000 € T.T.C., somme réglée par M. F..

La Société AGRIDEAL a livré l'ensileuse NEW HOLLAND le 26 mai 2014.

Des dysfonctionnements sont apparus sur l'ensileuse NEW HOLLAND après 23 heures d'utilisation, et M. F. n'a pas remis à la société AGRIDEAL l'ensileuse CLAAS.

L'expertise amiable ayant retenu un acte de malveillance comme étant à l'origine de la panne de l'ensileuse, la société AGRIDEAL a fait assigner M. F. devant le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance des SABLES D'OLONNE aux fins de condamnation à lui remettre sous astreinte l'ensileuse CLAAS 880.

Par Ordonnance en date du 29 juin 2015, le Juge des Référés a fait droit à cette demande en ordonnant à Michel F. de livrer à la Société AGRIDEAL l'ensileuse de marque CLAAS 880 sous astreinte de 300 € par jour de retard pendant un délai de trois mois à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, tout en se réservant la liquidation de l'astreinte.

L'ordonnance de référé a été signifiée à M. F. le 9 juillet 2015.

Par Ordonnance en date du 21 décembre 2015, le Juge des référés de tribunal a condamné M. F. à raison de l'inexécution par M. F. de cette condamnation à verser à la Société AGRIDEAL la somme de 27 000 € au titre de la liquidation de l'astreinte et celle de 1 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par arrêt en date du 27 mai 2016, la Cour d'Appel de POITIERS statuant sur l'appel de cette ordonnance, a confirmé cette décision.

M. F. a livré l'ensileuse CLAAS 880 à la société AGRIDEAL.

C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier en date du 24 novembre 2016, M. F. a fait assigner, devant le Tribunal de Grande Instance des SABLES D'OLONNE, la société AGRIDEAL en nullité de la vente de l'ensileuse NEW HOLLAND.

M. Michel F., par ses dernières écritures, demandait au tribunal de :

Vu l'article L. 721-3 du code de commerce

Vu les articles 1641 et suivants du Code civil

Vu les articles 1137 et 1139 du Code civil,

Vu les articles 1132 et 1133 du Code civil,

Vu l'article 1603 du Code civil,

Vu l'article 1147 du Code civil,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les documents versés aux débats,

- Déclarer M. F. recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes ;

Par conséquent :

- Prononcer la nullité de la vente intervenue le 28 avril 2014 entre M. F. et la société AGRIDEAL ;

- Ordonner la restitution de l'ensileuse CLASS 880 à M. F., sous astreinte de 150 € par jour de retard à l'expiration du délai de quinze jours suivant la date de signification de la présente décision, et ce pendant une durée de trois mois.

Condamner la société AGRIDEAL à restituer à M. F. la somme de 96000€ versée au titre de l'acquisition de l'ensileuse litigieuse ;

- Condamner la société AGRIDEAL au paiement de la somme de 75 413.83 €, en réparation du préjudice matériel subi ;

- Condamner la société AGRIDEAL à verser à M. F. la somme de 2.500€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision,

- Condamner la société AGRIDEAL aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, la société AGRIDEAL demandait au tribunal de :

Vu les articles 1132, 1133, 1137, 1139 et 1147 du Code Civil.

Vu les articles 1603 et suivants du Code Civil,

Vu les articles 1641 et suivants du Code Civil.

A titre principal :

- Débouter M. Michel F. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Condamner M. Michel F. à verser à la Société AGRIDEAL la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner M. Michel F. aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL ARMEN par application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

A titre subsidiaire :

- Débouter M. Michel F. de sa demande à hauteur de 29 000 € au titre de l'astreinte et des frais de procédure.

- Condamner M. Michel F. à mettre à la disposition de la Société AGRIDEAL l'ensileuse NEW HOLLAND FR 9090 4 roues motrices, année 2008, équipée d'un Kemper 375 de l'année 2011.

- Assortir ladite condamnation d'une astreinte de 150 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la date de signification de la présente décision, et ce pendant une durée de trois mois.

Par jugement contradictoire en date du 13/11/2018, le tribunal de grande instance des SABLES D'OLONNE a statué comme suit :

« Déboute M. Michel F. de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. F. à verser à la société AGRIDEAL la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. F. aux dépens de l'instance,

Autorise l'avocat de la cause qui en a fait la demande, et qui peut y prétendre, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision. »

Le premier juge a notamment retenu que :

- sur le vice-caché, l'expertise de l'ensileuse vendue NEW HOLLAND a permis de mettre en évidence que la panne survenue après environ 20 heures d'utilisation a pour origine une pollution du carburant contenu dans le réservoir.

- l'expertise extra judiciaire contradictoire conduite par le Cabinet M. mandaté par l'assureur de M. F. indique que cette pollution peut provenir soit du réservoir et de son contenu avant la livraison de la machine, soit d'un acte de vandalisme par introduction d'un corps étranger dans le réservoir.

Cet expert ajoute ne pas pouvoir apporter la preuve d'une contamination antérieure à la vente, mais qu'un faisceau d'indices confirme le contraire. Il écarte la thèse d'un acte malveillant.

Mais l'expert A. M. retient une pollution du carburant et la dégradation du système d'injection.

Il indique que l'hypothèse de la pollution ancienne n'est pas crédible et qu'en parallèle, face à l'absence de verrous sur les capots et de serrure sur le bouchon de réservoir, il a été envisagé sans difficulté un acte de malveillance, par vengeance ou pure jalousie. En effet, alors que la machine a parfaitement fonctionné jusqu'à la pause déjeuner, elle a refusé de redémarrer à la reprise. De toute évidence, l'incident a eu lieu dans cette période.

Les réparations qui ont pu être opérées sur cette ensileuse mise en service en 2008 dans les années ayant précédé la vente, sont sans rapport avec la pollution avérée du carburant.

