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Décisions

CA Bastia, ch. civ. sect. 1, 9 décembre 2020, n° 18/00795

BASTIA

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Hyundai Motor France (SA)

Défendeur :

Stiletto Automobiles Services (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rachou

Conseiller :

Mme Luciani

TGI Ajaccio, du 13 sept. 2018

13 septembre 2018

EXPOSE DU LITIGE

Le 9 décembre 2013, Monsieur Joseph C. a acquis auprès de la Société Stiletto Automobiles Services un véhicule d'occasion de marque Hyundai, mis en circulation le 29 avril 2010 et indiquant 44000 kilomètres au compteur.

Suivant actes d'huissier du 19 et 20 octobre 2016, Monsieur Joseph C. a assigné devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio la Société Stiletto Automobiles Services et la Société Hyundai Motor France, aux fins de les voir condamner à réparer son véhicule et l'indemniser du préjudice subi.

Il s'est postérieurement désisté de ses demandes contre la Société Hyundai Motor France.

Par jugement du 13 septembre 2018, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :

« - condamné la S.A.S. Stiletto Automobile Services à restituer à Monsieur Joseph C. la somme de 13000 euros,

- rejeté les autres demandes indemnitaires formées par Monsieur Joseph C.,

- condamné Monsieur Joseph C. à restituer le véhicule Hyundai, de modèle Tucson, 2.0 CRDI 149 CV Pack Executive 4 WD immatriculé AR-306-HL, mis en circulation le 29 avril 2010,

- condamné la S.A. Hyundai Motor France à relever la S.A.S. Stiletto Automobile Services de tous paiements, sous réserve de la restitution par cette dernière du véhicule Hyundai, de modèle Tucson, 2.0 CRDI 149 CV Pack Executive 4 WD immatriculé AR-306-HL, mis en circulation le 29 avril 2010,

- condamné la S.A.S. Stiletto Automobile Services à payer à Monsieur Joseph C. la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A. Hyundai Motor France à payer à la S.A.S. Stiletto Automobile Services la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la S.A. Hyundai Motor France et la S.A.S. Stiletto Automobile Services aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision. »

Par déclaration du 24 octobre 2018 enregistrée au greffe, la Société Hyundai Motor France, intimant uniquement la Société Stiletto Automobiles Services, a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il l'a condamnée à relever la S.A.S. Stiletto Automobile Services de tous paiements, sous réserve de la restitution par cette dernière du véhicule Hyundai, de modèle Tucson, 2.0 CRDI 149 CV Pack Executive 4 WD immatriculé AR-306-HL, mis en circulation le 29 avril 2010, à payer à la S.A.S. Stiletto Automobiles Services la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a condamnée in solidum aux dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 3 septembre 2019 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la Société Hyundai Motor France a sollicité de :

- la recevoir en son appel et l'y dire bien fondée,

- examiner ses demandes

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à relever la S.A.S. Stiletto Automobile Services de tous paiements, sous réserve de la restitution par cette dernière du véhicule Hyundai, de modèle Tucson, 2.0 CRDI 149 CV Pack Executive 4 WD immatriculé AR-306-HL, mis en circulation le 29 avril 2010, à payer à la S.A.S. Stiletto Automobiles Services la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a condamnée in solidum aux dépens,

- et statuant à nouveau :

. avant tout débat, dire et juger qu'en l'absence de défense au fond de la Société Hyundai Motor France, l'instance s'était éteinte -à l'encontre de la Société Hyundai Motor France- le 10 mars 2017, dire et juger que le 2 mai 2018 la Société Stiletto Automobiles Services ne pouvait plus accomplir d'actes de procédure à l'encontre de la Société Hyundai Motor France et notamment formuler des demandes incidentes par voie de conclusions, débouter la Société Stiletto Automobiles Services de sa demande de garantie, déclarer irrecevables les demandes de la Société Stiletto Automobiles Services tendant à obtenir sa condamnation sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux,

. sur l'absence de preuve d'un défaut du véhicule, débouter la Société Stiletto Automobiles Services de sa demande en garantie,

. sur la responsabilité du fait des produits défectueux, débouter la Société Stiletto Automobiles Services de sa demande en garantie fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux,

. en tout état de cause sur la garantie des vices cachés, dire et juger que l'action récursoire de la Société Stiletto Automobiles Services était prescrite, débouter la Société Stiletto Automobiles Services de sa demande de garantie éventuellement fondée sur la garantie des vices cachés,

. condamner la Société Stiletto Automobiles à lui régler une somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.'

