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Décisions

CJUE, 4e ch., 10 décembre 2020, n° C-735/19

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Euromin Holdings (Cyprus) Limited

Défendeur :

Finanšu un kapitāla tirgus komisija

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Vilaras (rapporteur)

Juges :

M. Piçarra, M. Šváby, M. Rodin, Mme Jürimäe

Avocat général :

Mme Kokott

Avocats :

Mme Bērziņa, M. Kramiņa

CJUE n° C-735/19

10 décembre 2020

LA COUR (quatrième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d’acquisition (JO 2004, L 142, p. 12), et, d’autre part, du principe d’effectivité.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Euromin Holdings (Cyprus) Limited à la Finanšu un kapitāla tirgus komisija (commission des marchés financiers et de capitaux, Lettonie) (ci-après la « commission des marchés financiers »), au sujet d’une demande visant, d’une part, à faire déclarer l’illégalité de la décision du 15 octobre 2015 par laquelle cette commission a autorisé le rachat des actions de Ventspils nafta AS, qui faisaient l’objet d’une offre publique d’acquisition (OPA), à un prix de 4,56 euros par action (ci-après la « décision litigieuse »), et, d’autre part, à obtenir la réparation du préjudice subi du fait de cette décision.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2004/25

3 Le considérant 9 de la directive 2004/25 énonce :

« Il convient que les États membres prennent les mesures nécessaires pour la protection des détenteurs de titres, et en particulier ceux possédant des participations minoritaires, lorsque le contrôle de leurs sociétés a été pris. Il convient que les États membres assurent cette protection en imposant à l’acquéreur qui a pris le contrôle d’une société l’obligation de lancer une offre proposant à tous les détenteurs de titres de cette société d’acquérir la totalité de leurs participations à un prix équitable conformément à une définition commune. Les États membres devraient pouvoir créer d’autres instruments visant à protéger les intérêts des détenteurs de titres, comme l’obligation de lancer une offre partielle lorsque l’offrant n’acquiert pas le contrôle de la société ou l’obligation d’annoncer une offre simultanément à la prise de contrôle de la société. »

4 L’article 3 de cette directive prévoit :

« 1. Aux fins de l’application de la présente directive, les États membres veillent à ce que les principes suivants soient respectés :

a) tous les détenteurs de titres de la société visée qui appartiennent à la même catégorie doivent bénéficier d’un traitement équivalent ; en outre, si une personne acquiert le contrôle d’une société, les autres détenteurs de titres doivent être protégés ;

[...]

2. Aux fins d’assurer le respect des principes prévus au paragraphe 1, les États membres :

a) veillent à ce que soient respectées les exigences minimales énoncées dans la présente directive ;

b) peuvent prévoir des conditions supplémentaires et des dispositions plus strictes que celles qui sont prévues par la présente directive pour réglementer les offres. »

5 Aux termes de l’article 4, paragraphe 6, de ladite directive :

« La présente directive n’affecte pas le pouvoir des États membres de désigner les autorités, judiciaires ou autres, chargées de connaître des litiges et de se prononcer sur les irrégularités commises lors de l’offre, ni le pouvoir des États membres d’arrêter des dispositions précisant si et dans quelles circonstances les parties à l’offre ont le droit d’entamer une procédure administrative ou judiciaire. En particulier, la présente directive n’affecte pas le pouvoir que peuvent avoir les juridictions d’un État membre de refuser de connaître d’un recours et de se prononcer sur le point de savoir si celui-ci affecte le résultat de l’offre. La présente directive n’affecte pas le pouvoir des États membres de déterminer les règles juridiques relatives à la responsabilité des autorités de contrôle ou au règlement des litiges entre les parties à une offre. »

6 L’article 5 de la même directive dispose :

« 1. Lorsqu’une personne physique ou morale détient, à la suite d’une acquisition faite par elle-même ou par des personnes agissant de concert avec elle, des titres d’une société au sens de l’article 1er, paragraphe 1, qui, additionnés à toutes les participations en ces titres qu’elle détient déjà et à celles des personnes agissant de concert avec elle, lui confèrent directement ou indirectement un pourcentage déterminé de droits de vote dans cette société lui donnant le contrôle de cette société, les États membres veillent à ce que cette personne soit obligée de faire une offre en vue de protéger les actionnaires minoritaires de cette société. Cette offre est adressée dans les plus brefs délais à tous les détenteurs de ces titres et porte sur la totalité de leurs participations, au prix équitable défini au paragraphe 4.

[...]

4. Est considéré comme le prix équitable le prix le plus élevé payé pour les mêmes titres par l’offrant, ou par des personnes agissant de concert avec lui, pendant une période, déterminée par les États membres, de six mois au minimum à douze mois au maximum précédant l’offre visée au paragraphe 1. Si, après publication de l’offre et avant expiration de la période d’acceptation de celle-ci, l’offrant ou toute personne agissant de concert avec lui acquiert des titres à un prix supérieur au prix de l’offre, l’offrant porte son offre à un prix au moins égal au prix le plus élevé payé pour les titres ainsi acquis.

Sous réserve du respect des principes généraux énoncés à l’article 3, paragraphe 1, les États membres peuvent autoriser leurs autorités de contrôle à modifier le prix prévu au premier alinéa dans des circonstances et selon des critères clairement déterminés. À cette fin, ils peuvent dresser une liste de circonstances dans lesquelles le prix le plus élevé peut être modifié, vers le haut ou vers le bas, par exemple si le prix le plus élevé a été fixé par accord entre l’acheteur et un vendeur, si les prix de marché des titres en cause ont été manipulés, si les prix de marché en général ou certains prix de marché en particulier ont été affectés par des événements exceptionnels, ou pour permettre le sauvetage d’une entreprise en détresse. Ils peuvent également définir les critères à utiliser dans ces cas, par exemple la valeur moyenne de marché sur une certaine période, la valeur de liquidation de la société ou d’autres critères objectifs d’évaluation généralement utilisés en analyse financière.

[...] »

 Le règlement (UE) no 1254/2012

7 L’article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) no 1254/2012 de la Commission, du 11 décembre 2012, modifiant le règlement (CE) no 1126/2008 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) no 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, pour ce qui concerne les normes internationales d’information financière IFRS 10, IFRS 11 et IFRS 12 et les normes comptables internationales IAS 27 (2011) et IAS 28 (2011) (JO 2012, L 360, p. 1), a inséré la norme internationale d’information financière IFRS 10, intitulée « États financiers consolidés » (ci-après la « norme IFRS 10 »), figurant à l’annexe de ce règlement, au règlement (CE) no 1126/2008 de la Commission, du 3 novembre 2008 (JO 2008, L 320, p. 1).