- contrairement à ce qu'a pu fait valoir M. F., lors de la livraison de la machine, celle-ci fonctionnait correctement comme a pu l'attester M. Tristan J., chauffeur salarié des Transports C. lors du chargement de l'ensileuse et de sa livraison à M. F..

- M. F., qui en a la charge, échoue dans la démonstration lui incombant de l'antériorité à la vente de la pollution du carburant.

Il doit être débouté de sa demande au titre de la garantie des vices cachés.

- sur le dol, M. F. argue envers la société AGRIDEAL d'une réticence dolosive relative au suivi de l'ensileuse en termes d'entretien et de réparations, à son horomètrage et à l'adjonction d'un booster

Or la pollution du carburant dont il ne peut être retenu qu'elle était antérieure à la vente, est sans relation causale avec les interventions aux fins de réparation de la machine à une époque où la société AGRIDEAL n'en était pas propriétaire, puisqu'elle en a fait l'acquisition le 22 février 2014 et l'a revendue à M. F. le 28 avril 2014.

- L'ensileuse présentait au compteur le 13 janvier 2014 un horomètrage moteur de 1480, le 3 février 2014 un horomètrage de 1485,61 heures/machine, alors qu'en 2012, celle-ci présentait 1555 heures/machine. Lors des opérations d'expertise amiable, le nombre d'heures de la machine s'élevait à 1513 heures.

La facture d'achat ne comporte pas de mention relative à l'horomètrage.

Dans de telles circonstances, la société AGRIDEAL dont il n'est pas justifié de sa connaissance de cet élément, ne peut se voir imputer un comportement dolosif en l'état de ces indications faute en outre d'intention démontrée.

On ne peut en outre déduire de la présence d'un booster destiné à améliorer la puissance de la machine une intention dolosive.

- M. F. invoque, plus subsidiairement, une erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue. Il lui appartient alors de justifier de l'erreur invoquée et de son caractère déterminant, outre le fait qu'elle soit excusable, ces éléments étant à apprécier au moment de la formation du contrat.

Cette démonstration n'est pas administrée que ce soit au regard de l'horomètrage ou de la présence du booster. Ce moyen ne peut prospérer.

- le manquement de la société AGRIDEAL à son obligation de délivrance ne peut résulter de la présence d'un booster ni de la différence invoquée d'horomètrage qui n'ont pas pour effet de rendre la machine non conforme aux spécifications de la vente

En conséquence, M. F. doit être débouté de l'ensemble de ses demandes, étant observé que sa condamnation au titre de la liquidation d'une astreinte, ne peut constituer un préjudice réparable.

LA COUR

« Vu l'appel en date du 18/12/2018 interjeté par M. Michel F.

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 15/03/2019, M. Michel F. a présenté les demandes suivantes :

Vu l'article L. 721-3 du code de commerce

Vu les articles 1641 et suivants du Code civil

Vu les articles 1137 et 1139 du Code civil,

Vu les articles 1132 et 1133 du Code civil,

Vu l'article 1603 et suivants du Code civil,

Vu l'article 1147 du Code civil,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées aux débats,

Il est demandé à la Cour de bien vouloir :

- Réformer le Jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En conséquence :

A titre principal,

- Prononcer la résolution de la vente intervenue le 28 avril 2014 entre M. F. et la société AGRIDEAL ;

- Ordonner la restitution de l'ensileuse CLASS 880 à M. F., sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration du délai de quinze jours suivant la date de signification de la présente décision, et ce pendant une durée de trois mois ;

- Condamner la société AGRIDEAL à restituer à M. F. la somme de 96000 € versée au titre de l'acquisition de l'ensileuse litigieuse ;

- Condamner la société AGRIDEAL au paiement de la somme de 75 413.83 €, en réparation du préjudice matériel subi ;

A titre subsidiaire,

- Prononcer la nullité de la vente intervenue le 28 avril 2014 entre M. F. et la société AGRIDEAL pour dol commis par réticence ou à tout le moins pour erreur ;

- Ordonner la restitution de l'ensileuse CLASS 880 à M. F., sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration du délai de quinze jours suivant la date de signification de la présente décision, et ce pendant une durée de trois mois ;

- Condamner la société AGRIDEAL à restituer à M. F. la somme de 96000 € versée au titre de l'acquisition de l'ensileuse litigieuse ;

- Condamner la société AGRIDEAL au paiement de la somme de 75 413.83 €, en réparation du préjudice matériel subi ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Prononcer la nullité de la vente intervenue entre M. F. et la société AGRIDEAL pour manquement de cette dernière à son obligation de délivrance conforme ;

- Ordonner la restitution de l'ensileuse CLASS 880 à M. F., sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration du délai de quinze jours suivant la date de signification de la présente décision, et ce pendant une durée de trois mois ;

- Condamner la société AGRIDEAL à restituer à M. F. la somme de 96000 € versée au titre de l'acquisition de l'ensileuse litigieuse ;

- Condamner la société AGRIDEAL au paiement de la somme de 75 413.83 €, en réparation du préjudice matériel subi ;

En tout état de cause :

- Condamner la société AGRIDEAL à verser à M. F. la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision,

- Condamner la société AGRIDEAL aux entiers dépens.'

A l'appui de ses prétentions, M. Michel F. soutient notamment que :

- le 26 mai 2014, le matériel était livré par la Société AGRIDEAL sur le site agricole de M. F..

Lors de la livraison du matériel, le transporteur n'a pas manqué d'indiquer à M. F. qu'il avait constaté des difficultés pour démarrer la machine afin de la charger sur le camion.

A réception de l'engin, M. F. constatait la même difficulté en souhaitant faire descendre l'engin du véhicule du transporteur.

- le 6 juin 2014, soit dix jours après, l'ensileuse est tombée en panne alors qu'elle ne tournait pas à plein régime, après seulement 23 h d'utilisation.

