CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 27 novembre 2020, n° 18/03424
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Aumetz Diffusion (Sté)
Défendeur :
Ned Cop Copine (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sentucq
Conseillers :
M. Ardisson, Mme Paulmier-Cayol
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La SAS NED COP-COPINE fabrique et vend depuis 1973 des vêtements de prêt à porter féminin sous la marque « Cop.Copine ».
La société AUMETZ DIFFUSION a une activité de vente au détail de vêtements de prêt à porter féminin dont, notamment, ceux de la marque « Cop.Copine ».
Une relation commerciale existe entre la société NED COP-COPINE et la société AUMETZ DIFFUSION, cette dernière se prévalant de la distribution exclusive de la marque « Cop.Copine » dans les différents magasins qu'elle exploite à Aix-en-Provence, Avignon, Toulon et à Marseille.
Dans le courant de l'année 2008, la société NED COP-COPINE a ouvert deux boutiques distributrices de sa marque à Marseille et la société AUMETZ DIFFUSION, estimant d'une part avoir été victime de la concurrence de la société NED COP-COPINE, qui aurait cassé les prix du marché en pratiquant des opérations de déstockage avant travaux dans la boutique ouverte à Marseille et, d'autre part, de la réduction de l'encours de crédit qu'elle accordait de manière constante à la société AUMETZ DIFFUSION, empêchant cette dernière de s'approvisionner régulièrement en produits « Cop.Copine », son mandataire judicaire, organe désigné par jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence le 18 mars 2010, a saisi le tribunal de commerce de Marseille aux fins d'obtenir réparation du préjudice subi du fait du comportement commercial fautif de la société NED COP-COPINE.
Le jugement entrepris, prononcé le 15 septembre 2011, a statué en ces termes :
Dit que le tribunal de commerce de Marseille est compétent pour connaître de la présente instance.
Dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats les conclusions de la société AUMETZ DIFFUSION datées du 27 juin 2011.
Déboute la société NED COP-COPINE de sa demande tendant à voir les conclusions de la société AUMETZ DIFFUSION, datées du 27 juin 2011, écartées des débats pour communication tardive.
Dit que les pièces de la société NED COP-COPINE, numérotées « 1, 2, 5 et 10 », doivent être écartées des débats.
Déboute la société AUMETZ DIFFUSION de sa demande de voir les autres pièces de la société NED COP-COPINE, numérotées « 3, 4, 6, 7, 8, 9, 11,12 et 13 » écartées des débats du fait de leur qualité insuffisante
Dit que la société AUMETZ DIFFUSION ne bénéficie d'aucune exclusivité territoriale de vente des produits « Cop-Copine ».
Dit que la société AUMETZ DIFFUSION n'est pas en situation de dépendance économique, vis-à-vis de la société NED COP-COPINE.
Dit que la société NED COP-COPINE n'a pas commis de fautes susceptibles d'être à l'origine du redressement judiciaire de la société AUMETZ DIFFUSION.
Dit qu'il n'y a pas eu, de la part de la société NED COP-COPINE, de rupture abusive de la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société AUMETZ DIFFUSION.
Déboute la société AUMETZ DIFFUSION de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Dit qu'il n'y a pas lieu d'allouer à la société NED COP-COPINE, les dommages et intérêts sollicités.
Condamne la société AUMETZ DIFFUSION à payer à la société NED COP-COPINE la somme de 3 000€, au titre des dispositions de l'article 700 du CPC.
Condamne la société AUMETZ DIFFUSION aux dépens, toutes taxes comprises, de la présente instance.
Ordonne l'exécution provisoire pour toutes les dispositions du présent jugement, conformément aux dispositions de l'article 515 du CPC
Rejette, pour le surplus, toutes autres demandes, fins et conclusions, contraires au dispositif du présent jugement.
Par déclaration en date du 11/02/2018, l'appelant, Maître X en sa qualité de mandataire liquidateur de la société AUMETZ DIFFUSION, désigné à ses fonctions par le jugement qui a prononcé la liquidation judiciaire sur résolution du plan de la SARL AUMETZ DIFFUSION le 13 décembre 2011, a interjeté appel du jugement du 15 septembre 2011.
Prétentions des parties
Dans ses dernières conclusions récapitulatives et en réponse d'appel n° 3 notifiées de manière dématérialisée le 16 février 2018, l'appelant demande à la cour de :
Vu les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,
Vu les dispositions de l'article 1382 du Code civil, Vu les des éléments et pièces versées aux débats,
Vu l'article 74 du CPC,
Dire la société NED COP COPINE irrecevable en son exception d'incompétence,
La dire en tout cas mal fondée,
Dire que la Cour d'appel de Paris est compétente,
INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 septembre 2011 par le Tribunal de commerce de Marseille.
