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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ., 5 novembre 2020, n° 18/02990

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SVH Energie (Sasu)

Défendeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. Bruyère, ,

Conseillers :

Mme Toulouse, Mme Léger

TI Uzès, du 3 juill. 2018

3 juillet 2018

EXPOSE DU LITIGE

Le 14 janvier 2016, Mme Agnès Simon P. a signé avec la société SVH Energie, exerçant sous l'enseigne commerciale Solution Energie, un bon de commande portant sur la fourniture et l'installation d'un kit photovoltaïque dénommé « pack GSE sur mesure » pour un prix de 34 730 € ; ce bon s'est substitué à un premier bon en date du 30 novembre 2015 pour y intégrer le financement à crédit de l'installation.

Mme Agnès Simon P. et M. Francisco Simon P., son mari, ont également, le même jour, accepté une offre de crédit auprès de la société Sygma Banque d'un même montant de 34 790 €, remboursable sur une durée de 156 mois comprenant un différé de 12 mois puis 144 échéances mensuelles, avec un taux effectif global de 5,87 %.

Un certificat de livraison a été établi le 23 mars 2016 et la société SVH Energie a émis une facture de 34 790 € le 28 mars 2016.

Les époux Simon P. ont adressé à la société SVH Energie une 1ère réclamation le 13 février 2017, puis une 2ème du 10 mars 2017, pour se plaindre du retard apporté à la mise en service de l'installation et du bris de deux tuiles lors de celle-ci. Ils ont ensuite demandé l'annulation des contrats de vente et de crédit par deux lettres recommandées avec avis de réception du 17 juillet 2017.

Puis, par acte d'huissier des 26 et 26 septembre 2017, ils ont fait assigner la société BNP Paribas Personal Finance et la SAS SVH Energie devant le tribunal d'instance d'Uzès afin à titre principal de voir prononcer la nullité des contrats, de voir la banque privée de tout droit à remboursement du prêt en raison de sa faute, et de voir condamner les défenderesses au paiement du coût des travaux de dépose de l'installation et de remise en état des existants.

Par jugement contradictoire du 3 juillet 2018, le tribunal a :

.constaté la compétence du tribunal d'instance,

.ordonné la nullité du contrat de vente conclu le 14 janvier 2016 entre la société SVH Energie d'une part et M. Francisco Simon P. et Mme Agnès Simon P. d'autre part,

.ordonné la nullité consécutive du contrat de crédit affecté conclu le 14 janvier 2016 entre la société BNP Paribas Personal Finance d'une part et M. Francisco Simon P. et Mme Agnès Simon P. d'autre part,

.condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à la restitution des sommes versées par M. Francisco Simon P. et Mme Agnès Simon P. au titre du contrat de crédit affecté conclu le 14 janvier 2016,

.constaté les fautes de la SA BNP Paribas Personal Finance dans la délivrance des fonds à la société SVH Energie,

.débouté la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande de remboursement du capital prêté,

.constaté les fautes commises par la société SVH Energie dans la conclusion et l'exécution du contrat,

.condamné la société SVH Energie à verser à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 17 395 €,

.condamné solidairement la société SVH Energie et la SA BNP Paribas Personal Finance à la prise en charge du coût des travaux de remise en état,

.débouté les parties du surplus de leurs demandes,

.condamné in solidum la société SVH Energie et la SA BNP Paribas Personal Finance au paiement d'une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

.condamné in solidum la société SVH Energie et la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens.

La société SVH Energie a interjeté appel de ce jugement suivant déclaration du 3 août 2018.

Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées le 16 avril 2019, elle demande à la cour de :

vu les articles L. 121-17, L.121-18 et L. 111-1 du code de la consommation,

vu les articles 1338 et 1134 du code civil en vigueur au moment de la conclusion du contrat,

la recevoir en son appel et la déclarer bien fondée,

.réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- ordonné la nullité du contrat de vente conclu le 14 janvier 2016 entre la société SVH Energie d'une part et M. Francisco Simon P. et Mme Agnès Simon P. d'autre part,

- ordonné la nullité consécutive du contrat de crédit affecté conclu le 14 janvier 2016 entre la société BNP Paribas Personal Finance d'une part et M. Francisco Simon P. et Mme Agnès Simon P. d'autre part,

- constaté les fautes commises par la société SVH Energie dans la conclusion et l'exécution du contrat,

- condamné la société SVH Energie à verser à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 17 395 €,