Faute de solution proposée par AGRIDEAL, M. F. sollicitait alors le contrôle de l'engin par les Etablissements GRODIN MARINE, qui constataient que le circuit gasoil était pollué et que les injecteurs étaient hors service.

Les réparations étaient chiffrées par la Société GRODIN MARINE à hauteur de 45 453.83 €, réparation que M. F. financera par emprunt.

- l'ensileuse aura donc coûté à M. F. la somme de 142 413,83 € en lieu et place des 96 000 € initialement prévu.

Aussi, c'est à juste titre que ce dernier s'est opposé à la livraison de son ancienne ensileuse à la Société AGRIDEAL, dans le cadre de leur accord de reprise.

- M. F. soutient que la vente est nulle en ce qu'elle est entachée de vices cachés, d'un dol, et que l'objet de la vente n'était pas conforme.

- sur la résolution de la vente pour vice caché invoquée à titre principal, lors de la livraison du matériel, le transporteur avait d'ores et déjà constaté des difficultés pour démarrer la machine afin de la charger sur le camion. Or, le matériel souffre, depuis sa mise en fonctionnement initiale, de nombreux problèmes mécaniques relevés en 2011, puis à compter de 2012 une même panne survenue à 4 reprises, ayant trait à la gestion du carburant.

- une utilisation anormale de la machine est soutenue : le 28 novembre 2009, l'engin comptait 401 heures d'utilisation, le 12 avril 2010, soit moins de 6 mois plus tard, la machine faisait état de 1 220 heures d'utilisation.

Une utilisation forcée n'a pu qu'engendrer les nombreux problèmes techniques qu'elle a eu à déplorer par la suite.

- aucun entretien n'a été réalisé sur la machine depuis le 10 octobre 2012, date des dernières réparations de la rampe commune.

Lorsque la société AGRIDEAL a acquis l'ensileuse litigieuse auprès de la société CLASS RENAULT AGRICOLE, elle n'a procédé à aucune vérification ni réparation.

Elle ne s'est donc pas assurée du bon état de la machine qu'elle vendait par la suite à M. F.. Ce n'est donc pas un hasard si, le 6 juin 2014, la machine agricole est tombée en panne après à peine 20 heures de travail.

- suite à la panne du 6 juin 2014, une expertise contradictoire a été réalisée le 30 juillet 2014 à l'initiative de M. F. par le Cabinet M. EXPERTISE, en présence de M. P., expert diligenté par la société AGRIDEAL.

Deux rapports d'expertises ont été réalisés suite à cette expertise :

- un par M. P., du cabinet D., daté du 18 septembre 2014 ;

- un par M. R., du cabinet M. EXPERTISE, daté du 27 mars 2015.

- M. P. relève à plusieurs reprises « les circonstances de la panne, survenue sans signe avant-coureur », ce qui est contesté. Il soutient que la pollution serait intervenue pendant l'usage de la machine, évoquant « un acte de malveillance, par vengeance ou pure jalousie », relevant l'absence de verrous sur les capots et de serrure sur le bouchon de réservoir.

Selon M. R., expert du Cabinet M., cette hypothèse n'est pas envisageable :

« Nous pensons que la pollution d'origine malveillante n'est pas possible (...). Si une pollution avait été introduite lors du repas (machine arrêtée), lors du redémarrage, après la pause déjeuner, le moteur aurait correctement démarré. Lorsqu'il y a une pollution dans le réservoir, les désordres moteurs apparaissent après un laps de temps d'utilisation (...) lié au temps nécessaire au polluant pour produire ses effets néfastes sur le circuit »

Le fait que la machine n'ait pas redémarré immédiatement après le déjeuner permet d'en déduire que la pollution était antérieure à cette pause déjeuner.

- M. R., l'expert du cabinet M. EXPERTISE, constate une pollution du réservoir par la présence de « particules, de fibres » inhabituelles dans les filtres à gasoil (pièce 9). Or, l'expert souligne très explicitement que « les analyses de carburant que nous avons fait réaliser montrent que le carburant contenu dans la cuve de M. F. n'est pas à l'origine de la pollution retrouvée dans le réservoir dans l'ensileuse ». Il estime dès lors que la pollution peut avoir deux origines :

- être déjà contenue dans le réservoir à la livraison de la machine ;

- être la conséquence d'un acte de vandalisme ' par introduction de corps étranger dans le réservoir ».

Or, M. R. écarte très clairement la thèse du vandalisme.

Le fait que la machine n'ait pas redémarré immédiatement après le déjeuner permet d'en déduire que la pollution était antérieure à cette pause déjeuner, et « existait au moment de la vente ».

M. F. avait d'ores et déjà constaté des difficultés pour démarrer l'engin lors de sa livraison, quelques jours avant la panne.

La machine a déjà présenté, par le passé de nombreuses difficultés mécaniques ayant attrait à la gestion du carburant.

Il ne fait donc aucun doute, au regard de l'historique de l'engin, que la pollution du réservoir, et donc du moteur, était bien antérieure à la vente.

- compte tenu du niveau très bas de celui-ci du carburant dans le réservoir, des impuretés se sont accumulées dans le fond de la cuve. Lors du remplissage du réservoir, une quantité importante de carburant était injectée. De ce fait, des impuretés se sont mélangées au carburant et ont dû s'introduire dans le circuit gasoil. Cette pollution constitue un vice caché au sens de l'article 1641 du Code Civil.

- il s'agit d'un défaut grave, qui rend l'engin impropre à son utilisation.

- la société AGRIDEAL affirme faussement que lorsque les défectuosités de la vente ont été réparées, la garantie des vices cachés ne peut plus être exercée sous la forme d'une action rédhibitoire.

- selon M. M., une tierce personne aurait introduit un polluant au cours de la pause déjeuner de M. F. pour se venger ou car il était jaloux de ce dernier. Toutefois, aucune pièce ni explication sérieuse ne vient étayer cette conclusion fantaisiste.