8 Le point 22 de la partie de l’annexe du règlement no 1254/2012 relative à la norme IFRS 10 prévoit :

« La société mère doit présenter les participations ne donnant pas le contrôle en tant qu’éléments des capitaux propres dans l’état consolidé de la situation financière, séparément des capitaux propres des propriétaires de la société mère. »

9 Aux termes de l’annexe A de la partie de l’annexe du règlement no 1254/2012 relative à la norme IFRS 10, la notion de « participation ne donnant pas le contrôle » est définie comme se rapportant aux « [c]apitaux propres d’une filiale qui ne sont pas attribuables, directement ou indirectement, à la société mère ».

 Le droit letton

10 L’article 5 du Finanšu instrumentu tirgus likums (loi sur les marchés d’instruments financiers) (Latvijas Vēstnesis 2003, n° 175), dans sa version applicable au litige au principal (ci‑après la « FITL »), dispose :

« La commission [des marchés financiers], ses agents et mandataires ne sont pas responsables des dommages causés aux acteurs du marché des instruments financiers ou à des tiers et ne peuvent être tenus pour responsables des actes qu’ils ont effectués légalement, de manière précise, de manière légitime et de bonne foi, en accomplissant dûment leurs fonctions de surveillance selon les modalités prévues par la loi et les autres dispositions réglementaires. »

11 L’article 74, paragraphe 1, de la FITL est libellé comme suit :

« Dans le cadre d’une offre obligatoire de rachat d’actions, le prix par action ne doit pas être inférieur :

1) au prix auquel l’offrant ou les personnes agissant de concert avec lui ont obtenu des actions de la société cible au cours des douze derniers mois. Si ces actions ont été acquises à des prix différents, le prix de rachat est le prix d’achat des actions le plus élevé au cours des douze derniers mois qui précèdent la survenance des circonstances visées à l’article 66, paragraphe 1, de la présente loi ;

2) au prix moyen pondéré de l’action sur un marché réglementé ou dans un système multilatéral de négociation présentant le volume d’échanges le plus élevé pour l’action concernée au cours des douze derniers mois. Le prix moyen pondéré de l’action est calculé sur les douze derniers mois qui précèdent la survenance des circonstances visées à l’article 66, paragraphe 1, de la présente loi ;

3) à la valeur de l’action calculée en divisant les actifs nets de la société cible par le nombre d’actions émises. Pour calculer les actifs nets, sont déduits des actifs totaux les actions détenues en propre par la société cible ainsi que les engagements de celle-ci. Si la société cible a des actions de valeurs nominales différentes, les actifs nets sont répartis proportionnellement à la valeur nominale des actions dans le capital social de celle-ci. »

12 Aux termes de l’article 74, paragraphe 2, de la FITL :

« Aux fins du calcul de la valeur d’une action rachetée conformément au paragraphe 1, point 3, du présent article, les données utilisées sont celles provenant des derniers comptes annuels de la société cible approuvés par l’assemblée des actionnaires et ayant fait l’objet d’un rapport d’audit. L’intervalle de temps entre le dernier jour de l’exercice faisant l’objet du rapport annuel et la date à laquelle l’offre est soumise à la commission [des marchés financiers] ne peut être supérieur à seize mois. Lorsque, conformément aux textes applicables, la société cible prépare un rapport annuel au plus tard sept mois après la fin de l’année de référence, l’intervalle de temps entre le dernier jour de l’exercice pour lequel le rapport annuel est préparé et la date à laquelle l’offre est soumise à la commission [des marchés financiers] ne peut être supérieur à 19 mois. Aux fins du calcul de la valeur d’une action, sont utilisées les données provenant du dernier rapport trimestriel de la société cible si la valeur des actions calculée en utilisant ces données est au moins supérieure de 10 % à la valeur obtenue sur la base des données du rapport annuel. Si la société cible prépare également un rapport annuel consolidé, elle utilise les données provenant de ce rapport pour déterminer la valeur de l’action rachetée. Si la société cible prépare des comptes annuels tant au titre de la législation de l’État où elle est établie qu’au titre des normes internationales d’information financière, elle utilise les données provenant des comptes préparés conformément aux normes internationales d’information financière. »

13 L’article 13 du Valsts pārvaldes iestāžu nodarīto zaudējumu atlīdzināšanas likums (loi sur la réparation des dommages causés par des autorités publiques) (Latvijas Vēstnesis 2005, n° 96), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur la réparation des dommages »), intitulé « Détermination du préjudice matériel », prévoit :

« 1. Pour établir le montant adéquat de la somme devant être accordée en réparation du préjudice causé par l’autorité concernée, il est tenu compte des motifs de fait et de droit fondant les actes de cette autorité, ainsi que des actes de la personne lésée.

2. Pour établir le montant adéquat de la somme devant être accordée en réparation du préjudice causé par l’autorité concernée, il est aussi tenu compte des autres circonstances pertinentes du cas d’espèce, s’il est possible de les démontrer objectivement.

3. Le préjudice matériel est normalement chiffré sur la base du montant calculé conformément à l’article 12 de la présente loi, selon le barème suivant :

1) lorsque ce montant ne dépasse pas 142 288 euros, une réparation adéquate correspond à 100 % de celui-ci ;

2) lorsque ledit montant est compris entre 142 289 et 1 422 872 euros, une réparation adéquate peut être fixée à hauteur de 50 à 100 % de celui-ci ;

3) si le même montant est supérieur à 1 422 872 euros, une réparation adéquate peut être inférieure à 50 % de celui-ci.

4. L’autorité peut d’office réparer le préjudice matériel subi par la personne lésée non pas en lui versant une indemnité, mais en la replaçant dans la situation de fait dans laquelle elle se trouvait avant que son patrimoine ne subisse ce préjudice. »

14 L’article 14, paragraphe 1, du Konsolidēto gada pārskatu likums (loi sur les comptes annuels consolidés) (Latvijas Vēstnesis 2006, n° 178), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur les comptes annuels consolidés »), intitulé « Modalités de consolidation des comptes annuels des sociétés », dispose :

« Les comptes annuels consolidés sont le résultat de la combinaison des comptes annuels de la société mère du groupe et des comptes annuels des filiales concernées, s’agissant des montants indiqués dans leurs comptes annuels respectifs au titre de l’actif, du passif, des capitaux propres, des recettes et des charges (dépenses). Les éléments d’actif et de passif dans les bilans des sociétés consolidées sont entièrement intégrés dans le bilan consolidé. Les bénéfices ou les pertes de ces sociétés sont inclus dans leur intégralité dans le calcul des bénéfices et des pertes consolidés. »

15 Aux termes de l’article 21 de cette loi, intitulé « Présentation des participations des actionnaires minoritaires » :

« 1. La part des capitaux propres des filiales consolidées correspondant aux actions et aux parts détenues par des actionnaires minoritaires est indiquée dans un poste distinct des capitaux propres, intitulé “Participations des actionnaires minoritaires”.

