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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 5 novembre 2020, n° 19/01761

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Assa Abloy Entrance Systems France (SAS)

Défendeur :

Lanneretonne (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Alzeari

Conseillers :

M. Darracq, M. Magnon

Avocat :

Me Hamtat

T. com. Pau, du 30 avr. 2019

30 avril 2019

FAITS-PROCEDURE-PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Suivant acte sous seing privé du 21 septembre 1999, la société à responsabilité limitée Lanneretonne a souscrit auprès de la société Besam service, aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée Assa abloy entrance systems France (ci-après la société Assa abloy), un contrat de maintenance, renouvelable par tacite reconduction, pour une porte coulissante automatique équipant son local commercial à Oloron-Sainte-Marie.

Suivant devis accepté le 19 avril 2016, la société Lanneretonne a commandé la fourniture et l'installation d'un module, dit « service upgrade kit » (SUK), pour améliorer et moderniser, le fonctionnement de la porte automatique sans la remplacer, moyennant le prix de 2 850 euros HT.

Le module a été installé le 28 avril 2016.

Dès la mise en service du nouveau dispositif, la société Lanneretonne s'est plainte de dysfonctionnements électriques récurrents affectant le fonctionnement de la porte, et déclenchant le système d'alarme.

La société Assa abloy est intervenue à plusieurs reprises sur les lieux sans donner satisfaction à sa cliente qui n'a pas réglé la facture du module SUK.

Le 30 mai 2017, la société Lanneretonne a résilié le contrat de maintenance.

Par ordonnance du 26 avril 2018, le président du tribunal de commerce de Pau a enjoint à la société Lanneretonne de payer la somme de 6 731,08 euros TTC au titre de la facture du module (3 420 euros) et des factures du contrat de maintenance 2016, 2017 et 2018 (1 087,68 euros, 1 105,40 euros et 1 118 euros).

L'ordonnance a été signifiée le 7 mai 2018.

La société Lanneretonne a formé opposition par une lettre, dont la date d'expédition n'a pas été précisée mais reçue au greffe du tribunal de commerce le 4 juin 2018.

Par jugement du 30 avril 2019, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal a :

- reçu la société Lanneretonne en son opposition comme recevable en la forme

- débouté la société Assa abloy de l'ensemble de ses demandes

- condamné la société Assa abloy à payer à la société Lanneretonne la somme de 730,26 euros à titre de dommages et intérêts, une indemnité de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration au greffe faite le 23 mai 2019, la société Assa abloy entrance systems France a relevé appel de ce jugement.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 17 juin 2020.

Vu les dernières conclusions notifiées le 12 juin 2020 par la société Assa abloy qui a demandé à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris

- dire que la société Lanneretonne est tant irrecevable que mal fondée en toutes ses demandes

- la condamner à lui payer la somme de 6 731,08 euros avec intérêts au taux légal appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points (article L. 441-6 du code de commerce) et ce à compter de la date d'échéance de chacune des factures pour son montant, outre une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées le 9 juin 2020 par la société Lanneretonne qui a demandé à la cour :

I/ sur la facture du 29 avril 2016 relative au module SUK

A titre principal, au visa de l'article 1133 du code civil et 1110 ancien :

- dire que le consentement de la société Lanneretonne a été vicié pour cause d'erreur

A titre subsidiaire, au visa de l'article 1137 du code civil et 1116 ancien :

- dire que le consentement de la société Lanneretonne a été vicié pour cause de dol ou d'erreur

A titre infiniment subsidiaire :

- au visa de l'article 1604 du code civil : dire qu'il existe un défaut de délivrance conforme

- à défaut, au visa de l'article 1641 du code civil : dire qu'il existe un vice caché

Dans tous les cas, prononcer la résolution du contrat signé le 19 avril 2016, en tant que de besoin en raison du défaut d'information pré-contractuel.

A titre très infiniment subsidiaire, au visa des articles 1240, 1231-2, 1103 du code civil et 1147, 1184 anciens :

- prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Assa abloy

- dire que la société Assa abloy a manqué à ses obligations contractuelles et à son obligation de conseil et que la société Lanneretonne peut lui opposer l'exception d'inexécution

- dire que la société Assa abloy ne bénéficie d'aucun droit de paiement

- confirmer le jugement entrepris

- débouter la société Assa abloy de ses demandes

II/ sur les factures de maintenance

- dire que la société Assa abloy ne bénéficie d'aucun droit à paiement

- confirmer le jugement entrepris

- débouter la société Assa abloy de ses demandes

- condamner la société Assa abloy au paiement de la somme de 730,26 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis en lien avec les désagréments causés par les multiples réparations inefficaces, outre une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 - sur le contrat de fourniture et d'installation du module SUK

1 – 1°) observations liminaires

Il est acquis aux débats que le bon de commande accepté le 19 avril 2016 portant sur la fourniture et l'installation du module SUK destiné au bon fonctionnement de la porte coulissante automatique du local commercial de la société Lanneretonne s'analyse en un contrat de vente.

