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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 5 novembre 2020, n° 19/21121

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Kerimedical (Sté)

Défendeur :

Lapé Medical (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guillou

Conseillers :

M. Rondeau, Mme Chopin

Avocats :

Me Ingold, Me Sophanor, Me Valentie, Me Rebiffe

T. com. Paris, du 17 oct. 2019

17 octobre 2019

Exposé du litige

Par acte sous seing privé du 7 décembre 2016 de cession partielle de fonds de commerce, la SAS Lapé Médical a cédé à la société KériMédical, société anonyme de droit suisse, des actifs liés à la prothèse médicale exploités sous la marque « Touch » et à ses ancillaires, prothèses composées d'un col, d'une cupule et d'une tige, posés à la base du pouce à l'aide d'ancillaires adaptées.

Le 7 décembre 2016, les parties concluaient également des contrats de fabrication et de sous-traitance de ces produits :

- un « contrat de fabrication - période 1 » correspondant à la période nécessaire à l'obtention par Kéri du marquage CE (autorisation de mise sur le marché de l'Union européenne) à son nom. Au cours de cette période, la société KériMédical est liée à la SAS Lapé Médical par une clause d'approvisionnement exclusif ;

- un « contrat de fabrication en sous-traitance - période 2 » dès que la société KériMédical aura obtenu ses propres marquages CE.

Le 28 février 2019 la société Kéri médical a adressé à son cocontractant la déclaration de conformité CE

Le 22 mars 2019, la société KériMédical a adressé à la SAS Lapé Médical une commande n° CF 2029058 portant sur 450 cupules, 540 cols et 540 tiges, pour un montant total de 113 355 euros, puis, le 10 avril 2019, une commande n° CF 2019059 portant sur 518 cupules, 530 cols et 552 tiges, pour un montant total de 118 316 euros.

Le 31 juillet 2019, Kéri a passé une commande de 360 cols pour un montant total de 49 955 euros. La SAS Lapé a refusé cette commande par un courrier en date du 1er août 2019.

Le 27 septembre 2019, la société KériMédical a envoyé une mise en demeure à la SAS Lapé Médical pour demander la livraison du reliquat des commandes n° CF2019058 et n° CF2019059.

Elle lui reproche une livraison seulement partielle de ces commandes et l'absence du marquage CE de la société KériMédical. De son côté, la SAS Lapé Médical reproche à la société KériMédical d'avoir eu recours depuis 2017 à des sous-traitants tiers en violation de l'exclusivité prévue au contrat P1, et de ne pas avoir fourni de calendriers prévisionnels d'achat faisant obstacle à la programmation de sa fabrication.

Par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 11 octobre 2019, la société KériMédical a été autorisée à assigner la SAS Lapé Médical en référé à heure indiquée pour l'audience du 17 octobre 2019.

Par exploit du 14 octobre 2019, la société KériMédical a assigné la SAS Lapé Médical devant le président du tribunal de commerce de Paris auquel elle a demandé de :

- ordonner à la SAS Lapé Médical de procéder à la livraison intégrale et conforme aux « spécifications techniques » du contrat de sous-traitance de fabrication période 2 conclu le 7 décembre 2016 des commandes n° CF2019058 du 22 mars 2019 et n° CF2019059 du 10 avril 2019, dans un délai de 72 heures à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- ordonner à la SAS Lapé Médical de payer une astreinte définitive de 1 000 euros par jour de retard dans la livraison intégrale et conforme aux « Spécifications Techniques » du contrat de sous-traitance de fabrication Période 2 conclu le 7 décembre 2016 des commandes n° CF2019058 du 22 mars 2019 et n° CF2019059 du 10 avril 2019,

- se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte,

- ordonner l'exécution de l'ordonnance à intervenir au seul vu de la minute,

- condamner la SAS Lapé Médical à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS Lapé Médical aux entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire du 17 octobre 2019, le président du tribunal de commerce de Paris, retenant l'existence d'une contestation sérieuse a :