2. Les bénéfices et les pertes de l’année figurant dans les comptes des filiales consolidées et correspondant aux actions et aux parts détenues par des actionnaires minoritaires sont indiqués dans un poste consolidé distinct concernant le calcul des bénéfices et des pertes, intitulé “Part des actionnaires minoritaires dans les bénéfices et les pertes”. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

16 Ayant acquis 93,24 % des actions avec droit de vote de Ventspils nafta, la requérante au principal s’est trouvée dans l’obligation, en vertu de la FITL, de faire une offre obligatoire de rachat des actions de cette société. À cette fin, elle a déposé auprès de la commission des marchés financiers un « prospectus » exposant son offre de rachat, dans lequel elle a indiqué que le prix de rachat était de 3,12 euros par action de ladite société.

17 En se fondant sur l’article 74, paragraphe 1, point 3, de la FITL, la commission des marchés financiers a rejeté, le 6 octobre 2015, les calculs de la requérante au principal. Ensuite, par la décision litigieuse, elle a autorisé celle-ci à faire une offre obligatoire de rachat au prix de 4,56 euros par action de la même société.

18 La requérante au principal a saisi l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie) d’un recours visant à faire déclarer l’illégalité de cette décision et à obtenir la réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait de celle-ci.

19 La requérante au principal a soutenu que l’article 74 de la FITL avait pour finalité de fixer la méthode de calcul du prix de rachat d’une action, de telle sorte que celle-ci soit juste et conforme à la situation du marché concerné. À cette fin, il y aurait lieu de prendre en compte les actifs totaux réels de Ventspils nafta et non le montant des actifs indiqués dans le rapport annuel consolidé relatif à cette société, qui inclut les éléments d’actif et de passif de toutes ses filiales, y compris les participations détenues dans ces filiales par des actionnaires minoritaires, qui ne constituent ni des actifs ni des engagements de ladite société. Elle a conclu que, dans la décision litigieuse, la commission des marchés financiers avait augmenté de façon injustifiée le prix de l’action de Ventspils nafta en prenant en considération des actifs qui n’appartiennent pas à cette dernière.

20 La commission des marchés financiers a affirmé s’être fondée sur la norme IFRS 10, reprise dans le règlement no 1254/2012, qui établit les principes relatifs à la préparation de comptes annuels consolidés dans les cas où une société en contrôle une ou plusieurs autres et dont le point 22 prévoit qu’une participation ne donnant pas le contrôle doit être indiquée, dans les états financiers consolidés, comme un élément des « capitaux propres ». Elle a précisé que le montant des actifs indiqué dans ces états financiers ne permettait pas de déterminer quelle partie des actifs était détenue par des actionnaires majoritaires et quelle partie était détenue par des actionnaires minoritaires. Elle en a déduit qu’il aurait été contraire à l’objectif de l’article 74 de la FITL de déduire des actifs de Ventspils nafta les participations ne donnant pas le contrôle, la détermination du prix par action au moyen de la valeur totale des actifs de cette société permettant de fixer ce prix au plus près de la valeur réelle de cette action.

21 Par arrêt du 10 mars 2017, l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) a partiellement fait droit à la demande de la requérante au principal, déclarant la décision litigieuse illégale et condamnant la commission des marchés financiers à indemniser celle-ci à hauteur de 50 % du préjudice subi du fait de cette décision.

22 L’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) a relevé que l’article 74, paragraphe 1, point 3, de la FITL ne donnait aucune précision en ce qui concerne les notions d’« actifs totaux » et d’« actifs nets » qu’il utilisait. Elle a souligné que cela n’avait pas été discuté, lorsque, en 2006, le législateur letton avait prévu, s’agissant de cette disposition, l’obligation d’utiliser des données provenant des comptes annuels consolidés pour déterminer le prix d’une action. Elle a observé que, si l’article 74, paragraphe 1, de la FITL n’est pas rédigé en ce sens que les méthodes visées aux points 2 et 3 de ce paragraphe ne pourraient être utilisées que dans des circonstances exceptionnelles, une telle utilisation pourrait résulter du fait que le marché des actions letton est extrêmement restreint.

23 Elle a considéré qu’il convenait de se fonder sur des critères objectifs d’évaluation pour calculer le prix d’une action et qu’il convenait d’interpréter l’article 74, paragraphe 1, point 3, de la FITL en ce sens que la notion d’« actifs nets » ne comprend pas les participations minoritaires.

24 Par ailleurs, l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) a considéré que, conformément à l’article 13, paragraphe 3, de la loi sur la réparation des dommages, il existait des circonstances qui justifiaient une réduction de l’indemnité calculée, mais sans que cette réduction puisse excéder 50 % du montant demandé.

25 La commission des marchés financiers et la requérante au principal ont chacune d’elles formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale), du 10 mars 2017, devant l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême, Lettonie).

26 La commission des marchés financiers estime que l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) n’a pas tenu compte de plusieurs circonstances qui excluaient l’interprétation qu’elle a retenue de l’article 74, paragraphe 1, point 3, de la FITL. Ainsi, l’obligation d’inclure, pour le calcul du prix de rachat par action, des données provenant des comptes annuels consolidés ferait partie des modifications de la FITL adoptées aux fins de la transposition de la directive 2004/25 dans le droit letton.

27 La commission des marchés financiers soutient que l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) a interprété l’article 74, paragraphe 1, point 3, de la FITL de façon contraire à l’objectif premier de la directive 2004/25, qui est de protéger les intérêts des actionnaires minoritaires dans le processus de fixation du prix des actions rachetées. Cette commission précise que, en incluant dans le calcul du prix de rachat des actions de Ventspils nafta la part des actionnaires minoritaires de celle-ci dans le capital des filiales de cette dernière, elle s’est conformée à l’objectif de la directive 2004/25, calculant ce prix conformément à l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de cette directive, à savoir en fonction de « critères objectifs d’évaluation généralement utilisés en analyse financière ».

28 La requérante au principal demande l’annulation de l’arrêt de l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) en ce que cette dernière a partiellement rejeté sa demande de réparation du préjudice subi du fait de la décision litigieuse. Elle fait valoir que l’article 13, paragraphe 3, point 3, de la loi sur la réparation des dommages permet de réparer l’intégralité du préjudice subi et qu’admettre, en l’absence de circonstances particulières, une réduction de la réparation pouvant aller jusqu’à 50 % de ce préjudice peut conduire à des situations dans lesquelles l’autorité publique traite avec moins de rigueur des questions difficiles d’interprétation de la loi.