- condamné solidairement la société SVH Energie et la SA BNP Paribas,

- débouté la société SVH Energie de ses demandes de condamnation des époux Simon P. en paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société SVH Energie et la SA BNP Paribas Personal Finance au paiement d'une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société SVH Energie et la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;

statuant de nouveau

.dire et juger que le contrat conclu avec M. et Mme Simon P. le 14 janvier 2016 est parfaitement valable,

.dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute,

.dire et juger que l'annulation du contrat n'est pas encourue,

.dire et juger qu'elle n'est tenue d'aucune somme à l'égard de la société BNP Paribas Personal Finance,

en conséquence,

.débouter M. et Mme Simon P. de l'ensemble de leurs demandes,

.débouter la société BNP Paribas Personal Finance de toutes demandes éventuelles en garantie formulées à son encontre,

en tout état de cause,

.condamner M. et Mme Simon P. à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître C..

La société BNP Paribas Personal Finance a déposé et notifié ses conclusions 'd'intimé n° 3' le 1er avril 2020. Elle demande à la cour de :

.accueillir son appel incident,

.infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

statuant à nouveau,

vu les articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de commerce,

.dire et juger n'y avoir lieu à application des dispositions du code de la consommation,

par conséquent,

.débouter M. et Mme Simon P. de toutes leurs demandes sur le fondement de ces dispositions,

subsidiairement, dans le cas où la cour jugerait que les dispositions du code de la consommation ont bien vocation à s'appliquer,

.dire et juger n'y avoir lieu à prononcer l'annulation du contrat principal de vente,

.dire et juger n'y avoir lieu à prononcer l'annulation du contrat de crédit,

par conséquent,

.débouter M. et Mme Simon P. de l'intégralité de leurs demandes,

plus subsidiairement, dans le cas où la cour, par adoption ou substitution de motif, prononcerait l'annulation des contrats,

.dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute,

.dire et juger que M. et Mme Simon P. ne justifient pas de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité,

par conséquent,

.condamner solidairement M. et Mme Simon P. à lui rembourser la somme de 34 790 € correspondant au montant du capital prêté, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds, déduction faite des échéances déjà payées,

.les débouter de toute autre demande,

.à titre infiniment subsidiaire, condamner la société SVH Energie à lui payer la somme de 34 790 €,

.en tout état de cause, condamner la partie succombant à lui payer une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. et Mme Simon P. ont déposé et notifié leurs conclusions « d'intimé n° 2 » le 30 avril 2020. Ils demandent à la cour de :

vu l'article L. 311-32 du code de la consommation,

vu les articles L. 121-21 et suivants, L. 311-20, R. 121-3 et suivants du code de la consommation dans la rédaction postérieure à la loi du 17 mars 2014 et antérieure au 1er juillet 2016,

vu les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016,

.confirmer le jugement du tribunal d'instance d'Uzès du 3 juillet 2018 et notamment,

.dire et juger que le présent litige est soumis aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile,

.ordonner la nullité du contrat de vente conclu entre SVH Energie et les époux Simon P. au titre de la violation des lois régissant le démarchage à domicile,

.ordonner la nullité consécutive du contrat de prêt affecté conclu entre les époux Simon P. et Sygma/BNP Paribas Personal Finance,

.en conséquence, condamner Sygma/BNP Paribas Personal Finance à leur restituer toutes sommes d'ores et déjà versées au titre de l'emprunt souscrit,

.constater les fautes imputables à Sygma/BNP Paribas Personal Finance,

.priver Sygma/BNP Paribas Personal Finance de fait de tout droit à remboursement contre eux s'agissant du capital, des frais et accessoires versées entre les mains de SVH Energie,

.si par extraordinaire la faute du prêteur n'était pas retenue, condamner la société SVH Energie à restituer à M. et Mme Simon P. la somme de 34 790 € correspondant au montant du bon de commande et priver rétroactivement Sygma/BNP Paribas Personal Finance de son droit aux intérêts du fait de la nullité du contrat de crédit affecté,

.condamner solidairement les sociétés SVH Energie et Sygma/BNP Paribas Personal Finance à prendre en charge le coût des travaux de dépose de l'installation photovoltaïque et de remise en état des existants à hauteur de la somme de 25 615,40 €, selon les devis produits,

.condamner solidairement les requises à leur payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

.débouter SVH Energie de toutes ses demandes,

.débouter Sygma/BNP Paribas Personal Finance de toutes ses demandes.

