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Décisions

CA Metz, 3e ch., 26 novembre 2020, n° 18/02702

METZ

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guiot-Mlynarczyk

Conseillers :

Mme Gizard, M. Michel

TI Sarrebourg, du 9 juill. 2018

9 juillet 2018

FAITS ET PROCEDURE

Le 15 décembre 2013, Mme Stéphanie P. épouse M. a acheté un véhicule automobile d'occasion de marque Peugeot, type 206, auprès de M. Mathieu B. pour le prix de 1 600 euros.

Par ordonnance du 4 décembre 2014, le juge des référés de Sarreguemines, à la demande de Mme P. a ordonné une mesure d'expertise et désigné M. C. comme expert, lequel a déposé son rapport le 27 mai 2016.

Par déclaration du 5 mai 2017, Mme P. a saisi le tribunal d'instance de Sarreguemines aux fins de voir condamner M. B. à lui restituer la somme de 1 600 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2013, à reprendre le véhicule et lui payer les sommes de 114,50 euros au titre des frais de carte grise et 791,58 euros au titre des frais d'assurance.

Par décision du 5 octobre 2017, le tribunal d'instance de Sarreguemines s'est déclaré territorialement incompétent et a renvoyé l'affaire au tribunal d'instance de Sarrebourg.

M. B. a conclu au rejet des demandes outre le versement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 9 juillet 2018, le tribunal d'instance de Sarrebourg a rejeté les demandes de Mme P. et l'a condamnée à payer à M. B. la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Sur la demande d'annulation de la vente pour vices cachés, le tribunal a rappelé, sur le fondement de l'article 1641 du code civil, que le vendeur ne pouvait être tenu à garantie que si l'acheteur établissait notamment que le bien litigieux comportait un vice au jour de la vente et que ce vice présentait un caractère caché, le vendeur n'étant pas tenu des vices apparents, dont l'acquéreur a pu se convaincre. Il a relevé que pour justifier l'existence de vices cachés Mme P. se fondait exclusivement sur le rapport d'expertise. Il a précisé que la vente portait sur un véhicule immatriculé en juin 2000, affichant un kilométrage de 132 000 et cédé pour le prix de 1 600 euros, que le procès-verbal du contrôle technique du 8 octobre 2013 mentionnait un certain nombre de défauts et a estimé que cela aurait dû attirer l'attention de Mme P. quand bien même celle-ci ne justifiait d'aucune connaissance en mécanique, ajoutant que l'expert avait indiqué que l'acheteur avait tous les éléments en main pour connaître l'état réel du véhicule et souligné que le prix de 1 600 euros pour un véhicule roulant n'était pas un gage de bon état. Au vu de ces éléments, le tribunal a considéré que les défauts affectant le véhicule ne présentaient au moment de la vente aucun caractère caché.

Par déclaration d'appel déposée au greffe de la cour le 16 octobre 2018, Mme P. a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a rejeté ses demandes et l'a condamnée à payer à M. B. la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

L'appelante conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de :

- prononcer la résolution de la vente du véhicule Peugeot 2016 immatriculé BC-306-AA intervenue le 15 décembre 2013 entre M. B. et elle-même pour vices cachés subsidiairement pour défaut de conformité et manquement du vendeur à son obligation de délivrance sur le fondement des articles 1603 et 1604 de code civil,

- condamner M. B. à lui restituer le prix de vente du véhicule à hauteur de 1 600 euros majoré des intérêts de droit à compter du 16 décembre 2013 et jusqu'à restitution dudit véhicule qu'il sera condamné à reprendre,

- le condamner à lui payer les sommes de :

114,50 euros au titre des frais de la carte grise

1 351,97 euros au titre des frais d'assurance du véhicule immobilisé de sa date d'acquisition jusqu'au mois d'octobre 2018 outre 27,58 euros au titre de la mensualité du 12 novembre et 21,58 euros par mois jusqu'à restitution du prix de vente du véhicule

18 250 euros à titre de dommages-intérêts pour immobilisation du véhicule représentant une somme de 10 euros par jour du 15 décembre 2013 jusqu'au 15 décembre 2018 outre 10 euros par jour jusqu'à restitution du prix de vente du véhicule par M. B.,

- condamner M. B. en tous les frais et dépens de première instance et d'appel y compris ceux afférents à l'expertise judiciaire.

Sur la garantie des vices cachés, Mme P. fait valoir qu'il résulte du rapport d'expertise que le véhicule était atteint de vices rédhibitoires qui existaient très certainement au moment de la vente, qu'il n'était pas économiquement réparable et qu'il aurait dû être mis à la casse. Elle ajoute que si le procès-verbal de ce contrôle technique mentionnait certains défauts, il n'est pas rapporté la preuve qu'il a été joint à l'acte de vente du 15 décembre 2013 et affirme que le véhicule a été vendu sur la base d'un procès-verbal de contrôle technique en date du 2 décembre 2013 qui ne mentionnait aucun défaut ce qui est corroboré, selon elle par l'annonce parue dans la presse qui précisait que le contrôle technique était « ok ». Elle soutient que le véhicule était atteint d'un vice rédhibitoire dont elle ne pouvait avoir connaissance et que l'affirmation de l'expert selon laquelle la modicité du prix n'était pas un gage de bon état ne peut être suivie par la cour et que l'expert indique lui-même que le contrôle technique ne reflète pas l'état réel du véhicule.