STATUANT A NOUVEAU :
Constater que la société « NED COP COPINE a reconnu le principe de sa responsabilité »,
DIRE ET JUGER que la société « NED COP COPINE a rompu abusivement ses relations commerciales au détriment de la société » AUMETZ DIFFUSION,
JUGER que le comportement fautif de la société « NED a causé un préjudice irrémédiable à la société » AUMETZ DIFFUSION,
DEBOUTER la société NED COP COPINE de toutes ses demandes, fins et conclusions,
EN CONSEQUENCE,
CONDAMNER la société NED COP COPINE à réparer le dommage subi par la société AUMETZ DIFFUSION,
Evaluer ce dommage à une somme de 2 100 000 € au titre de la réparation des préjudices subis en raison des fautes commises par la société NED COP COPINE,
CONDAMNER la société NED à payer à Maître X,en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL AUMETZ DIFFUSION, une somme de 2 100 000 €,
DIRE que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de la demande,
DIRE que lesdites sommes porteront intérêts capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
CONDAMNER la société NED COP COPINE à verser une somme de 7 000 € au bénéfice de Maître X, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL AUMETZ DIFFUSION au titre des dispositions de l'article 700 du CPC,
CONDAMNER la société NED COP COPINE en tous les dépens distraits au profit de Me A, Avocat auprès de la Cour d'Appel de PARIS.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 février 2016 l'intimée, la SAS NED COP COPINE, demande à la cour de :
Vu l'article L 442-6 du Code de Commerce,
Vu l'article 1382 du Code civil,
Vu les articles 32-1 et 700 du Code de procédure civile
Vu le jugement en date du 9 mars 2006, Vu les pièces versées aux débats,
A titre principal,
- Se déclarer incompétente au profit de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence
A titre subsidiaire,
- Confirmer la décision du 15 septembre 2011
- Débouter la Société AUMETZ DIFFUSION prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Maître X, de l'ensemble de ses demandes
- Condamner la société AUMETZ DIFFUSION prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Maître X, au paiement de la somme de 25 000 € à titre de dommage et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile et de l'article 1382 du Code civil
- Condamner la société AUMETZ DIFFUSION prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Maître X à payer à la société NED la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et dépens toutes taxes comprises de la présente instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 juin 2020 et l'affaire fixée à l'audience collégiale du 15 octobre 2020 à laquelle elle a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 27 novembre 2020.
SUR QUOI,
LA COUR :
Sur l'exception d'incompétence de la Cour d'Appel de Paris
La société NED COP COPINE soulève l'incompétence de cette cour au motif que la responsabilité pour pratiques déloyales est poursuivie sur le fondement du droit des obligations issu des principes généraux du code civil et que l'affaire doit être portée devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence et non de Paris, juridiction dont la compétence exclusive est limitée à l'application des dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce en matière de contentieux des pratiques restrictives de la concurrence.
La société AUMETZ DIFFUSION prise en la personne de Maître X, en qualité de mandataire liquidateur, soulève l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence invoquée après que la SAS COP COPINE ait conclu au fond et ce, au mépris des dispositions de l'article 74 du code de procédure civile qui impose que les exceptions de procédure soient soulevées in limine litis.
En tout état de cause elle conclut au débouté en application des dispositions de l'article D. 442-3 du code de commerce, la cour d'appel de Paris étant seule compétente pour connaître du contentieux lié à l'article L. 442-6 du même code, à savoir le contentieux des pratiques restrictives, bien visé dans les conclusions de l'appelante.
Sur ce,
Selon les dispositions de l'article 74 du code de procédure civile : « Les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoiX Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public (...) »
En l'espèce, la société intimée a conclu au fond par ses première conclusions signifiées de manière dématérialisée le 13 décembre 2013, auxquelles il a été répondu par l'appelant par des conclusions n°2 signifiées de manière dématérialisée le 11 avril 2014, avant que l'affaire ne soit retirée du rôle, sans soulever l'incompétence d'attribution de cette cour qui est donc invoquée pour la première fois par la société intimée par voie de conclusions signifiées le 7 février 2016, postérieurement à la défense au fond.
Il convient donc de déclarer Maître X en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL AUMETZ DIFFUSION irrecevable en son exception d'incompétence.
