CCE, 8 janvier 2009, n° M.5388
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Diester Industrie/ Oleon Group
Messieurs, Mesdames,
Objet : Affaire n° COMP/M.5388 - Diester Industrie/ Oleon Group
Votre notification du 24.11.2008 conformément à l'article 4 du règlement du Conseil n° 139/20041.
(1) Le 24 novembre 2008, la Commission a reçu notification, conformément à l'article 4 du règlement du Conseil n° 139/2004 (ci-après "le Règlement Concentrations"), d'un projet de concentration par lequel la société française Diester Industrie SAS ("Diester Industrie"), contrôlée par l'établissement financier français Sofiprotéol, acquiert le contrôle exclusif de l'ensemble de la société belge Oleon Holding NV ("Oleon").
I. LES PARTIES
(2) Sofiprotéol est un établissement financier actif dans la filière française oléagineuse et protéagineuse. Sofiprotéol est présent dans la production et commercialisation de biodiesel, de produits oléochimiques, de glycérine et d'huiles végétales. Diester Industrie a pour principale activité la production et commercialisation de biodiesel. Diester Industrie est contrôlé par Sofiprotéol.
(3) Oleon est présent dans la production et commercialisation de biodiesel, de produits oléochimiques et de glycérine.
II. L'OPERATION ET LA CONCENTRATION
(4) Conformément au contrat d'acquisition conclu le 18 novembre 2008 entre Diester Industrie et les actionnaires d'Oleon, Diester Industrie procèdera à l'acquisition de l'intégralité du capital et des droits de vote d'Oleon.
(5) L'opération notifiée constitue une concentration par laquelle l'entreprise Diester Industrie acquiert, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du Règlement Concentrations, le contrôle de l’ensemble de l'entreprise Oleon par achat d'actions.
III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE
(6) L'opération n'a pas une dimension communautaire au sens de l'article 1(2) du Règlement Concentrations, le chiffre d'affaires agrégé des parties n'excédant pas 5 milliards d'euros. Toutefois, les parties ont un chiffre d'affaires mondial agrégé supérieur à 2,5 milliards d'euros (Sofiprotéol : […] millions d'euros ; Oleon : […] millions d'euros), un chiffre d'affaires national agrégé supérieur 100 millions d'euros dans cinq Etats membres - avec un chiffre d'affaires individuel supérieur à 25 millions d'euros dans quatre Etats Membres parmi ces cinq - et un chiffre d'affaires individuel dans la Communauté supérieur à 100 millions d'euros (Sofiprotéol : […] millions d'euros ; Oleon : […] millions d'euros). Ni Sofiprotéol ni Oleon n'ont réalisé plus des deux-tiers de leur chiffre d'affaires au niveau communautaire dans un Etat membre. L'opération a donc une dimension communautaire au sens de l'article 1(3) du Règlement Concentrations.
IV. LES MARCHES EN CAUSE
(7) Les parties exercent toutes deux des activités dans le secteur de l'oléochimie, lequel concerne les transformations physico-chimiques appliquées aux huiles et aux graisses animales et végétales. Les produits oléochimiques de base comprennent les acides gras, les alcools gras, la glycérine et les huiles techniques. Le marché des dérivés oléochimiques est composé des esters. Le biodiesel est un type particulier d'ester.
(8) Par ailleurs, Sofiprotéol est également présent sur le marché amont des huiles végétales dans lequel Oleon n'est pas actif.
(9) Trois marchés de produits sont horizontalement affectés par la transaction : le biodiesel, la glycérine et un type particulier d'esters gras.
A. Biodiesel
Marché de produits
(10) Le biodiesel est fabriqué à partir d'huiles végétales (ester méthylique d'huiles végétales ou EMHV), de graisse animale (ester méthylique de graisse animale ou EMHA) ou d'huile de friture usagée et d'alcool.