Sur l'obligation de délivrance, Mme P. fait valoir que les parties se sont entendues sur la vente d'un véhicule susceptible de rouler et que l'expert a expressément indiqué que le véhicule aurait dû être retiré de la circulation et qu'il était irréparable. Elle considère par conséquent que M. B. lui a vendu un véhicule qui n'était pas en état de rouler ce qui constitue une non-conformité par rapport à sa caractéristique essentielle et que la résolution de la vente peut être prononcée à ce titre.

L'appelante fait valoir qu'elle a la possibilité de soulever deux fondements à sa demande de résolution de la vente ainsi si la cour n'accueille pas sa demande au titre de la garantie des vices cachées, elle peut prononcer la résolution de la vente pour manquement du vendeur à son obligation de délivrance. Elle soutient que le défaut de délivrance s'entend de la remise à l'acheteur d'un bien qui ne correspond pas aux spécifications contractuelles convenues et doit être distingué de la garantie due en raison des vices cachés de la chose vendue. Elle rappelle qu'il ne lui est pas interdit d'invoquer deux fondements juridiques pour sa demande de résolution de la vente.

Sur les conséquences de la résolution, elle considère que, quel que soit le fondement de la résolution de la vente, celle-ci entraîne d'une part la restitution du véhicule sans application d'un coefficient de vétusté à la charge de l'acquéreur et la restitution du prix payé, soit 1 600 euros. Elle estime en outre avoir droit au remboursement des indemnités d'assurance payées (1 351,97 euros outre 27,58 euros pour la mensualité du 12 novembre 2018 et 21,58 euros par mois jusqu'à la restitution), à l'indemnisation du préjudice de jouissance qu'elle évalue à 10 euros par jour de la vente jusqu'à la restitution, ainsi que le remboursement de la carte grise (114,50 euros).

Enfin, elle conteste l'irrecevabilité de ses demandes soulevée par l'intimé et estime qu'il est de mauvaise foi.

M. B. conclut à la confirmation de l'intégralité des dispositions du jugement et au rejet de l'appel. A titre subsidiaire, il demande à la cour de déclarer irrecevables et en tous cas mal fondées les demandes de Mme P. et la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'instance et d'appel y compris la procédure de référé, l'expertise et la procédure au fond.

Sur la garantie des vices cachés, il soutient qu'il appartient à Mme P. de rapporter la preuve que le véhicule comportait un vice au jour de la vente et que ce vice présentait un caractère caché qui rend le véhicule impropre à l'usage, affirmant que cette preuve n'est pas rapportée. Il considère qu'il appartenait à Mme P. de procéder à un examen attentif du véhicule sans qu'il soit nécessaire d'avoir des connaissances particulières. Il indique être non professionnel et avoir confié son véhicule à une société qui a effectué le contrôle technique le 8 octobre 2013, ce dernier mentionnant plusieurs défauts qu'il a fait réparer en vue de la contre-visite pour un montant de 572,67 euros et ajoute que le procès-verbal de contre-visite du 2 décembre 2013 ne faisait plus état d'aucun défaut à corriger. Il considère par ailleurs que la corrosion en de multiples endroits et la déformation importante de la traverse ont nécessairement attiré l'attention de Mme P. s'agissant de vices apparents. Il affirme lui avoir remis tous les documents nécessaires avant la vente y compris le procès-verbal de contrôle technique du 8 octobre 2013 et fait observer qu'à aucun moment, lors de l'expertise, cette dernière n'a fait état de ce qu'elle n'aurait pas eu ledit contrôle technique. Il fait valoir que le rapport d'expertise a confirmé que Mme P. pouvait aisément déceler par elle-même les désordres affectant le véhicule et estime par conséquent que ces défauts sont apparents et non cachés.

Subsidiairement, sur l'obligation de délivrance, il indique qu'il a mis la chose vendue à la disposition de l'acheteur, que Mme P. a fait l'acquisition d'un véhicule ayant 132.000 km pour un prix de 1 600 euros et qu'au jour de l'expertise, le véhicule comptait 137.597 kilomètres. Il considère ne pas avoir failli à son obligation de délivrance et fait observer que Mme P. a utilisé son véhicule conformément à sa destination et à la convention des parties. Il estime en tout état de cause que l'éventuel défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue en réalité le vice prévu par les articles 1641 et suivants et que par conséquent seule l'action en garantie des vices cachées est recevable.