- les deux experts s'accordent à dire que le carburant introduit par M. F. n'était pas pollué et qu'il s'agirait d'une pollution du réservoir.

Au moment de la panne, ce réservoir n'avait fait l'objet d'aucune réparation depuis la vente par M. F. et ce dernier n'avait utilisé la machine que pendant 19h30. Seulement dix jours se sont écoulés entre la vente et la panne de la machine.

- il est établi que le démarrage de l'ensileuse est devenu plus rapide et performant depuis la réparation de la panne qu'auparavant.

- le relevé du nombre d'heures sur la machine permet pourtant de constater objectivement une falsification de l'horomètrage. En 2012 à l'occasion de réparations réalisées par l'ancien propriétaire la machine présentait au compteur 1.555 heures/machine. Le 13 janvier 2014, elle présentait au compteur 1.480 heures/machine.

L'horomètrage affiché au compteur ne correspond pas au vrai nombre d'heures réalisées sur la machine.

Or, les désordres moteur s'interprètent aussi au regard du véritable nombre d'heures réalisées sur la machine, d'autant que les factures antérieures à la vente révélaient déjà que des réparations avaient été nécessaires sur le réservoir et la rampe de la machine.

La panne survenue seulement 10 jours après la livraison, comptabilisant que 19 heures 30 d'utilisation, a pour cause un vice qui préexistait au moment de la vente.

- à titre subsidiaire, la nullité de la vente est sollicitée en raison d'un dol.

L'historique des interventions réalisées sur l'ensileuse litigieuse et communiqué par AGRIDEAL permet de constater que de nombreuses réparations ont été nécessaires depuis le 18 août 2011.

Or, lorsque la Société AGRIDEAL a fait l'acquisition de l'ensileuse, elle n'avait pas procédé à sa révision.

L'expert précise que « le matériel n'est pas rentré en atelier chez CLAAS RENAULT AGRICOLE », le précédent propriétaire de l'engin, qui l'a revendu par la suite à la Société AGRIDEAL, l'ayant elle-même cédé à M. F..

AGRIDEAL ne pouvait pas ignorer que l'ensileuse souffrait déjà de difficultés liées à la gestion du carburant mais elle s'est, en connaissance de cause, abstenue de tout contrôle mécanique de la machine avant de la céder à M. F..

Elle aurait dû, à tout le moins, l'informer de l'historique des difficultés rencontrées par l'ensileuse, que M. F. a découvert en cours de procédure judiciaire.

- en outre, l'expert a constaté la présence d'un « Booster » sur le support de réservoir hydraulique, boiter qui n'est pas d'origine. Le moteur de l'engin agricole qui atteint déjà une puissance de 842 CODE CIVIL n'est donc plus conforme aux normes d'usine.

De plus, le booster, qui permet d'accroître la puissance de l'engin agricole, entraîne une sollicitation anormale du moteur afin de décupler la puissance, et donc du système d'injection, provoquant une usure mécanique précoce.

La société AGRIDEAL ne pouvait pas ignorer la présence de ce booster mais s'est gardée d'en informer l'acquéreur potentiel.

- aucun entretien n'a été réalisé sur la machine depuis le 10 octobre 2012, date des dernières réparations de la rampe commune.

Lorsque la société AGRIDEAL a acquis l'ensileuse litigieuse auprès de la société CLASS RENAULT AGRICOLE, elle n'a procédé à aucune vérification ni réparation. Elle ne s'est donc pas assurée du bon état de la machine qu'elle vendait parla suite à M. F..

Ce n'est donc pas un hasard si, le 6 juin 2014, la machine agricole est tombée en panne après à peine 20 heures de travail.

- entre 2009 et 2012, l'ensileuse a fonctionné en moyenne chaque année 380 heures. Si l'on suit cette même utilisation, la machine devait avoir au compteur lors de livraison, 600 heures d'utilisation supplémentaires.

En conséquence, on peut supposer qu'à la livraison, l'ensileuse comptait près de 40% d'heures d'utilisation supplémentaires

Il appartenait pourtant à la Société AGRIDEAL, en qualité de vendeur professionnel, de s'assurer de l'horomètrage exact de l'engin en reprenant les documents de suivi.

- si en présence d'un vendeur profane, c'est à l'acheteur de prouver le dol, la charge de la preuve est renversée lorsque le vendeur est professionnel.

Les nombreuses discordances qui existent quant au calcul des heures de fonctionnement de la machine laissent entrevoir une manipulation des chiffres de la part de la Société AGRIDEAL aux fins de vente de l'engin.

- si M. F. avait eu connaissance de la modification du moteur ainsi que de réel horomètrage, il n'aurait pas conclu la vente avec la Société AGRIDEAL, cette vente devant être annulée.

- au subsidiaire, il y a erreur les qualités essentielles de l'objet du contrat, ce qui est cause de nullité.

Le descriptif de l'engin agricole a été modifié lors de la vente, puisqu'il ne mentionnait pas l'existence d'un booster ainsi que du réel nombre d'heure de fonctionnement de la machine.

La conformité du moteur ainsi que l'horomètrage, sont des qualités essentielles de l'ensileuse.

M. F., en connaissant dorénavant son véritable horomètrage, ne pourra céder la machine sans faire référence au doute qui persiste quant au véritable nombre d'heures de cette ensileuse. Il n'est pas non plus à l'abris d'avoir de nouvelles réparations à réaliser au regard de l'usure normale de la machine

Si M. F. avait eu connaissance de telles anomalies sur l'ensileuse NEW HOLLAND, il est certain qu'il n'aurait pas contracté.

- sur le défaut de délivrance conforme invoqué à titre infiniment subsidiaire, l'expert indique « la présence de ce boitier sur cette machine n'est pas d'origine et représente donc un motif de non-conformité ». Il n'est en outre pas à exclure que le boiter ait eu une conséquence dans la panne survenue.

