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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 10 novembre 2020, n° 18/02205

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Colemoi (EURL)

Défendeur :

Ludia (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel , Mme Bohee

TGI Paris, 3e ch. sect. 4, du 30 nov. 20…

30 novembre 2017

EXPOSÉ DU LITIGE

La société LUDIA est une société spécialisée dans le domaine de la conception, de la fabrication et de l'édition de jeux pédagogiques à destination des professionnels de l'éducation et de la rééducation (institut médico-spécialisé, orthophoniste, orthoptiste) dirigée par M. Philippe C..

Elle a repris l'activité de la société Atelier de l'Oiseau Magique, des Editions Pédagogiques du Grand Cerf et des Editions Denis C., qui était exercée par ce dernier, père de l'actuel dirigeant.

Elle expose qu'elle exploite divers jeux éducatifs dont « CACTUS », « CHÂTEAU FANTÔME », « CORAIL », « CODOPUZZLE 1 et 2 », « INSECTES & PETITES BÊTES », « LA PROMENADE DES ESCARGOTS » et « VOL DE PAPILLONS » dont elle revendique la protection au titre du droit d'auteur.

Elle précise que ces jeux, à l'exception de « VOL DE PAPILLONS » dont elle revendique la paternité, ont été créés et illustrés par M. Patrice LE Q., auteur et illustrateur indépendant qui lui a cédé ses droits.

Le 12 avril 2007, elle a recruté M. Jean-Michel H. qui exerçait sous le nom commercial « CRATERE-EDU » en tant qu'agent commercial pour développer un marché en Asie et promouvoir et commercialiser du matériel éducatif dont la gamme devait être dénommée LUDIA ASIA. Le jeu « CACTUS » a été décliné en « CORAIL » et le jeu « CODOPUZZLE 1 » en « CODOPUZZLE 2 » afin de les destiner au marché asiatique.

En octobre 2008, il a été mis fin à la mission à durée déterminée de dix-huit mois de M. Jean-Michel H. et au projet de créer la gamme LUDIA ASIA.

Malgré la fabrication d'un stock de jeux en Chine, aucune commercialisation de jeux n'a été entreprise, à l'exception du jeu « CORAIL » distribué pour le compte de la société LUDIA en Asie par la société de droit japonais JAKUETSU

M. H. a créé, en mai 2010, la société COLEMOI spécialisée dans l'édition et la commercialisation de jeux éducatifs et de matériels pédagogiques.

La société LUDIA expose qu'elle a fait constater la vente, le 22 mars 2015, de jeux dénommés « CORAIL » et « CHÂTEAU FANTÔMES », et avoir fait procéder à une saisie contrefaçon le 03 avril 2015 révélant que Mme G. T., une de ses anciennes salariées, et M G., son mari travaillant sous l'enseigne « G. ORTHO », commercialisaient ces jeux sur des salons et s'approvisionnaient auprès de la société COLEMOI.

La société LUDIA a fait assigner le 04 mai 2015 la société COLEMOI, Mme Dalila G. et M. Sébastien G. devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d'auteur sur les jeux « CACTUS », « CORAIL », « CHÂTEAU FANTÔMES » et « CODOPUZZLE » ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire.

M. H. et M. Patrice LE Q. sont intervenus volontairement à la procédure.

Par jugement réputé contradictoire du 30 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a statué en ces termes :

- Dit que la société LUDIA et Monsieur LE Q. sont recevables à agir au titre du droit d'auteur,

- Dit qu'en reproduisant, en faisant fabriquer, en important, en détenant, en offrant à la vente et/ou en vendant des jeux « CHÂTEAU FANTÔMES », « CORAIL » et « GÉOMÉTRIE » l'EURL COLEMOI, Madame Dalila G. et Monsieur Sébastien G. ont commis des actes de contrefaçon du droit d'auteur,

- Dit qu'en reproduisant, en faisant fabriquer, en important, en détenant, en offrant à la vente et/ou en vendant des jeux « CACTUS », « CORAIL » « CODOPUZZLE 1 », « CODOPUZZLE 2 », « ESCARGOTS BASIC », « ESCARGOTS BABY », « INSECTES », « PAPILLONS » l'EURL COLEMOl a commis des actes de contrefaçon du droit d'auteur.

- Interdit à la société COLEMOI, Monsieur Sébastien G. et Madame Dalila G., la reproduction, la fabrication, la détention, l'offre à la vente, la vente et l'importation des jeux « CACTUS », « CORAIL », « CHÂTEAU FANTÔMES », « CODOPUZZLE » et « GÉOMÉTRIE -GEOCODE », sous astreinte provisoire de 100 Euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement pendant un délai de 4 mois, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte.

- Ordonne à la société COLEMOI à Madame Dalila G. et à Monsieur Sébastien G. et à leurs frais, la restitution à la SASU LUDIA de tous les jeux LUDIA dont ils seraient détenteurs,

- Condamne in solidum l'EURL COLEMOI, Madame Dalila G. et Monsieur Sébastien G. à payer à la SASU LUDIA la somme de 50.000 €, à titre de dommages et intérêts au titre de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux du fait de la contrefaçon, sans qu'il y ait lieu à communication de pièces comptables ni expertise,

- Condamne la société COLEMOI à payer à la SASU LUDIA la somme de 10.000 Euros au titre du préjudice moral que lui cause l'atteinte portée à ses droits et à son image

- Condamne l'EURL COLEMOI à payer à la SASU LUDIA la somme de 500 €, à titre de dommages et intérêts au titre de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur sur son œuvre « VOL DE PAPILLONS » du fait de la contrefaçon.

- Condamne l'EURL COLEMOI, à payer à Monsieur Patrice LE Q. la somme de 4.000€, à titre de dommages et intérêts au titre de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur,

- Condamne in solidum l'EURL COLEMOI, Madame Dalila G. et Monsieur Sébastien G. à payer à la SASU LUDIA la somme de 15.000 Euros en réparation du préjudice commercial causés par les actes de concurrence déloyale et parasitaire,

- Dit que Madame Dalila G. et Monsieur Sébastien G. sont tenus au paiement des sommes mises à leur charge au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale et parasitaire dans la limite de la somme de 2 000 euros,

- Déboute la société LUDIA de ses demandes formées contre M. H. en contrefaçon et concurrence déloyale,

- Déboute la société LUDIA de sa demande fondée sur le dénigrement,

- Déboute monsieur H. et l'EURL COLEMOI de toutes leurs demandes reconventionnelles,

- Ordonne l'exécution provisoire,

- Condamne l'EURL COLEMOI à verser à la société LUDIA la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne l’EURL COLEMOI, monsieur G. et madame G. aux entiers dépens.