Subsidiairement, sur la réparation du préjudice, il considère que les demandes présentées par Mme P. au titre de la réparation de son prétendu préjudice doivent être rejetées comme étant irrecevables, s'agissant notamment de la demande aux frais d'immobilisation.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les écritures déposées le 9 octobre 2019 par Mme P. et le 10 décembre 2019 par M. B., auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 mars 2020 ;

Sur la demande de résolution du contrat de vente

Sur la garantie des vices cachés, en application des dispositions de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose qui la rende impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

En l'espèce, il appartient à Mme P. épouse M. de démontrer que le ou les défauts affectant le véhicule étaient suffisamment graves pour le rendre impropre à sa destination et que ces défauts étaient cachés au jour de la vente, le vendeur n'étant pas tenu, en application des dispositions de l'article 1642 du code civil des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

S'agissant du caractère grave des défauts du véhicule, il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 27 mai 2016 que le véhicule était atteint de vices rédhibitoires et qu'il n'était pas économiquement réparable, l'expert relevant notamment des défauts affectant l'état de la carrosserie et du soubassement du véhicule et précisant que ces défauts existaient très certainement au moment de la vente et avaient été constatés par le contrôleur technique lors de la visite en date du 8 octobre 2013.

Pour autant, ainsi que l'a relevé le premier juge, la seule affirmation de l'appelante selon laquelle le véhicule doit être retiré de la circulation en raison de son état ne permet pas de caractériser l'existence d'anomalies cachées.

Le premier juge a, à juste titre, relevé que compte tenu des mentions figurant au procès-verbal du contrôle technique en date du 8 octobre 2013, établi au titre de la visite périodique, s'agissant notamment de la corrosion relevée en de multiples endroits, ainsi que la déformation importante de la traverse, l'attention de Mme P. aurait dû être attirée sur l'état du véhicule quand bien même elle ne justifiait d'aucune connaissance en mécanique.

Si l'appelante affirme qu'il n'est pas démontré que le procès-verbal du contrôle technique du 8 octobre 2013 a été joint à l'acte de vente, il est relevé que lors des opérations d'expertise, elle n'a émis aucune observation quant à l'existence de ce procès-verbal et les mentions qu'il contenait. En outre, il est expressément mentionné sur le procès-verbal de contrôle technique en date du 2 décembre 2013 qu'il s'agissait d'une contre-visite, faisant suite à la visite technique défavorable en date du 8 octobre 2013.

Si l'annonce à laquelle Mme P. épouse M. a répondu mentionnait effectivement que le contrôle technique était « OK », cette mention s'avérait exacte dans la mesure où, ainsi que l'expert l'a indiqué, les anomalies faisant l'objet de la contre-visite ont été corrigées, M. B. justifiant avoir effectué les travaux nécessaires le 29 novembre 2013.

Enfin, si l'expert a effectivement observé, à la page 9 de son rapport que s'agissant du procès-verbal du contrôle technique en date du 2 décembre 2013, que le document produit par M. B. était une photocopie, il notait également que les informations pouvaient figurer sur le document fourni à Mme P., laquelle ne produit pas le document qu'elle a en sa possession et n'en tire en tout état de cause aucune conséquence sur le présent litige.

Dès lors, Mme P. ne peut affirmer que la vente s'est conclue sur la base du procès-verbal du 2 décembre 2013 ne mentionnant aucun défaut et qu'elle n'avait pas connaissance du premier rapport.

Compte tenu des éléments mentionnés dans le procès-verbal du contrôle technique du 8 octobre 2013 faisant état d'un déformation important de la traverse et de corrosions multiples sur l'infrastructure et le soubassement du véhicule, c'est à juste titre que le premier juge a estimé que l'acheteur pouvait aisément déceler par lui-même les vices affectant le véhicule, les termes du contrôle technique étant suffisamment explicites quant à l'état du véhicule, et ce, indépendamment du prix de vente et du fait que la corrosion du véhicule se soit encore aggravée en raison de l'immobilisation du véhicule, la corrosion étant déjà largement entamée et décelable au moment de l'achat.

Il s'ensuit que le premier juge a exactement considéré que les défauts affectant le véhicule ne présentaient au moment de la vente aucun caractère caché.

Sur le second moyen, il est constant que la non-conformité de la chose à sa destination relève de la garantie des vices cachés.

En l'espèce, Mme P. invoque le manquement de M. B. à son obligation de délivrance en soutenant que les parties s'étaient entendues sur la vente d'un véhicule susceptible de rouler. Or, un véhicule non roulant ne pouvant être qu'un véhicule impropre à sa destination, seule l'action en garantie des vices cachés lui était ouverte.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'appelante de l'intégralité de ses demandes.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmés.

Mme P., partie perdante, devra supporter les dépens d'appel comprenant les frais de l'expertise judiciaire et de la procédure de référé. Il est équitable qu'elle soit condamnée à verser à M. B. la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ces dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme Stéphanie P. épouse M. à payer à M. Mathieu B. la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme Stéphanie P. épouse M. aux dépens d'appel, ainsi qu'aux dépens afférents à la procédure de référé et à l'expertise.