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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 novembre 2020, n° 18/07403

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Presse Media Communication (SARL)

Défendeur :

Relations Publiques et Administratives (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseiller :

M. Gilles

Avocats :

Me Demange, Me David, Me Souchet

T. com. Marseille, du 27 mars 2018

27 mars 2018

FAITS ET PROCEDURE

La société Presse Media Communication (ci-après « la société PMC »), a pour activité la prospection presse et abonnements.

La société Les Relations Publiques et Administratives (ci-après « la société RPA »), a pour activité l'édition et la commercialisation d'une revue, « L'Essor de la gendarmerie nationale », créée en 1936 et destinée à ses personnels actifs et retraités. Elle a fait appel depuis le 1er décembre 2001 à la société PMC pour développer sa clientèle d'abonnés par démarchage téléphonique. Il a alors été convenu que la société PMC se verrait attribuer par la société RPA 50 % de commissions sur les abonnements trouvés et directement encaissés par la société RPA.

Le 13 juin 2017, la société RPA a mis en demeure la société PMC de lui transmettre son argumentaire de vente, puis la société RPA a mis fin aux relations liant les deux sociétés par courrier recommandé avec avis de réception du 27 juin à compter du 30 juin 2017.

Le 27 juillet 2017, la société PMC a assigné la société RPA devant le tribunal de commerce de Marseille aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice en raison de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 27 mars 2018, le tribunal de commerce de Marseille, a :

Dit et jugé que le contrat a été rompu par la société Les relations publiques administratives pour faute grave de la société Presse media communication

En conséquence,

- Débouté la société Presse media communication SARL de toutes ses demandes fins et conclusions ;

- Condamné la société Presse Media Communication SARL à payer à la société Les Relations Publiques Administratives la somme de 2 000 € (deux mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile,

Laissé à la charge de la société Presse Media Communication SARL, les dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncés par l'article 695 du code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 78,04 euros (soixante-dix-huit euros et quatre centimes TTC) ;

- Rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.

Le 9 avril 2018 la société PMC a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris.

Par jugement du 31 juillet 2019 du tribunal de commerce de Béziers, la société PMC a été placée en redressement judiciaire et M. Y a été désigné en qualité de mandataire judiciaire qui est intervenu volontairement à l'instance.

Vu les dernières conclusions de la société PMC et M. Galy, signifiées et notifiées le 26 août 2020 par la voie électronique, et par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu les articles L. 622-1 et suivants et R. 622-20 du Code de commerce ;

Vu l'article L. 442-6 I. al.5 du Code de commerce devenu l'article L. 442-1 II ;

Vu l'article 4 du Code de procédure pénale ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les pièces versées au débat ;

- Ordonner la reprise du cours de l'audience interrompue par ordonnance du 8 octobre 2019 du fait de l'intervention volontaire de Maître Z Y et de l'accomplissement des formalités prescrites à peine de radiation par l'article R. 622-20 du code de commerce ;

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 27 mars 2018 en ce qu'il a considéré que la société Presse Media Communication a été à l'origine d'agissements répétés constituant une faute grave légitimant la rupture des relations commerciales à ses torts et dans le cadre d'un contrat de mandat en date du 1er décembre 2001 ;

- Condamner la société Les Relations Publiques et Administratives au paiement de la somme de 481.976,00 € (quatre centre quatre-vingt-un mille neuf cent soixante et seize euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive des relations commerciales établies avec la société Presse Media Communication ;

- Condamner la société Les Relations Publiques et Administratives au paiement de la somme de 5.000,00 € (cinq mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sous toutes réserves

Vu les dernières conclusions de la société RPA, signifiées et notifiées le 4 juin 2020 par la voie électronique, et par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l'article L. 442-1 II du code de commerce et subsidiairement les règles jurisprudentielles gouvernant la résiliation des mandats d'intérêt commun,

Confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant, condamner in solidum la Sarl Presse Média Communication et Me Y, es qualité, au titre de l'article 700 du CPC pour les frais irrépétibles exposés en appel par la Sarl Relations Publiques et administratives à la somme de 4000 € et aux entiers dépens de l'instance et d'appel.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la qualification des relations contractuelles des parties, il est produit aux débats un contrat signé des parties le 1er décembre 2001 intitulé « contrat de mandat » mais par lequel la société PMC était seulement chargée de prospecter la clientèle. Il n'est pas contesté par les parties que les prospects intéressés contractaient directement avec la société RPA à laquelle ils envoyaient leur bulletin de souscription et leur règlement, et que la société RPA n'a pas confié à la société PMC le pouvoir de contracter en son nom ou pour son compte avec les personnes démarchées par cette dernière pour la vente d'abonnements. Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les parties ne sont pas liées par un contrat de mandat, fût il d'intérêt commun, qualification que les parties n'ont d'ailleurs pas soutenue.

Les parties ne contestent pas qu'il existe entre elles une relation commerciale établie, au moins depuis 2001, au sens des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019. Il n'est pas non plus contesté que la société RPA a mis fin à ces relations par courrier du 27 juin 2017 à compter du 30 juin 2017, soit sans préavis.

La société PMC sollicite la somme de 481 976 euros à titre de dommages intérêts pour la rupture brutale des relations commerciales établies de la part de la société RPA.

La société RPA soutient que la rupture des relations commerciales sans préavis est justifiée par des manquements suffisamment graves de la part de la société RPA dans l'exécution de son contrat et fait notamment valoir à cet effet :

- que la société PMC était seule en charge de l'activité de prospection depuis le 1er janvier 2014,

- que la société PMC a commis une faute grave dans l'exécution de son contrat dès lors que des commerciaux se sont présentés comme des gendarmes ou des représentants de la gendarmerie ou faisant des promesses fallacieuses en cas d'abonnement sur l'indulgence de la gendarmerie,

- qu'elle est intervenue auprès de la société PMC lors de chaque défaillance dont elle a eu connaissance afin de la rappeler à l'ordre, que la société PMC a refusé d'améliorer les relations malgré les mises en garde et mesures demandées par RPA, les incidents se sont multipliés à compter du mois de novembre 2016 et justifiant la rupture sans préavis,

- que ces manquements l'exposent à des risques graves telle que l'escroquerie par fausse qualité de gendarme susceptible de convaincre les prospects de s'abonner par erreur, dès lors la société PMC compromet ses relations avec la gendarmerie et ses représentants avec lesquels il lui est indispensable de maintenir les meilleures relations pour obtenir des informations ou réaliser des reportages, c'est à dire exercer son activité comme elle le fait depuis 1936,

La société PMC réplique pour l'essentiel :

- que ses commerciaux ne sont jamais présentés comme gendarmes pour la prospection d'abonnement et qu'en plus de 20 ans de relations commerciales il n'a jamais existé une telle difficulté,

- que la société RPA ne démontre pas qu'elle serait à l'origine de l'invocation d'une fausse qualité de gendarme ou de promesses fallacieuses, que toutes les pièces versées aux débats par la société RPA sont contenues dans une période de 14 mois soit une prétendue faute reprochée tous les 3 mois pour plus de 90.000 appels passés par ses commerciaux pour l'année 2016, qu'au regard des attestations produites par la société RPA du 5 avril 2019 et du 10 janvier 2020 il n'y a pas eu d'échange direct entre le destinataire de l'appel et la société PMC.

- que le « topo commercial » produit par la société RPA ne contient pas de terme sur la qualité de gendarme.

- que la rupture a en réalité été motivée par les difficultés financières de la société RPA, laquelle avait perdu, sur l'exercice 2016, 15 845 euros et dont le bilan est redevenu positif en 2017 après avoir mis fin à leurs relations commerciales,

- que la rupture a aussi été motivée par la volonté de récupérer son savoir-faire afin de réintégrer les services pour lesquels elle est rémunérée au sein de la société RPA, à savoir la production de son argumentaire commercial ainsi que l'ensemble des fichier clients et a sollicité l'enregistrement des conversations téléphoniques avec la clientèle prospectée,

- que la rupture des relations commerciales litigieuse n'est que la conséquence du refus de la société PMC de transmettre à la partie intimée sa maîtrise prospective du fait de ses difficultés financières et ne peut constituer une faute grave,