La société COLEMOI et M. H. ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 22 janvier 2018.

Cette décision est devenue définitive à l'égard de Mme Dalila G. et de M. Sébastien G. à la suite d'une signification en date du 02 janvier 2018.

Vu les dernière conclusions N°4 notifiées par voie électronique le 12 juin 2019 par la société COLEMOI et M. Jean-Michel H. qui demandent à la cour de :

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que la société LUDIA et Monsieur LE Q. sont recevables à agir au titre du droit d'auteur,

- dit que la société COLÉMOI a commis des actes de contrefaçon du droit d'auteur en reproduisant, en faisant fabriquer, en important, en détenant, en offrant à la vente et/ou en vendant les jeux « CHÂTEAU FANTÔME », « CORAIL », « GÉOMÉTRIE » et en reproduisant, faisant fabriquer, important, détenant, offrant en vente et/ou vendant les jeux «  CACTUS » , « CORAIL », « CODOPUZZLE 1 », « CODOPUZZLE 2 »,

« ESCARGOTS BASIC », « ESCARGOTS BABY », « INSECTES », « PAPILLONS », la société COLÉMOI, en ce qu'il a fait interdiction notamment à la société COLÉMOI de reproduire, fabriquer, détenir, offrir à la vente, vendre et importer lesdits jeux et ce, sous astreinte,

- ordonné à la société notamment COLÉMOI de restituer à la société LUDIA tous les jeux LUDIA dont elle serait détentrice,

- condamné notamment la société COLÉMOI à payer à la société LUDIA les sommes de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux du fait de la contrefaçon, 10.000 euros au titre du préjudice moral causé à la société LUDIA du fait de l'atteinte portée à ses droits à son image, 500 euros au titre de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur sur son œuvre « VOL DE PAPILLONS », en ce qu'il a condamné la société COLÉMOI à payer à Monsieur LE Q. la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur, en ce qu'il a condamné notamment la société COLÉMOI à payer à la société LUDIA la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice commercial causé par les actes de concurrence déloyale et parasitaire, en ce qu'il a condamné la société COLÉMOI à verser à la société LUDIA la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- débouté Monsieur H. et la société COLÉMOI de toutes leurs demandes reconventionnelles,

- Condamner reconventionnellement la société LUDIA :

- à indemniser Monsieur H. proportionnellement à l'exploitation réalisée par la société LUDIA avec ses jeux et à cette fin rouvrir les débats et ordonner à la société LUDIA de communiquer ses chiffres de vente desdits jeux pour les années 2012 à 2016,

- à la publication de l'arrêt à intervenir sur ce point par extrait sur le site internet de la société LUDIA et sur sa page FACEBOOK ainsi que dans deux journaux ou magazines, un en français et un en anglais, au choix de la société COLÉMOI et sans que le coût total de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 5.000 euros H.T. et ce au besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires,

- condamner reconventionnellement la société LUDIA pour avoir commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de Monsieur H. et de la société COLÉMOI et la condamner à ce titre à leur payer la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner in solidum la société LUDIA et Monsieur LE Q. à payer à la société COLÉMOI et à Monsieur H. la somme globale de 50.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile ainsi qu'en tous les dépens dont ceux avancés par Maître François T. seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.

- A titre subsidiaire, et pour le cas où la Cour confirmerait le jugement entrepris en ce que le société COLÉMOI a commis des actes constitutifs de contrefaçon et/ou de concurrence déloyale, il est demandé à la Cour de réduire significativement le montant des dommages-intérêts alloué à la société LUDIA, compte tenu du caractère symbolique du préjudice subi.

- Débouter la société LUDIA et Monsieur LE Q. de toutes leurs demandes, fins et conclusions et de leur appel incident formé à l'encontre du jugement entrepris.

Vu les dernière conclusions N°4 notifiées par voie électronique le 25 juin 2019 par la société LUDIA et M. Patrice LE Q. qui demandent à la cour de :

- DÉBOUTER Monsieur Jean-Michel H. et l'EURL COLEMOI de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- CONFIRMER le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 30 novembre 2017 en ce qu'il a :

- dit que la société LUDIA et monsieur Patrice LE Q. sont recevables à agir au titre du droit d'auteur ;

- dit qu'en reproduisant, en faisant fabriquer, en important, en détenant, en offrant à la vente et/ou en vendant des jeux « CHÂTEAU FANTÔMES », « CORAIL » « GÉOMÉTRIE » l'EURL COLEMOl a commis des actes de contrefaçon du droit d'auteur ;

- dit qu'en reproduisant, en faisant fabriquer, en important, en détenant, en offrant à la vente et/ou en vendant des jeux « CACTUS », « CORAIL », « CODOPUZZLE 1 », « CODOPUZZLE 2 », « ESCARGOTS BASIC », « ESCARGOTS BABY », « INSECTES », « PAPILLON » l'EURL COLEMOI a commis des actes de contrefaçon du droit d'auteur ;

- interdit à la société COLEMOI, la reproduction, la fabrication, la détention, l'offre à la vente, la vente et l'importation des jeux « CACTUS », « CORAIL », « CHÂTEAU FANTÔMES », « CODOPUZZLE » et « GÉOMÉTRIE -GEOCODE », sous astreinte provisoire de 100 Euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement pendant un délai de 4 mois, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte ;

- ordonné à la société COLEMOI à ses frais, la restitution à la SASU LUDIA de tous les jeux LUDIA dont elle serait détentrice,

- condamné l'EURL COLEMOI, à payer à la SASU LUDIA la somme de 50.000 Euros, à titre de dommages et intérêts au titre de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux du fait de la contrefaçon, sans qu'il y ait lieu à communication de pièces comptables ni expertise,

- condamné la société COLEMOI à payer à la SASU LUDIA la somme de 10.000 Euros au titre du préjudice moral que lui cause l'atteinte portée à ses droits et à son image ;

- condamné l'EURL COLEMOI à payer à la SASU LUDIA la somme de 500 Euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur sur son œuvre « VOL DE PAPILLONS » du fait de la contrefaçon.