Les interventions du vendeur, dans le cadre des garanties, pour remédier aux désordres dérivent de ce même contrat de vente.

Ensuite, ce contrat conclu le 19 avril 2016 est soumis, s'agissant des règles générales de formation et d'exécution des conventions, aux dispositions du code civil dans leurs versions antérieures à celles issues de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1 septembre 2016.

Enfin, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

La cour doit constater que, dans le dispositif de ses conclusions, la société Lanneretonne a demandé à la cour de prononcer la résolution, et non la nullité, du contrat de vente, pour vices du consentement pour dol ou erreur.

Si la cour est donc bien saisie d'une demande de « résolution pour vices du consentement », elle n'est saisie d'une demande de nullité du contrat de vente, ces deux sanctions n'étant pas assimilables.

1 – 2°) sur la recevabilité en appel des demandes tendant à l'anéantissement du contrat

L'intimée soulève, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, l'irrecevabilité tirée de la nouveauté en appel des demandes de nullité, de résolution et de résiliation du contrat de vente du module SUK, au motif que, en première instance, la société Lanneretonne n'avait pas présenté ces demandes, se bornant à conclure au débouté des demandes principales, et, à titre reconventionnel, à solliciter la réparation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Mais, il résulte des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile que les parties peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions notamment pour faire écarter les prétentions adverses.

En outre, il résulte des articles 567 et 70 du code de procédure civile que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel, dès lors qu'elles se rattachent par un lien suffisant aux prétentions originaires.

A l'exception de la demande de nullité du contrat de vente dont la cour n'est pas saisie, il résulte des textes qui précèdent, d'une part, au visa de l'article 564, que la société Lanneretonne, défenderesse en première instance à l'action en paiement du prix de vente, est recevable, à hauteur d'appel, à demander la résolution ou la résiliation du contrat de vente pour faire échec au paiement du prix de vente, et, d'autre part, au visa du seul article 567, qu'elle est encore recevable à présenter ces mêmes demandes qui présentent une nature reconventionnelle au sens de l'article 78 du code de procédure civile dès lors qu'elles tendent à obtenir un avantage, l'anéantissement du contrat, autre que le simple rejet de la demande, et se rattachent directement aux prétentions de la demanderesse.

2 - sur les vices du consentement

En droit, il résulte des dispositions des articles 1108 et suivants du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le vice du consentement de la partie qui s'oblige est sanctionné par la nullité de la convention.

Par conséquent, il ne peut être fait droit à la demande de résolution du contrat de vente pour dol et erreur, cette sanction étant seulement applicable en cas d'inexécution du contrat.

3 - sur la résolution de la vente pour défaut de conformité

En application de l'article 1604 du code civil, le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme aux spécifications convenues avec l'acquéreur.

En l'espèce, la société Lanneretonne conclut à la résolution du contrat de vente pour défaut de conformité en faisant valoir que la société Assa abloy n'a pas remplacé le verrou par un nouveau verrou comme cela était prévu dans le bon de commande et que l'équipement vendu et installé n'a pas remédié aux problèmes de fonctionnement.

L'appelante objecte que son module SUK ne comporte pas de verrou, rendant inopérant le moyen tiré du défaut de conformité.

L'action en résolution de la vente du 19 avril 2016, engagée par voie de conclusions notifiées le 11 décembre 2019, est recevable comme non atteinte par la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce.

Sur le fond, il est constant que la société Assa abloy a proposé son module SUK comme solution alternative au remplacement de la porte coulissante automatique du local commercial de la société Lanneretonne, remédiant tout à la fois aux défauts existants tout en modernisant son fonctionnement pour l'avenir.

Le bon de commande, qui détaille précisément les pièces et composants nécessaires à l'installation du module SUK, prévoit l'installation d'un verrou.

En outre, la fiche d'intervention établie après travaux, détaillant la quantité, les références commerciales et le nombre des pièces utilisées, mentionne l'installation du verrou. La facture a été établie sur la base du bon de commande et de ce bon d'intervention.