Sur le caractère abusif de la rupture des relations commerciales établies entre la société AUMETZ DIFFUSION et la société NED COP COPINE
La société AUMETZ DIFFUSION prise en la personne de Maître X, en sa qualité de mandataire liquidateur fait valoir que les parties entretenaient des relations commerciales depuis 1998, à l'époque par le biais d'une société « NOUVELLE LIGNE » ; qu'en 2002, de nouvelles ouvertures de boutiques destinées à promouvoir la marque COP COPINE ont été réalisées par AUMETZ DIFFUSION, sous l'impulsion de la société NED qui s'est avérée être le fournisseur quasiment exclusif des cinq magasins exploités par la société AUMETZ.
Sur les conditions commerciales pratiquées entre les deux parties, la société AUMETZ précise qu'elle effectuait deux commandes globales par an auprès de son fournisseuX
Sur l'évolution des rapports commerciaux existants entre les parties, elle indique que jusqu'en 2008, la société AUMETZ DIFFUSION jouissait d'une exclusivité dans toutes les villes où elle était implantée, du fait qu'aucune autre boutique n'exploitait l'enseigne « COP COPINE » mais que la société NED, en juin 2008, a brisé ce rapport de confiance en ouvrant plusieurs boutiques en exploitation directe dans les mêmes secteurs géographiques que ceux exploités par la société AUMETZ DIFFUSION et en cassant les prix, 3 mois après l'ouverture de la première boutique ; que les boutiques en exploitation directe par la société NED étaient systématiquement mieux approvisionnées que celles exploitées par AUMETZ DIFFUSION, jusqu'à ce que la société NED cesse définitivement d'honorer, à compter de 2010, les commandes que la société AUMETZ avait l'habitude de passer ; qu'elle a prétexté pour cela un encours trop important de dette de 250 000€ qui correspondait pourtant aux limites établies par les parties dans leur relation commerciale et qu'ainsi les difficultés de paiement de la société AUMETZ DIFFUSION sont bien dues aux agissement et à l'attitude de la société NED alors que les relations commerciales étaient établies depuis plusieurs années par un volume d'affaires conséquent et que la réduction du montant de l'encours du compte courant commercial constitue une rupture des relations commerciales qui a, par sa soudaineté, rendu impossible pour l'acheteur son approvisionnement chez le vendeur ; que le préavis raisonnable imposé n'a pas été respecté, le fournisseur n'ayant proposé aucun préavis à son distributeur historique alors que sa durée aurait mérité d'être fixée à au moins 18 mois, compte tenu notamment de la situation de dépendance économique de la société AUMETZ DIFFUSION vis-à-vis de la société NED; que la faute et le principe de responsabilité de la société NED ont été reconnus par l'intimée qui ne peut se contredire à ses propres dépens et nier sa responsabilité alors qu'elle a offert à la société appelante un dédommagement de 20 000 euros que celle-ci a certes, jugé insuffisant mais qui rend d'un point de vue procédural, la société AUMETZ, irrecevable à contester sa responsabilité, le principe d'une dette réparatoire demeurant acquis ; que le préjudice résultant de la rupture des concours est d'autant plus important que cette rupture s'inscrit dans un contexte de dépendance économique du distributeur envers le fournisseur et qu'il peut raisonnablement être porté à 2 100 000 € étant rappelé que Monsieur Y, gérant de la société, s'est porté caution de nombreux engagements bancaires envers la société, qu'il a donc l'obligation de vendre l'intégralité de son patrimoine immobilier aux fins de régler les dettes couvertes par le cautionnement.
La société NED COP COPINE oppose qu'il ne s'agit pas d'une rupture brutale des relations commerciales établies, moyens non soutenus en première instance phase initiale où n'ont été abordées que les questions de l'exclusivité et de la dépendance ; que même à considérer que la rupture puisse être brutale, les incidents de paiement répétés caractériseraient alors un certain degré de gravité justifiant une rupture sans préavis ; que contrairement à ce que soutient la société AUMETZ DIFFUSION, il n'était nullement dans les habitudes commerciales des deux sociétés de pratiquer ou d'autoriser des encours et que c'est la gestion calamiteuse de la société AUMETZ DIFFUSION qui a mené à son redressement étant établi qu'à compter de 2009, la société AUMETZ DIFFUSION, au lieu stopper ou de réduire les commandes, a commencé à envoyer à la société NED des demandes de prorogation des dates d'encaissement de chèques dont il a résulté que 16 chèques émis par la société AUMETZ et remis à l'encaissement par la société intimée, lui ont été retournés avec la mention sans provision ; que la société NED n'a pas interrompu ses relations avec la société AUMETZ DIFFUSION, contrairement à ce qui est soutenu, mais n'a fait que subordonner les nouvelles commandes au remboursement d'une partie du passif, maintenant sa confiance à Monsieur Y qui lui avait promis qu'il cèderait un bien personnel lui appartenant pour rembourser les dettes ce qu'il n'a pas fait ; que la détérioration des rapports n'est due qu'à la mauvaise foi de la société AUMETZ DIFFUSION, cherchant à tromper son cocontractant pour gagner du temps, sans jamais chercher à apurer ses dettes de sorte que la société NED, du fait du montant exorbitant des impayés, était fondée à ne plus livrer la société AUMETZ DIFFUSION qui a fait preuve d'une particulière mauvaise foi en accumulant des factures qu'elle se savait incapable de payer dans le seul but de faire gonfler son passif, en vue d'échapper à une contribution au passif ; que la société NED COP-COPINE ne peut en aucun cas être déclarée responsable de l'état de déconfiture de la société AUMETZ DIFFUSION qui ne résulte que de ses propres fautes de gestion, la société intimée ayant été contrainte de modifier ses liens avec son partenaire du fait des nombreux impayés accumulés et non régularisés, l'appelante étant redevable de plus de 400 000 euros de factures impayées.