- condamné l'EURL COLEMOI, à payer à Monsieur Patrice LE Q. la somme de 4.000 Euros, à titre de dommages et intérêts au titre de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur ;

- condamné l'EURL COLEMOI à payer à la SASU LUDIA la somme de 15.000 Euros en réparation du préjudice commercial causés par les actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

- débouté Monsieur H. et l'EURL COLEMOI de toutes leurs demandes reconventionnelles

- condamné l'EURL COLEMOI à verser à la société LUDIA la somme de 10 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'EURL COLEMOI aux entiers dépens.

Y ajoutant,

- CONSTATER que la société COLEMOI n'a pas restitué le stock de jeux argués de contrefaçon ainsi que le jugement de première instance assorti de l'exécution provisoire le lui ordonnait.

- DIRE ET JUGER que Monsieur H. sera solidairement tenu des condamnations prononcées à l'encontre de la société COLEMOI au titre de contrefaçon et de la concurrence déloyale.

- A TITRE SUBSIDIAIRE, ORDONNER à Monsieur Jean-Michel H. et à l'EURL COLEMOI, de communiquer à la SASU LUDIA les documents comptables, à savoir factures, bons de livraisons, états détaillés des achats et des ventes, des stocks restants, commandes en cours concernant les jeux « CHÂTEAU FANTÔMES », « CORAIL », « CACTUS », « CODOPUZZLE 1 », « CODOPUZZLE 2 », « INSECTES », « ESCARGOTS BASIC », « ESCARGOTS BABY », « PAPILLONS » et « GÉOMÉTRIE-GEOCODE » comprenant leurs prix de vente et leurs volumes depuis le 4 mai 2010.

- ORDONNER la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux, revues, ou sites internet au choix de la société LUDIA et aux frais in solidum des défendeurs, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder 5.000 Euros et ce, au besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires.

- ORDONNER l'insertion de l'arrêt à intervenir sur les pages d'accueil des sites des défendeurs en langue française et en langue anglaise pour une durée de trois mois.

- CONDAMNER in solidum la société COLEMOI et Monsieur Jean-Michel H. à payer à la SASU LUDIA la somme de 50.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- CONDAMNER in solidum la société COLEMOI et Monsieur Jean-Michel H. aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 03 septembre 2020.

MOTIFS DE L'ARRÊT

- Sur la titularité des droits de la société LUDIA et de M. Patrice LE Q. :

L'exploitation non équivoque d'une œuvre par une personne physique ou morale sous son nom et en l'absence de revendication du ou des auteurs fait présumer, à l'égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l'œuvre du droit de propriété intellectuelle.

La société COLEMOI estime que les intimés n'apportent pas la preuve d'une exploitation non équivoque des jeux en cause, mettant en avant l'absence de mention de la date sur les jeux revendiqués, l'existence de plusieurs versions mises sur le marché, de sorte qu'ils ne sont pas recevables à agir pour revendiquer un droit d'auteur.

M. Jean-Michel H. revendique par ailleurs la qualité de co-auteur des jeux « CORAIL », « VOL DE PAPILLON » et « CODOPUZZLE 2 ».

La société LUDIA soutient être titulaire de droits d'auteur sur les jeux en cause comme le démontrent notamment, selon elle, l'attestation de son commissaire aux comptes et les différents contrats d'exploitation qu'elle verse aux débats.

Elle constate que M. Jean-Michel H. ne fait pas la preuve de sa qualité de co-auteur, comme le tribunal l'a retenu.

En l'espèce, c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a retenu que les demandeurs établissaient suffisamment à leur profit la titularité des jeux en cause en retenant que la preuve de l'exploitation résultait :

- de l'attestation du commissaire aux comptes confirmant l'exploitation par la société LUDIA des jeux « CACTUS », « CHÂTEAU FANTÔME », « CODOPUZZLE », « VOL DE PAPILLON » et « INSECTES ET PETITES BÊTES » ; leurs dates de commercialisation ; les quantités concernées et le chiffre d'affaire résultant de la vente de ces produits ;

- des contrats d'édition conclus avec M. Patrice LE Q. pour la cession de ses droits d'exploitation de ses ouvrages sous forme de jeux éducatifs à savoir, « CACTUS », « CODOPUZZLE », « CODOPUZZLE 2 », « INSECTES ET PETITES BÊTES », « CHÂTEAU FANTÔMES » ;

- de l'attestation de M. Patrice LE Q. confirmant avoir réalisé les documents d'illustration et la conception des jeux « CACTUS », « CODOPUZZLE 1 et 2 » « CODOPUZZLE 2 » « INSECTES ET PETITES BÊTES », « CHÂTEAU FANTÔMES » et « CORAIL », et ce pour le compte de la société LUDIA.

Il convient uniquement d'ajouter que la société LUDIA démontre une commercialisation des jeux sous son nom ou sous celui des sociétés ou Editions dont elle a repris l'activité.

Par ailleurs, pour répondre aux arguments des appelantes, il doit être relevé que le commissaire aux comptes a repris à la fois les dates d'exploitation des jeux ainsi que celles de leurs différentes versions, et que si le jeu 'CORAIL' ne figure pas dans cette attestation, cette absence s'explique par le fait qu'il a été fabriqué dans le seul cadre du projet LUDIA ASIE à destination du marché asiatique.

Et pour le jeu « ESCARGOTS », la cour constate sa commercialisation au travers d'extraits de catalogues et de factures.

S'agissant ensuite de la qualité de co-auteur revendiquée par M. Jean-Michel H., le tribunal a justement retenu que les éléments de preuve versés par l'intéressé, en l'occurrence des échanges de courriers électroniques, démontrent tout au plus qu'il a prodigué des conseils pour des modifications qui ont été réalisées par la société LUDIA, ou par des tiers non identifiés.