(11) Pour l’essentiel, le biodiesel est vendu par les producteurs aux compagnies pétrolières ou à la grande distribution. Celles-ci le revendent en tant que carburant aux consommateurs finals, soit sous une forme pure (une telle utilisation étant pour l’essentiel limitée à l’Allemagne), soit en mélange avec du gazole minéral. Une faible part du biodiesel est vendue en tant que fioul domestique (uniquement en Italie) ou à l’industrie chimique en vue de diverses applications dans ce secteur.
(12) Les parties soutiennent que le biodiesel et le gazole minéral sont totalement substituables, tant techniquement qu’économiquement vis-à-vis des opérateurs pétroliers et des consommateurs. D’un point de vue technique, les parties expliquent que le biodiesel est largement substituable au gazole minéral. Ainsi, la plupart des véhicules à moteur diesel actuellement en circulation dans l’UE peuvent utiliser sans problème technique un mélange faible de biodiesel. Les parties soutiennent également qu'il n'y a pas lieu de distinguer le biodiesel suivant l'application à laquelle il est destiné (carburant, fioul, chimie).
(13) Dans les décisions antérieures relatives au marché du biodiesel2, la Commission a laissé ces deux questions ouvertes – à savoir : distinction gazole minéral/biodiesel, distinction par application. A la suite de l'enquête de marché lancée par la Commission, il apparaît qu'une majorité d'entreprises présente sur le marché considère que le biodiesel et le gazole minéral sont substituables. Par ailleurs, les résultats de l'enquête suggèrent que la distinction par application n'est pas pertinente. Toutefois, ces deux questions peuvent être laissées ouvertes puisqu'elles n'ont pas d'incidence sur l'analyse concurrentielle dans le cas d'espèce.
Marché géographique
(14) Dans des décisions antérieures, la Commission a constaté que le marché de l’acquisition de diesel ex raffineries était de dimension au moins européenne. Les parties estiment qu’un hypothétique marché distinct du biodiesel serait de dimension au moins européenne, notamment en raison du développement sensible des échanges intra-communautaires liés à l’augmentation générale de la demande au niveau européen et à l’existence de déséquilibres significatifs entre l’offre et la demande dans de nombreux Etats membres.
(15) Dans une décision antérieure3 la Commission a laissé ouverte la définition géographique du marché du biodiesel, envisageant un marché régional couvrant l'Allemagne, l'Italie, l'Autriche et la France. Les parties estiment que cet hypothétique marché régional devrait également comprendre la Belgique, compte tenu de l'évolution des flux intra-communautaires ("marché UE5" dans la suite de cette décision).
(16) L'enquête de marché de la Commission révèle que le marché géographique en cause serait au minimum l'Espace Economique Européen ("EEE"). Toutefois, la définition exacte du marché géographique en cause peut être laissée ouverte dans cette affaire.
B. Glycérine
Marché de produits
(17) Dans le cadre de leurs activités de production de biodiesel, d'acides gras et d'alcools gras, les parties produisent également de la glycérine brute. Celle-ci est inutilisable en l’état et doit nécessairement être raffinée. La glycérine ainsi raffinée est ensuite commercialisée auprès de nombreuses catégories de clients, en vue de diverses applications essentiellement dans les domaines pharmaceutique et cosmétique.
(18) Les parties considèrent que la glycérine brute et la glycérine raffinée appartiennent à deux marchés distincts. Aucune distinction plus fine (par exemple en fonction du degré de pureté de la glycérine raffinée, du processus industriel dont la glycérine est issue) ne serait nécessaire.
(19) Dans une décision antérieure4, la Commission tend, en se fondant sur son enquête de marché, à distinguer les marchés de la glycérine brute et de la glycérine raffinée. Toutefois, la Commission laissait ouverte la question.
(20) Au terme de l'enquête de marché de la Commission dans la présente affaire, une majorité d'entreprises considère que les deux marchés correspondent à des conditions concurrentielles distinctes. La Commission confirme donc la position des parties selon laquelle la glycérine brute et la glycérine raffinée constituent deux marchés distincts.