29 La juridiction de renvoi souligne que, pour interpréter correctement l’article 74, paragraphe 1, point 3, de la FITL, il est nécessaire de déterminer si la méthode que cette disposition prévoit pour calculer le prix par action est une méthode équitable de fixation du prix, au sens de la directive 2004/25.

30 Elle s’interroge sur la question de savoir si l’inclusion d’une participation minoritaire dans les actifs nets, servant de base au calcul du prix de rachat par action, conduit à déterminer un prix équitable, au sens de cette directive, et si elle est, par conséquent, conforme aux objectifs de cette dernière.

31 Elle rappelle que la Cour a jugé que les États membres disposent d’une marge d’appréciation pour définir les circonstances dans lesquelles leurs autorités de contrôle peuvent modifier le prix de rachat par action, à la condition toutefois que ces circonstances soient clairement déterminées. Or, elle se demande si la méthode de calcul des actifs nets figurant à l’article 74, paragraphe 1, point 3, de la FITL satisfait à cette condition, relevant que les notions d’« actifs totaux » et d’« actifs nets » ne sont explicitées ni dans cette disposition ni dans aucune autre disposition de cette loi.

32 La juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la question de savoir si l’article 74, paragraphe 1, point 3, et l’article 74, paragraphe 2, de la FITL, lesquels n’indiquent pas clairement si, aux fins du calcul du prix de rachat par action, les actifs nets doivent aussi inclure une participation minoritaire, sont conformes à l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25.

33 Enfin, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité de l’article 13, paragraphe 3, de la loi sur la réparation des dommages avec les principes fondamentaux du droit de l’Union, plus particulièrement avec le principe d’effectivité, eu égard au fait que, en application de cette disposition, le montant de la réparation peut être réduit sans limite lorsque le dommage subi est supérieur à 1 422 872 euros. Elle se demande également si l’ensemble des conditions d’engagement de la responsabilité de l’État sont remplies, notamment si les règles applicables de la directive 2004/25 confèrent des droits aux particuliers.

34 C’est dans ces circonstances que l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 5 de la directive 2004/25[...] s’oppose-t-il à une réglementation nationale qui prévoit que, aux fins d’une offre obligatoire de rachat, l’on calcule la valeur de l’action en divisant les actifs nets de la société cible (y compris la participation d’un actionnaire minoritaire qui, par conséquent, ne donne pas le contrôle) par le nombre d’actions émises ?

2) Dans l’hypothèse où la première question appellerait une réponse négative sur le point de savoir si la participation d’un actionnaire minoritaire (qui, par conséquent, ne donne pas le contrôle) doit être incluse dans les actifs nets de la société cible, la méthode de fixation du prix de l’action peut-elle être considérée comme clairement déterminée, au sens de l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25[...], à supposer qu’il soit nécessaire, pour comprendre le contenu de cette méthode, d’appliquer l’une des méthodes d’interprétation prétorienne du droit, à savoir celle de la réduction téléologique ?

3) L’article 5, paragraphe 4, de la directive 2004/25[...], à savoir la disposition de cette directive relative à la fixation d’un prix équitable, s’oppose-t-il à une réglementation qui prévoit que l’on doit choisir le prix le plus élevé parmi les trois variantes possibles suivantes :

a) le prix auquel l’offrant ou les personnes agissant de concert avec lui ont obtenu des actions de la société cible au cours des douze derniers mois. Si les actions ont été acquises à des prix différents, le prix de rachat est le prix d’achat des actions le plus élevé au cours des douze derniers mois qui précèdent la naissance de l’obligation légale de faire une offre de rachat ;

b) le prix moyen pondéré de l’action sur un marché réglementé ou dans un système multilatéral de négociation présentant le volume d’échanges le plus élevé pour l’action concernée au cours des douze derniers mois. Le prix moyen pondéré de l’action est calculé sur les douze derniers mois qui précèdent la naissance de l’obligation légale de faire une offre de rachat ;

c) la valeur de l’action que l’on calcule en divisant les actifs nets de la société cible par le nombre d’actions émises. Pour calculer les actifs nets, on déduit des actifs totaux les actions détenues en propre par la société cible, ainsi que les engagements de celle‑ci. Si la société cible a des actions de valeurs nominales différentes, alors, aux fins du calcul de la valeur de l’action, on répartit les actifs nets en fonction de ce que représentent proportionnellement dans le capital social les actions d’une certaine valeur nominale ?

4) Si la méthode de calcul définie dans la réglementation nationale (dans l’exercice du pouvoir d’appréciation laissé à l’État membre par l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25[...]) aboutit à un prix plus élevé que si l’on applique l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de la même directive, est-il conforme à l’objectif de la directive de toujours choisir le prix le plus élevé ?

5) Si un particulier subit un dommage du fait de l’application erronée du droit de l’Union, le droit national peut-il prévoir une limitation de la réparation de ce dommage lorsqu’une telle limitation est applicable tant aux dommages subis du fait d’une application erronée du droit national qu’à ceux subis du fait d’une application erronée du droit de l’Union ?

6) Les dispositions de la directive 2004/25[...], telles que celles en cause dans la présente affaire, confèrent-elles des droits aux particuliers ; en d’autres termes, la condition correspondante de la responsabilité de l’État est-elle remplie ? »

 Sur les questions préjudicielles

35 Selon la juridiction de renvoi, la solution du litige au principal dépend, en substance, de la question de savoir, d’une part, si l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2004/25 s’oppose à la méthode de fixation du prix équitable prévue par une réglementation nationale qui prévoit que, aux fins d’une OPA, la valeur de l’action est obtenue en divisant les actifs nets de la société cible, y compris la participation d’un actionnaire minoritaire qui, par conséquent, ne donne pas le contrôle, par le nombre d’actions émises. D’autre part, elle estime nécessaire d’obtenir une réponse sur le point de savoir si cette directive confère des droits aux particuliers et si le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale qui limite la réparation du dommage subi du fait de l’application erronée de ce droit.

36 Les différentes questions préjudicielles posées se recoupant sur plusieurs plans, elles doivent être regroupées, afin d’apporter à la juridiction de renvoi les réponses les plus précises possibles.

 Sur les troisième et quatrième questions

37 Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande si l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2004/25 s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit trois méthodes pour déterminer le prix équitable auquel l’offrant doit racheter les actions d’une société, dont la méthode résultant de la mise en œuvre de l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de cette directive, et qui impose de toujours retenir celle qui aboutit au prix le plus élevé.

38 Ainsi qu’il ressort notamment de son considérant 9, la directive 2004/25 a pour objectif de protéger les intérêts des détenteurs de titres de sociétés dont le contrôle a été pris par une personne physique ou morale et vise, dans cette perspective, à assurer la clarté et la transparence des règles en matière d’OPA (arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 24).