- dit n'y avoir lieu à référé, ni à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société KériMédical aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidé à la somme de 44,07 euros TTC dont 7,13 euros de TVA,

- dit que l'ordonnance est de plein droit exécutoire par provision en application de l'article 489 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 15 novembre 2019, la société KériMédical a fait appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 8 septembre 2020, la société KériMédical a demandé à la cour, sur le fondement de l'article 873 pris en ses deux alinéas, 491 et 700 du code de procédure civile, de

- la dire et juger recevable et bien-fondée dans ses écritures ;

Par conséquent :

- infirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 17 octobre 2019 en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau :

- dire et juger que le juge des référés dans son ordonnance du 17 octobre 2019 a omis de statuer sur ses demandes relatives à l'alinéa premier de l'article 873 du code de procédure civile et n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations,

- dire et juger que l'obligation contractuelle incombant à la SAS Lapé Médical de procéder à la livraison intégrale et conforme aux spécifications techniques du contrat de sous-traitance de fabrication Période 2 conclu le 7 décembre 2016 n'est pas sérieusement contestable,

- ordonner à la SAS Lapé Médical de procéder à la livraison intégrale et conforme aux « Spécifications Techniques » du contrat de sous-traitance de fabrication Période 2 conclu le 7 décembre 2016 des commandes n° CF2019058 du 22 mars 2019 et n° CF2019059 du 10 avril 2019, dans un délai de 72 heures à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- ordonner à la SAS Lapé Médical de payer une astreinte définitive de 1 000 euros par jour de retard dans la livraison intégrale et conforme aux « Spécifications Techniques » du contrat de sous-traitance de fabrication Période 2 conclu le 7 décembre 2016 des commandes n° CF2019058 du 22 mars 2019 et n° CF2019059 du 10 avril 2019,

A titre subsidiaire :

- dire et juger que le défaut de livraison par la SAS Lapé Médical des commandes n° CF2019058 du 22 mars 2019 et n° CF2019059 du 10 avril 2019 l'expose à un dommage imminent,

- ordonner à la SAS Lapé Médical de procéder à la livraison des stocks dont elle dispose et ce, dans un délai de 72 heures à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- ordonner à la SAS Lapé Médical de payer une astreinte définitive de 1 000 euros par jour de retard dans la livraison de tous les stocks dont celle-ci dispose,

En tout état de cause :

- dire et juger que le défaut de livraison par la SAS Lapé Médical des commandes n° CF2019058 du 22 mars 2019 et n° CF2019059 du 10 avril 2019 l'expose à un dommage imminent,

- ordonner à la SAS Lapé Médical de procéder à la livraison des composants des commandes n° CF2019058 du 22 mars 2019 et n° CF2019059 du 10 avril 2019, que celle-ci a indiqué être en capacité de livrer conformément aux termes de son courrier du 2 octobre 2019,

- ordonner à la SAS Lapé Médical de payer une astreinte définitive de 1 000 euros par jour de retard dans la livraison des composants des commandes n° CF2019058 du 22 mars 2019 et n° CF2019059 du 10 avril 2019, que celle-ci a indiqué être en capacité de livrer conformément aux termes de son courrier du 2 octobre 2019,

- condamner la SAS Lapé Médical à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

La société KériMédical a fait valoir en substance les éléments suivants :

Sur l'omission de statuer :

- que la société KériMédical a présenté sa demande au visa des deux alinéas de l'article 873 du code de procédure civile, que le juge des référés qui a basé sa décision sur l'alinéa 2 de cet article sans statuer sur l'existence d'un dommage imminent a commis une omission de statuer,

Sur l'obligation non sérieusement contestable :