Le seul fait qu'une transformation quelconque du moteur ait été effectuée sans que l'acquéreur en soit informé suffit à caractériser la non-conformité, quand bien même il s'agirait pour certains d'une « amélioration ».

- la nullité de la vente peut donc être prononcée sur ce fondement. La société AGRIDEAL sera condamnée à restituer le prix de vente ainsi que l'ensileuse CLASS 880 à M. F..

- l'horomètrage a été estimé à 1513 heures lors des opérations d'expertise, après 23 heures d'utilisation par M. F., ce qui ne correspond en aucun cas avec l'horomètrage annoncé lors de la vente.

- sur les préjudices subis, M. F. a été dans un premier temps contraint de louer une autre ensileuse auprès de l'entreprise « MOTOCULTURE CHALLANDAISE » pour la somme de 960 €.

Puis, il a fait procéder à la réparation complète de l'engin par l'entreprise GRONDIN MARINE pour un montant de 45 453.83 €.

Enfin, il a été condamné à payer une astreinte et des frais de procédure à hauteur de 29 000 €,

Or, si la vente n'avait pas été entachée de nullité, et que l'ensileuse dont M. F. a fait l'acquisition avait été conforme et exempte de vice, il ne fait aucun doute qu'il aurait exécuté le contrat et livré sa propre ensileuse.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 05/06/2019, la société S.A.R.L. AGRIDEAL a présenté les demandes suivantes :

« Vu les articles 1132, 1133, 1137, 1139 et 1147 du Code Civil.

Vu les articles 1603 et suivants du Code Civil,

Vu les articles 1641 et suivants du Code Civil.

Il est demandé à la Cour de :

A TITRE PRINCIPAL :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance des SABLES D'OLONNE, le 13 novembre 2018.

En conséquence,

- Débouter M. Michel F. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Condamner M. Michel F. à payer à la Société AGRIDEAL la somme de 5 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner M. Michel F. aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SELARL ARMEN par application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- Débouter M. Michel F. de sa demande à hauteur de 29 000 € au titre de l'astreinte et des frais de procédure.

- Condamner M. Michel F. à mettre à la disposition de la Société AGRIDEAL l'ensileuse NEW HOLLAND FR 9090 4 roues motrices, année 2008, équipée d'un Kemper 375 de l'année 2011.

- Assortir ladite condamnation d'une astreinte de 150 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la date de signification de la présente décision, et ce pendant une durée de trois mois. »

A l'appui de ses prétentions, la société S.A.R.L. AGRIDEAL soutient notamment que :

- par courrier en date du 2 juillet 2014, M. F. a informé la Société AGRIDEAL qu'après 23 heures d'utilisation, l'ensileuse vendue par cette dernière serait tombée en panne.

- sur la garantie des vices cachés, l'ensileuse NEW HOLLAND a été livrée à M. F. le 26 mai 2014. M. F. en a pris possession et a normalement travaillé avec celle-ci pendant 23 heures.

Il résulte du rapport d'expertise de M. P. que le 6 juin 2014, la machine est tombée en panne après la pause du déjeuner.

- les experts sont formels puisque l'examen des analyses de gazole effectuées sur des échantillons prélevés dans le réservoir de l'ensileuse a laissé apparaître la présence d'une pollution du carburant ayant entraîné la dégradation du système d'injection.

Il appartient à M. F. de démontrer l'antériorité du vice à la vente ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

- les interventions qui ont eu lieu sur la machine à partir de 2011 sont sans rapport avec la panne survenue le 6 juin 2014.

- Selon l'expert de M. F., la pollution du réservoir peut provenir :

* Soit du réservoir, c'est-à-dire qu'elle était déjà contenue dans le réservoir lors de la livraison de la machine à M. F..

* Soit être la conséquence d'un acte de vandalisme par introduction d'un corps étranger dans le réservoir.

Cet expert indique toutefois : « nous ne pouvons apporter la preuve que le réservoir était déjà contaminé avant la vente ».

L'expert M. P. indique que la machine était saine lors de son arrivée dans les locaux des ETS F.. Il résulte de ses conclusions que la pollution du réservoir ne pouvait être présente au moment de la vente.

Si tel avait le cas, M. F. n'aurait jamais pu utiliser l'ensileuse pendant 23 heures puisque la pollution était telle que la machine n'aurait pu démarrer.

M. P. retient donc un acte de malveillance comme étant à l'origine de la panne de l'ensileuse.

L'expert de M. F. n'a pu émettre qu'une hypothèse qui n'est aucunement démontrée.

- sur les difficultés de livraison, la Société AGRIDEAL a demandé à M. J., chauffeur des Transports C., qui a acheminé la machine chez M. F. de témoigner. Il en résulte qu'à la date de livraison, l'ensileuse fonctionnait parfaitement.

Il ne fait guère de doute que si le carburant était déjà pollué, la machine n'aurait pas pu démarrer normalement lors de la vente, et ce d'autant plus que celle-ci a fonctionné pendant 23 heures jusqu'au 6 juin 2014.

- M. F. n'apporte aucun élément susceptible de démontrer une quelconque part de responsabilité de la Société AGRIDEAL dans la panne de l'ensileuse

- il indique en outre que le moteur boitait au ralenti et qu'il avait fait ce constat le 25 février 2014, lors de la visite chez M. T., mais cette allégation n'est pas démontrée.

En outre, M. P. a rappelé que « les circonstances de la panne, survenue sans signe avant- coureur à l'issue de la pause déjeuner, ne permet pas d'envisager une présence ancienne de cette pollution. Aucun raté moteur, pas de perte de puissance, absence de fumée marquée, seul le défaut de démarrage a été constaté ».

- si M. F. expose que la nature du polluant serait inconnue, cela importe peu dès lors qu'il est admis qu'un tel polluant a été introduit dans le réservoir et que cet acte est à l'origine des dysfonctionnements de la machine.

