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Décisions

CA Angers, ch. civ. A, 24 novembre 2020, n° 17/01473

ANGERS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Beuchee

Conseillers :

Mme Muller, M. Lenoir

TI Angers, du 26 juin 2017

26 juin 2017

Exposé du litige

Le 6 février 2016, M. Didier R. a acquis auprès de M. Hichem B. au prix de 3 400 euros un véhicule automobile de marque Ford modèle Focus C-Max 133cv immatriculé pour la première fois le 27 avril 2004 et affichant 205 826 kilomètres au compteur.

S'étant plaint d'anomalies de fonctionnement, il a sollicité en vain l'annulation amiable de la vente par courrier recommandé en date du 26 mars 2016 et a obtenu de son assureur de protection juridique la désignation d'un expert qui a rendu son rapport le 27 mai 2016.

Par acte d'huissier en date du 1er décembre 2016, il a fait assigner son vendeur devant le tribunal d'instance d'Angers en résolution de la vente sur le fondement de l'article 1641 du code civil, restitution du prix de vente et indemnisation des préjudices subis.

Par jugement contradictoire en date du 26 juin 2017, le tribunal a débouté M. Didier R. de l'ensemble de ses demandes, débouté chaque partie de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile et dit que M. Didier R. conservera la charge de ses dépens.

Pour statuer ainsi, il a considéré que les conditions de la résolution de la vente pour vices cachés ne sont pas réunies dans la mesure où, si la nécessité de procéder au changement de la chaîne et de la courroie de distribution est démontrée tant par le rapport d'expertise amiable établi en présence du vendeur auquel il est opposable que par les devis de deux garagistes différents et un document de «décharge de toutes responsabilités» émanant de l'un d'eux, les causes de ce désordre ne sont pas établies au-delà de l'usure normale liée à un kilométrage conséquent et à l'ancienneté du véhicule, où surtout l'expert amiable précise que « le bruit du moteur imputable à la chaîne de distribution était en germe ou présent lors de la vente », ce qui révèle le caractère apparent du vice qui était décelable lors de l'essai du véhicule et où enfin il n'est pas prouvé que M. Didier R. n'aurait pas acquis le véhicule avec la connaissance de la nécessité de remplacer cette pièce dont le coût constitue seulement un peu plus du tiers du prix modeste d'achat.

Suivant déclaration en date du 18 juillet 2017, M. Didier R. a relevé appel total de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions en date du 16 octobre 2017, il demande à la cour de prononcer la résolution de la vente du véhicule de type Ford Focus conclue entre lui et M. Hichem B., de condamner ce dernier à lui restituer le prix de vente du véhicule, soit 3 400 euros, et le prix de sa carte grise, soit 174,76 euros, pour un montant total de 3 574,76 euros, de le condamner également au paiement des frais d'immobilisation du véhicule jusqu'à sa reprise et de la somme de 2 000 euros au titre de son trouble de jouissance, d'ordonner au besoin et à titre subsidiaire une mesure d'expertise judiciaire, de condamner M. Hichem B. au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'ordonner l'exécution provisoire du jugement (sic) à intervenir et de condamner M. Hichem B. aux entiers dépens, y compris ceux de première instance.

M. Hichem B., assigné devant la cour le 8 novembre 2017 avec dénoncé de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelant, a obtenu le maintien de l'aide juridictionnelle totale en appel le 15 décembre 2017 et a constitué avocat le 25 janvier 2018, sans conclure ; il est donc réputé s'approprier les motifs du jugement déféré.

Sur quoi, la cour

En droit, l'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

En outre, il résulte des articles 1643 à 1646 du même code que le vendeur qui ne connaissait pas les vices de la chose vendue est tenu uniquement à la restitution du prix de vente, en tout ou partie selon la gravité des vices et le choix de l'acquéreur de conserver ou non la chose, et au remboursement des frais occasionnés par la vente en cas de résolution, tandis que celui qui en avait connaissance s'expose également au paiement de dommages et intérêts en réparation de l'entier préjudice causé à l'acquéreur.