La clôture de l'instruction est intervenue le 5 mai 2020 et l'affaire a été renvoyée de l'audience du 19 mai 2020 à celle du 7 juillet 2020 en raison de l'état d'urgence sanitaire.

Le 3 juillet 2020, la société SVH Energie a déposé de nouvelles conclusions en sollicitant la révocation de l'ordonnance de clôture à laquelle se sont opposés les époux Simon P..

MOTIFS

I. Sur la révocation de l'ordonnance de clôture.

En vertu des articles 802 et 803 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office et l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

En l'occurrence, la déclaration d'appel est en date du 3 août 2018, et la clôture, annoncée le 10 février 2020, a été prononcée le 5 mai 2020 après que toutes les parties ont conclu.

La seule difficulté d'échange durant la période de crise sanitaire ne constitue pas à elle seule une telle cause grave de sorte que la révocation de l'ordonnance de clôture ne peut être ordonnée et que les conclusions de l'appelante du 3 juillet 2020 doivent être déclarées irrecevables.

II. Sur le fond

Sur l'application des dispositions du code de la consommation

Dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion des contrats, l'article préliminaire du code de la consommation disposait que, au sens de ce code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.

La société BNP Paribas personal finance soutient que l'intention des époux Simon P. en achetant la centrale photovoltaïque était d'en faire un usage commercial en revendant l'intégralité de l'électricité produite et d'en tirer un profit de sorte qu'ils ne peuvent se prévaloir des dispositions du code de la consommation.

Les époux Simon P. ont fait l'acquisition de l'installation photovoltaïque afin de produire de l'électricité, ce qui est une activité civile. La vente et non la revente, après transformation et non après achat, de l'électricité obtenue n'est pas davantage un acte de commerce au sens des articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de commerce. Par ailleurs, ainsi qu'il résulte de la fiche de dialogue préalable à la conclusion du contrat de prêt, M. et Mme Simon P. occupaient chacun un emploi d'ouvrier qualifié leur procurant des revenus mensuels de 1954 € et 1 206 € ; ils n'avaient donc pas la qualité de commerçant et l'installation achetée n'a pas vocation à servir à l'exercice d'une activité commerciale.

Le bon de commande signé le 14 janvier 2016 par Mme Simon P. porte sur l'installation de 23 panneaux photovoltaïques d'une puissance de 330 Wc chacun sans préciser si l'électricité à produire est destinée à être vendue, partiellement ou totalement. L'article 1er des conditions générales prévoit quant à elles qu'elles s'appliquent aux ventes par la société SVH Energie auprès d'acheteurs non professionnels au moyen d'une commande effectuée hors établissement au sens du code de la consommation.

Il est constant que les époux Simon P. ont en définitive vendu l'intégralité de leur production d'électricité à EDF mais, ainsi qu'en attestent les facturations, pour des fournitures de 7211 kWh en 2017, 5571 kWh en 2018, 6570 kWh en 2019, générant une contrepartie annuelle respectivement de 1803,47 €, 1397,10 € et 1658,33 €. Il s'agit d'un revenu qui leur procure un gain d'autant plus modeste qu'ils continuent à supporter leur propre consommation d'énergie pour l'usage de leur logement, et qui n'équivaut pas au montant mensuel des remboursements du crédit, de 4247,64 € sur douze années après la période de franchise. Son imposition à titre de revenu industriel et commercial lorsque la puissance de l'installation n'excède pas 3 kWc est sans incidence sur l'appréciation du caractère personnel ou professionnel de la vente de l'électricité produite par cette installation, qui en l'occurrence n'est que de 7,59 kWc et ne nécessite pas d'intervention directe et continue des acheteurs pour son fonctionnement.

Les époux Simon P. ont en fait investi dans une installation photovoltaïque permettant certes la revente d'électricité dans sa totalité à EDF mais dans le seul but recherché de financer dans un premier temps le crédit contracté et de couvrir ainsi l'ensemble des mensualités de ce dernier, puis de réduire par compensation, après amortissement de cette acquisition, leur propre dépense d'énergie domestique.

Cette opération n'avait donc pas pour but principal de dégager un profit important destiné à leur procurer des ressources mais de contribuer à l'auto-financement de l'installation qui devait ensuite, simplement au terme d'une longue période de treize années, être productrice de revenus destinés à compenser les dépenses énergétiques de consommation personnelle d'électricité par les acquéreurs de sorte que la vente de l'électricité produite revêt une dimension essentiellement personnelle exclusive de toute activité professionnelle.