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 23 avril 2019 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la Société Stiletto Automobiles Services a demandé de :

- in limine litis, dire et juger que les demandes formées pour la première fois en cause d'appel par la Société Hyundai Motor France se heurtaient au principe d'irrecevabilité des prétentions nouvelles édictée par l'article 564 du code de procédure civile, dire et juger qu'aucun désistement d'instance à l'encontre de la Société Hyundai Motor France n'a été prononcé par le premier juge, dire et juger l'ensemble des demandes de la Société Hyundai Motor France irrecevables, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- au fond, dire et juger l'action récursoire au titre de la garantie des vices cachés à l'encontre de la Société Hyundai Motor France non prescrite, dire et juger qu'elle devra la relever et garantir indemne des condamnations mises à sa charge au titre de la garantie des vices cachés,

- dire et juger qu'elle devra la relever et garantie indemne des condamnations mises à sa charge au titre de la responsabilité des produits défectueux, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner la Société Hyundai Motor France au paiement de la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 4 mars 2020, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 28 septembre 2020.

MOTIFS

La Société Stiletto Automobiles Services soulève, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, l'irrecevabilité des demandes formées en cause d'appel par la Société Hyundai Motor France.

Toutefois, force est de constater que la Société Hyundai Motor France, qui n'a pas conclu en première instance, pouvait soumettre à la cour des prétentions et moyens de défense en cause d'appel tendant à faire écarter les prétentions adverses, ainsi que fin de non-recevoir (pouvant être soulevé en tout état de cause), sans encourir la sanction de l'article susvisé.

Dès lors, l'irrecevabilité soulevée par la Société Stiletto Automobiles Services sera rejetée et les demandes de la Société Hyundai Motor France dites recevables en la forme.

S'agissant des effets du désistement partiel de Monsieur C. en première instance à l'égard de la Société Hyundai Motor France, il est exact qu'au moment où celui-ci s'est désisté de ses demandes contre ladite société, aucune défense au fond ou fin de non-recevoir n'avait été présentée en défense ; dès lors, ce désistement était parfait et l'absence de décision le constatant n'a pas d'incidence. Pour autant, ce n'est pas parce que le demandeur en première instance, Monsieur C., s'est désisté de ses demandes contre l'un des défendeurs qu'il a assignés, en l'occurrence la Société Hyundai Motor France, que cette société n'était plus en la cause, ni que les recours entre les défendeurs étaient interdits. L'argumentation développée par la Société Hyundai Motor France revient à faire produire au désistement partiel de Monsieur C. contre elle-même plus d'effet qu'il ne peut en avoir, en privant l'autre défendeur, la Société Stiletto Automobiles Services du droit de solliciter devant le tribunal la garantie de la Société Hyundai Motor France et d'effectuer, de manière régulière, des actes de procédures à son égard, en l'espèce la communication au contradictoire de ses conclusions formulant notamment des demandes à son égard.

Consécutivement, la Société Hyundai Motor France sera déboutée de ses demandes formulées au titre des effets du désistement partiel.

L'appelante fait également valoir l'irrecevabilité des demandes de la Société Stiletto Automobiles Services sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, formées en cause d'appel, alors que cette société n'a pas fondé devant le premier juge sa demande en garantie par la Société Hyundai Motor France des condamnations prononcées à son encontre, sur les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux. Néanmoins, ces demandes de la Société Stiletto Automobiles Services tendent aux mêmes fins que celles soumises à titre très subsidiaire au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, et ne sont pas irrecevables comme nouvelles.

Par suite, l'irrecevabilité soulevée par Société Hyundai Motor France sera rejetée et la Société Stiletto Automobiles Services dite recevable en la forme en ses demandes sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.

Concernant le relevé et garantie par la Société Hyundai Motor France des condamnations prononcées à l'encontre de la Société Stiletto Automobiles Services, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, fondement qu'a retenu le premier juge (uniquement pour la condamnation de la Société Hyundai Motor France), alors qu'il n'était pas réellement dans les débats, l'appelante critique le jugement en développant plusieurs moyens, tenant à l'absence de preuve du défaut du véhicule (moyen développé à titre liminaire), au fait qu'elle n'était pas producteur du véhicule et qu'au surplus, les dommages résultant d'une atteinte alléguée au produit défectueux lui-même n'étaient pas indemnisables.

S'agissant de l'absence de preuve du défaut du véhicule, il y a lieu de constater que le premier juge s'est fondé dans sa motivation exclusivement sur une seule pièce, le rapport d'expertise amiable (et non judiciaire) du 29 avril 2016 de Monsieur V.. Or, comme souligné par l'appelante, le juge ne peut se fonder exclusivement une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, en l'occurrence Monsieur C., même en présence des autres parties (la présence de la Société Hyundai Motor France n'étant pas contestable au vu des termes du rapport de Monsieur V.). En effet, ce moyen de preuve, régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties, doit être impérativement corroboré par d'autres éléments de preuve, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, aucun autre moyen de preuve n'étant rapporté.