La société Assa abloy s'est donc obligée à livrer une installation complète conforme aux spécifications techniques détaillées dans le bon de commande et aux objectifs d'amélioration durable du fonctionnement de la porte automatique.

Dans ce cadre, elle s'est obligée à remplacer l'ancien verrou par un nouveau verrou participant du bon fonctionnement de la porte coulissante équipée du module SUK, peu important qu'il s'agisse d'un organe externe au module.

Or, se plaignant, dès sa mise en service, des dysfonctionnements erratiques de la porte automatique, non résolus par les interventions successives du vendeur, la société Lanneretonne a mandaté un autre professionnel, la société Record, qui a découvert que le verrou en place était celui d'origine, que ce verrou était « quasiment hors service », générant un défaut de verrouillage à l'ouverture malgré le kit SUK, et que ce type de verrou n'était plus commercialisé.

La société Assa abloy n'apporte aucune critique sérieuse à l'encontre de ces constatations dont il résulte qu'elle a livré et facturé une installation incomplète, en contradiction avec sa fiche d'intervention, et impropre à remplir sa fonction, ces défauts n'étant pas décelables par la société Lanneretonne.

Dès lors que l'installation vendue n'est pas conforme avec les caractéristiques convenues dans le bon de commande et que le non-remplacement du verrou est impliqué dans les dysfonctionnements constatés, peu important leurs incidences sur l'impropriété de l'installation à sa destination, la société Lanneretonne est fondée à agir en résolution de la vente sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme.

Compte tenu des incidences majeures et irrémédiables de cette non-conformité, le verrou n'étant plus commercialisé, il convient de prononcer la résolution du contrat de vente et, par voie de conséquence, de confirmer le jugement entrepris, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté la société Assa abloy de sa demande de paiement du prix de vente.

La société Lanneretonne, qui a obtenu une remise de 1 087,68 euros au titre du contrat de maintenance 2016, en relation avec ces dysfonctionnements, ne caractérise pas autrement le préjudice allégué au soutien de sa demande de dommages et intérêts de 1 500 euros, justement rejetée par les premiers juges.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Assa abloy à payer à la société Lanneretonne la somme de 730,26 euros à titre de dommages et intérêts indemnisant le préjudice lié à la prise en charge du coût de la prestation réglée à la société Record pour remédier aux dysfonctionnements non résolus par le vendeur.

4 -sur les contrats de maintenance

Il ressort des pièces produites aux débats que par mail du 16 juin 2016, faisant suite aux dysfonctionnements à répétition de la porte automatique, la société Assa abloy a transmis « un avenant au contrat de maintenance qui est offert pendant la période de garantie de votre installation, soit jusqu'au 30 avril 2017 ».

Par conséquent, la société Assa abloy a expressément consenti une remise de dette au titre de l'année 2016.

Ensuite, par lettre du 30 mai 2017, la société Lanneretonne a notifié sa décision de résilier le contrat de maintenance dans des conditions qui ont été acceptées par la société Assa abloy qui, par mail du 14 juin 2017, a déclaré « tenir compte de la demande de non-renouvellement pour 2017 ».

Par conséquent, la société Assa abloy ne peut réclamer aucune somme au titre du contrat de maintenance pour 2017, d'autant, au surplus, qu'elle n'a pas réalisé les deux visites minimales contractuelles exigées pour prétendre à une rémunération.

Enfin, du fait de la résiliation en 2017 du contrat de maintenance, qui était renouvelable par tacite reconduction, la société Assa abloy ne peut réclamer une quelconque rémunération au titre d'un contrat de maintenance 2018 inexistant.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Assa abloy de ses demandes fondées sur le contrat de maintenance.

Le jugement sera confirmé sur les dépens, précision faite que ceux-ci inclus les frais de la procédure d'injonction de payer, et les frais irrépétibles, et la société Assa abloy condamnée aux dépens d'appel et au paiement d'une indemnité complémentaire de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté en appel des demandes de résolution et de résiliation du contrat de vente du module SUK en date du 19 avril 2016,

DEBOUTE la société Lanneretonne de sa demande de « résolution » du contrat de vente pour dol et erreur,

DECLARE recevable comme non prescrite la demande de résolution pour défaut de conformité,

PRONONCE la résolution du contrat de vente du module SUK en date du 19 avril 2016 pour défaut de conformité,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, par substitution de motifs sur le rejet de la demande de paiement du prix de vente du module, et précision faite que les dépens incluent les frais de la procédure d'injonction de payer,

CONDAMNE la société Assa abloy aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société Assa abloy à payer à la société Lanneretonne une indemnité complémentaire de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.