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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ., 26 novembre 2020, n° 19/00322

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cometik (SARL), Locam (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pollet

Conseillers :

Mme Garczynski, Mme Denort

TGI Strasbourg, du 28 nov. 2018

28 novembre 2018

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 24 septembre 2014, Mme V., kinésithérapeute, a conclu un contrat de licence d'exploitation de site Internet avec la SARL Cometik, moyennant des mensualités de 240 euros TTC sur une période de 48 mois.

Par la suite, la SARL Cometik a cédé ce contrat à la SAS Locam.

La SAS Locam a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg d'une demande en paiement de mensualités impayées, dirigée contre Mme V..

Mme V. a elle-même saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg d'une demande en nullité du contrat pour vice du consentement, subsidiairement en résolution du contrat en raison de l'absence de contrepartie contractuelle au paiement des loyers, dirigée contre la SARL Cometik.

Les deux dossiers ont été joints et, par un jugement du 28 novembre 2018, le tribunal de Grande instance de Strasbourg a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- déclaré recevable la demande de la SAS Locam dirigée contre Mme V., mais débouté cette société de l'ensemble de ses prétentions,

- prononcé la nullité du contrat conclu le 24 septembre 2014 entre Mme V. et la SARL Cometik,

- condamné la SAS Locam à payer à Mme V. la somme de 720 euros en remboursement des loyers versés, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- condamné la SAS Locam et la SARL Cometik aux dépens de la procédure et à payer à Mme V. la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En premier lieu, le tribunal a retenu que la SAS Locam avait qualité pour agir en paiement du solde des loyers à l'encontre de Mme V., qui avait valablement consenti à la cession du contrat de location à cette société par la SARL Cometik et avait été informée de cette cession suivant les modalités prévues au contrat.

Il a également déclaré recevable la demande de Mme V. tendant à voir prononcer la nullité du contrat pour dol, malgré le commencement d'exécution du contrat invoqué par la SARL Cometik, au motif que la règle selon laquelle l'exception de nullité ne pouvait que faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui n'avait pas encore été exécuté ne s'appliquait qu'à compter de l'expiration du délai de prescription de l'action.

Sur le fond, le premier juge a retenu l'existence d'un dol émanant du représentant de la SARL Cometik, entraînant la nullité du contrat. Il a en effet estimé établie la preuve d'un mensonge de ce dernier, ayant consisté à faire croire à l'intéressée que son engagement était résiliable à tout moment, à condition de respecter un préavis, et ce afin de tromper cette dernière et de contrecarrer ses réticences, pour l'amener à contracter. Il a considéré que le fait de pouvoir résilier à tout moment le contrat constituait un élément déterminant du consentement pour une personne hésitant à contracter, s'interrogeant sur l'apport d'un site Internet à son activité. Il a également estimé qu'en matière de dol, la turpitude de la victime, qui en l'espèce n'avait pas lu avec attention le contrat signé, était indifférente.

Par ailleurs, pour débouter la SAS Locam de ses demandes, le premier juge a retenu qu'il découlait de cette nullité que la cession sur laquelle la SAS Locam se fondait était caduque, eu égard à l'interdépendance des contrats, malgré des stipulations contractuelles réputées non écrites, dès la date de conclusion de ce contrat.

La SARL Cometik a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 9 janvier 2019, dossier enregistré sous le n° RG 19/00322.

La SAS Locam a également interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 5 février 2019, dossier enregistré sous le n° RG 19/00796.

Les deux procédures d'appel ont suivi leur cours et ont toutes deux été clôturées par des ordonnances du 30 juin 2020.

Ce n'est que par une requête du 18 septembre 2020 déposée devant le conseiller de la mise en état dans chacun des dossiers que Mme V. a sollicité la jonction des deux procédures.

Dans la procédure n° RG 19/00322, la SARL Cometik sollicite, dans ses conclusions d'appel non datées, déposées le 8 avril 2019, au visa des articles 1134 du code civil et L. 121-21-8 3° du code de la consommation, l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et :

- à titre principal, que la demande en nullité du contrat pour dol soulevée par Mme V. soit déclarée irrecevable comme étant forclose,

- à titre subsidiaire, que Mme V. soit déboutée de sa demande en nullité du contrat,

- en tout état de cause, que Mme V. soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et conclusions et qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.