La preuve de l'existence d'un vice caché préexistant à la vente incombe à l'acquéreur.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise contradictoire amiable établi le 27 mai 2016 par M. Gérald P. de la SARL Blond - Moreau Expertises Automobiles à la demande de l'assureur de protection juridique de l'acquéreur, régulièrement versé aux débats, opposable au vendeur qui a été convié à participer à la seconde réunion d'expertise tenue en sa présence le 18 mai 2016 et rejoignant le diagnostic posé par la SAS AD (Autodistribution) Normandie - Maine dans son devis de réparations en date du 24 mars 2016 et le document intitulé «décharge de toutes responsabilités» qu'elle a fait signer le même jour à l'acquéreur que le véhicule Ford Focus C-Max immatriculé DH-692-NJ acquis le 6 février 2016 par M. Didier R. présente un bruit moteur sous forme de claquement important de la chaîne de distribution, nécessitant le remplacement de celle-ci pour un montant de 1 380,79 euros TTC.

Contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, ce défaut est sans rapport avec l'usure normale liée au kilométrage conséquent et à l'ancienneté du véhicule car l'expert amiable l'attribue sans équivoque à une « usure anormale de la chaîne de distribution censée faire la vie du moteur » en précisant que cette pièce ne fait l'objet d'aucune préconisation de remplacement de la part du constructeur et il importe peu à cet égard que cette usure anormale puisse provenir, selon les différentes hypothèses émises par cet expert, soit d'une mauvaise qualité ou viscosité de l'huile utilisée lors des différents entretiens par les précédents propriétaires, soit d'une usure anormale du tendeur de chaîne.

En outre, il s'agit d'un vice rédhibitoire en ce que le véhicule ne doit pas être utilisé en l'état sous peine de risque de casse moteur, ainsi que souligné par l'expert amiable et par le garagiste AD.

Enfin, si le véhicule a pu parcourir 955 kilomètres en deux mois entre son achat par M. Didier R. à 205.826 kilomètres au compteur et son immobilisation à 206 781 kilomètres au compteur à l'issue de la première réunion d'expertise du 13 avril 2016, l'expert amiable n'est pas techniquement démenti lorsqu'il indique que ce défaut était en germe ou présent lors de la vente, ce dont il résulte que le vice est antérieur à la vente mais non qu'il était décelable par l'acquéreur, profane en matière de mécanique automobile, qui n'a pu s'en convaincre par la seule perception du bruit de claquement, d'autant que les contrôles techniques réalisés les 3 et 4 février 2016, dans les jours précédant la vente, ne révèlent aucune anomalie à cet égard.

L'existence d'un vice caché antérieur à la vente et rendant le véhicule impropre à son usage normal est donc suffisamment établie, ce qui justifie de prononcer la résolution de la vente sur le fondement de l'article 1641 du code civil sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise judiciaire.

En revanche, il n'est pas démontré que ce vice était connu de M. Hichem B. qui a lui-même acquis le véhicule le 10 juillet 2014 quelques jours après une révision réalisée à 181 772 kilomètres au compteur.

Celui-ci n'est donc tenu que de restituer à M. Didier R. le prix de vente de 3 400 euros, contre reprise du véhicule en son état actuel, et de lui rembourser les frais de carte grise occasionnés par la vente, facturés par la SARL Sablé Automobiles le 29 février 2016 pour un montant de 174,76 euros, mais pas de l'indemniser des frais d'immobilisation du véhicule ni de la privation de jouissance du véhicule, les demandes en ce sens étant rejetées.

Partie perdante, M. Hichem B. supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi que, en considération de l'équité et de la situation respective des parties, une somme de 1 200 euros au titre des frais non compris dans ces dépens, exposés par M. Didier R. en application de l'article 700 1° du code de procédure civile.

Quant à la demande d'exécution provisoire de ce dernier, elle est sans objet, le présent arrêt n'étant susceptible d'aucun recours suspensif.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la résolution de la vente du véhicule Ford Focus C-Max immatriculé DH-692-NJ conclue le 6 février 2016 entre M. Hichem B. et M. Didier R.,

En conséquence, condamne M. Hichem B. à payer à M. Didier R. les sommes de 3 400 (trois mille quatre cents) euros en restitution du prix de vente, contre reprise du véhicule en son état actuel, et de 174,76 euros (cent soixante-quatorze euros et soixante-seize cents) en remboursement des frais de carte grise,

Déboute M. Didier R. de ses demandes de dommages et intérêts,

Déclare sans objet sa demande d'exécution provisoire du présent arrêt,

Condamne M. Hichem B. à payer à M. Didier R. la somme de 1 200 (mille deux cents) euros en application de l'article 700 1° du code de procédure civile,

Le condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.