39 À cet effet, conformément à son article 1er, paragraphe 1, cette directive prévoit des mesures de coordination des droits des États membres concernant les OPA de titres de sociétés relevant du droit d’un de ces États, lorsque tout ou partie de ces titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé (arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 25).

40 L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive fixe, en les qualifiant de principes généraux, les principes directeurs qui doivent être respectés dans l’application de celle-ci, dont celui selon lequel, lorsqu’une personne acquiert le contrôle d’une société, les détenteurs de titres doivent être protégés (arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 26).

41 Aux fins d’assurer le respect desdits principes, l’article 3, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2004/25 dispose que les États membres, d’une part, veillent à ce que les exigences minimales énoncées par cette directive soient respectées et, d’autre part, peuvent prévoir des conditions supplémentaires et des dispositions plus strictes que celles qui sont prévues par ladite directive pour réglementer les offres (arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 27).

42 Sous l’intitulé « Protection des actionnaires minoritaires, offre obligatoire et prix équitable », l’article 5 de la même directive prévoit, afin de protéger les intérêts des détenteurs de titres de sociétés, essentiellement deux règles s’imposant aux États membres et une autre qu’ils peuvent choisir d’appliquer (arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 28).

43 Tout d’abord, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2004/25 fixe le principe de l’offre obligatoire d’acquisition des titres de participation d’une société donnée. Il prévoit ainsi que, lorsqu’une personne physique ou morale détient, à la suite d’une acquisition faite par elle-même ou par des personnes agissant de concert avec elle, des titres d’une société entrant dans le champ d’application de cette directive, qui, additionnés à toutes les participations qu’elle et les personnes agissant de concert avec elle détiennent déjà, lui confèrent directement ou indirectement un pourcentage déterminé de droits de vote dans cette société lui donnant le contrôle de celle-ci, les États membres veillent à ce que cette personne soit obligée de faire une offre en vue de protéger les actionnaires minoritaires de cette société, cette offre devant porter sur la totalité des participations de ces actionnaires au prix équitable défini à l’article 5, paragraphe 4, de ladite directive (arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 29).

44 Ensuite, afin également d’assurer la protection des actionnaires minoritaires de la société visée par l’OPA, l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2004/25 considère comme étant le prix équitable le prix le plus élevé payé pour les mêmes titres par l’offrant, ou par les personnes agissant de concert avec lui, pendant une période déterminée par les États membres de six mois au minimum à douze mois au maximum précédant l’offre visée à l’article 5, paragraphe 1, de cette directive (arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 30).

45 Enfin, l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25 prévoit que, sous réserve du respect des principes énoncés à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, les États membres peuvent autoriser leurs autorités de contrôle, visées à l’article 4 de ladite directive, à modifier le prix équitable dans des circonstances et selon des critères clairement déterminés. À cette fin, les États membres peuvent, d’une part, dresser une liste de circonstances dans lesquelles ce prix équitable peut être modifié, vers le haut ou vers le bas, et, d’autre part, définir les critères à utiliser dans ces cas, étant précisé que ces circonstances et critères doivent être clairement déterminés. Des exemples de telles circonstances et de tels critères sont mentionnés à l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de ladite directive (arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 31).

46 Ainsi, pour fixer le prix équitable des titres qui font l’objet d’une OPA, l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2004/25 arrête une méthode qui, selon le considérant 9 de celle-ci, répond à une définition commune au sein de l’Union européenne.

47 À cet égard, l’économie de l’article 5, paragraphe 4, de cette directive impose que cette méthode de fixation du prix équitable soit la seule méthode permise à cet égard. En effet, l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de ladite directive prévoit, lorsque les États membres ont opté pour une telle faculté, qu’il est possible de modifier le prix équitable, tel qu’il est prévu à l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de la même directive.

48 Ce n’est, par conséquent, que dans le cadre de ce pouvoir de modification du prix équitable des titres qui font l’objet d’une OPA que les États membres peuvent autoriser leurs autorités de contrôle à déterminer le prix auquel ces titres doivent être vendus, selon des méthodes qui diffèrent de celle prévue à l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2004/25.

49 Toutefois, lorsqu’une réglementation nationale dispose que le prix équitable doit être déterminé selon plusieurs méthodes, dont l’une reprend celle prévue à l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de cette directive, il peut, sous certaines conditions, être considéré que les autres méthodes envisagées correspondent au pouvoir de modification du prix équitable prévu à l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de ladite directive.

50 Les conditions devant être respectées à cet égard sont celles qui découlent du texte même de cette dernière disposition.

51 D’une part, les méthodes de fixation du prix équitable, différentes de celle prévue à l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2004/25, doivent être appliquées par les autorités de contrôle instituées par les États membres et dans le respect des principes généraux énoncés à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive. D’autre part, ces méthodes doivent être mises en œuvre « dans des circonstances et selon des critères clairement déterminés ».

52 À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence selon laquelle, afin de respecter tant le principe de sécurité juridique que la nécessité de garantir la pleine application des directives, en droit et non seulement en fait, les prescriptions de la directive 2004/25 doivent être reprises dans un cadre légal clair, précis et transparent prévoyant des dispositions contraignantes dans le domaine concerné par celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 41).

53 Dès lors, les États membres sont tenus d’assurer, par l’instrument juridique de leur choix, que les circonstances et les critères, au vu desquels la modification du prix équitable est mise en œuvre, sont « clairement déterminés », au sens de l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25.

54 Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si la FITL, éventuellement lue à la lumière des motifs de cette loi, répond à de telles exigences.

55 Enfin, il ne saurait être exclu que, dans une circonstance déterminée particulière, la modification du prix équitable aboutisse toujours à la fixation d’un prix plus élevé que celui résultant de l’application de l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2004/25.

56 Au demeurant, l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de cette directive confirme cette hypothèse, dès lors qu’il prévoit que, au regard de la liste des circonstances déterminées, éventuellement établie par l’État membre concerné, le prix le plus élevé peut être modifié vers le haut ou vers le bas. Ainsi, une circonstance déterminée, au sens de cette disposition, peut toujours conduire à la fixation d’un prix plus élevé que le prix équitable, ainsi que les exemples cités à ladite disposition en témoignent, notamment lorsque le prix équitable, tel que prévu à l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de ladite directive, a été fixé par un accord conclu entre l’acheteur et un vendeur.

57 Par conséquent, il convient de répondre aux troisième et quatrième questions posées que l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2004/25 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit trois méthodes pour déterminer le prix équitable auquel l’offrant doit racheter les actions d’une société, dont la méthode résultant de la mise en œuvre de l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de cette directive, et qui impose de toujours retenir celle qui aboutit au prix le plus élevé, à condition que les méthodes de détermination du prix équitable autres que celle résultant de la mise en œuvre de cet article 5, paragraphe 4, premier alinéa, soient appliquées par l’autorité de contrôle, dans le respect des principes généraux énoncés à l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive, ainsi que dans des circonstances et selon des critères déterminés par un cadre légal clair, précis et transparent.