Or, ces éléments ne viennent pas démontrer que les jeux « CORAIL », « CODOPUZZLE 2 » et « VOL DE PAPILLON » auraient été créés sous son impulsion et sous ses instructions, d'autant que sa mission d'agent commercial ne comprenait aucun travail créatif et que l'originalité revendiquée de l'œuvre ne se limite pas à leur seul aspect graphique.

Et, à cet égard, la cour constate que dans un courrier électronique adressé par M. Jean-Michel H. à M. Philippe C., dirigeant de la société LUDIA (pièce 35 des intimés), ce dernier mentionne notamment : « je n'aime pas votre design de « corail ». Je laisse les japonais décider si c'est bon ou pas, et rectifier si besoin est », de tels propos venant réfuter la thèse selon laquelle M. H. serait l'auteur de jeux qu'il revendique.

Dans ces conditions, il convient de considérer que les intimés établissent, à leur profit, la preuve de la titularité sur les jeux « CACTUS », « CORAIL » « CODOPUZZLE 1 », « CODOPUZZLE 2 », « ESCARGOTS BASIC », « ESCARGOTS BABY », « INSECTES ET PETITES BÊTES » et « PAPILLONS ».

Le jugement sera dès lors confirmé sur ce point.

- Sur l'originalité des jeux :

En application de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur celle-ci, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

Quant à l'article L. 112-1 de ce même code, il protège par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales.

Il se déduit de ces dispositions qu'une œuvre est protégée, sans formalités, par le seul fait qu'elle manifeste la création d'une forme originale, étant précisé que lorsque cette originalité est contestée, il incombe à celui qui prétend en être l'auteur d'expliciter et de démontrer en quoi son œuvre est originale.

La société COLEMOI et M. Jean-Michel H. soutiennent essentiellement que les intimés ne précisent pas quelles sont les caractéristiques originales revendiquées sur les jeux, se contentant d'une description matérielle et de propos généraux, alors que des jeux plus anciens présentaient les mêmes caractéristiques.

La société LUDIA met en avant l'originalité de chaque jeu en cause, pensé pour plaire et éduquer l'enfant, à travers des choix arbitraires de l'auteur, à savoir, en particulier :

- la composition générale et l'agencement des éléments du jeu pédagogique ;

- des couleurs et une figuration spécifiques des pièces ;

- des configurations visuelles ;

- des symboles ;

- l'aspect des personnages.

En l'espèce, le tribunal a justement retenu, jeu par jeu, que la société LUDIA et M. LE Q. avaient décomposé les éléments visuels, plateau, pièces et cartes consignes, pour revendiquer l'originalité, dans son ensemble, de chaque jeu à travers les choix retenus avec comme objectif, dans la concrétisation formelle du jeu, de générer une attractivité auprès de l'enfant.

Il convient ensuite d'examiner, pour les jeux dont l'originalité a été spécifiquement contestée par les appelants, les éléments suivants.

- le jeu « CACTUS » :

Les appelants estiment, comme soutenu devant le tribunal, que la représentation d'un cactus vert, de style naïf, comprenant cinq branches combinée à de petits animaux et végétaux du désert, était banale à l'époque de la création de ce jeu, soit en 1995, de-même que sa déclinaison dans l'univers marin pour le jeu « CORAIL ».

A ce titre, le tribunal a justement retenu l'originalité de ce jeu comme résultant notamment de la composition générale, de l'agencement des éléments du jeu pédagogique, des couleurs et de la figuration spécifique représentée sur des pièces du puzzle qui, une fois assemblées, représentent un cactus stylisé ainsi que différents éléments qui l'environnent, tels le soleil, des nuages, des animaux et des végétaux, du positionnement spécifique des indices sur la structure nue du cactus au recto des cartes consignes, des symboles codifiés figurant sur la carte de décodage et de la correspondance code/pièces du puzzle, pour en déduire que les visuels réalisés révèlent un effort créatif et constituent, par les moyens mis en œuvre et l'attractivité du décor, une œuvre protégeable au titre du droit d'auteur, même si l'univers du désert avait déjà été utilisé dans des images à destination des enfants.

S'agissant du jeu « CORAIL », c'est également par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a estimé qu'il correspondait à une déclinaison du jeu « CACTUS » reprenant des choix arbitraires identiques pour la présentation visuelle des pièces du puzzle, soit un corail et ses branches, dans un style similaire à celui du cactus, des éléments du décors adaptés à l'univers aquatique, ainsi qu'une configuration et un agencement des éléments, cartes et pièces du jeu, correspondant aux mêmes principes pédagogiques que ceux adoptés pour le jeu « CACTUS ».

- le jeu « CHÂTEAU FANTÔMES »

Les appelants estiment, comme en première instance, que le recours à des illustrations de fantômes de style espiègle et jovial est banal, de sorte que l'originalité revendiquée n'est pas démontrée.

Cette argumentation n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation pertinente portée par le tribunal sur l'originalité du jeu « CHÂTEAU FANTÔMES », sauf pour la cour à ajouter que si les appelants démontrent que les illustrations de fantômes souriants étaient déjà utilisés à destination des jeux pour enfants, cette caractéristique n'est pas la seule revendiquée par la société LUDIA dont la composition globale du jeu révèle des choix arbitraires révélateurs d'un processus créatif et original, mis en œuvre pour rendre ce jeu à la fois attractif et pédagogique auprès d'un jeune public.

- les jeux « CODOPUZZLE 1 et 2 »

La société COLEMOI et M. Patrice LE Q. contestent l'originalité de ces jeux en opposant, comme devant le premier juge, le jeu « PIKY » dont « CODOPUZZLE » serait la reprise, s'agissant d'un même jeu de mosaïques avec des cartes carrées et des figures géométriques à reconstituer.

Cet argument n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation exacte et pertinente effectuée par le tribunal, que la cour fait sienne, concernant l'originalité des jeux « CODOPUZZLE 1 et 2 » qu'il a considérée dans son ensemble, sauf pour la cour à ajouter que le jeu « PIKY » (pièce 23 de la société COLEMOI) ne saurait constituer une antériorité, par ailleurs inopérante en droit d'auteur, s'agissant d'un jeu sur support magnétique présentant un visuel totalement différent des jeux CODOPUZZLE ( pièces 6 et 33 de la société LUDIA).

