Comm. CE, 24 février 2009, n° M.5432
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Crédit Mutuel/ Cofidis
Messieurs, Mesdames,
Objet: Affaire COMP/M.5432 – Crédit Mutuel/ Cofidis
Votre notification du 21 Janvier 2009 en application de l'article 4 du1
Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil.
(1) Le 21 Janvier 2009, la Commission a reçu notification, conformément à l’article 4 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, d’un projet de concentration par lequel l'entreprise Banque Fédérative du Crédit Mutuel S.A. («Crédit Mutuel», France), acquiert, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement du Conseil, le contrôle de l’ensemble de Cofidis Participations S.A. («Cofidis», France) par achat d’actions.
I. LES PARTIES
(2) Crédit Mutuel est la société holding d'un group bancaire mutualiste français dont le siège social est à Strasbourg et qui est actif dans le secteur bancaire et plus particulièrement dans le secteur de la banque de détail ainsi que l'assurance, essentiellement en France et en partie dans d'autres Etats membres.
(3) Cofidis est une société qui fait actuellement partie du groupe 3 Suisses International et qui est actif essentiellement dans le secteur du crédit à la consommation.
II. L’OPÉRATION ET LA CONCENTRATION
(4) L'opération consiste en l'acquisition par Crédit Mutuel du contrôle exclusif de Cofidis.
(5) Il s’agit donc d’une concentration au sens de l’article 3, paragraphe 1 (b), du Règlement CE n° 139/2004.
III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE
(6) Les entreprises concernées ont un chiffre d'affaires agrégé combiné de plus de 5 milliards d'euros (Crédit Mutuel 33.091 millions, Cofidis 1.312 millions) et un chiffre d'affaires dans la Communauté supérieur à 250 millions d'euros (Crédit Mutuel […], Cofidis […]). Cofidis ne réalise pas plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté en France, ce qui est par contre le cas pour Crédit Mutuel. L'opération notifiée a donc une dimension communautaire au sens de l'article 1, paragraphe 2 du Règlement CE n° 139/2004.
IV. ANALYSE CONCURENTIELLE
(7) Les activités des parties se chevauchent en France et dans une mesure très limitée en Belgique.
(8) Crédit Mutuel est actif en France dans un certain nombre de services financiers tels que la banque de détail, le crédit à la consommation et l'assurance. En Belgique, son activité est très limitée et porte exclusivement sur le financement de prêts personnels au point de vente2.
(9) Cofidis est presque exclusivement active dans le secteur du crédit à la consommation, y compris en France et en Belgique3. Cofidis a une présence très limitée et accessoire dans la distribution de produits d'assurance en France et en Belgique.
Marchés en cause
Crédit à la consommation
(10) La Commission a constaté à plusieurs reprises que le secteur des services bancaires de détail, qui forme un segment des services bancaires, peut être divisé en un certain nombre de prestations, comprenant, entre autres, la gestion de comptes courants personnels, de comptes d’épargne, l'octroi de crédits à la consommation, de crédits hypothécaires, la distribution de fonds communs de placement (SICAVs) et les services de banque privée.4
(11) Le crédit à la consommation est une forme de crédit aux particuliers, destiné à financer l'acquisition, par les ménages, de biens de consommation. Dans le passé, la Commission avait considéré la possibilité que le secteur du crédit à la consommation puisse constituer un marché de produit en cause, mais n'a cependant pas tranché la question5 .
(12) Même si la Partie notifiante n'a pas exclu que l'activité de crédit à la consommation puisse constituer un marché de produit en cause, Crédit Mutuel affirme que dans le segment du crédit à la consommation, il est possible de segmenter encore en trois catégories: (i) "crédits affectés", c'est-à-dire les prêts personnels souscrits au point de vente pour financer des achats déterminés, (ii) autres prêts personnels, et (iii) d'autres formes de crédit, comme la location vente et la location avec option d'achat6.
(13) La segmentation proposée par la Partie notifiante, cependant, n'est pas en ligne avec la récente décision de la Commission dans l'affaire M.5384 BNP Paribas / Fortis, où la Commission a été amenée à considérer l'octroi et la gestion de crédits renouvelables séparément des autres types de crédit à la consommation, et a subdivisé encore ce secteur entre les crédits renouvelables liés à une carte de paiement et d'autres formes de crédit renouvelable.