 Sur les première et deuxième questions

58 Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande si l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25 s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que, aux fins d’une OPA, la valeur de l’action est obtenue en divisant les actifs nets de la société cible, y compris la participation d’un actionnaire minoritaire, laquelle, par conséquent, ne donne pas le contrôle, par le nombre d’actions émises, en ce qu’il ne s’agirait pas d’une méthode de fixation du prix de l’action pouvant être considérée comme répondant à des critères « clairement déterminés », au sens de cette disposition.

59 En premier lieu, il convient de relever que, par la décision litigieuse, la commission des marchés financiers a autorisé la requérante au principal à faire une offre obligatoire de rachat des actions de la société cible sur la base de la méthode de fixation du prix des actions, prévue à l’article 74, paragraphe 1, point 3, de la FITL, qui prévoit que la valeur de l’action est calculée en divisant les actifs nets de cette société par le nombre d’actions émises. Conformément à l’article 74, paragraphe 2, de la FITL, les données utilisées à cet égard sont, lorsque la société cible prépare un rapport annuel consolidé, celles qui ressortent de ce rapport.

60 Il y a également lieu d’indiquer, d’une part, que l’article 14, paragraphe 1, de la loi sur les comptes annuels consolidés prévoit que les comptes annuels consolidés sont le résultat de la combinaison des comptes annuels de la société mère du groupe et de ceux des filiales concernées et, d’autre part, que l’article 21 de cette loi précise que la part des capitaux propres des filiales consolidées correspondant aux actions et aux parts détenues par des actionnaires minoritaires est indiquée dans un poste distinct des capitaux propres, intitulé « Participations des actionnaires minoritaires ».

61 Ainsi, afin de déterminer le prix des actions de la société cible, la commission des marchés financiers a inclus, dans la décision litigieuse, parmi les actifs nets de cette société, les parts détenues par des actionnaires minoritaires dans les filiales de celle-ci, c’est-à-dire des participations dont ladite société n’est pas propriétaire.

62 En deuxième lieu, ainsi qu’il ressort des considérations formulées au point 45 du présent arrêt, il convient de rappeler que l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25 prévoit que, sous réserve du respect des principes énoncés à l’article 3, paragraphe 1, les États membres peuvent autoriser leurs autorités de contrôle, visées à l’article 4 de cette directive, à modifier le prix équitable dans des circonstances et selon des critères clairement déterminés (arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 31).

63 L’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25 énonce, par ailleurs, que, lorsque les États membres prévoient que leurs autorités de contrôle peuvent modifier le prix équitable, ils peuvent définir les critères à utiliser à cet égard, citant à titre d’exemple la valeur moyenne de marché sur une certaine période, la valeur de liquidation de la société ou d’autres critères objectifs d’évaluation généralement utilisés en analyse financière.

64 En troisième lieu, il y a lieu de rappeler que, afin de respecter tant le principe de sécurité juridique que la nécessité de garantir le plein effet des directives, les prescriptions de la directive 2004/25 doivent être reprises, ainsi qu’il a été rappelé au point 52 du présent arrêt, dans un cadre légal clair, précis et transparent prévoyant des dispositions contraignantes dans le domaine concerné par celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 41).

65 C’est à l’aune de ces principes qu’il convient de déterminer si la méthode de fixation du prix, incluant, parmi les actifs nets de la société cible d’une OPA, les parts détenues par des actionnaires minoritaires dans les filiales de celle-ci, contient des critères « clairement déterminés », au sens de l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25.

66 D’une part, ainsi que Mme l’avocate générale l’a souligné au point 69 de ses conclusions, il y a lieu de relever que la marge d’appréciation que cette disposition accorde aux États membres pour fixer, en cas de modification du prix équitable, les critères de détermination du prix des titres faisant l’objet d’une offre obligatoire d’acquisition est limitée par la finalité de l’ensemble de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2004/25, qui consiste à rechercher le prix équitable de ces titres.

67 À cette fin, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé au point 71 de ses conclusions, les États membres peuvent prévoir tout critère d’évaluation reconnu en analyse financière qui permet d’établir la valeur économique réelle d’une participation dans la société cible.

68 Sur ce dernier aspect, la norme IFRS 10, reprise en droit de l’Union dans le règlement no 1254/2012, prend en considération l’ensemble du patrimoine de la société mère d’un groupe et des patrimoines de ses filiales, indépendamment du niveau de la participation de cette société dans ces dernières. Il en découle que les actifs nets d’une telle société mère sont déterminés en tenant compte des parts détenues par des actionnaires minoritaires dans ses filiales, qui sont définies, à l’annexe A de la partie de l’annexe du règlement no 1254/2012 relative à la norme IFRS 10, sous la dénomination « Participations ne donnant pas le contrôle », comme se rapportant aux « [c]apitaux propres d’une filiale qui ne sont pas attribuables, directement ou indirectement, à la société mère ».

69 Or, les normes internationales d’information financière visées dans le règlement no 1254/2012 ont une valeur informative, l’objectif de la norme IFRS 10 étant, selon le point 1 de la partie de l’annexe de ce règlement relative à cette norme, « d’établir des principes pour la présentation et la préparation des états financiers consolidés d’une entité qui en contrôle une ou plusieurs autres ». À cet égard, la présentation des participations ne donnant pas le contrôle permet d’assurer une information complète des tiers en ce qui concerne le périmètre du groupe de sociétés et l’étendue du contrôle exercé par la société mère sur ses filiales.

70 Ainsi, l’identification et le niveau des parts détenues par des actionnaires minoritaires dans le capital des sociétés filiales d’une société mère d’un groupe de sociétés sont susceptibles d’être des éléments d’information utiles en matière d’analyse financière.

71 Dans le cadre de la détermination de la valeur des parts de la société mère, il appartient à la juridiction de renvoi, afin de déterminer si cette méthode d’évaluation constitue un critère objectif d’évaluation généralement utilisé en analyse financière, de porter une attention particulière au fait qu’une telle méthode oblige à prendre en compte, ainsi qu’il ressort des points 68 et 69 du présent arrêt, des participations dans les sociétés filiales d’une société mère qui ne sont pas la propriété de celle-ci.

72 D’autre part, toute méthode de détermination du prix équitable, résultant du pouvoir de modification prévu à l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25, doit se déduire d’une façon suffisamment claire, précise et prévisible du cadre légal qui la prévoit, celui-ci devant être également clair, précis et transparent (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 41).