En premier lieu, la SARL Cometik soulève l'irrecevabilité de la demande de nullité du contrat présentée par Mme V., invoquant une jurisprudence constante selon laquelle le défendeur à l'instance n'est plus recevable à invoquer par voie d'exception la nullité d'un acte qui a reçu un commencement d'exécution, le contrat en cause ayant été exécuté.

Au fond, la SARL Cometik soutient que la preuve de manœuvres dolosives n'est pas rapportée à son encontre par Mme V..

De plus, elle soutient que Mme V., en tant que professionnel, ne peut se ranger derrière sa propre négligence en prétendant ne pas avoir pris connaissance des conditions générales du contrat et des stipulations claires, figurant en gros caractères au recto du bon de commande et du contrat de licence d'exploitation du site Internet, mentionnant la durée totale du contrat, ferme et irrévocable, de 48 mois.

La SARL Cometik ajoute que le droit de rétractation n'est pas applicable au contrat en cause, qui entre dans l'une des exceptions prévues par l'article L. 121-21-8 du code de la consommation, concernant la fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.

De plus, selon la SARL Cometik, ce contrat ne répond pas à l'une des conditions d'application du droit de rétractation visé par l'article L. 121-16-1 du code de la consommation, à savoir que le contrat n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel, ce qui n'était pas le cas en l'espèce puisque le contrat répondait aux besoins professionnels du souscripteur, le fait que celui-ci était incompétent dans le domaine du contrat, qui ne relevait pas de sa spécialité, étant indifférent.

Sur la demande en résolution du contrat, la SARL Cometik dénonce l'absence de preuve des reproches formulés par Mme V. concernant la réalisation des prestations commandées, qu'elle affirme avoir parfaitement exécutées. Elle invoque également la signature, par Mme V., le 23 octobre 2014, du procès-verbal de réception - conformité du site Internet, qui rend irrecevable toute contestation postérieure de la conformité du site au cahier des charges signé le 1er octobre 2014. De plus, selon la SARL Cometik, Mme V. ne précise pas quels seraient les dysfonctionnements apparus lors de l'exécution du contrat, alors que, selon les termes de celui-ci, elle pouvait solliciter des modifications de son site Internet ou en opérer elle-même depuis la plate-forme d'administration de ce site. À ce titre, elle reproche à Mme V. un manquement à son obligation de collaboration.

La SARL Cometik invoque encore l'absence d'application des dispositions du code de la consommation en matière de clauses abusives et la validité de la clause pénale, qui n'a rien d'excessif, ces moyens n'étant cependant plus soutenus en appel par Mme V..

Dans ses conclusions en réplique du 17 juillet 2019 dirigées contre la SARL Cometik, Mme V. sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat conclu le 24 septembre 2014 entre elle-même et la SARL Cometik, en tant que de besoin par substitution de motifs.

Subsidiairement, elle demande que soit prononcée la résolution de ce contrat en raison des manquements contractuels de la SARL Cometik.

En tout état de cause, Mme V. sollicite :

- que la SARL Cometik soit déboutée de l'intégralité de ses demandes,

- la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL Cometik, solidairement avec la SAS Locam, à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens,

- la condamnation de la SARL Cometik à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel, et aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Sur la recevabilité de sa demande en nullité du contrat, Mme V. soutient qu'en application de l'ancien article 1338 du code civil, pour faire échec à la demande en nullité, le commencement d'exécution doit avoir eu lieu alors que le contractant avait connaissance du vice affectant l'acte et a, par là-même, exprimé clairement sa volonté de renoncer à agir sur ce fondement. Elle soutient que ce n'était pas son cas et que, lorsqu'elle a signé le procès-verbal de réception, elle ne pouvait encore avoir connaissance de la tromperie réalisée à son égard qu'elle n'a découvert que lorsqu'elle a voulu mettre fin au contrat, en apprenant qu'elle était en réalité engagée pour une durée de 48 mois.