- que l'obligation contractuelle de la SAS Lapé Médical de livrer à la société KériMédical des produits conformes aux spécifications techniques du contrat P2 n'est pas sérieusement contestable, qu'ainsi, la commande n° CF2019058 du 22 mars 2019 n'a été livrée que partiellement, avec 14 jours de retard, et n'est pas conforme aux spécifications techniques en ce qui concerne le marquage CE de la société KériMédical ; que la commande n° CF2019059 du 10 avril 2019 n'a jamais été livrée,

- qu'une prothèse incomplète ne peut être vendue eu égard à la spécificité du produit et que l'absence d'une référence de commande bloque donc l'ensemble des ventes,

- que ces manquements sont délibérés puisque la SAS Lapé médical reconnaît avoir livré des produits P1 et non des produits P2 ; qu'il n'y existe donc pas de contestation sérieuse de l'obligation contractuelle de la SAS Lapé Médical de procéder à la livraison des deux commandes,

- que l'absence de communication de prévisionnel ne peut justifier une quelconque impossibilité de produire et de livrer les produits, et que la société KériMédical n'était tenue à aucune clause d'exclusivité la liant à la SAS Lapé Médical au titre du contrat P2 ; que la prétendue inexécution de la société KériMédical ne peut pas servir à justifier les manquements de la SAS Lapé Médical,

Subsidiairement, sur le dommage imminent :

- que ses clients chirurgiens exigent d'avoir et un contrôle de leurs stocks et un jeu complet de prothèse pour chaque opération ; que les manquements contractuels l'exposent à la menace d'être en rupture d'approvisionnement et dans l'incapacité de livrer les chirurgiens, ce qui constitue un dommage imminent,

- qu'elle a dû mobiliser ses ressources internes pour pallier les manquements contractuels, au prix d'une désorganisation interne, ce qui l'expose donc à un dommage économique et réputationnel conséquent constitutif d'un dommage imminent.

La SAS Lapé médical, par conclusions transmises par voie électronique le 11 septembre 2020, a demandé à la cour, sur le fondement de l'article 873 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 17 octobre 2019 en toutes ses dispositions ;

- débouter la société KériMédical de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société KériMédical à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société KériMédical aux entiers dépens de l'instance et ce en vertu des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La SAS Lapé Médical a exposé en résumé :

- que la question du dommage imminent a été débattue et écartée lors de l'audience de référé du 17 octobre 2019 et que l'éventuelle omission de statuer n'a aucune incidence, compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel,

- que la société KériMédical n'a pas respecté des obligations mises à sa charge par le contrat P2, notamment l'obligation de fournir un calendrier prévisionnel actualisé tous les trois mois et portant sur les six mois à venir, et l'obligation de commander un minimum de 80 % du calendrier prévisionnel annoncé,

- qu'en l'absence de spécifications techniques de la part de la société KériMédical, qui a cessé de s'approvisionner auprès de la SAS Lapé Médical, cette dernière ne pouvait procéder à leur fabrication,

- que les commandes émises par la société KériMédical les 22 mars et 10 avril 2019 constituent les seules commandes passées après l'entrée en vigueur du contrat P2 ; que la SAS Lapé Médical, qui est tenue par une exclusivité à l'égard de la société KériMédical, ne pouvait pas lancer la production de produits P2 sans être certaine de pouvoir les écouler ; qu'elle a par ailleurs respecté son obligation contractuelle de maintenir une capacité de production de 3 000 prothèses et 180 ancillaires par an,

- qu'elle ne conteste pas que les produits livrés le 9 juillet 2019, en exécution de la commande CF2019058 sont des produits P1 et non des produits P2, puisqu'au contraire ces produits ont été livrés conformément à l'autorisation de la société KériMédical du 10 avril 2019 ; que la société KériMédical n'a d'ailleurs émis aucune réserve lors de la livraison du 9 juillet 2019, ni dans le délai contractuel de 8 jours, mais qu'au contraire elle a procédé à son règlement intégral le 16 septembre 2019,