73 À cet égard, il importe de relever qu’il ressort des pièces du dossier dont dispose la Cour que, d’une part, l’article 74, paragraphe 1, point 3, de la FITL ne donne pas de définition de la notion d’« actifs nets », qu’il emploie en tant que paramètre de la méthode de fixation du prix équitable prévue par cette disposition, et, d’autre part, si l’article 21 de la loi sur les comptes annuels consolidés dispose que la part des capitaux propres des filiales consolidées correspondant aux actions et aux parts détenues par des actionnaires minoritaires est indiquée dans un poste distinct des capitaux propres, intitulé « Participations des actionnaires minoritaires », cet article ne contient pas de référence aux actifs nets de la société mère d’un groupe de sociétés.

74 Eu égard à ces éléments, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si l’article 74, paragraphe 1, point 3, de la FITL doit être interprété en ce sens que la notion d’« actifs nets » peut être comprise de façon suffisamment claire, précise et prévisible comme incluant, dans le cas d’une société mère d’un groupe de sociétés, établissant un rapport annuel consolidé, les participations détenues par des actionnaires minoritaires dans les filiales de cette société mère.

75 En outre, il y a lieu de rappeler que le principe d’interprétation conforme au droit de l’Union requiert de la juridiction de renvoi non seulement de prendre en considération l’ensemble des règles du droit interne, mais également de faire application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci afin de l’interpréter, dans toute la mesure possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat fixé par celle-ci et de se conformer ainsi à l’article 288, troisième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2010, Kücükdeveci, C‑555/07, EU:C:2010:21, point 48).

76 C’est au regard de ces principes qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si elle est en mesure de retenir l’interprétation de l’article 74, paragraphe 1, point 3, de la FITL, mentionnée au point 74 du présent arrêt, ou si, ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, elle doit retenir une interprétation restrictive de cette disposition sur le plan téléologique, excluant de prendre en compte les participations détenues par les actionnaires minoritaires en tant qu’actifs nets de la société cible d’une OPA afin de déterminer le prix de l’action de cette société.

77 Par conséquent, il convient de répondre aux première et deuxième questions posées que l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que, aux fins d’une OPA, la valeur de l’action est obtenue en divisant les actifs nets de la société cible, y compris la participation d’un actionnaire minoritaire, laquelle, par conséquent, ne donne pas le contrôle, par le nombre d’actions émises, à moins qu’il ne s’agisse d’une méthode de fixation du prix de l’action fondée sur un critère objectif d’évaluation généralement utilisé en analyse financière et pouvant être considéré comme étant « clairement déterminé », au sens de cette disposition, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur la sixième question

78 Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande si la directive 2004/25 confère, dans le cadre de la procédure d’OPA, des droits à l’offrant, susceptibles d’être mis en œuvre dans le cadre d’une action en responsabilité de l’État.

79 Il convient de rappeler que, s’agissant des conditions d’engagement de la responsabilité de l’État pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union qui lui sont imputables, la Cour a itérativement jugé que les particuliers lésés ont un droit à réparation dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir que la règle de droit de l’Union violée a pour objet de leur conférer des droits, que la violation de cette règle est suffisamment caractérisée et qu’il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le dommage subi par ces particuliers (arrêt du 28 juillet 2016, Tomášová, C‑168/15, EU:C:2016:602, point 22 et jurisprudence citée).

80 Il découle également d’une jurisprudence constante que la mise en œuvre de ces conditions permettant d’établir la responsabilité des États membres pour les dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union doit, en principe, être opérée par les juridictions nationales, conformément aux orientations fournies par la Cour pour procéder à cette mise en œuvre (arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev, C‑571/16, EU:C:2018:807, point 95 et jurisprudence citée).

81 Premièrement, s’agissant de la question de l’effet direct de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2004/25, il y a lieu de souligner qu’une telle condition n’est pas exigée par la jurisprudence aux fins de l’engagement de la responsabilité d’un État membre pour violation du droit de l’Union, la condition exigée par la jurisprudence tenant au fait qu’une telle disposition confère des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev, C‑571/16, EU:C:2018:807, points 97 et 104 ainsi que jurisprudence citée).

82 Deuxièmement, il est vrai que l’article 4, paragraphe 6, de la directive 2004/25 énonce, notamment, que celle-ci n’affecte pas le pouvoir des États membres, d’une part, d’arrêter des dispositions précisant si et dans quelles circonstances les parties à l’offre ont le droit d’entamer une procédure administrative ou judiciaire, notamment le pouvoir que peuvent avoir les juridictions d’un État membre de refuser de connaître d’un recours et de se prononcer sur la question de savoir si celui-ci affecte le résultat de l’offre, et, d’autre part, de déterminer les règles juridiques relatives à la responsabilité des autorités de contrôle ou au règlement des litiges entre les parties à une offre.

83 Toutefois, la troisième phrase de l’article 4, paragraphe 6, de la directive 2004/25, portant sur les règles juridiques relatives à la responsabilité des autorités de contrôle, ne saurait signifier que les États membres peuvent arrêter des dispositions qui interdisent aux parties à une OPA d’introduire une action en responsabilité de l’État en raison d’une violation caractérisée du droit de l’Union à l’occasion d’une telle offre, et ce pour deux raisons.

84 D’une part, cette troisième phrase se borne à indiquer que la directive 2004/25 n’affecte pas le pouvoir des États membres de déterminer les règles juridiques relatives à la responsabilité des autorités de contrôle, mais ne permet en aucun cas aux États membres, comme dans la première phrase de l’article 4, paragraphe 6, de cette directive, de ne pas ouvrir une procédure administrative ou judiciaire aux parties à l’OPA.

85 D’autre part, il y a lieu de rappeler que la pleine efficacité du droit de l’Union et la protection effective des droits que les particuliers en tirent peuvent, le cas échéant, être assurées par le principe de la responsabilité de l’État pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union qui lui sont imputables, ce principe étant inhérent au système des traités sur lesquels cette dernière est fondée et étant valable pour toute hypothèse de violation du droit de l’Union par un État membre, et ce quelle que soit l’autorité publique auteur de cette violation (arrêt du 19 décembre 2019, Deutsche Umwelthilfe, C‑752/18, EU:C:2019:1114, points 54 et 55 ainsi que jurisprudence citée).

86 Troisièmement, il est vrai que l’objectif principal de la directive 2004/25 est de protéger les actionnaires minoritaires d’une société cible d’une OPA.

87 À cet effet, d’une part, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2004/25 prévoit que la personne qui détient des titres d’une société, qui, additionnés à toutes les participations dans ces titres qu’elle détient déjà et à celles des personnes agissant de concert avec elle, lui confèrent directement ou indirectement un pourcentage déterminé de droits de vote dans cette société lui donnant le contrôle de celle-ci, est obligée de faire une offre en vue de protéger les actionnaires minoritaires de ladite société. D’autre part, l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de cette directive indique que la personne qui est ainsi obligée de faire une offre d’acquisition des titres des actionnaires minoritaires doit proposer un prix équitable, correspondant au prix le plus élevé payé pour les mêmes titres par elle, ou par des personnes agissant de concert avec elle, pendant une période précédant l’offre, déterminée par les États membres, de six mois au minimum à douze mois au maximum.