Sur le dol, Mme V. soutient que les manœuvres sont constituées par les déclarations du représentant de la SARL Cometik selon lesquelles elle ne serait nullement engagée dans le temps, au-delà d'une durée de trois mois qui était celle du préavis prévu pour mettre un terme au contrat. Elle ajoute que le caractère déterminant de la méprise est établi par le fait que, si elle avait eu connaissance de la durée réelle de son engagement, elle n'aurait pas contracté.

Sur le non-respect des dispositions du code de la consommation, invoqué subsidiairement à l'appui de sa demande en nullité du contrat, Mme V. soutient que ce contrat ne comprenait pas l'ensemble des mentions et informations visées par les articles L. 121-18-1 et L. 121-17, notamment les conditions d'exercice droit de rétractation, mais aussi par l'article L. 111-1 du code de la consommation.

Subsidiairement, au soutien de sa demande tendant à la résolution du contrat pour inexécution des obligations de la SARL Cometik, Mme V. fait valoir d'une part que le site Internet objet du contrat a souffert de nombreuses anomalies, dont des défauts de mise à jour et des difficultés d'accessibilité, d'autre part qu'elle n'a pu bénéficier d'un certain nombre des prestations annoncées, qui se sont révélées vides de toute substance.

À ce titre, elle soutient, en premier lieu, que le site Internet mis à sa disposition s'est révélé pratiquement vide, ne communiquant aucune information sur le matériel disponible au cabinet, sur la prise de rendez-vous, et aucune description des soins, exercices et techniques proposées, se contentant de vagues généralités sans intérêt.

En second lieu, elle évoque une des formations proposées, à laquelle elle a participé, d'un coût de 2 000 euros, ne portant que sur des notions informatiques de base, sans rapport avec la communication.

Dans la procédure n° RG 19/796, la SAS Locam sollicite, dans ses conclusions datées du 28 octobre 2019, la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré ses propres demandes recevables.

Elle sollicite cependant l'infirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions, le rejet de l'appel incident et de toutes les demandes de Mme V., ainsi que la condamnation de cette dernière à lui régler la somme de 12 144 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 mars 2015, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens « d'instance » et d'appel.

Sur la recevabilité de sa demande, la SAS Locam affirme que Mme V. a bien été avisée de la cession du contrat selon les modalités prévues par celui-ci, précisément par la facture échéancier du 27 octobre 2014 et par les prélèvements bancaires opérés sur son compte. Au surplus, elle l'a été par la signification de l'exploit introductif d'instance. La SAS Locam souligne que Mme V. avait pris connaissance et accepté les conditions générales du contrat prévoyant ces modalités d'information de la cession du contrat, ajoutant que les dispositions de l'article 1690 du code civil invoquées par l'intimée ne sont que supplétives de volonté des parties, qui ont la liberté d'y déroger.

Sur le fond, s'agissant du dol, la SAS Locam conteste le jugement déféré, estimant que le premier juge ne pouvait se fonder sur un simple témoignage, d'autant moins qu'il émanait du compagnon de l'intimée, contre un écrit, tel que le contrat signé.

Elle ajoute qu'aucune autre convention que le contrat qui lui a été cédé n'ayant été conclue entre les parties, le recours à la notion de caducité par les premiers juges est inopérant.

Pour contester l'application des dispositions du code de la consommation dont se prévaut Mme V., la SAS Locam soutient que cette dernière a agi en tant que professionnelle et pour les besoins de son activité professionnelle, de sorte qu'elle ne peut être considérée comme un consommateur au sens de ce code.

De plus, il s'agit d'un contrat portant sur des services financiers, également exclu du champ d'application du code de la consommation, elle-même étant une société de financement autorisée à réaliser des opérations connexes, telles que des opérations de location simple de biens mobiliers.

La SAS Locam ajoute que, la demande en résolution du contrat reposant sur des griefs invoqués à l'encontre de la SARL Cometik, ces griefs sont irrecevables dans la mesure où cette société n'est pas présente en la cause, cette résolution du contrat principal n'ayant pas été obtenue, préalablement à la résiliation du contrat de location.

Dans ses conclusions datées du 29 juillet 2019 dirigées contre la SAS Locam, Mme V. sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré les demandes de cette dernière recevables, et elle sollicite que les demandes de l'appelante soient déclarées irrecevables, faute d'intérêt à agir, et qu'elles soient rejetées.