- la question de l'horomètrage est absolument hors sujet dès lors que celle-ci est sans rapport avec la pollution du réservoir tout comme les réparations antérieures sur la machine.

- dès lors que les défectuosités de la chose vendue ont été réparées, que les juges du fond ont souverainement constaté qu'elle fonctionne normalement et qu'ainsi les défauts l'affectant ne la rendent plus impropre à l'usage auquel elle était destinée, ces défauts n'ouvrent pas l'action en garantie des vices cachés.

- M. F. doit être débouté de sa demande sur le fondement de la garantie des vices cachés.

- sur le dol, l'ensileuse a été mise en circulation en 2008 et des réparations ont été réalisées, la machine étant vendue en parfait état de fonctionnement et M. F. l'a normalement utilisée pendant 23 heures.

Le seul dysfonctionnement rencontré résulte d'une pollution du réservoir survenue postérieurement à la vente.

- il n'est absolument pas démontré qu'un booster présenterait un risque de non-conformité ou pourrait entraîner des défauts au niveau du moteur. Le propre expert de M. F. n'a pas conclu en ce sens.

On ne voit pas quelle réticence dolosive aurait commise la Société AGRIDEAL en n'informant pas son acheteur de la présence d'un élément qui permet d'obtenir un gain de puissance et donc un rendement meilleur à la machine.

- sur l'horodatage, l'ensileuse a été vendue par les ETS T. à la Société CRA SAS- NOYAL le 13 janvier 2014.

A cette date, l'ensileuse présentait 1480 heures. La Société AGRIDEAL le démontre en produisant une photographie du tableau de bord de l'ensileuse prise le 3 février 2014 à 10 heures 46 et indiquant 1485,61.

Puis, la machine a été vendue à la Société AGRIDEAL par la Société CRA SAS-NOYAL le 22 février 2014. La facture produite ne mentionne pas le nombre d'heures.

Livrée le 26 mai 2014, la machine est tombée en panne le 6 juin 2014.

Selon M. F., celle-ci aurait fonctionné 23 heures.

Lors de l'expertise amiable, les experts ont relevé que l'ensileuse présentait 1513 heures.

M. F. a donc pris possession de la machine alors que celle-ci présentait environ 1490 heures, ce qui est cohérent.

Le fait que M. F. ait découvert que l'engin aurait présenté 1555 heures en octobre 2012 ne suffit pas à démontrer le dol de la concluante. AGRIDEAL ignore pourquoi l'ensileuse aurait présenté 1555 heures en octobre 2012 puisqu'elle n'en était pas propriétaire

Si une manipulation a eu lieu, c'est entre 2012 et 2014 au moment où les ETS T. était propriétaire de l'ensileuse.

Par conséquent, la Société AGRIDEAL n'a commis aucun dol puisqu'elle a vendu une machine présentant 1490 heures, ce qu'elle démontre.

- sur l'erreur, la machine fonctionnait parfaitement, la société AGRIDEAL est étrangère au problème d'heures allégué et la présence d'un booster ne rendait pas la machine non conforme.

- sur le défaut de délivrance conforme, la présence d'un booster n'empêchait pas la machine de fonctionner, et il n'est pas d'ailleurs démontré que l'ajout de cet équipement rendait la machine non conforme alors que la fonction du booster n'est pas d'augmenter la puissance de la machine mais de déplacer la courbe de puissance. Il n'est pas démontré que la présence d'un booster entraînerait une modification essentielle de la machine et que M. F. n'aurait pas acquis l'ensileuse s'il avait connu sa présence.

Les parties n'ont pas prévu que l'ensileuse devait présenter un nombre d'heures de fonctionnement lors de la vente et la Société AGRIDEAL n'a pu manquer à son obligation de délivrance conforme.

- à titre subsidiaire, la demande de restitution de l'astreinte ne saurait prospérer, s'agissant de l'exécution d'une décision de justice aujourd'hui définitive.

Enfin, si par impossible, la vente devait être résolue et/ou annulée, M. F. serait également condamné sous astreinte à restituer l'ensileuse NEW HOLLAND FR 9090 ainsi que le bec KEMPER 375.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 24/08/2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de résolution en raison d'un vice caché

L'article 1641 du code civil dispose que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connu ».

L'article 1645 du même code précise que 'si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.'

L'article 1643 indique que le vendeur « est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ».

L'article 1644 dispose que « dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de sa faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ».

Il appartient à l'acquéreur de rapporter la preuve de l'existence d'un vice caché présent antérieurement à la vente de l'appareil, ayant entraîné sa panne et le rendant impropre à sa destination.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise de M. P. et des pièces des débats que l'ensileuse d'occasion, de marque NEW HOLLAND FR 9090, a été reprise par la société CRA CLASS aux établissements T. en raison de la vente d'une ensileuse neuve. Ce matériel a été immédiatement cédé à la société AGRIDEAL pour être vendu à M. F.. Le transporteur prendra en charge la machine à partir des établissements T. pour la livrer au dépôt de M. F., sans aucune intervention de la part de CRA CLASS ou de la société AGRIDEAL.

La livraison est intervenue le 26 mai 2014.

Il convient de rappeler ici les principales observations et les conclusions de M. Arnaud P. pour D. Expertises Services :

« L'examen des analyses de gazole effectuées sur des échantillons prélevés dans le réservoir de l'ensileuse laisse apparaître, en fonction des laboratoires, soit une contamination excessive, soit la présence anormale de particules de type oxydes/sable. A l'évidence, ce combustible est altéré et a pu prendre une part active dans la dégradation du système d'injection. (copies analyses en PJ n°8)

Pour autant, il a été clairement reconnu qu'un plein complet du réservoir de l'ensileuse, soit environ 1400 litres, a été effectué par M. F. pendant les 20 heures d'utilisation. A ce jour, il en reste 37.2 % dans le réservoir.