88 Néanmoins, la règle de fixation d’un prix équitable, figurant à l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2004/25, vise tout autant à protéger l’offrant dans la mesure où elle permet de déterminer le prix maximal que celui-ci devra verser aux actionnaires minoritaires dans le cadre d’une OPA, qui correspond, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé au point 38 de ses conclusions, à ce que cet offrant a été disposé à payer pendant la période qui a précédé cette offre.

89 En outre, le pouvoir de modification du prix équitable, prévu à l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de cette directive, peut également être de nature à protéger les intérêts de l’offrant, puisque cette disposition envisage l’hypothèse que ce prix équitable puisse être modifié vers le bas dans certaines circonstances déterminées par les États membres.

90 Ainsi, en ayant une incidence directe sur la situation juridique de la personne obligée de faire une OPA des titres des actionnaires minoritaires de la société cible, l’article 5, paragraphe 4, premier et deuxième alinéas, de la directive 2004/25 constitue une règle du droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, en l’occurrence à l’offrant.

91 Par conséquent, il convient de répondre à la sixième question posée que la directive 2004/25 doit être interprétée en ce sens qu’elle confère, dans le cadre de la procédure d’OPA, des droits à l’offrant, susceptibles d’être mis en œuvre dans le cadre d’une action en responsabilité de l’État.

 Sur la cinquième question

92 Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que, dans un cas où la responsabilité d’un État membre est engagée pour des dommages causés du fait d’une violation d’une règle de droit de l’Union par une décision d’une autorité administrative de cet État, la réparation du préjudice matériel en résultant peut être limitée à 50 % du montant de ce préjudice.

93 L’article 13 de la loi sur la réparation des dommages prévoit que, lorsque le montant de la somme calculée conformément à l’article 12 de cette loi ne dépasse pas 142 288 euros, la réparation adéquate d’un préjudice matériel causé par une autorité publique s’élève à 100 % de celui-ci, que, lorsque ce montant est compris entre 142 289 et 1 422 872 euros, cette réparation peut être fixée à hauteur de 50 à 100 % de celui-ci et que, lorsque ledit montant est supérieur à 1 422 872 euros, ladite réparation peut être inférieure à 50 % de celui-ci.

94 En application de cette disposition, l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) a limité la réparation du préjudice subi par la requérante au principal, qui se chiffrait à un montant supérieur à 1 422 872 euros, à 50 % de celui-ci.

95 Si, ainsi qu’il résulte du point 82 du présent arrêt, l’article 4, paragraphe 6, de la directive 2004/25 mentionne que celle-ci n’affecte pas le pouvoir des États membres de déterminer les règles juridiques relatives à la responsabilité des autorités de contrôle ou au règlement des litiges entre les parties à une offre, il y a lieu de souligner que les conditions fixées par la législation nationale en matière de réparation des dommages ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne (principe d’équivalence) ni être aménagées de manière à rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile l’obtention de la réparation (principe d’effectivité) (arrêt du 29 juillet 2019, Hochtief Solutions Magyarországi Fióktelepe, C‑620/17, EU:C:2019:630, point 45 et jurisprudence citée).

96 S’agissant du principe d’équivalence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la possibilité de limiter le montant de la réparation du préjudice matériel vaut tant en cas de violation du droit letton qu’en cas de violation du droit de l’Union.

97 S’agissant du principe d’effectivité, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la réparation des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union doit être adéquate à la réparation du préjudice subi par ces derniers, de façon à assurer une protection effective de leurs droits (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Hochtief Solutions Magyarországi Fióktelepe, C‑620/17, EU:C:2019:630, point 46 et jurisprudence citée).

98 Or, ainsi que Mme l’avocate générale l’a souligné, en substance, au point 104 de ses conclusions, une règle de droit national en vertu de laquelle, dans un cas où la responsabilité d’un État membre est engagée pour des dommages causés du fait d’une violation d’une règle de droit de l’Union par une décision d’une autorité administrative de cet État, la réparation du préjudice matériel en résultant, lequel peut être précisément chiffré, peut être limitée à 50 % du montant de ce préjudice n’est pas de nature à répondre à l’exigence d’une réparation adéquate de ce préjudice.

99 Il en découle qu’une telle règle de droit national ne respecte pas le principe d’effectivité.

100 Par conséquent, il convient de répondre à la cinquième question posée que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que, dans un cas où la responsabilité d’un État membre est engagée pour des dommages causés du fait d’une violation d’une règle de droit de l’Union par une décision d’une autorité administrative de cet État, la réparation du préjudice matériel en résultant peut être limitée à 50 % du montant de ce préjudice.

 Sur les dépens

101 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

1) L’article 5, paragraphe 4, de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d’acquisition, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit trois méthodes pour déterminer le prix équitable auquel l’offrant doit racheter les actions d’une société, dont la méthode résultant de la mise en œuvre de l’article 5, paragraphe 4, premier alinéa, de cette directive, et qui impose de toujours retenir celle qui aboutit au prix le plus élevé, à condition que les méthodes de détermination du prix équitable autres que celle résultant de la mise en œuvre de cet article 5, paragraphe 4, premier alinéa, soient appliquées par l’autorité de contrôle, dans le respect des principes généraux énoncés à l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive, ainsi que dans des circonstances et selon des critères déterminés par un cadre légal clair, précis et transparent.

2) L’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2004/25 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que, aux fins d’une offre publique d’acquisition, la valeur de l’action est obtenue en divisant les actifs nets de la société cible, y compris la participation d’un actionnaire minoritaire, laquelle, par conséquent, ne donne pas le contrôle, par le nombre d’actions émises, à moins qu’il ne s’agisse d’une méthode de fixation du prix de l’action fondée sur un critère objectif d’évaluation généralement utilisé en analyse financière et pouvant être considéré comme étant « clairement déterminé », au sens de cette disposition, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

3) La directive 2004/25 doit être interprétée en ce sens qu’elle confère, dans le cadre de la procédure d’offre publique d’acquisition, des droits à l’offrant, susceptibles d’être mis en œuvre dans le cadre d’une action en responsabilité de l’État.

4) Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que, dans un cas où la responsabilité d’un État membre est engagée pour des dommages causés du fait d’une violation d’une règle de droit de l’Union par une décision d’une autorité administrative de cet État, la réparation du préjudice matériel en résultant peut être limitée à 50 % du montant de ce préjudice.