(14) Dans la même décision, la Commission s'est également posé la question de savoir si le crédit renouvelable sur carte devait encore être subdivisé entre le crédit basé sur des cartes de paiement universelles, par opposition à des cartes de paiement valables uniquement dans un réseau limité de commerces acceptant les cartes en question. La Commission n'a pourtant pas conclu sur le bien-fondé de cette subdivision et a finalement laissé la question ouverte7 .
(15) La question de savoir si le crédit renouvelable lié à des cartes de paiement doit être subdivisé entre les cartes dites universelles et les cartes à usage plus limité, peut aussi être laissée ouverte dans le cadre de la présente procédure, car quelle que soit la définition de marché retenue, l’opération notifiée ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun.
(16) Quant à la dimension géographique du marché du crédit à la consommation, la Commission a confirmé à plusieurs reprises qu'aussi bien ce marché que ses segments potentiels sont d'envergure nationale.8 La Partie notifiante ne conteste pas la dimension nationale des marchés en cause dans la présente affaire.
Assurance
(17) Crédit Mutuel offre des produits d'assurance vie et non-vie en France, principalement par le biais de ses filiales bancaires. En Belgique, Crédit Mutuel offre seulement certains produits d'assurance non-vie9 , et la distribution de ces produits est effectuée sans l'appui d'un réseau bancaire, mais à travers sa filiale Partners Assurances. En revanche, Cofidis n'offre pas de produits d'assurance propres, mais distribue seulement des produits d'assurance comme activité accessoire à son activité de crédit à la consommation, ceci aussi bien en France qu'en Belgique.
(18) Dans ses dernières décisions, la Commission a constaté que les marchés de l'assurance peuvent, en principe, être subdivisés en autant de marchés qu'il y a de types de risques assurés, puisque du côté de la demande ces produits ne sont pas substituables. Toutefois, la Commission a également remarqué que, du côté de l'offre, les conditions d'assurance de nombreux risques sont similaires et que la plupart des grands assureurs offrent une couverture pour l'ensemble des types de risque les plus communs10. Dans un cas récent, la Commission a néanmoins été amenée à considérer le marché de l'assurance automobile comme marché individuel en cause, sans trancher si ce marché devait être subdivisé entre l'assurance responsabilité civile obligatoire et l'assurance étendue de dommages et vol au véhicule (assurance coque)11.
(19) La Commission, dans certaines décisions récentes, a également identifié un marché distinct pour la distribution de produits d'assurance par des intermédiaires indépendants, couvrant tous les canaux de distribution, à l'exception de la distribution directe par les compagnies d'assurance ou par la bancassurance12 .
(20) Quant à l'étendue géographique des différents marchés de l'assurance, la Commission a indiqué dans des précédentes décisions que l'ensemble de ces marchés sont de dimension nationale13 , à l'exception de l'assurance de certaines catégories de grands risques industriels qui ne sont pas concernées par la présente transaction.
(21) En tout état de cause, les définitions exactes des marchés en cause peuvent être laissées ouvertes aux fins de la présente décision, car quelles que soient les définitions retenues, l’opération proposée ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun.
Analyse concurrentielle
(22) Les seuls marchés où il existe des chevauchements en raison de l'opération envisagée sont dans le segment du crédit à la consommation en France et en Belgique. Quelle que soit la définition du marché retenue, les parts de marché cumulées des parties sont inférieures à 20%.
Relations horizontales
(23) Sur les marchés du crédit à la consommation en France et en Belgique les Parties auront, calculé sur la base de l'encours des crédits contractés, des parts de marchés bien inférieures à 15%, c'est-à-dire [5-10] % en France (Crédit Mutuel [5-10] % et Cofidis [0-5] %) et [0-5] % en Belgique (Crédit Mutuel [0-5] % et Cofidis [0-5] %).
(24) Les seuls segments où les deux parties détiennent une part de marché cumulée supérieure à 15% du marché, et qui pourraient dès lors être considérés comme des marchés affectés, se situent dans le domaine du crédit renouvelable en France.