C'est ainsi à juste titre que le premier juge a fait application des dispositions du code de la consommation et écarté la compétence de la juridiction commerciale.

Sur la nullité des contrats

Conclu au domicile des époux Simon P., le contrat du 16 janvier 2016 est un contrat hors établissement devant répondre aux exigences de l'article L. 121-18-1 du code de la consommation, renvoyant aux articles L. 121-17, L. 111-1 et L. 111-2 du même code, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. Il devait notamment énonce, à peine de nullité, les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, à la date ou au délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, au délai et aux modalités d'exercice du droit de rétractation.

Le bon de commande se contente d'indiquer, outre le prix global, le nombre et la puissance des panneaux inclus dans un pack comprenant également un onduleur dont seule la marque est donnée, un kit 'GSE intégration', un boîtier DC, un câblage, une installation, un raccordement, les démarches administratives, sans aucune autre précision ; il vise de la même façon un pack led Relamping et une tablette. A défaut de mention concernant les marques, hormis pour l'onduleur, et références des biens, du poids et de la taille des panneaux, de puissance de l'onduleur, de tout descriptif des travaux et démarches à accomplir, ces informations lacunaires ne permettent pas de définir l'objet de la commande ni d'en contrôler la bonne exécution et ne renseignent pas suffisamment les acheteurs sur les caractéristiques des biens acquis.

S'agissant du délai d'exécution du contrat, il est prévu une pré-visite du technicien au plus tard dans les deux mois à compter de la signature du bon de commande, une livraison dans les trois mois de cette visite, et une option entre une installation immédiate ou différée entre le 15ème et le 30ème jour suivant la livraison. Bien que le choix entre les deux dates d'installation, figuré par des cases à cocher, n'ait pas matérialisé, il en résulte néanmoins que chaque étape de l'exécution du contrat est enserrée dans un délai butoir et que son exécution complète ne peut dépasser six mois, si bien que la société SVH Energie a fourni à ses cocontractants une information suffisante sur les délais de réalisation de sa prestation.

En revanche, les modalités d'exercice du droit de rétractation sont faites par un simple renvoi aux conditions générales qui elles-mêmes reproduisent, s'agissant de son point de départ, les dispositions de l'ancien article L. 121-1 alinéa 1 du code de la consommation. Une telle formulation ambiguë ne met pas l'acheteur en mesure de déterminer avec certitude si son délai court à compter du jour de la signature ou de la réception du produit ; de plus, il n'est pas distingué, comme pour les délais d'exécution du contrat, si la réception s'entend de la livraison ou de l'installation du produit vendu. Ainsi, quoique présentée lisiblement dans une police dont il n'est pas démontré qu'elle ne soit pas au moins en corps 8, la clause est susceptible d'affecter le bon exercice de son droit de rétractation par l'acheteur qui peut croire que le délai est expiré alors qu'il est toujours en vigueur.

L'approbation par les acquéreurs de la clause type, selon laquelle ils ont pris connaissance de toutes les informations relatives aux produits, prix, droits de rétractation, délais ..., qui ne désigne pas les documents auxquels il est ainsi fait référence et ne permet pas d'identifier ce qui leur a été réellement communiqué est insuffisante à pallier les carences du bon de commande lui-même.

Sont par suite pleinement établies les irrégularités du bon de commande qui encourt la nullité prévue par l'article L. 121-18-1 du code de la consommation.

Aussi bien la société SVH Energie que la société BNP Paribas personal finance soutiennent que les époux Simon P., pleinement informés par les mentions et le rappel des textes sur le bon de commande, ont exécuté volontairement le contrat en prenant livraison du matériel, en acceptant la pose et le raccordement de l'installation au réseau, en autorisant le déblocage du crédit et en remboursant les mensualités, en utilisant l'installation parfaitement opérationnelle et en vendant leur production d'électricité à EDF ; qu'ils ont ainsi renoncé à se prévaloir de l'éventuelle nullité du bon de commande et confirmé le contrat qui ne saurait de ce fait être annulé.