D'autre part, les circonstances de la panne, survenue sans aucun signe avant-coureur à l'issue de la pause déjeuner, ne permet pas d'envisager une présence ancienne de cette pollution. Aucun raté moteur, pas de perte de puissance, absence de fumée marquée, seul le défaut de démarrage a été constaté.

La combinaison de ces deux points met en évidence une incohérence majeure qui permet de confirmer que la machine était saine lors de son arrivée dans les locaux des Ets F.. En effet, si malgré la dilution, le gazole est encore autant pollué, cela voudrait dire que s'il était pollué avant le plein par M. F., il l'était dans des proportions telles que l'ensileuse n'aurait même pas démarré.

Aussi simplement, il est donc aisé d'imaginer que la pollution a fait son apparition pendant l'usage de la machine. En effet, l'absence de verrou sur les trappes moteur et de serrure sur le bouchon du réservoir est le tremplin idéal qui laisse imaginer un vulgaire acte de malveillance alors que la machine était en vue au bord du champ.

Conclusion

Les opérations d'expertise contradictoire ont permis de mettre en évidence une pollution du carburant et la dégradation du système d'injection. Compte tenu des conditions de survenance de la panne, plutôt rapide et sans signe précurseur, et du fait que M. F. a utilisé la machine 19H30 après avoir ravitaillé 1400 Litres de gazole, l'hypothèse de la pollution ancienne n'est pas crédible.

En parallèle, face à l'absence de verrous sur les capots et de serrure sur le bouchon de réservoir, il a été envisagé sans difficulté un acte de malveillance, par vengeance ou pure jalousie. En effet, alors que la machine a parfaitement fonctionné jusqu'à la pause déjeuner, elle a refusé de redémarrer à la reprise. De toute évidence, l'incident a eu lieu dans cette période.

Par écrit, nous avons indiqué notre position à l'expert adverse qui n'a formulé aucune contestation ou hypothèse contradictoire. »

De son côté, le second expert M. Patrice R. pour M. EXPERTISE a ainsi conclu :

« La présence de la pollution avant la vente est l'hypothèse la plus sérieuse.

Nous pensons que la pollution d'origine malveillante n'est pas possible. La partie adverse défend cette thèse parce qu'elle constitue leur seule issue de secours.

Si une pollution avait été introduite lors du repas (machine arrêtée), lors du redémarrage, après la pause déjeuner, le moteur aurait correctement démarré. Lorsqu'il y a une pollution dans un réservoir, les désordres moteur apparaissent après un laps de temps d'utilisation plus ou moins long en fonction du polluant introduit dans le réservoir. Ceci est lié au temps nécessaire au polluant pour produite ses effets néfastes sur le circuit de carburant.

Alors que dans le cas présent, la machine n'a jamais redémarré après la pause du midi, malgré l'intervention des mécaniciens du concessionnaire NEW HOLLAND ce qui nous permet de penser que cette pollution existait au moment de la vente.

Le dossier pourrait être défendu aussi sous l'angle de la non-conformité. En effet, nous avons constaté lors de l'expertise sur cette machine l'ajout d'un boîtier électronique non d'origine, appelé communément « Booster » qui permet d'obtenir un gain de puissance.

La présence de ce boîtier sur cette machine n'est pas d'origine et représente donc un motif de non-conformité, qui une fois opposé la partie adverse, leur permettrait peut-être de reconsidérer leur proposition commerciale, avant une éventuelle procédure judiciaire. »

Il résulte de ces éléments, quand bien même les deux experts divergent, que la panne survenue le 6 juin 2014, 10 jours après la livraison de l'ensileuse et 19h30 d'utilisation, est consécutive à une pollution du carburant par contamination de particules, sans que le carburant lui-même soit en cause.

Cette contamination a causé la dégradation du système d'injection, nécessitant sa réparation.

Au soutien de sa thèse relative à l'antériorité du vice à la vente, M. F. fait état de la difficulté de démarrage de l'engin lors de sa livraison, le transporteur ayant indiqué avoir constaté des difficultés pour démarrer la machine afin de la charger sur le camion, M. F. constatant la même difficulté à l'arrivée de l'engin.

Toutefois, M. Tristan J., chauffeur salarié ayant convoyé l'engin, a pu attester le 1er. Mai 2017 : « L'adresse d'enlèvement était les Ets T. à LUITRE (35) pour une livraison chez M. F.[...] 85.

Je confirme que le chargement de cette ensileuse a pu se faire sans problèmes particuliers de démarrage. Lors de la livraison, afin de connaître la procédure de démarrage, M. F. a appelé les Ets Motoculture Challandaise (concessionnaire New Holland). La livraison a pu s'effectuer sans encombre et sans aide extérieure. La machine fonctionnait bien ».

Cette attestation vient contredire le propos de M. F. quant à un dysfonctionnement de l'ensileuse au démarrage, lors de sa livraison.

En outre, il doit être retenu que le matériel a fonctionné jusqu'au 6 juin 2014 sans qu'aucune difficulté ne soit mentionnée, cela pendant 19H30 voir 23H d'utilisation selon M. F..

L'expert M. P. relève en outre qu'aucun raté moteur, perte de puissance, ou présence de fumée marquée n'ont été relevé avant la panne, seule un défaut de démarrage étant constaté.

Si M. F. indique que le moteur boitait au ralenti et qu'il avait fait ce constat le 25 février 2014, lors de la visite chez M. T., précédent propriétaire, il ne verse aux débats aucun élément à l'appui de cette affirmation.

De même, les réparations effectuées sur l'ensileuse à compter du mois d'août 2011 (soit le 18 août 2011: « Anneau de guidage de la goulotte, jeu » le 24 septembre 2011: « injecteurs de carburant, défaillance de fonctionnement », le 30 octobre 2011: « courroie de l'éclateur, usure anormale », puis, à compter du 08 octobre 2012, « rampe commune, fuite de carburant », « rampe commune, mal usiné » n'apparaissent pas en relation avec la panne survenue le 6 juin 2014, dès lors que cette panne du système d'injection est explicitement due à la pollution du carburant.