- le jeu « LA PROMENADE DES ESCARGOTS »

Comme en première instance, la société COLEMOI et M. Jean-Michel H. soulignent que l'utilisation de l'escargot est usuelle dans le monde ludo-éducatif à destination des enfants.

Mais, comme le tribunal l'a justement apprécié, si l'utilisation d'un visuel d'escargots souriants, rangés en file indienne avec leur coquille est fréquente dans les jeux destinés aux enfants, sa reprise de façon stylisée pour la traduction visuelle et physique du jeu des intimés avec des choix de plateaux et de disques évidés, de tailles différentes, correspondant à des niveaux de difficultés croissants associés à des couleurs vives, manifeste une réflexion personnelle avec une recherche esthétique et créative rendant le jeu original.

- les jeux « VOL DE PAPILLONS » et « INSECTES & PETITES BÊTES » :

Il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation, motivée et pertinente du tribunal et adoptée par la cour, concernant l'originalité des deux jeux en cause, telle que décrite précisément par les intimés.

En conséquence, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a reconnu l'originalité des différents jeux revendiqués par les intimés.

- Sur les faits argués de contrefaçon de droit d'auteur :

L'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite de l'auteur ou de ses ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ».

Les appelants contestent les faits de contrefaçon invoqués en mettant en exergue les nombreuses différences existant entre les jeux en cause, et dont le tribunal n'aurait pas tenu compte, selon eux.

La société LUDIA fait valoir que les faits de contrefaçon ressortent de la simple consultation des catalogues de vente de la société COLEMOI et de son site internet qui présentent soit des jeux identiques, soit des reproductions quasi-serviles.

Elle dénonce également des faits d'importation, d'offre à la vente et la vente de ses produits par la société COLEMOI.

Ceci étant exposé, c'est par des motifs exacts et pertinents adoptés par la cour, que le premier juge a retenu que la preuve des faits de contrefaçon de droits d'auteur résultait notamment :

- du procès-verbal de constat d'achat et du procès-verbal de saisie-contrefaçon réalisés les 22 mars et 03 avril 2015, dont la teneur démontre que la société COLEMOI a commercialisé, sans l'accord de la société LUDIA, les jeux « CHÂTEAU FANTÔMES », « CODOPUZZLE » et « CORAIL » ;

- de l'importation et la commercialisation des jeux destinés au marché asiatique par la société COLEMOI, toujours sans l'autorisation de la société LUDIA ;

- de la présence sur les catalogues de la société COLEMOI de jeux identiques à « CACTUS », « CHÂTEAU FANTÔMES », « CODOPUZZLE 1et 2 », « CORAIL » et les jeux « INSECTES » « ESCARGOTS BABY SOFT », « PAPILLONS », « GÉOMÉTRIE », ou reproduisant les caractéristiques des jeux « INSECTES ET PETITES BÊTES », « LA PROMENADE DES ESCARGOTS », « VOL DE PAPILLONS », « CODOPUZZLE » pour les offrir à la vente,

- du procès-verbal de constat du site internet de la société COLEMOI, www.colemoi.net révélant que les fiches de produits des jeux « GÉOMÉTRIE », « CORAIL », « CHÂTEAU FANTÔMES » sont présentes, et qu'il est proposé par ailleurs de commander des pièces détachées de la gamme LUDIA ASIA, notamment pour les jeux « CACTUS », « CODOPUZZLE 1et 2 », « INSECTES », « ESCARGOTS BABY » et « CORAIL » ;

- des écritures mêmes de la société COLEMOI qui reconnaît avoir reproduit sur son site internet et vendu des produits authentiques de la gamme LUDIA.

Il convient par ailleurs de préciser que, contrairement à ce que soutiennent les appelants qui réservent leurs critiques essentiellement au jeu « CODOPUZZLE », la contrefaçon s'apprécie selon les ressemblances et non d'après les différences. Or, il ressort de la comparaison du jeu « GÉOMÉTRIE » et de sa déclinaison « GEOCODE » que ces deux jeux reprennent l'ensemble des caractéristiques originales revendiquées du jeu « CODOPUZZLE », alors que les différences mises en avant ne sont que mineures et que les ressemblances sont flagrantes, en particulier au vu des clichés des deux jeux versés en pièce 33 par les intimés.

À cet égard, le procès-verbal de saisie-contrefaçon réalisé le 03 avril 2015 sur le stand de Mme G. qui revendait des jeux LUDIA « CORAIL » et « CHÂTEAU FANTÔMES » mentionne que cette dernière a précisé que « CODOPUZZLE correspond à GÉOMÉTRIE », confirmant ainsi la contrefaçon alléguée.

Ainsi, les intimés démontrent non seulement que la société COLEMOI a reproduit illicitement les jeux « CACTUS », « CORAIL », « CHÂTEAU FANTÔMES », « CODOPUZZLE 1 et 2 « , « LA PROMENADE DES ESCARGOTS », « INSECTES ET PETITES BÊTES », dont la société LUDIA est cessionnaire des droits et « VOL DE PAPILLONS », dont la société LUDIA est titulaire des droits, mais encore qu'elle a, sans leur autorisation, importé, offert à la vente et vendu des produits contrefaisant les droits d'auteur portant sur ces mêmes jeux.

Il convient de confirmer le jugement sur ce point

- Sur les demandes de dommages et intérêts :

- Sur la demande au titre de l'atteinte aux droits patrimoniaux de la société LUDIA résultant de la contrefaçon :

La société COLEMOI conteste l'existence et le montant du préjudice invoqué aux motifs qu'elle n'a commercialisé que très peu des jeux et que la société LUDIA n'a elle-même procédé qu'à une très faible exploitation au cours des années de référence, ce que conteste cette dernière société qui formule une demande de dommages et intérêts tenant compte à la fois de :

- ses gains manqués, aggravés par la surexposition de M. Jean-Michel H. dans les salons éducatifs en France et à l'étranger et sa grande visibilité sur internet ;

- des bénéfices réalisés par la société COLEMOI dont elle estime que la comptabilité présentée, sans factures probantes à l'appui, est faussée.