- que la fourniture d'un calendrier prévisionnel de vente constituant un préalable indispensable à la fabrication de produits P2, elle était bien fondée à opposer à la société KériMédical une exception d'inexécution au sens de l'article 1219 du code civil,

- que ces éléments expliquent la situation dans laquelle se trouvent les parties, leur désaccord quant à l'exécution du contrat P2, et constituent une contestation sérieuse ;

- que pour les mêmes motifs, la société KériMédical ne peut pas réclamer pour la première fois en appel une livraison complémentaire,

Sur le dommage imminent :

- que la société KériMédical ne justifie pas de l'urgence qu'elle a à obtenir la livraison des commandes litigieuses ou d'un risque sanitaire, la société KériMédical s'adressant à d'autres fournisseurs, et en tout état de cause ce dommage imminent ne résulte pas de manquements contractuels de la SAS Lapé Médical et que l'urgence à obtenir ces commandes pour octobre 2019 n'est plus pertinente ;

- que les hôpitaux, cliniques et praticiens ne s'approvisionnent pas auprès d'un seul fournisseur, que le risque de rupture d'approvisionnement des praticiens est infondé.

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

En application des dispositions de l'article 873, le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Il peut également en l'absence de contestation sérieuse, allouer une provision au créancier.

C'est au regard de ce fondement qu'il convient de statuer, sans qu'il y ait lieu de réparer une omission de statuer, l'entier litige étant dévolu à la cour par l'effet de l'appel.

La société Kéri soutient sur ces deux fondements que la société Lapé médical doit être condamnée à procéder à la livraison totale des commandes CF2019058 du 22 mars 2019 et n° CF2019059 du 10 avril 2019, dans un délai de 72 heures à compter du prononcé de la décision à intervenir en se fondant d'une part sur l'absence de contestation sérieuse et subsidiairement sur le fondement du dommage imminent.

L'absence de contestation sérieuse permet d'ordonner le paiement d'une provision qui n'est pas demandée en l'espèce.

Il convient donc d'envisager le trouble manifestement illicite ou l'existence d'un dommage imminent.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite résulte, quant à lui, de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

La méconnaissance du contrat, qui fait la loi des parties, constitue une règle de droit.

Le contrat « P1 » signé entre les parties prévoit que l'acheteur (Kéri) confie en exclusivité pour toute la durée de la convention au fabriquant, qui accepte la fabrication des produits conformément aux spécifications techniques figurant à l'annexe (...) cette exclusivité interdit à l'acheteur pendant toute la durée de la présente convention de fabriquer ou de faire fabriquer par un tiers les produits (...) Le fabricant s'engage à assurer l'approvisionnement et la livraison régulière des produits fabriqués pour le compte de l'acheteur et commandés par ce dernier dans un délai maximum de 90 jours de la commande (...)l'Acheteur s'engage à transmettre au fabricant tous les 3 mois un calendrier prévisionnel d'achat pour les 6 mois suivants (...) L'acheteur s'engage à commander et le fabricant s'engage à livrer sur chaque période prévisionnelle de 3 mois un minimum de 80% du calendrier prévisionnel annoncé. (...) L'acheteur passera les commandes au moins 90 jours ouvrés avant la date de livraison souhaitée. Pour répondre aux besoins estimés par l'acheteur, le fabricant s'engage à maintenir une capacité de production lui permettant de livrer :

- prothèses : 3 000 par an selon le calendrier prévisionnel adressé par l'acheteur dans la limite de 300 par mois,

- ancillaires : 180 par an selon le calendrier provisionnel adressé par l'acheteur dans la limite de 15 par mois.

L'acheteur dispose d'un délai de 8 jours à compter de la date de la livraison des produits dans ses locaux pour émettre auprès du fabricant des réserves sur les vices apparents ou les non-conformités des produits. A l'expiration de ce délai l'acheteur sera réputé avoir procédé à une réception tacite des produits et à défaut la réclamation sera irrecevable ».