Marché géographique
(21) Les parties soutiennent que les marchés de la glycérine sont de dimension mondiale. Dans la décision Diester Industrie / Bunge / JV, la Commission a conclu que ces marchés couvraient au moins l'EEE. En l'espèce, la définition exacte du marché géographique en cause peut être laissée ouverte.
C. Esters gras
Marché de produits
(22) Les esters sont des additifs utilisés en tant qu'émulsifiant, lubrifiant ou solvant pour des applications très diverses telles que les lubrifiants, les produits d'hygiène personnelle et cosmétiques, les produits alimentaires, les encres ou encore les solvants. De nombreux types d'esters existent, suivant la composition des matières premières (alcool et acide organique ou ester et alcool) utilisées pour la réaction de synthèse de l'ester.
(23) La partie notifiante considère que tous les esters gras, hors biodiesel (voir ci-dessus), font partie d'un même marché de produits. En effet, selon elle, le processus de production pour les différents types d'esters gras est similaire et requiert les mêmes équipements de production. Il existerait donc une forte substituabilité du côté de l'offre. Par ailleurs, plusieurs types d'esters pourraient en général répondre à un besoin particulier.
(24) Par le passé5, la Commission a considéré des marchés plus fins, correspondant à des familles particulières d'esters. La partie notifiante a fourni des informations plus précises sur les activités des parties par type d'esters.
(25) Toutefois, la question de la définition du marché de produits peut être laissée ouverte puisqu'elle n'a pas d'incidence sur l'analyse concurrentielle dans le cas d'espèce.
Marché géographique
(26) En accord avec les décisions antérieures de la Commission et une décision récente de l'OFT concernant des marchés d'esters6, la partie notifiante considère que la dimension géographique du marché des esters gras correspond au moins à l'Espace Economique Européen.
(27) Toutefois, la question de la définition géographique du marché des esters gras peut être laissée ouverte puisqu'elle n'a pas d'incidence sur l'analyse concurrentielle dans le cas d'espèce.
V. ANALYSE CONCURRENTIELLE
A. Biodiesel
(28) Sofiprotéol est présent sur le marché du biodiesel par l'intermédiaire de ses filiales Diester Industrie et DII (Diester Industrie International, contrôle conjoint avec Bunge7). Oleon possède une usine située en Belgique et produisant du biodiesel. Oleon ne vend du biodiesel qu'en France et en Belgique. Les parties ne vendent pas de gazole minéral.
(29) Considérant un marché européen du biodiesel (tous usages), l'incrément de part de marché résultant de la transaction est minime (parts de marché : Sofiprotéol : [20- 30]%; Oleon : [0-5]% - Concurrents : ADM [10-20]%, Verbio [0-5]%, Cargill [0-5]%, Biopetrol [0-5]%). La situation est similaire sur un marché UE5 (Sofiprotéol : [20- 30]% ; Oleon : [0-5]% - Concurrents : ADM [10-20]%, Verbio [0-5]%, Cargill [0- 5]%, Biopetrol [0-5]%). En tenant compte d'une délimitation nationale des marchés, l'opération conduit à un chevauchement d'activité entre les parties uniquement en France (Sofiprotéol : [60-70]% ; Oleon : [0-5]% - Concurrents : Ineos [5-10]%, Neochim [0-5]%). Il faut toutefois noter que l'ensemble des volumes vendus en France par Oleon sont déjà commercialisés par l'intermédiaire de Diester Industrie. Par ailleurs, les agréments délivrés par l'Etat français (systèmes de défiscalisation partielle sur appel d'offres) aux sociétés Diester Industrie et Diester Industrie International vont expirer dans les années qui viennent, diminuant mécaniquement la part de marché de la partie notifiante.