L'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que « pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctivement :

1) Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2) Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3) Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. »

Il ressort des pièces versées par la société LUDIA, notamment des deux attestations de son commissaire aux comptes (ses pièces 85 et 86), que sur la période 2004-2016, elle a commercialisé près de 23 000 jeux dont elle reproche la contrefaçon à la société COLEMOI, moyennant un chiffre d'affaires hors taxe de 1 695 389 €. Plus précisément, sur la période 2010-2016, elle a commercialisé 4 637 jeux pour un chiffre d'affaires hors taxe de 341 442 €, les ventes ayant baissé sur cette période concernée par les faits de contrefaçon.

En outre, la société LUDIA a nécessairement subi des conséquences économiques négatives en lien avec la présence de la société COLEMOI dans les mêmes salons pour y présenter les produits contrefaisants, et avec la grande visibilité sur internet entretenue par la société COLEMOI pour proposer à la vente ces mêmes jeux contrefaisants.

De plus, la société LUDIA démontre avoir axé sa communication sur la qualité de ses jeux à destination d'un public particulier et exigeant, soit les écoles et le monde de la rééducation, ainsi que sur le lieu de fabrication, situé en France, comme gage d'excellence, alors qu'au contraire il est établi que la société COLEMOI a mis en vente des jeux LUDIA fabriqués en Chine, avec un conditionnement de bien moindre qualité.

Une telle pratique a nécessairement porté atteinte à l'image de marque et à la réputation commerciale de l'intimée.

Par ailleurs, malgré plusieurs sommations de communiquer, la société COLEMOI n'a versé aux débats que très peu d'éléments concernant le volume réel de son activité en lien avec la vente des jeux contrefaits. Il ressort seulement, de quelques factures anciennes et du rapport (pièce 60) réalisé à sa demande par un commissaire aux comptes, que sur la période 2010-2016 la société COLEMOI aurait acquis les jeux en cause pour une somme d'environ 15 000€ pour les revendre un peu moins de 55 000€.

À cet égard, la cour partage les réserves formulées par la société LUDIA concernant la valeur probante des chiffres ainsi avancés, au vu :

- de la comparaison des factures versées et des chiffres reportés pour les années en cause qui ne correspondent pas dans certains cas ;

- des écarts très inhabituels entre les prix d'achat des jeux mentionnés rapportés au prix des ventes réalisées, faisant ressortir des taux de marge hors de proportion pour certains jeux ;

- des précautions prises par l'expert mandaté comme dans le titre choisi « Attestation relative à certains achats et vente de marchandises réalisés sur les exercices 2010 à 2016 » et dans la mention ajoutée suivante « l'étendue de nos travaux ne comprend pas tous les contrôles propres à ceux afférents à une mission d'assurance de niveau raisonnable et notamment l'appréciation des procédures de contrôle interne relatives aux cycles d'achats et de vente (...). »

Ces éléments sont également à mettre en perspective avec les propos tenus par Mme G. à l'occasion de la saisie-contrefaçon réalisée le 03 avril 2015 qui a indiqué à l'huissier de justice, en faisant référence aux jeux LUDIA, que « ces jeux arrivent à la société COLEMOI par conteneurs et ensuite je les achète (....) », ce qui tend à confirmer que cette société a minoré le volume contrefaisant commercialisé, alors qu'elle reconnaît pourtant disposer d'un stock de 4 303 jeux « CHÂTEAU FANTÔMES » et de 71 jeux « GÉOMÉTRIE » ou « CODOPUZZLE ».

Enfin, il est établi que les ventes ont concerné les jeux suivants « CACTUS » « CHÂTEAU FANTÔMES », « CODOPUZZLE 1 et 2 », « CORAIL », « ESCARGOTS BABY et BASIC » et « INSECTES » que la société COLEMOI a commercialisés et offerts à la vente de 2010 à 2016, à l'exception de « PAPILLON » qui est resté à l'état de prototype, comme cela ressort de la pièce 60 versée par la société COLEMOI, elle-même.

Au vu de ces éléments, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une communication de pièces supplémentaires, il convient de retenir que le tribunal a justement fixé la réparation du préjudice patrimonial subi par la société LUDIA causé par les faits de contrefaçon à hauteur d'une somme de 50 000€ pour la période concernée.

- Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral de la société LUDIA résultant de la contrefaçon du jeu « VOL DE PAPILLON » :

C'est à juste titre que le tribunal a retenu que si le jeu « PAPILLON » est resté à l'état de prototype, il constitue néanmoins une reproduction du jeu « VOL DE PAPILLONS » sans autorisation qui occasionne un préjudice d'atteinte au droit moral qui sera fixé à hauteur de 500 euros pour la société LUDIA investie du droit moral d'auteur s'agissant d'une œuvre collective, et a condamné la société COLEMOI au paiement de cette somme.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement rendu sur ce point.'

- Sur la demande de dommages et intérêts de la société LUDIA en réparation de son préjudice moral résultant de l'atteinte portée à ses droits et à son image :

La société LUDIA met en avant un préjudice moral causé par l'atteinte à son image de marque et à sa réputation commerciale, s'agissant de produits fabriqués en Chine dans un conditionnement sommaire, alors qu'en ce qui la concerne, elle communique sur la fabrication française de ses produits, préjudice contesté par les appelants.

En l'espèce, la société LUDIA démontre commercialiser ses jeux en les présentant comme des produits d'origine, fabriqués en France (pièce 97 des intimés) et exclusivement pour le marché français, en conformité avec les besoins de sa clientèle très spécifique, notamment constituée d'établissements scolaires, et avec les spécificités du marché français.

Or, les jeux de la gamme LUDIA-ASIA qui sont proposés à la vente et vendus par la société COLEMOI ont été fabriqués en Chine et présentent de manière évidente cette mention, remettant en cause l'exigence de qualité et d'exclusivité que la société LUDIA met en avant auprès de sa clientèle.

Ainsi, il convient de retenir que le tribunal a justement fixé la réparation du préjudice moral causé par l'atteinte portée à son droit à l'image à hauteur de la somme de 10 000€.

- Sur le préjudice de M. Patrice LE Q. du fait de l'atteinte à son droit moral :

M. Patrice LE Q., auteur, démontre avoir subi une atteinte à son droit moral causé par une reproduction dénaturée de son œuvre au travers de l'exploitation non autorisée des jeux « CHÂTEAU FANTÔMES », « CACTUS », « CORAIL », « CODOPUZZLE 1 et 2 » et « INSECTES & PETITES BÊTES ». qu'il a créés mais qui ont été fabriqués à l'étranger, importés, et vendus en France dans des conditionnements inappropriés.