Dès lors, si le rapport d'expertise non judiciaire n'est pas inopposable à la Société Hyundai Motor France, l'appelante met en évidence de manière exacte l'absence de preuve du défaut du véhicule par la partie qui s'en prévaut, absence dont se déduit nécessairement une absence de preuve du défaut du produit tel qu'entendu en cette matière.

Parallèlement, aucune reconnaissance claire et non équivoque de responsabilité par la Société Hyundai Motor France n'est démontrée.

Dans ces conditions, en l'absence de preuve du défaut du produit, le relevé et garantie par la Société Hyundai Motor France des condamnations prononcées contre la Société Stiletto Automobiles Services ne peut être fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens développés par l'appelante à cet égard, ni ceux opposés par la Société Stiletto Automobiles Services sur ce point.

La Société Stiletto Automobiles Services sera déboutée de ses demandes en sens contraire.

Pour ce qui est du relevé et garantie par la Société Hyundai Motor France des condamnations prononcées la Société Stiletto Automobiles Services, sur le fondement de la garantie des vices cachés, fondement à nouveau visé par la Société Stiletto Automobiles Services dans ses écritures d'appel, comme cela avait été le cas devant le premier juge, la Société Hyundai Motor France soulève une fin de non-recevoir pour prescription au visa de l'article L. 110-4 du code de commerce, à laquelle s'oppose la Société Stiletto Automobiles Services en faisant valoir que le point de départ de la prescription de l'action récursoire en garantie des vices cachés exercée par le vendeur intermédiaire contre le fabricant est reporté au jour où le vendeur intermédiaire est assigné par l'acquéreur final.

En l'espèce, le point de départ du délai de la prescription extinctive prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce court à compter de la vente initiale du véhicule entre Société Hyundai Motor France et la Société Stiletto Automobiles Services, le 12 avril 2010, et non à compter de l'assignation au fond délivrée par Monsieur C. au vendeur intermédiaire (la Société Stiletto Automobiles Services), de sorte que la prescription de l'action récursoire du vendeur intermédiaire contre le fabricant était acquise au 13 avril 2015, soit antérieurement à l'action diligentée à l'encontre de la Société Hyundai Motor France.

Par suite, est irrecevable pour cause de prescription l'action récursoire de la Société Stiletto Automobiles Services en relevé et garantie par la Société Hyundai Motor France des condamnations prononcées à son encontre, sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Au regard de ce qui précède, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la Société Hyundai Motor France à relever S.A. Hyundai Motor France à relever la S.A.S. Stiletto Automobile Services de tous paiements, sous réserve de la restitution par cette dernière du véhicule Hyundai, de modèle Tucson, 2.0 CRDI 149 CV Pack Executive 4 WD immatriculé AR-306-HL, mis en circulation le 29 avril 2010.

La Société Stiletto Automobiles Services, partie perdante au procès, sera condamné aux dépens de première instance (le jugement étant infirmé en ce qu'il a condamné in solidum la Société Hyundai Motor France aux dépens de première instance) et aux dépens de l'instance d'appel.

La Société Stiletto Automobiles Services étant seule condamnée aux dépens ou perdant le procès au sens de l'article 700 du code de procédure civile, sera rejetée sa demande de condamnation de la Société Hyundai Motor France au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant infirmé à cet égard) et d'appel.

L'équité ne commande pas par contre de prévoir la condamnation de la Société Stiletto Automobiles Services sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 9 décembre 2020,

INFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Ajaccio le 13 septembre 2018, tel que déféré,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

REJETTE l'irrecevabilité soulevée par la Société Stiletto Automobiles Services et DECLARE les demandes de la Société Hyundai Motor France recevables en la forme,

DEBOUTE la Société Hyundai Motor France de ses demandes formulées au titre des effets du désistement partiel,

REJETTE l'irrecevabilité soulevée par Société Hyundai Motor France et DECLARE la Société Stiletto Automobiles Services recevables en la forme en ses demandes sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux,

DEBOUTE la Société Stiletto Automobiles Services de ses prétentions au titre de la garantie par la Société Hyundai Motor France des condamnations prononcées à l'encontre de la Société Stiletto Automobiles, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux,

DIT irrecevable comme prescrite l'action récursoire de la Société Stiletto Automobiles Services en relevé et garantie par la Société Hyundai Motor France des condamnations prononcées à son encontre, sur le fondement de la garantie des vices cachés,

DEBOUTE la Société Stiletto Automobiles Services de sa demande de condamnation de la Société Hyundai Motor France sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

DEBOUTE la Société Hyundai Motor France de sa demande de condamnation de la Société Stiletto Automobiles Services au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE la Société Stiletto Automobiles Services, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de première instance et de l'instance d'appel.