En tout état de cause, elle sollicite le rejet de l'appel principal de la SAS Locam, ainsi que la confirmation du jugement déféré dans la limite de l'appel incident, et notamment en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat conclu le 24 septembre 2014 entre elle-même et la SARL Cometik, en tant que de besoin par substitution de motifs.

Subsidiairement, elle demande que soit prononcée la résolution de ce contrat en raison des manquements contractuels de la SARL Cometik et, en conséquence, le rejet de l'intégralité des demandes de la SAS Locam, ainsi que la condamnation de cette dernière aux dépens de l'appel et à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel.

Sur l'irrecevabilité des demandes de la SAS Locam à son égard, Mme V. souligne que cette société n'était pas partie au contrat qu'elle a signé et elle conteste être engagée à son égard. Elle estime insuffisantes les stipulations du contrat relatives aux modalités de l'information, donnée au client, de la cession du contrat. Elle fait valoir que cette cession ne lui a jamais été signifiée et qu'elle n'y a jamais consenti par un acte authentique, ce qui est contraire aux dispositions de l'ancien article 1690 du code civil applicables en l'espèce.

Sur le fond, Mme V. reprend les moyens invoqués à l'encontre de la SARL Cometik pour solliciter la nullité du contrat pour dol et, subsidiairement, pour non-respect des dispositions du code de la consommation, ainsi que ceux invoqués pour solliciter subsidiairement la résolution du contrat cédé.

Elle ajoute que le prononcé de la nullité ou de la résolution du contrat entraîne nécessairement la caducité de la cession dont la SAS Locam se prévaut.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique

- le 8 avril 2019 pour la SARL Cometik,

- le 28 octobre 2019 pour la SAS Locam,

- le 17 juillet 2019 contre la SARL Cometik et le 29 juillet contre la SAS Locam, pour Mme V..

La clôture de l'instruction de chacune des deux affaires a été prononcée par ordonnance du 30 juin 2020.

MOTIFS

Sur la demande de jonction de la procédure n° RG 19/00796 à la procédure n° RG 19/00322

Selon l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

Dans le cadre des deux procédures n° RG 19/00796 et RG 19/00322, est en cause notamment la validité du contrat conclu entre Mme V. et la SARL Cometik, cédé ultérieurement par cette société à la SAS Locam, au titre duquel cette dernière se prévaut d'une créance à l'encontre de Mme V..

Il existe donc, entre ces deux instances évoquées à la même audience de plaidoirie, un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble.

C'est pourquoi sera ordonnée la jonction de la procédure n° RG 19/00796 à la procédure n° RG 19/00322.

Sur la recevabilité de l'action en nullité du contrat présentée par Mme V.

La SARL Cometik, invoquant une jurisprudence constante selon laquelle le défendeur à l'instance ne serait plus recevable à invoquer, par voie d'exception, la nullité d'un acte qui a reçu un commencement d'exécution, se réfère notamment à un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 4 mai 2012 (numéro 10-25 558).

Cet arrêt, qui représente effectivement une jurisprudence constante, rappelle précisément que « la règle selon laquelle l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté ne s'applique qu'à compter de l'expiration du délai de prescription de l'action ».

Or, ce délai quinquennal de prescription de l'action en nullité du contrat conclu entre Mme V. et la SARL Cometik n'était pas encore écoulé lors de l'introduction de l'instance, ni même lorsqu'est intervenu le jugement déféré, étant rappelé que le contrat avait été souscrit le 24 septembre 2014.

En conséquence, la règle invoquée par la SARL Cometik n'a pas lieu de s'appliquer et l'exécution commencée du contrat litigieux ne fait pas obstacle à l'action de Mme V. en nullité de ce contrat. Le jugement déféré ne l'ayant pas précisé dans son dispositif, il y a donc lieu d'écarter la fin de non-recevoir opposée par la SARL Cometik à la demande en nullité du contrat souscrit auprès d'elle le 24 septembre 2014, formée par Mme V..

Sur la demande en nullité du contrat pour dol

L'article 1116 du code civil, dans sa version applicable en l'espèce, énonce « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident, que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas, et doit être prouvé ».