Le contrat « P2 », en vigueur dès que la société KériMédical a obtenu à son profit le transfert du marquage CE, prévoit la conclusion d'un contrat de sous-traitance avec les mêmes obligations réciproques quant aux approvisionnements, aux calendriers prévisionnels, aux commandes effectives, et à la réception des produits. Il prévoit que l'acheteur confie au sous-traitant qui accepte la fabrication des produits conformément aux spécifications techniques figurant à l'annexe « spécifications techniques », laquelle prévoit documents à communiquer à l'entrée en vigueur du contrat : dossier marquage CE, certificats CE de Kéri médical et les références du dossier techniques avec la version en cours.

Le 28 février 2019 la société Kéri a adressé à la société Lapé médical un courrier l'informant de la déclaration de conformité CE de sa société complétant l'attestation de marquage CE portant sur les ancillaires et finalisant le passage en période 2 pour tous les produits (prothèses et ancillaires), cette lettre précisant également en application de l'article 10 du contrat de sous-traitance de fabrication période 2 le contrat de sous-traitance a pris automatiquement effet et toutes nouvelles commandes à compter du 27 février 2019 sera soumis aux conditions, notamment financières du contrat de sous-traitance de fabrication période 2.

Les parties s'opposent sur l'imputabilité d'une part du retard dans les livraisons des deux commandes de mars et avril 2019.

Ces retards sont préjudiciables puisqu'en dépendent des interventions chirurgicales comme le fait valoir la société Kéri dans un courriel du 25 septembre 2019 dans lequel il lui rappelle que si les délais ne peuvent être tenus, il convient de le faire savoir pour que les clients puissent être prévenus et les interventions reportées.

Ces commandes sont conformes aux contrats puisque notamment la commande CF2019059 du 10 avril 2019 demande la livraison de 500 implants en juillet, soit 2 mois et demi de délais alors que le contrat prévoit que le fabricant s'engage à maintenir une capacité de production lui permettant de livrer des prothèses dans la limite de 300 par mois, ce qui correspond à la commande.

La cour relève :

- qu'alors que la société Kéri médical a écrit le 28 février pour transmettre la déclaration de conformité lui permettant de faire rentrer en vigueur le contrat P2 pour toute commande postérieure, la société Lapé médical a accepté la commande du 22 mars 2019 qui pourtant rappelait « les dispositifs médicaux cités en commande doivent répondre aux termes du contrat période 2 signé entre Lapé médical et Kéri médical, être fabriqués contrôlés, et libérés conformément aux spécifications d'achat décrites dans EN-1A-001-MD01 et au contrat qualité EN-1A-009-LAPE »,

- qu'elle n'a pas à cette date répondu ne pas être en possession des spécifications nécessaires et qu'elle a d'ailleurs procédé à une partie des livraisons,

- que lorsqu'elle a à nouveau demandé les spécifications techniques, la société KériMédical a répondu le 10 avril 2019 en transférant le courriel du 5 décembre 2018 auquel ces spécifications étaient déjà jointes et en proposant en cas de problème de maintenir temporairement les spécifications relatives au marquage Lapé,

- que la société Lapé a reçu le même jour une seconde commande qu'elle n'a pas refusée,

- que sans être démenti dans le courriel du 1er avril 2020, M.X de la société KériMédical expose que lors d'un entretien de mars, la société Lapé a imputé les retards accumulés sur de précédentes commandes par la limitation des facultés de production d'une société tierce ATF.

Dès lors la non-remise des spécifications n'apparaît pas établie et le non-paiement des factures ne peut expliquer l'absence de livraison de la première commande prévue pour le 19 juin 2019. Dans un courrier du 10 octobre 2019 la société Lapé confirme d'ailleurs que le « défaut de paiement » concerne la période du 30 juin au 16 septembre 2019.

