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Décisions

CA Montpellier, 4e ch. civ., 9 décembre 2020, n° 17/04785

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

H & L (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soubeyran

Conseillers :

Mme Youl-Pailhes, M. Denjean

Jur. Prox. Montpellier, du 2 mai 2017

2 mai 2017

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Animés du souhait de réaliser l'aménagement de leur cuisine, Ildar et Aliya I. se sont rendus le 16 août 2014 au magasin de la SAS H&L à l'enseigne Arthur B. et ont signé un document intitulé « bon de commande » - dont la nature fait débat - portant sur la fourniture et la pose d'éléments de cuisine et d'appareils électroménagers pour le prix de 20 500 € et remis à cette occasion un chèque de 2 000 € à titre d'acompte.

Souhaitant ensuite revenir sur cet engagement et après avoir confié à leur conseil la mission de demander le 3 novembre 2015 le remboursement de l'acompte en l'état de la nullité de la vente conclue le 16 août 2014, ils ont fait assigner la SAS H&L le 6 décembre 2016 devant la juridiction de proximité de Montpellier, laquelle selon jugement rendu le 2 mai 2017 les a déboutés de leur demande en nullité de vente, en a ordonné l'exécution forcée et les a condamnés à payer à la SAS H &L B., la somme de 250€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 31/08/2017, Ildar et Aliya I. ont relevé appel de cette décision.

Au terme de leurs dernières conclusions du 30 décembre 2019, ils contestent avoir donné un consentement valable sur la chose vendue et sur son prix alors que la société H&L se devait d'établir un devis accepté préalablement à la signature du bon de commande ainsi que le lui imposent ses conditions générales de vente.

En outre ce bon de commande ne donne aucune précision quant à l'électroménager qui sera installé autrement que sous la dénomination « pack électroménager » pour un montant de 5 200€ et a été suivi de l'établissement de devis postérieurs le 21 août 2014 puis les 17 avril et 5 septembre 2015 qu'ils n'ont d'ailleurs jamais acceptés.

Demandant à titre principal de dire que le bon de commande ne vaut pas vente, ils sollicitent à titre subsidiaire la résolution du contrat aux torts exclusifs de leur adversaire pour manquement à l'obligation d'information que font peser sur lui les dispositions de l'article L111-1 du code de la consommation dès lors que le bon de commande litigieux ne comporte aucun relevé précis des cotes de la cuisine ni plan technique, et ne mentionne pas les caractéristiques des appareils électroménagers.

Ils demandent dans chacun des deux cas de débouter la société H&L de sa demande de dommages et intérêts et de la condamner à leur rembourser l'acompte de 2 000 € assorti des intérêts au taux légal depuis l'assignation ainsi qu'à leur payer la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au terme de leurs dernières conclusions en date du 15 novembre 2019, la SAS H&L soutient que le contrat conclu avec Ildar et Aliya I. est ferme et définitif, les parties s'étant accordées sur la chose et sur le prix lors de la signature du bon de commande du 27 mars 2014 qui mentionne l'ensemble des produits achetés, indique le prix et contient la formule « lu et approuvé bon pour commande » traduisant ainsi l'acception par l'acquéreur des conditions de la vente.

Elle soutient que l'établissement d'un devis préalable n'est qu'une éventualité et non pas une obligation et explique la rédaction de devis postérieurs à la commande par le fait qu'Aliya I. a demandé à plusieurs reprise la modification du projet initial, sans que cette inconstance ne puisse constituer un motif légitime d’annulation de la commande.

Elle ajoute qu'ils ont approuvé le plan d'implantation, réalisé selon les côtes quils ont eux-mêmes fournies au vendeur, annexé en page 21 du bon de commande qui comporte la mention manuscrite « bon pour implantation selon cotes fournies par le client » suivie de leur signature et dont les conditions générales de vente enseignent que ce relevé peut être effectué avant ou après la signature du bon de commande.

Poursuivant en conséquence la confirmation de la décision déférée, elle demande de condamner Ildar et Aliya I. à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 07/01/2020, l'affaire ayant fait l'objet de renvois pour cause de grève des avocats et crise sanitaire.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir

Selon l'article 536 du code de procédure civile,

La qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer un recours.

L'intimée oppose aux appelants l'irrecevabilité de leur appel aux motifs que le jugement déféré est prononcé en dernier ressort.

Toutefois, le juge de premier degré étant saisi d'une demande tendant à l'annulation ou à la résolution d'un contrat, donc d'une demande indéterminée, la qualification dernier ressort est inexacte, de telle sorte que l'appel est recevable.

Sur le contrat

Il est acquis que la violation par le vendeur de son obligation d'information et de conseil peut entraîner la résolution de la vente dans les conditions de droit commun.

Selon l'article L111-1 du code de la consommation, dans sa version alors applicable,

Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L.113-3 et L. 113-3-1 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s'il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

Le présent article s'applique également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, le texte précité distingue clairement deux étapes dans la conclusion du contrat puisque c'est avant la conclusion du contrat que le professionnel doit communiquer au consommateur les divers éléments essentiels. C'est au demeurant ce que reprennent les conditions générales de vente qui énoncent que « distinct obligatoirement du devis, la commande est un document sur lequel sont portées entre autres... la commande peut faire simplement référence au n° de devis ne suscitant aucune modification... »

Il est acquis en l'espèce que les consommateurs n'ont pas été mis préalablement à la commande du 16/08/2014, qui vaut vente pour l'intimée, en possession d'un devis (le premier n'est intervenu que le 21/08/2014) détaillant les éléments énoncés à l'article précité, de telle sorte que le manquement à l'obligation d'information précontractuelle est établi. Il l'est d'autant plus que la commande porte sur un pack électroménager, sans référence et identification précise du matériel qui empêchait les consommateurs de connaître avec la précision requise les caractéristiques essentielles des biens qui leur était proposé à la vente, seules figurant en page 20 les coordonnées d'une liste de fabricants d'appareils électroménagers pour l'exercice de la garantie.

La réalisation de multiples devis postérieurement à la commande, jamais signés par les consommateurs, variables dans leurs contenus par rapport aux indications de la commande, révèle d'ailleurs la connaissance qu'avait le professionnel de l'imperfection de la commande et sa volonté de forcer une régularisation de la vente.

Il convient en conséquence, par suite du manquement du professionnel à son obligation d'information précontractuelle, de prononcer la résolution du bon de commande du 16/08/2014 et de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient précédemment, l'acompte de 2 000€ étant restitué par le professionnel aux consommateurs avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation du 21/11/2016.

Le jugement sera en conséquence réformé.

Le rejet de l'argumentation principale de la société H&L conduit au rejet de sa demande en dommages et intérêts.

Succombant au principal, elle supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe

Déclare l'appel recevable

Réforme le jugement dans toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

Prononce la résolution du bon de commande du 16/08/2014 passé entre les consorts I. et la société H&L aux torts de cette dernière

Remet les parties en leur état préalable

Condamne la société H&L à restituer aux consorts I. la somme de 2 000€ avec intérêts au taux légal à compter du 21/11/2016.

Condamne la société H&L à payer aux consorts I. la somme de 3 000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société H&L aux dépens de première instance et d'appel.