Ce préjudice a été justement indemnisé par le tribunal à hauteur de 4 000€, de sorte que le jugement doit être confirmé sur ce point.

-Sur les autres demandes :

Le tribunal, qui n'a pas fait droit à la demande de publication du jugement en estimant, à juste titre, que le préjudice subi était suffisamment réparé par l'octroi de dommages et intérêts, doit être confirmé sur ce point.

Pour des motifs identiques, il convient de débouter la société LUDIA et M. Patrice LE Q. de leur demande de publication du présent arrêt dans la presse ou sur le site internet des appelants.

Si les intimés demandent également à la cour de constater que la société COLEMOI n'a pas restitué le stock de jeux argués de contrefaçon comme l'ordonnait le jugement de première instance, une telle prétention ne constitue cependant pas une demande en justice au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

- Sur les faits argués de concurrence déloyale et parasitaire et de dénigrement :

La société LUDIA dénonce, comme en première instance, les faits suivants au titre de la concurrence déloyale :

- la reproduction illicite de sa dénomination sociale ;

- l'utilisation du site www.ludia-asia.com ;

- la reproduction illicite de son logo ;

- la fourniture non autorisée de pièces détachées des jeux de la gamme LUDIA-ASIA ;

- les mentions illicites figurant sur les catalogues de vente COLEMOI accessibles sur internet ;

- les procédés déloyaux d'intimidation et de dénigrement de M. Jean-Michel H. et de la société COLEMOI à l'égard de ses partenaires et contribuant à sa désorganisation ;

- la détention de stocks de jeux de la gamme LUDIA ASIA non restitués ;

- la fabrication à l'étranger de jeux LUDIA pour les vendre en France et à l'étranger.

La société LUDIA dénonce également des faits de parasitisme en estimant que M. Jean-Michel H. a profité de ses relations passées d'agent commercial de la société LUDIA pour se mettre indûment dans son sillage, en déclinant un effet de gamme avec des produits de qualité moindre.

La société LUDIA demande la condamnation de M. Jean-Michel H. et de la société COLEMOI à lui verser la somme de 100 000 €.

La société COLEMOI réplique que ces accusations ne sont pas démontrées dans la mesure où elle n'a fait fabriquer, selon elle, aucun jeu et n'a fait que revendre ceux fabriqués pour la société LUDIA, soit des produits authentiques ou des prototypes, et non des produits contrefaits et sous la dénomination LUDIA ASIA, laquelle n'a jamais été utilisée par son adversaire, de sorte que le risque de confusion n'est pas établi.

Elle ajoute que le site internet ludia-asia.com a été déposé à la demande de la société LUDIA et qu'elle ne l'a pas utilisé. Elle conteste enfin les autres griefs imputés.

- Sur les faits de dénigrement :

Le seul courrier adressé par la société COLEMOI à M. Patrice LE Q. invoquant une non-conformité du jeu « CACTUS » ne peut être analysé comme un acte de dénigrement puisqu'il n'a pas été adressé à un concurrent ou à la clientèle et qu'il n'en ressort aucun préjudice d'image ou de réputation pour la société LUDIA, qui ne démontre pas davantage la désorganisation qu'elle aurait subie en conséquence.

La cour constate que les autres pièces produites à hauteur d'appel, qui concernent une autre procédure ayant opposé les appelant à des tiers devant le tribunal de grande instance de Marseille, sont dénuées du moindre lien direct avec le présent litige.

En conséquence, il convient de débouter la société LUDIA des demandes formulées de ce chef.

- Sur les faits de concurrence déloyale et parasitaire :

Le tribunal a justement retenu que la reproduction du logo « Ludia le savoir jouer » sur les catalogues 2011 et 2012 de la société COLEMOI ainsi que sur les emballages de produits contrefaits, l'offre d'un service après-vente de pièces détachées de la gamme LUDIA ASIA, qui porte en réalité sur la gamme de jeu de la société LUDIA, les mentions apposées par la société COLEMOI, telles « CACTUS by COLEMOI », « CORAIL by COLEMOI », « COLEMOI Paris CODOPUZZLE 1 », ou l'usage du nom de domaine « ludia-asia.com », constituaient des actes de concurrence déloyale et parasitaire, distincts de ceux argués de contrefaçon, ayant entraîné un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle, amenée à penser que la société COLEMOI et la société LUDIA étaient associées, ce qui a permis à la société COLEMOI de capitaliser sur la dénomination LUDIA, connue sur le marché pour des jeux que la société LUDIA commercialisait depuis des années et qui ont fait sa réputation.

Ainsi, la société COLEMOI n'est-elle pas fondée à soutenir qu'il n'existerait aucun risque de confusion puisqu'elle aurait vendu des produits authentiques, ne justifiant ni de l'authenticité de tous ces jeux vendus, ni de leur acquisition dans des conditions légales, et, ce d'autant que l'unique attestation produite a posteriori s'agissant « d'un audit complet de ses comptes » ne présente qu'une force probante relative sur ces points, au vu des mises en garde avancées par son auteur, comme déjà relevé, même associée aux quelques pièces intitulées « factures », dont le contenu et la présentation prêtent à débat.

Par ailleurs, la société LUDIA démontre que la société COLEMOI a utilisé un mail au nom de [...] rattaché au nom de domaine « colemoi.fr », et que son gérant s'est présenté, pour l'inscription du nom de domaine « ludia-asia », comme le « general manager » (pièce 50 de l'intimée) en donnant son adresse personnelle et non celle de la société LUDIA (pièce 51 et 52).

Il est à souligner que cet effet de confusion est renforcé par la commercialisation par la société COLEMOI de pas moins de sept jeux de la société LUDIA, créant ainsi un effet de gamme, et par la volonté de s'approprier même la paternité des jeux les plus réputés de l'intimée, en les présentant comme des créations personnelles avec l'apposition répétée de la mention « by COLEMOI ».

En revanche, la cour estime, en l'état des pièces versées, que l'absence de restitution des stocks de l'ensemble des jeux fabriqués pour le projet LUDIA ASIA ne peut être directement imputée à M. Jean-Michel H., même s'il était chargé de la gestion de ce projet en Asie.