(25) Sur base de l'encours, les Parties auraient [10-20] % de part de marché du segment du crédit renouvelable dans son ensemble (Crédit Mutuel [0-5] % et Cofidis [10-20]% en 2007). Selon la Partie notifiante, cette part de marché constitue un maximum et serait inférieure si elle se fondait sur une autre estimation de la taille du marché faite par la Commission bancaire française (sur base de laquelle la part de marché combinée des Parties se réduit à [10-20] %). Si les parts de marché pour le segment du crédit renouvelable sont calculées sur la base du nombre de lignes de crédit ouvertes, les parties ne détiendraient que [5-10] % du marché (Crédit Mutuel [0-5]% et Cofidis [5-10] %) en 2007.
(26) En limitant l'analyse au segment du crédit renouvelable lié à une carte de paiement, et bien qu'il ne soit pas possible de calculer la part de marché cumulée des Parties basée sur l'encours avec exactitude, le fait que ce segment représente environ 80% du total du crédit renouvelable14 signifie qu'il est possible de conclure avec une certitude élevée que la part de marché cumulée des Parties reste inférieure à 20%. Les Parties sont présentes de façon très marginale sur le crédit renouvelable non lié à une carte de paiement.
(27) Si les parts de marché dans le segment du crédit lié à une carte sont estimées sur la base du nombre de cartes, les parties auraient une part de marché cumulée de [10-20] % (Crédit Mutuel [0-5] % et Cofidis [5-10] %)15. Basée sur le nombre de lignes de crédit ouvertes, la part de marché cumulée des parties serait de [10-20] % (Crédit Mutuel [0-5] % et Cofidis [5-10] %)16 .
(28) En considérant une éventuelle segmentation entre le crédit renouvelable lié à des cartes de paiement universelles, d'une part, et le crédit renouvelable lié à des cartes valables uniquement dans un réseau de commerces associés, d'autre part, le chevauchement serait presque entièrement éliminé. En effet, Crédit Mutuel ne fournit que des crédits liés à des cartes universelles et les cartes à usage restreint représentent la grande majorité de l'activité de Cofidis, qui n'émet qu'un nombre très limité de cartes universelles. Les cartes valables dans un réseau de commerces associés émises par Cofidis sont utilisables uniquement pour payer et financer des achats auprès de ces commerces, qui consistent, pour l'essentiel, dans des commerces spécialisés dans la vente à distance affiliés au groupe Trois Suisses, auquel Cofidis appartient actuellement.
(29) En tout état de cause, il existe un certain nombre d'acteurs qui sont actifs dans le segment du crédit renouvelable en France, y compris des acteurs comme BNP Paribas ([20-30] %), Sofinco ([10-20] %), et Cofinoga ([5-10] %)17 , ainsi qu'une série d'acteurs ayant des parts de marché plus réduites.
(30) Enfin, les activités des parties se chevauchent en France aussi dans le segment des prêts personnels, mais leur part de marché combinée basée sur l'encours est seulement de [5-10] % (Crédit Mutuel [5-10] % et Cofidis [0-5] %) pour les prêts non affectés et les prêts accordés au point de vente considérés ensemble. Un chevauchement n'a lieu que dans le segment du crédit non affecté, pour lequel, s'il était considéré séparément, la part de marché combinée atteindrait [5-10] % (Crédit Mutuel [5-10] %, Cofidis [0-5] %).
(31) En Belgique il n'y a pas de chevauchement dans le marché de crédit renouvelable, car Crédit Mutuel n'y vend pas ces produits. Le seul chevauchement serait dans le segment des prêts personnels, où les Parties auraient une part de marché combinée très limitée de [0-5] % (Crédit Mutuel [0-5] % et Cofidis [0-5] %) sur base de l'encours18 . Crédit Mutuel ne fournit que des prêts distribués au point de vente, donc des crédits affectés, alors que Cofidis ne fournit que des prêts à usage général.
(32) Il en résulte que l'opération envisagée ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun.