Sur ce,
Selon les dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce dans sa version issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, applicable au litige : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
(...)
5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeuX A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. »
En l'espèce, aucun contrat de distribution, a fortiori exclusive, n'a été formalisé entre les parties toutefois les relations commerciales établies entre la société NED COP COPINE et la SARL AUMETZ DIFFUSION sont avérées par le fait que de manière constante, depuis 2002 la société intimée approvisionnait la société appelante annuellement en vêtements de la marque COP COPINE, pour être vendus dans les cinq boutiques ouvertes par la SARL AUMETZ DIFFUSION à Aix-en-Provence, Marseille, Avignon et Toulon.
La preuve que la société NED COP COPINE en sa qualité de fournisseur ait autorisé la SARL AUMETZ DIFFUSION à revendre en sa qualité de distributeur unique, les vêtements de la marque COP COPINE sur un territoire déterminé, incombe à la société distributrice qui s'en prévaut et peut être administrée par tous moyens.
Le projet de contrat de concession d'enseigne COP COPINE produit par l'appelant non signé, ne comporte aucune mention relative à l'identité des parties ni aux boutiques concernées, il n'en est produit qu'un extrait et il ne peut donc pas être rapporté au présent litige.
Cet élément est donc dépourvu de toute force probante.
Elle ne peut non plus s'évincer de la stipulation de la clause de destination figurant au bail liant la société VENDOME COMMERCES et la société CENTRE BOURSE à la société AUMETZ DIFFUSION et portant sur le local situé dans le centre commercial BOURSE à Marseille, prévoyant une affectation des lieux à l'activité de prêt à porter femme à l'exclusion de toute autre activité sous l'enseigne « COP COPINE » qui est inopposable à la société intimée laquelle n'est pas partie au bail.
En outre et surtout la réalité d'un contrat de distribution exclusive est contredite par l'attestation de Madame Z, gérante de la société JENNY B, produite par la société intimée qui indique qu'en tant que grossiste référencé de la marque COP COPINE elle bénéficiait d'une clientèle dans l'ensemble de la région Provence Alpes Côte d'Azur et notamment dans les villes d'Aix-en-Provence, Avignon, Marseille et Toulon et précise qu'elle réalisait un volume d'achats de 15 millions d'euros par an auprès de la société NED entre 2002 et 2008.
Par conséquent la SARL AUMETZ DIFFUSION échoue à rapporter la preuve tant d'une exclusivité de fait que d'une situation de dépendance économique à l'égard de la société NED COP COPINE et ne saurait prospérer de ce chef.
Par une lettre recommandée avec accusé de réception du 29 janvier 2010, W agissant pour la société intimée mettait en demeure Y en sa qualité de gérant de la société appelante, de lui régler sous une semaine avant le 8 février 2010, la somme de 250 000 euros représentant une partie de la dette globale de ce dernier au titre des commandes de vêtements restés impayés.
Cette mise en demeure faisait suite au rejet de 10 chèques émis par la SARL AUMETZ DIFFUSION entre le 30 avril 2008 et le 15 septembre 2009, en paiement des commandes passées à la société NED COP COPINE, pour un montant global de 141 365,92 euros et revenus avec la mention sans provision au compte.