(30) Considérant un/des marché(s) hypothétique(s) du biodiesel destiné(s) à l'industrie chimique et compte-tenu de la faible part de marché d'Oleon quelle que soit la définition retenue, l'opération ne conduit pas à l'affectation de marché(s),
(31) L'enquête de marché confirme que la présente opération n'aura pas d'effets sur le marché du biodiesel, en particulier en raison de la présence de nombreux fournisseurs actifs sur le marché européen.
B. Glycérine
(32) La partie notifiante commercialise la quasi-totalité de sa production de glycérine brute, alors qu'Oleon utilise en interne l'intégralité de sa production. Les volumes produits par les parties représentent [20-30]% de la production européenne (Sofiprotéol : [10-20]%; Oleon : [5-10]%) ; Sofiprotéol commercialise environ [20- 30]% des volumes vendus sur le marché. Il n'y a donc pas de chevauchement d'activité entre les parties en ce qui concerne la vente de glycérine brute.
(33) En ce qui concerne la glycérine raffinée, la partie notifiante est, par l'intermédiaire de la société NEW, un nouvel entrant. La nouvelle entité détiendra [10-20]% du marché européen (Sofiprotéol : [0-5]% ; Oleon : [10-20]%), à égalité avec Croda et Cognis (environ [20-30]% du marché en capacité de production) et devant Verbio ([10-20]%), ADM, Biopetrol et Gate ([5-10]% chacun). L'enquête de marché a confirmé que la présente opération n'aura pas d'effets sur le marché de la glycérine raffinée.
(34) Il existe une relation verticale entre les parties sur le marché de la glycérine brute. Sofiprotéol est un fournisseur de glycérine brute, marché sur lequel Oleon intervient comme acheteur. Toutefois, Oleon s'approvisionnant déjà à [90-100]% chez Sofiprotéol en glycérine brute, la relation verticale créée par l'opération n'aura pas d'incidence sur le fonctionnement du marché de la glycérine.
C. Esters gras
(35) Diester Industrie est présent sur le marché des esters gras par le biais de sa filiale Novance.
(36) Sur un marché européen des esters gras, l'opération ne renforcerait que marginalement la position d'Oleon (Oleon [10-20]%, Novance [0-5]%).
(37) Considérant des segments plus fins par famille d'esters, l'opération conduit à un seul marché affecté : le marché des esters de sorbitan (Oleon [10-20]%, Novance [5- 10]%). Sur ce marché, la nouvelle entité fera toujours face à des concurrents importants (Croda/Uniqema : [30-40]%, Cognis : [20-30]%, Ecogreen : [10-20]%, Esterchem : [10-20]%).
(38) Etant donné les faibles parts de marché des parties et leur très faible chevauchement sur ce marché, l’opération ne soulève pas de problèmes de concurrence sur le marché des esters gras.
VI. CONCLUSION
(39) Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le marché commun et avec l'accord EEE. Cette décision est prise sur la base de l'article 6, paragraphe 1, point b, du règlement du Conseil n° 139/2004.
1 JO L 24, 29.1.2004 p. 1.
2 Voir notamment affaire n° COMP/M.3876 – Diester Industrie / Bunge / JV, décision du 30.09.2005.
3 Voir affaire n° COMP/M.3876 – Diester Industrie / Bunge / JV, décision du 30.09.2005.
4 Voir affaire n° COMP/M.3876 – Diester Industrie / Bunge / JV, décision du 30.09.2005.
5 Voir par exemple affaire n° IV/M.933 – ICI/Unilever, décision du 23.06.1997.
6 Voir affaire n° IV/M.933 – ICI/Unilever, décision du 23.06.1997 ; affaire n°COMP/M.4972
Permira/Arysta, décision du 25.02.2008. Voir également décision de l'OFT Uniqema/Croda du 10
novembre 2006.
7 Voir affaire n° COMP/M.3876 – Diester Industrie / Bunge / JV, décision du 30.09.2005.