Dans la situation présente, Mme V. affirme avoir été trompée par le représentant de la SARL Cometik sur la durée de son engagement contractuel, affirmant qu'il lui aurait dissimulé qu'elle s'engageait pour une durée de 48 mois, lui faisant croire qu'elle n'était soumise qu'à un délai de préavis de trois mois et, sous cette réserve, pouvait mettre fin au contrat à tout moment.

Or, elle ne produit, à l'appui de ses allégations sur ce point, que l'attestation de son compagnon. Si celui-ci confirme très précisément ses propos, les liens d'affection qui l'unissent à l'intimée ne permettent pas de considérer son témoignage comme étant suffisant pour constituer l'unique preuve du dol invoqué à l'encontre de la SARL Cometik.

De plus, ainsi que le souligne l'appelante, la durée du contrat est indiquée de façon très lisible, au recto du bon de commande de site Internet professionnel et du contrat de licence d'exploitation de site Internet, dans les termes suivants : « pour la durée totale du contrat de 48 mois, durée ferme et irrévocable ». Or, sur le bon de commande du site Internet professionnel, Mme V. a apposé sa signature en bas de la même page, à quelques centimètres de cette mention. Sur le contrat de licence d'exploitation de site Internet, elle a apposé sa signature en haut du verso, qui suivait immédiatement les conditions financières et de durée du contrat figurant en bas du recto. En outre, elle a, en signant ce contrat, approuvé la mention selon laquelle « le client déclare avoir pris connaissance, reçu et accepté les conditions générales figurant au recto et au verso ».

Dans ces circonstances, la preuve des manœuvres de la SARL Cometik invoquées par Mme V., s'agissant de la durée de son engagement contractuel, n'est pas rapportée, contrairement à ce qu'a pu admettre le premier juge. C'est pourquoi le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a accueilli la demande en nullité pour dol.

Sur la demande fondée sur le non-respect des dispositions du code de la consommation

En application de l'article L. 121-16-1 du code de la consommation issue de la loi du 17 mars 2014, applicable aux contrats conclus après le 13 juin 2014, ce qui est le cas en l'espèce, les dispositions relatives au droit de rétractation prévu par l'article L. 121-21, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Il n'est pas contesté que le contrat souscrit entre la SARL Cometik et Mme V. le 24 septembre 2014 l'a été hors établissement, entre professionnels, au sens de ces dispositions légales.

Alors que la SARL Cometik affirme que l'objet du contrat litigieux entre dans le champ de l'activité principale de Mme V., il convient de préciser qu'un contrat peut avoir un rapport direct avec l'exercice de l'activité professionnelle sans entrer dans le champ de celle-ci.

Ainsi, l'objet du contrat souscrit entre les parties a un rapport direct avec l'activité professionnelle de Mme V., étant destiné, par la création et le référencement d'un site internet, à faciliter l'exercice de cette activité, en la portant à la connaissance du public et en assurant sa promotion.

Cependant, même si l'objet de la prestation souscrite présente une utilité publicitaire, la création de ce site Internet et la publicité réalisée via celui-ci sont elles-mêmes sans lien avec la compétence nécessaire à Mme V. pour pratiquer son activité professionnelle, la kinésithérapie, l'intéressée ne présentant aucune compétence en matière de réalisation et d'hébergement de site Internet, qui sont des prestations étrangères à cette activité professionnelle.

Dès lors, il doit être considéré que l'objet du contrat litigieux n'entre pas dans le champ de l'activité principale de Mme V. et qu'à ce titre, cette dernière disposait du droit de rétractation qu'elle invoque.

Par ailleurs, l'article L. 121-21-8 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose que le droit de rétractation ne peut notamment être exercé pour les « contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ».

Dans la situation présente, si la SARL Cometik invoque un cahier des charges signé par Mme V., qui aurait défini les spécifications des prestations convenues et les aurait personnalisées, il apparaît que ce cahier des charges ne contient en réalité que les coordonnées professionnelles de Mme V., son secteur d'activité, libéral, et la catégorie, médicale. Il n'est spécifié aucune sous-catégorie d'activité, aucun élément de configuration visuelle, si ce n'est le nom de domaine choisi et le modèle de site, ainsi que les couleurs dominantes. Les horaires de l'activité ne sont pas même précisés. Concernant le contenu des pages, seul le nom des membres de l'équipe est prévu ainsi que des sous-pages « kinésithérapeutes » et « infirmières ».