Elle faisait également suite :
- à un fax manuscrit envoyé le 27 juillet 2009 par la SARL AUMETZ DIFFUSION à la société NED COP COPINE aux termes duquel Monsieur Y écrit : « Je ne sais si c'est possible mais si tu arrives à me décaler : le chèque 11 059, 63 prévu le 20/07 pour le 25/08, le chèque 12 969,09 prévu 30 juillet pour le 31/08, le chèque de 16 675 prévu le 30/07 pour le 5/09, le chèque de 20 000 prévu le 31/07 pour le 10/09 ; Au cas où tu peux le faire merci ça arrangerait mes affaires. »
- à un courrier transmis à Monsieur Y le 26 novembre 2009 par la comptabilité de la société NED COP COPINE rappelant le détail de 7 chèques impayés représentant une somme totale de 247 105,17 euros due au titre des commandes de vêtements livrés et non acquittées sur lequel une mention manuscrite, dont nul ne conteste qu'elle ait été rédigée par Monsieur Y en sa qualité de gérant de la SARL AUMETZ DIFFUSION, indique : « Ces sommes sont fausses, j'ai encore beaucoup de chèques non remis en banque, il va falloir que nous nous concertions à ce sujet, amicalement ».
Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que la preuve de la contractualisation d'un encours permanent consenti par la société NED COP COPINE à la SARL AUMETZ DIFFUSION correspondant à 20 % du chiffre d'affaires n'est aucunement rapportée quand bien au contraire les éléments précités établissent que la société appelante disposait de tous les éléments pour anticiper la rupture prévisible des relations commerciales du fait de l'importance croissante des impayés en l'absence de toute ligne de crédit consentie par son fournisseuX
L'état des rapprochements bancaires établis par son comptable révèle un encours de dettes fournisseurs impayés à l'égard de la société NED COP COPINE d'un montant de 396 829,74 euros au 31 décembre 2008 et de 174 646,18 euros au 31 décembre 2009.
Rien ne vient établir par conséquent que l'encours débiteur ait été consenti par la société NED COP COPINE antérieurement à l'année 2008 ni d'ailleurs postérieurement, la demande d'apurement de la dette formée pour la première fois en 2009 traduisant une simple tolérance limitée à l'exercice écoulé, manifestement motivée par l'ancienneté des relations contractuelles entre les parties mais dont il ne peut se déduire, contrairement à ce que soutient l'appelante, un accord sur la pratique habituelle d'un encours de crédit en faveur de la SARL AUMETZ DIFFUSION.
Dans ces conditions, l'ouverture d'une boutique par la société NED COP COPINE à Marseille, en l'absence de contrat de distribution exclusive l'engageant envers la société appelante, avérée depuis le mois de juin 2008 par le procès-verbal de constat établi à la demande de la société AUMETZ DIFFUSION le 5 février 2010, ne peut être analysée en une volonté de tromper la confiance du partenaire quand l'imputabilité de la rupture des relations commerciales trouve son origine dans la dette du fournisseur impayé.
Par ailleurs il échet de constater qu'aucun élément au soutien d'une reconnaissance de responsabilité et ou d'une proposition d'indemnisation, adressée par la société intimée à la société appelante en conséquence des griefs exposés à l'appui de la présente instance n'est produit.
Selon les dispositions de l'article 1184 du code civil dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicables au litige, dans les contrats synallagmatiques, la condition résolutoire est toujours sous entendue pour le cas où l'une des parties ne satisfait pas à son engagement.
Il est établi que la société AUMETZ DIFFUSION a accumulé une dette envers son fournisseur, la société NED COP COPINE, qui s'élevait à plus de 400 000 euros au mois de janvier 2010 faisant suite notamment à une série de remises de chèques non provisionnés dont la société appelante, consciente du risque d'impayé, avait sollicité le différé d'encaissement sans qu'un accord de crédit n'ait été contractualisé entre les parties et que cet impayé est seul à l'origine de la rupture des relations contractuelles entre les parties.
L'inexécution imputable à la société AUMETZ DIFFUSION justifie la mise en œuvre de la faculté de résiliation par la société NED COP COPINE qui était parfaitement fondée à suspendre ses livraisons dans l'attente du règlement de sa créance.
La SARL AUMETZ DIFFUSION sera en conséquence déboutée de l'intégralité de ses demandes, le jugement confirmé en toutes ses dispositions et la société appelante condamnée à régler à la société NED COP COPINE une somme de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
DECLARE la société NED COP COPINE irrecevable en son exception d'incompétence ;
DEBOUTE la société AUMETZ DIFFUSION prise en la personne de son mandataire liquidateur Maître X de l'intégralité de ses demandes ;
CONFIRME en toute ses dispositions le jugement entrepris ;
CONDAMNE la société AUMETZ DIFFUSION prise en la personne de son mandataire liquidateur Maître X au règlement à la société NED COP COPINE d'une somme de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.