Le paiement ayant été en définitive effectué en septembre, les livraisons n'ont pas pour autant été exécutées.

En revanche l'absence de remise des prévisionnels est certaine mais son incidence sur l'inexécution des deux commandes précitées n'est pas manifeste puisque la société Kéri reconnaît avoir eu début janvier 2019 un prévisionnel pour les six mois à venir, lequel couvrait donc ces commandes.

Si la société Lapé établit en effet que le contrat prévoit la remise d'un prévisionnel dans les 15 jours de l'entrée en vigueur du contrat P2 ce manquement ne peut davantage expliquer la non-exécution de la première commande dont la société Kéri avait accepté qu'elle conserve encore le marquage Lapé médical.

Enfin, sans que ce document soit un véritable prévisionnel, le 1er avril 2019 M. X de la société Kéri a adressé à la société Lapé la liste des « besoins en implants jusqu'à la fin de l'année en plus des commandes fermes qui vous ont déjà été envoyées » lui demandant « merci de ne pas considérer ces quantités comme un prévisionnel de commande, ces indications permettant cependant à la société Lapé de connaître le contour des futures commandes, les deux commandes n'étant d'ailleurs pas concernées par ce prévisionnel manquant. »

Le lien entre ce manquement et l'absence de livraison en totalité des commandes de mars et avril n'est donc pas caractérisé et n'a d'ailleurs à aucun moment été invoqué avant l'été 2019 par la société Lapé dans les échanges qu'elle a eus avec la société Kéri.

Les autres contestations élevées par la société Lapé portent sur l'exécution du contrat postérieurement à ces deux commandes (commandes effectuées avec des délais de livraisons trop brefs, absence de prévisionnels, non-respect des volumes, commandes de simple cols et non de jeux de prothèses complets,) elles portent également sur la volonté supposée de la société Kéri de se fournir chez un tiers et de mettre fin au contrat mais tous ces éléments sont des circonstances postérieures et sans lien avec les deux commandes qui ont été acceptées et qui n'ont pas été exécutées.

Le juge des référés n'est en l'espèce pas saisi des circonstances de la rupture des relations contractuelles, qui excéderaient d'ailleurs son pouvoir mais de la non-exécution de deux commandes acceptées.

Le non-respect du contrat, en l'espèce la non-exécution de deux commandes acceptées, en l'absence de toute justification des causes de cette non-exécution, constitue un trouble manifestement illicite qui peut être réparé par l'obligation sous astreinte de livrer les éléments non livrés des commandes litigieuses.

Il ne sera pas fait droit à la demande tendant à voir fixer un délai de 72 heures pour ces livraisons dans la mesure où il ressort des contrats signés qu'un délai de 90 jours est nécessaire pour cette livraison et qu'il n'est pas établi en l'espèce que la société Lapé dispose des stocks nécessaires.

Les produits devant être livrés sont ceux rappelés dans la mise en demeure du 9 septembre 2019 qui liste les produits manquants.

Enfin les produits non livrés devront répondre aux spécifications des contrats P2 pour les produites restant à livrer puisque si la société a donné son accord le mercredi 10 avril pour qu'en cas de difficulté de mise en place du contrat P2 dans le délai prévu de livraison, le marquage CE Lape soit maintenu à condition que soit appliquée la grille tarifaire P2, cette offre n'est pas applicable plus d'un an après le délai de livraison.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance du 17 octobre 2019 en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

Ordonne à la société Lapé médical de livrer à la société KériMédical les produits rappelés dans la mise en demeure du 9 septembre 2019, manquants dans les livraisons des commandes CF2019058 du 22 mars 2019 et n° CF2019059 du 10 avril 2019 selon les spécifications du contrat P2, et ce dans un délai de 90 jours à compter de la signification de la présente décision, et sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant une durée de 2 mois,

Condamne la société Lapé médical à payer à la société Kéri médical la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Lapé médical aux dépens de première instance et d'appel.