Il y a lieu de retenir, faute d'éléments probants contraires, que cette pollution est intervenue postérieurement à la vente, étant rappelé que l'expert M. R. indiquait « nous ne pouvons rapporter la preuve que le réservoir était déjà contaminé avant la vente... »

Il n'existe pas en effet de faisceau d'indice au soutien de l'antériorité, puisque l'expert M. P. retient utilement pour indiquer que la machine était saine à sa livraison que si, après un plein de 1400 litres et au regard des analyses, « malgré la dilution, le gazole était encore autant pollué, cela voudrait dire que s'il était pollué avant le plein par M. F., il l'était dans des proportions telles que l'ensileuse n'aurait même pas démarré. »

En conséquence et faute pour M. F. de démontrer que le vice du véhicule préexistait à sa vente, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté la garantie des vices-cachés de la société AGRIDEAL.

Sur l'existence d'un dol :

L'article 1137 du Code Civil dispose que : « Le dol est le fait pour un cocontractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ».

L'existence d'un tel vice du consentement doit être constatée au regard de manœuvres destinées à provoquer intentionnellement une erreur, de nature à fausser le consentement du contractant.

En l'espèce, il ressort des pièces versées qu'un document relevait que l'ensileuse présentait le 10 octobre 2012 un horomètrage de 1555 h.

Il résulte des rapports d'expertise que l'ensileuse a été vendue par les ETS T. à la Société CRA SAS-NOYAL le 13 janvier 2014, l'ensileuse présentant 1480 heures à cette date. Une photographie du tableau de bord de l'ensileuse prise le 3 février 2014 à 10 heures 46 et indique en effet : Heures machine 1485,61.

La machine a ensuite été vendue à la Société AGRIDEAL par la Société CRA SAS-NOYAL le 22 février 2014, sans que la facture produite ne mentionne le nombre d'heures, pas plus que la facture de vente de l'ensileuse à M. F..

Lors de l'expertise amiable, les experts ont relevé que le compteur de l'ensileuse présentait après sa panne 1513 heures.

Il peut être retenu en conséquence qu'à sa livraison, l'ensileuse présentait approximativement un horodatage de 1490 ou 1493,50, à mettre en relation avec la photographie prise le 03 février 2014.

Il n'est nullement démontré que la différence d'horodatage soit en lien avec la panne constatée, et M. F. ne démontre nulle intention dolosive ou manœuvre de la part de la société AGRIDEAL à cet égard.

De même, il n'est pas établi que la présence d'un booster ait concouru d'une quelconque manière à la panne survenue et ait pu en outre influer sur le consentement de M. F. au moment de la vente, alors qu'il en ignorait même l'existence. Aucune manœuvre ni intention et dolosive n'est établie sur ce point.

L'appelant n'établit pas l'existence d'un dol et le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté ce moyen.

Sur l'erreur :

L'article 1132 du Code Civil dispose que : « l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant ».

Par contre, l'article 1135 du même code précise que « l'erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant, n'est pas une cause de nullité, à moins que les parties n'en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement ».

En l'espèce, il n'est pas démontré par M. F. que la présence d'un booster, dispositif ajouté agissant sur la puissance du moteur, ait participé à la panne intervenue ni généré un défaut de conformité à une norme non précisée, de nature à perturber le comportement du matériel ou à attenter à sa fiabilité.

De même, il n'est pas établi par M. F. que la différence horaire entre 2012 et 2014 constitue une atteinte aux qualités essentielles du matériel acquis, alors que l'horodatage n'apparaissait pas sur la facture d'achat de M. F. ni sur aucun document contractuel, cet horodatage ne pouvant alors être qualifié d'élément déterminant de son consentement.

L'erreur n'est pas démontrée en l'espèce.

Sur le défaut de délivrance conforme :

L'article 1134 ancien du Code civil dispose que :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

Le principe de ces dispositions est repris désormais aux articles 1103 du code civil : « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, » et 1104 du code civil « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ».

L'engagement de la responsabilité contractuelle trouve son fondement dans l'article 1231-1 du code civil (1147 ancien) qui dispose que « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, à paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure ».

Le défaut de respect de l'obligation de délivrance du vendeur, fondée sur l'article 1603 du code civil, trouve sa sanction dans les termes de l'article 1610 du même code qui dispose que « si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur ».

Aux termes de l'article 1604 du code civil, l'obligation de délivrance de la chose « est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ».

Il y a lieu alors d'établir si le bien vendu a fait l'objet d'une délivrance en la puissance et la possession de l'acheteur, la conformité s'appréciant à la livraison du bien.

La preuve de la non-conformité à la commande du matériel livré incombe à l'acquéreur qui soulève ce moyen.

Il sera retenu que la présence du booster, sans incidence sur la panne survenue, n'est pas constitutive d'un défaut de délivrance conforme, alors que ne sont pas établis son incidence négative sur le fonctionnement de l'ensileuse ni même l'irrespect des prescriptions du constructeur.

De même, il n'est pas démontré que la différence de relevé d'horodatage entre 2012 et 2014, très minime, permette de retenir l'existence d'une non-conformité à un élément essentiel relatif au matériel vendu, alors qu'aucune condition contractuelle ne visait un horaire.

Cet argument sera également écarté.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. F. de l'ensemble de ses demandes de résolution ou d'annulation de la vente, ainsi que de ses demandes indemnitaires.

Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile :

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...). »

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de M. Michel F.

Il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL ARMEN, avocat.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable, compte tenu des décisions ici rendues, de condamner M. Michel F. à payer à la société S.A.R.L. AGRIDEAL la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La somme allouée au titre des frais de première instance a été justement appréciée, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE M. Michel F. à payer à la société S.A.R.L. AGRIDEAL la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE X aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la SELARL ARMEN, avocat, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.