La nullité de protection prévue par l'article L. 121-18-1 du code de la consommation est bien une nullité relative susceptible de confirmation dans les conditions de l'ancien article 1338 du code civil. Toutefois, la confirmation d'un acte entaché de nullité ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat, de sorte qu'il ne peut être tenu compte à cet effet des mentions du bon de commande litigieux lui-même. Elle suppose en outre que le cocontractant protégé agisse en connaissance du vice et avec l'intention de le réparer ; or, l'accord des époux Simon P. pour l'installation de la centrale photovoltaïque puis son exploitation sans réserves est sans doute de nature à couvrir les insuffisances du bon de commande relatives à la description du matériel, qui a été livré et dont les détails initialement omis figurent sur la facture du 28 mars 2016, mais rien ne permet de considérer qu'ils ont pu avoir conscience du vice affectant les mentions relatives à leur droit de rétractation.

C'est en conséquence à juste titre que le premier juge a prononcé la nullité du contrat principal ainsi que celle subséquente du contrat de crédit accessoire par application des dispositions de l'article L. 311-32 du code de la consommation.

Ces annulations emportent la remise des parties en l'état antérieur aux contrats avec restitutions réciproques des prestations par chacune des parties.

S'agissant de la vente, il y a lieu, en contrepartie du remboursement du prix d'achat, à reprise du matériel et remise en état des lieux par la société SVH Energie, comme l'a décidé le premier juge, et non, sauf inexécution, à condamnation de celle-ci à son coût de réalisation par les époux Simon P. eux-mêmes.

S'agissant du crédit, les époux Simon P. doivent en principe le remboursement à la banque du capital prêté, quand bien même le versement aurait été réalisé directement entre les mains du vendeur.

Sur la faute de la banque

Les époux Simon P. reprochent à la banque des fautes contractuelles de nature à la priver de son droit à restitution des sommes prêtées.

En 1er lieu, puisque l'ancien article L. 311-31 devenu l'article L. 312-48 du code de la consommation dispose que les obligations de l'emprunteur ne prenant effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation, la banque se devait de veiller à l'accomplissement de l'intégralité de la prestation avant de procéder au déblocage des fonds entre les mains du vendeur.

A cet égard, la banque se prévaut d'un certificat de livraison signé et daté du 23 mars 2016 attestant que la livraison des biens et/ou de la fourniture de la prestation de services ci-dessus désignés [photovoltaïques - led] a été pleinement effectuée conformément au contrat principal de vente et est intervenue le 23 mars 2016.

Il est certain que la signature y figurant n'est pas conforme à celles, toujours semblables, de Mme Agnès Simon P.. Elle présente en revanche de fortes ressemblances avec celles de M. Francisco Simon P., aux graphismes variables, qui figurent sur les documents afférents au crédit. En l'absence d'anomalie apparente, l'organisme de crédit pouvait donc se fier à cette signature sans procéder à des vérifications complémentaires. Par ailleurs, les époux Simon P. sont coemprunteurs solidaires et, quoiqu'il n'ait pas formellement signé le bon de commande, M. Simon P. se présente comme acheteur de la centrale photovoltaïque avec son épouse ; la signature de l'un d'entre eux suffit donc à engager les deux époux solidairement tenus à la dette.

La prestation de la société SVH Energie comportait, outre la fourniture du matériel, son installation ainsi que son raccordement et les démarches administratives utiles. Tel qu'il a été rempli, le certificat de livraison ne rendait pas compte de la complexité de cette prestation et ne permettait pas à l'établissement de crédit de s'assurer, comme il en avait l'obligation, qu'elle avait bien été menée à son terme, de sorte que la banque a commis une faute en procédant au déblocage des fonds au seul vu de celui-ci.

En 2ème lieu, il est constant que dans l'hypothèse d'un contrat de vente signé dans le cadre d'un démarchage à domicile, il appartient au prêteur de vérifier la régularité du contrat de vente avant de procéder au déblocage des fonds. En l'espèce, il est établi que le bon de commande était manifestement irrégulier en ce qu'il était déficient dans la désignation des biens vendus et des prestations assurées et que le bordereau de rétractation n'était pas conforme aux exigences légales s'agissant de l'indication du délai dans lequel pouvait s'exercer ce droit. En procédant à la remise des fonds en dépit des irrégularités apparentes du contrat de vente, la banque a aussi commis une faute de nature à la priver de son droit à la restitution du capital restant dû en dépit de l'attestation de fin de travaux régulièrement signée par l'acquéreur.

En 3ème lieu, l'installation sur un bâtiment existant d'une centrale photovoltaïque, comportant principalement l'ajout des panneaux en toiture, ne constitue pas une opération de construction mais relève d'une simple amélioration de celui-ci. Lorsque, comme en l'espèce, son financement est d'un montant inférieur à 75 000 €, il échappe aux dispositions régissant le crédit immobilier, par application de l'article L. 312-2 c) du code de la consommation dans la rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 10 juillet 2010.