Relations verticales
(33) Étant donné que Crédit Mutuel est actif dans le secteur de l'assurance et que Cofidis distribue certains produits d'assurance, une relation verticale existe. Toutefois, les parties détiennent des parts de marché cumulées significativement inférieures à 25% sur les marchés en amont et en aval, quelle que soit la définition du marché en cause retenue. Par conséquent, ce marché n'est pas à considérer comme étant verticalement affecté.
(34) Plus particulièrement, Cofidis détient une part de marché très limitée dans la distribution de produits d'assurance en France et en Belgique. En France, sa part de marché est inférieure à [0-5] % et en Belgique sa présence est très faible, de telle sorte que la Partie notifiante n'a pas été en mesure de fournir une estimation fiable de la part de marché. Même si le marché de la distribution de l'assurance était limité à la distribution par des tiers (c'est-à-dire à l'exclusion de la distribution directe et de la bancassurance), ces parts de marché resteraient très limitées.
(35) D'autre part, tandis que Crédit Mutuel vend un certain nombre de produits d'assurance en France, ses parts de marché sont de moins de [5-10] % dans chacun des segments de type de risque. En Belgique, Crédit Mutuel propose seulement certains produits d'assurance non-vie, et détient moins de [0-5] % de part de marché dans chacun des segments dans lesquels elle est active.
(36) Il en résulte que l'opération envisagée ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun.
VI. CONCLUSION
(37) Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le marché commun. Cette décision est prise sur la base de l'article 6, paragraphe 1, point b, du Règlement du Conseil n° 139/2004.
1 JO L 24 du 29.1.2004, p.1.
2 Crédit Mutuel est actif aussi en Allemagne, au Luxembourg et au Royaume Uni.
3 Cofidis est également active en Italie, au Portugal et en Espagne, avec en plus une présence limitée en
Hongrie, en République tchèque, en Roumanie et en Slovaquie.
4 Voir l’affaire COMP/M.4844 Fortis/ABN Amro Assets.
5 Voir, par exemple, l'affaire IV/ M.983 Bacob Banque/Banque Paribas Belgique.
6 La Partie notifiante a fait référence à l'analyse des autorités françaises notamment contenue dans la
lettre C 2006-45 du ministre de l'économie du 10 août 2006 aux conseils de la Caisse Nationale des
Caisses d'Epargne et de la Banque Fédérale des Banques Populaires, BOCCRF nº 7 bis du 15
septembre 2006. Dans cette affaire les autorités françaises ont finalement laissé ouverte la question
de la définition exacte du marché en cause.
7 Voir l'affaire M.5384BNP Paribas / Fortis, §56.
8 Voir, par exemple, la décision de la Commission dans les affaires COMP/ M.5222 Sofinco / Banco
Popolare / Agos et M. 5384 BNP Paribas / Fortis.
9 Notamment des produits d'assurance automobile et incendie.
10 Voir décision dans l'affaire COMP/M.4284 Axa/Winterthur, §§ 8 et 9.
11 Voir décision dans l'affaire COMP/M.5075 Vienna Insurance Group/EBV, §51. (L'assurance dite
"omnium" dans les pays francophones regroupe ces deux types de couverture dans une seule police.)
12 Voir, par exemple, l'affaire COMP/M.4284 Axa/Winterthur et COMP/M.5075 ViennaInsurance
Group/EBV.
13 Voir, par exemple, l'affaire COMP/ M.4284 Axa / Winterthur.
14 Selon Crédit Mutuel, les crédits renouvelables liés à une carte de paiement représenteraient 85,4% de
l'ensemble des lignes de crédit renouvelable ouvertes sur le marché français, cette statistique étant
selon la Partie notifiante la seule qui permette de repartir ce marché entre crédits liés à une carte et
d'autres formes de crédit renouvelable.
15 Estimation sur la base de l'étude "Payment Cards Western Europe 2008", pour l'année 2006 et
extrapolée par la Partie notifiante pour l'année 2007.
16 La Partie notifiante soutient qu'elle n'est pas en mesure de fournir des estimations de parts de marché
basées sur d'autres mesures.
17 Toutes les parts de marché calculées sur la base de l'encours des crédits contractés.
18 La partie notifiante soutient qu'elle n'est pas en mesure de fournir des estimations de parties de
marché basées sur d'autres mesures.