Les photographies d'écran du site Internet créé font apparaître des informations très générales, sans spécifier le matériel disponible au cabinet, sans description des soins, techniques, exercices proposés ou pathologies traitées, si ce n'est, par de vagues généralités, ainsi que le soutient Mme V.. Ce site Internet ne présente ni le cursus de cette dernière, ni ses spécialités.

Dès lors, le site Internet ainsi créé ne constitue nullement la fourniture d'un bien confectionné selon les spécifications de Mme V. et pas davantage un bien nettement personnalisé au sens des dispositions légales ci-dessus.

En conséquence, l'exception invoquée par la SARL Cometik ne trouve donc pas à s'appliquer.

Il en résulte que Mme V. bénéficiait bien d'un droit de rétractation de 14 jours en application de l'article L. 121-1 du code de la consommation. Dans la mesure où elle n'a pas reçu de la SARL Cometik les informations prévues par l'article L. 121-7 du même code sur l'existence et les modalités d'exercice du droit de rétractation, un nouveau délai de 12 mois a couru à l'expiration du délai de rétractation initiale de 14 jours, conformément aux dispositions de l'article L. 121-21-1.

Or, Mme V. produit copie d'une lettre adressée à la SARL Cometik le 2 avril 2015, à laquelle cette dernière a répondu par un courrier du 7 avril 2015. Dans sa lettre, Mme V. indique expressément exercer son droit de rétractation en application des dispositions rappelées plus haut, précisant les dispositions en application desquelles ce délai a ainsi été prolongé.

Dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'examiner sa demande en nullité du contrat, il convient de constater que celui-ci est devenu caduc en conséquence de l'exercice de ce droit de rétractation dans les délais légaux.

Il en résulte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté la SAS Locam, à laquelle la SARL Cometik a cédé le contrat de licence d'exploitation de site Internet litigieux, de sa demande en paiement de la somme réclamée au titre des loyers impayés de ce contrat.

Sur la restitution des loyers versés

En application de l'article L. 121-21-4 du code de la consommation, lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel est tenu de rembourser la totalité des sommes versées. Dès lors, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Locam, qui a perçu les loyers versés par Mme V., à lui rembourser la somme de 720 euros à ce titre, sans étendre cette condamnation à la SARL Cometik, qui n'a perçu aucun loyer.

Sur les dépens et les frais exclus des dépens

Le jugement déféré étant pour l'essentiel confirmé sur le fond du litige, il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens.

Pour les mêmes motifs, leurs appels respectifs étant rejetés, la SARL Cometik et la SAS Locam seront condamnées in solidum aux dépens d'appel et leurs demandes respectives présentées contre Mme V. en application de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

En revanche, les deux sociétés seront condamnées in solidum à régler à Mme V. la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exclus des dépens que l'intimée a dû engager en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique,

ORDONNE la jonction de la procédure n° RG 19/00796 à la procédure n° RG 19/00322 ;

CONFIRME le jugement rendu entre les parties le 28 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, sauf en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat souscrit le 24 septembre 2014 entre la SARL Cometik et Mme Marion V. ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

DÉCLARE recevable la demande de Mme Marion V. tendant à voir prononcer la nullité du contrat conclu par elle le 24 septembre 2014 avec la SARL Cometik ;

REJETTE la demande en nullité du dit contrat présentée par Mme Marion V. pour dol ;

CONSTATE la caducité dudit contrat en conséquence de l'exercice, par Mme Marion V., de son droit de rétractation par lettre du 2 avril 2015 ;

Ajoutant au jugement déféré,

CONDAMNE in solidum la SARL Cometik et la SAS Locam aux dépens d'appel ;

CONDAMNE in solidum la SARL Cometik et la SAS Locam à payer à Mme Marion V. la somme de 2 000,00 € (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les demandes de la SARL Cometik et la SAS Locam présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.