La société RPA justifie avoir reçu plusieurs plaintes sur sa messagerie électronique ou par courrier, le 13 février 2015 (pièce RPA n° 5), le 11 mars 2016 (pièce RPA n° 6), le 17 novembre 2016 (pièce RPA n° 7), le 25 novembre 2016 (pièce RPA n° 8), le 12 mai 2017 (pièce RPA n° 9), le 25 mai 2017 (pièce RPA n° 10) de prospects, dont des huissiers ou avocat, se plaignant d'avoir été démarchés pour le journal l'Essor de la gendarmerie par des personnes se présentant comme appartenant à la gendarmerie nationale. La société RPA justifie également, sans être utilement contredite par la société PMC que celle-ci, depuis le 1er janvier 2014, est la seule en charge de la prospection.

Si au soutien de son appel, la société PMC conteste que ses commerciaux puissent se prévaloir de la qualité de gendarme pour la prospection, il résulte néanmoins des échanges de mails sur la période 2016-2017 (pièce RPA n° 6 à 12), qu'à chaque plainte reçue par la société RPA celle-ci en faisait un retour à la société PMC qui n'en contestait pas systématiquement la réalité et que la possibilité d'enregistrer les conversations téléphoniques a été sérieusement envisagée fin 2016 entre les parties pour y remédier, mais finalement refusé par la société PMC (pièce RPA n° 13).

Quand bien même le nombre de plaintes produites par la société RPA représente un nombre infime au regard du volume des prospections de la société PMC, elles se sont multipliées sur une période de 14 mois et sont représentatives d'une pratique utilisée par la société PMC et contre laquelle la société RPA est particulièrement légitime à prendre des mesures pour s'y opposer compte tenu de la nature de son activité et des risques encourus d'une telle pratique.

Par message électronique du 6 juin 2017 et réitéré par lettre recommandée du 13 juin 2017, à la suite d'une nouvelle plainte le 1er juin, la société RPA a mis en demeure la société PMC de communiquer par retour le texte exact et précis de l'argumentaire de prospection, de s'engager à respecter scrupuleusement cet argumentaire après validation par la société RPA et de s'équiper afin de pouvoir enregistrer tous les échanges commerciaux téléphoniques des collaborateurs afin de pouvoir les produire en cas de contestation, ce dispositif devant être opérationnel dans un délai raisonnable de 4 mois avant le 15 octobre 2017.

Par la suite, la société PMC, si elle a refusé de transmettre son argument de vente au motif de ne pas vouloir divulguer son savoir-faire commercial, non seulement elle n'établit pas qu'il s'agissait du seul objectif de la société RPA mais ne justifie pas non plus avoir fait des propositions concrètes pour rassurer la société RPA sur la probité de ses méthodes de prospection (pièce RPA n° 14). D'ailleurs, postérieurement à la rupture des relations commerciales, la société RPA produit diverses plaintes (pièces RPA n° 25, 28 et 29) de personnes ayant été démarchées par un interlocuteur se présentant comme gendarme pour la vente de la revue « Le Pandore de la Gendarmerie » éditée par la société PMC elle-même, confirmant les pratiques douteuses de celle-ci.

Dès lors, il résulte de l'ensemble de ces éléments des manquements suffisamment graves de la part de la société PMC dans l'exécution de ses prestations, pour justifier la rupture des relations commerciales sans préavis par la société RPA.

En conséquence, la société PMC doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 481 973 euros à titre de dommages intérêts et le jugement confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile en appel

La société PMC, partie succombante, sera condamnée aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile à l'instance d'appel, la société PMC sera déboutée de sa demande et condamnée à payer à la société RPA la somme de 4000 euros.

PAR CES MOTIFS

Constate la reprise d'instance et l'intervention volontaire de M. Y en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Presse média communication,

Confirme le jugement,

Condamne la société Presse média communication et M. Y ès qualités aux dépens d'appel,

Condamne la société Presse média communication et M. Y ès qualités à payer à la société Les relations publiques et administratives la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

Rejette toute autre demande.