L'ensemble de ces agissements, répétés sur plusieurs années, en ce qu'ils démontrent la volonté de la société COLEMOI de créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine des produits commercialisés mais, également, de profiter déloyalement sans bourse délier des investissements et du savoir-faire de la société LUDIA, afin de se procurer un avantage concurrentiel, sont constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire.

C'est donc à juste titre que le tribunal a condamné la société COLEMOI pour ces faits et a justement apprécié le préjudice subi en conséquence par la société LUDIA à hauteur de 15 000€.

Le jugement querellé est donc confirmé sur ce point.

- Sur les faits reprochés à M. Jean-Michel H. :

M. Jean-Michel H. soutient que sa responsabilité personnelle ne peut être engagée, la jurisprudence exigeant que soit apportée la preuve de l'existence d'une faute séparable de ses fonctions, soit une faute intentionnelle d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice de ses fonctions sociales.

La société LUDIA estime que ces conditions sont réunies au travers de la connaissance acquise de ses produits par M. Jean-Michel H., mise à profit pour créer une société destinée à la concurrencer. Elle dénonce également le fait que ce dernier a délibérément conservé le stock de jeux conçus pour son compte pour ensuite les commercialiser sans son accord en se livrant ainsi, intentionnellement, et en parfaite connaissance de cause, à des actes de contrefaçon caractérisant d'ailleurs une infraction pénale.

Elle ajoute qu'en cours de procédure, M. Jean-Michel H. a fait changer la domiciliation de sa société, située à l'origine à son adresse personnelle, vers une société de domiciliation.

En l'espèce, il appartient à la société LUDIA de démontrer que M. Jean-Michel H. aurait commis de manière intentionnelle, dans ses relations avec elle, des faits d'une particulière gravité et incompatibles avec l'exercice de ses fonctions normales de gérant.

Or, le fait que M. Jean-Michel H. a travaillé comme agent commercial pour la société LUDIA et a pu connaître ainsi la gamme de produits de cette dernière société ne saurait suffire à voir engager sa responsabilité personnelle, dans la mesure où l'ensemble des faits dénoncés par l'appelante, dans la présente affaire, ont été commis au nom et pour le seul compte de la société COLEMOI créée plus de deux années après la rupture des relations des deux parties, et où il n'est pas contesté que cette société a commercialisé d'autres jeux éducatifs que ceux argués de contrefaçon.

Il s'ensuit qu'il ne peut être soutenu qu'elle a été créée uniquement pour nuire à la société LUDIA.

De plus, il doit être rappelé que la cour a estimé que les faits de dénigrement imputés à M. Jean-Michel H. n'étaient pas constitués.

La société LUDIA lui impute également une faute au travers de son appropriation des stocks des jeux de la gamme LUDIA ASIA, mais il doit être constaté, d'une part, comme déjà mentionné, qu'elle ne justifie par aucune pièce s'être elle-même préoccupée des stocks en cause avant d'introduire la présente instance et, d'autre part, que la participation personnelle de M. Jean-Michel H. dans ses faits anciens n'est pas formellement établie.

Il ne peut pas être davantage reproché un comportement fautif à M. Jean-Michel H. dans le fait d'avoir changé la domiciliation de la société COLEMOI, cette modification n'étant pas dissimulée et apparaissant sur son extrait KBIS, ni dans l'échec de la saisie attribution diligentée par la société LUDIA, en raison de la situation débitrice des comptes de la société COLEMOI.

Enfin, si M. Jean-Michel H. a pu voir engagée sa responsabilité personnelle dans un contentieux différent l'opposant à d'autres auteurs de jeux, il convient de constater qu'une partie des faits de contrefaçon en cause avait été commise avant même la création de la société COLEMOI, de sorte que les faits de l'espèce étaient différents.

Il n'est donc caractérisé aucun agissement d'une particulière gravité en raison de sa nature, de sa durée ou de ses conséquences, commis intentionnellement et personnellement par M. Jean-Michel H. dans des conditions incompatibles avec l'exercice normal de ses fonctions de gérant, de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a débouté la société LUDIA des demandes formulées contre ce dernier.

Le jugement rendu sur ce point doit donc être confirmé.

- Sur les demandes reconventionnelles :

- sur les faits de contrefaçon imputés à la société LUDIA :

Dans la mesure où il a été jugé que M. Jean-Michel H. ne démontrait pas sa qualité d'auteur ou de co-auteur des jeux en cause, il convient de rejeter la demande en contrefaçon de droit d'auteur formulée et celle, subséquente, de communication de pièces.

Le jugement entrepris est en conséquence confirmé sur ce point.

- Sur les faits de concurrence déloyale imputés à la société LUDIA :

La société COLEMOI et M. Jean-Michel H. imputent également à la société LUDIA des agissements déloyaux au titre de « violentes pressions » dont ils demandent réparation à hauteur de 250 000 €.

Cependant, comme l'a justement relevé le tribunal, il ne résulte pas des pièces produites que la société LUDIA ait eu un comportement fautif à l'égard des appelants de nature à avoir porté atteinte de manière déloyale à leur activité, sauf pour la cour à ajouter que c'est essentiellement Mme G., non concernée par la procédure d'appel, qui s'est plainte du comportement d'un salarié de la société LUDIA.

L'ensemble des demandes reconventionnelles formulées par la société COLEMOI et M. Jean-Michel H. doivent en conséquence être rejetées et le jugement querellé est confirmé sur ces points.

- Sur les demandes accessoires :

La cour confirme les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, et, y ajoutant, condamne la société COLEMOI, qui succombe, au paiement des dépens d'appel et d'une indemnité de procédure que l'équité commande de fixer à 10 000 € au profit de la société LUDIA et de M. Patrice LE Q..

Corrélativement, la société COLEMOI et M. Jean-Michel H. sont déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 30 novembre 2017 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société LUDIA et M. Patrice LE Q. de leur demande de publication du présent arrêt,

Condamne la société COLEMOI à supporter les dépens de l'instance en appel,

Condamne la société COLEMOI à verser à la société LUDIA et à M. Patrice LE Q. une somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.