Par ailleurs, si l'établissement prêteur est tenu envers les emprunteurs non avertis d'un devoir de mise en garde, c'est à la condition qu'il existe, au jour de leur engagement, un risque particulier d'endettement disproportionné incompatible avec leurs capacités financières. Or, en l'espèce, la société Sygma Banque a établi une fiche dialogue récapitulant le budget mensuel des emprunteurs, faisant état d'un revenu de 3160 € avec deux enfants à charge et de charges fixes de 386 €, et a vérifié leurs revenus au moyen des fiches de paie et avis d'imposition, en plus des documents d'identité, qu'elle produit aux débats ; elle n'avait pas l'obligation de procéder à des investigations complémentaires et ces informations ne sont au demeurant pas discutées par les intimés. Il en ressort que le remboursement d'une mensualité de 431,13 €, susceptible d'être allégé par le produit escompté de la vente d'électricité, ne faisait pas courir aux époux Simon P. un risque d'endettement excessif et n'appelait pas de la part de la banque un avertissement particulier.

C'est donc à tort que les époux Simon P. reprochent à la banque de leur avoir accordé un crédit à la consommation et non un crédit immobilier et d'avoir manqué à cette occasion à son obligation d'information et de mise en garde.

En 4ème lieu, les intimés ne caractérisent pas le défaut d'information qu'ils imputent à la société SVH Energie, relative aux conditions du crédit proposé par la société Sygma Banque, qu'ils formulent en termes très généraux au visa des dispositions de l'article L. 311-8 du code de la consommation, de sorte que la responsabilité du prêteur ne peut être engagée à ce titre.

Par conséquent, les époux Simon P. reprochent à juste titre à la société Sygma Banque des manquements fautifs à ses obligations de contrôle du bon de commande et de l'exécution complète du contrat principal.

Il est cependant désormais acquis que la faute du prêteur n'est pas suffisante pour le priver de sa créance de restitution et qu'il appartient à l'emprunteur de rapporter la preuve d'un préjudice actuel et certain. En l'occurrence, l'annulation des contrats a pour effet de remettre les parties en l'état antérieur, avec remboursement par la société SVH Energie du prix de la vente, et les époux Simon P. ne justifient nullement que cette dernière, qui est in bonis, ne s'en acquittera pas ; au surplus, ils sont déchargés de tout intérêt au titre du financement et ont profité des revenus procurés par l'installation qui, s'ils la conservaient, est toujours pleinement fonctionnelle. En l'absence de préjudice certain, il n'y a pas lieu par suite de les dispenser de rembourser à la banque le capital emprunté, déduction faite des versements effectués.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point et les époux Simon P. tenus de rembourser à la société BNP Paribas personal finance la somme de 34 790 € déduction faite des versements effectués.

La demande présentée par la banque à l'encontre de la SVH Energie étant subsidiaire, il y a lieu également à infirmation du jugement qui y avait fait partiellement droit.

III. Sur les frais

Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par moitié par la société SVH Energie et la société BNP Paribas personal finance, qui seront chacune condamnées à payer à M. et Mme Simon P. la somme de 1 000 € en remboursement de leurs frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

Déclare irrecevables les conclusions de la société SVH Energie du 3 juillet 2020 ;

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a

- condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à la restitution des sommes versées par M. Francisco Simon P. et Mme Agnès Simon P. au titre du contrat de crédit affecté conclu le 14 janvier 2016,

- débouté la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande de remboursement du capital prêté,

- constaté les fautes commises par la société SVH Energie dans la conclusion et l'exécution du contrat,

- condamné la société SVH Energie à verser à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 17 395 €,

- condamné in solidum la société SVH Energie et la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société SVH Energie à restituer à Mme Agnès Simon P. et M. Francisco Simon P. la somme de 34 790 € ;

Condamne solidairement Mme Agnès Simon P. et M. Francisco Simon P. à rembourser à la société BNP Paribas personal finance la somme de 34 790 € sous déduction des échéances payées ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société SVH Energie et la société BNP Paribas personal finance chacune à la moitié des dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société SVH Energie et la société BNP Paribas personal finance à payer chacune la somme de 1 000 € à Mme Agnès Simon P. et M. Francisco Simon P. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.