Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 9 décembre 2020, n° 18/20116

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Thermie (Sasu)

Défendeur :

Comtat & Allardet (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Conseiller :

M. Gilles

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Vernhet, Me Regnier, Me Bringer

T. com. Marseille, du 18 juin 2018

18 juin 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

La SASU Thermie est spécialisée dans les travaux d'installation d'eau et de gaz en tous locaux.

La SAS Comtat et Allardet est spécialisée dans le commerce de gros, notamment d'appareils sanitaires. Depuis 2013, la société Comtat & Allardet fournissait à la société Thermie du matériel de chauffage.

Le 16 mars 2017, la société Comtat & Allardet a rompu leurs relations commerciales.

Par acte extrajudiciaire du 17 juillet 2017, la société Thermie a assigné la société Comtat & Allardet devant le tribunal de commerce de Marseille, en réparation des préjudices subis en raison de la rupture brutale de leurs relations commerciales.

C'est dans ces conditions que, par jugement du 18 juin 2018, le tribunal de commerce de Marseille a :

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce,

- débouté la société Thermie S.A.S.U de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société Thermie S.A.S.U à payer à la société Comtat & Allardet S.A.S, la somme de 62 007,43 euros au titre de factures impayées et celle de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Thermie S.A.S.U aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration reçue au greffe le 14 août 2018, la société Thermie a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 novembre 2018, la société Thermie demande à la cour de :

- vu les dispositions de l'article L. 442-6, 5° du code de commerce ;

- dire et juger qu'elle est recevable en son appel ;

- dire brutale et abusive la rupture par la société Comtat & Allardet des relations contractuelles établies entre les parties ;

En conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- condamner la société Comtat & Allardet à lui payer la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Comtat & Allardet, à lui payer la somme de 5 514,32 euros à titre de trop perçus ;

En tout état de cause,

- condamner la société Comtat & Allardet à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 janvier 2020, la société Comtat & Allardet demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et suivants du code civil,

Vu l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce,

A titre principal,

- confirmer le jugement dont appel ;

A titre subsidaire :

- constater que quand bien même le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie serait retenu, la société Thermie ne démontre l'existence d'aucun préjudice indemnisable ;

- en conséquence :

- débouter la société Thermie de ses demandes ;

En tout état de cause,

- condamner la société Thermie à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile, dépens en sus.

SUR CE,

LA COUR

- Sur la brutalité de la rupture

La société Thermie soutient que la société Comtat & Allardet a rompu brutalement leurs relations commerciales, sans lui accorder de préavis et sans que cela ne soit justifié par un manquement grave aux obligations contractuelles. Selon elle, la brutalité est avérée dès lors que la rupture ne résulte pas d'un acte manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale. A cet égard, elle demande l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Marseille.

La société Comtat & Allardet affirme qu'elle pouvait rompre, sans préavis, les relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Thermie, dès lors que celle-ci avait refusé de renouveler le cautionnement habituel, de sorte que celle-ci ne pouvait plus légitimement compter que la relation commerciale serait maintenue, d'autant plus que des factures échues demeuraient impayées.

Sur ce point, il est établi que :

- par acte sous seing privé du 20 février 2013, Mme X s'est, en sa qualité de gérante, personnellement portée caution solidaire de la société Thermie envers la SAS Comtat & Allardet, dans la limite de 50 000 euros en principal et pour la durée d'une année ;

- par acte similaire du 15 février 2014, Mme X a fait de même, par un engagement allant jusqu'au 19 février 2015 inclus, portant la garantie à la limite en principal de 60 000 euros ;

- par acte du 17 février 2015 stipulé valable jusqu'au 18 février 2016, Mme X a fait de même ;

- par acte du 18 mars 2016, stipulé valable jusqu'au 18 février 2017, Mme X a encore fait de même ;

- ces actes de cautionnement sont ainsi rédigés que depuis le 20 février 2013 et jusqu'au 18 février 2017 inclus, la SAS Comtat & Allardet a bénéficié de manière continue du cautionnement personnel de Mme X.

Alors que la SASU Thermie justifie dans ses conclusions de ses achats auprès de la SAS Comtat & Allardet depuis 2014, il est constant que dès le début de l'année 2013 elle avait accepté de subordonner les relations commerciales avec son founisseur au cautionnement personnel solidaire de Mme X.

Il est constant que la SAS Comtat & Allardet a préparé un nouvel acte de cautionnement allant jusqu'au 18 février 2018 mais que cet acte n'a pas été signé par Mme X.

Si la SASU Thermie explique qu'elle n'a reçu ce projet d'acte qu'au mois de mars 2017, un courriel du directeur de cette société à l'adresse de la société Comtat & Allardet reproduit dans ses conclusions comme étant du 16 mars 2017 énonce « J'ai bien reçu la caution personnelle sur laquelle on s'était mis d'accord, Y est venu hier, dans mes locaux, pour récupérer la caution sauf qu'il m'a annoncé que la société Comtat-Allardet ne souhaitait pas poursuivre sa relation commerciale, avec ma société Thermie, suite au décès de mon père, et malgré ma caution personnelle. »

La société Comtat & Allardet produit une attestation circonstanciée de M. Y, cité dans le courriel ci-dessus, expliquant qu'il a demandé et remis début janvier 2017 l'engagement de caution solidaire à faire remplir par Mme X « comme chaque année » et précisant qu'après plusieurs relances, M. Z lui avait expliqué qu'il ne voulait plus que sa mère se porte caution.

Alors que le bordereau de communication de pièces de la société Thermie annonce en pièce n° 3 un mail de M. Z du 16 mars 2017, et en pièce n° 4 un SMS du fournisseur du 16 mars 2017, les pièces remises à la Cour consistent, pour la pièce n° 3 en un courriel d'une page de M. Z du 16 mars 2017 reproduisant un MMS sans rapport établi avec le cautionnement, et en pièce n° 4 une assignation devant le tribunal de commerce qui ne figure pas dans le bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions. En outre, si ce bordereau annonce en pièce n° 7 un courriel du 13 mars 2017 avec réponse de la SASU Thermie le dossier remis à la cour comporte en pièce n° 7 une lettre au greffier du tribunal de commerce qui fait doublon avec la pièce n° 16.1.

Cependant, ces erreurs dans la production des pièces de la SASU Thermie, bien que regrettables, n'exigent nullement de rouvrir les débats, dès lors que l'attestation de Mme X établie en sa qualité de présidente de la SASU Thermie et produite par cette même société énonce :

« Je soussigné X atteste de n'avoir jamais refusé de signer l'acte de cautionnement 2017 envoyé par Comtat comme cela avait été le cas les années antérieures également ».

Dès lors que rien ne permet de dire que cette attestation est dénuée de force probante, elle doit être examinée à la lumière des autres éléments de preuve déjà analysés, ce qui conduit la cour à retenir que la SASU Thermie, en la personne de M. Z, avait effectivement fait savoir à la société Comtat & Allardet qu'elle ne voulait plus que Mme X se portât à nouveau caution de ses engagements. Il est établi également que la société SASU Thermie n'a pas averti à temps la société Comtat & Allardet de ce changement d'attitude et rien ne démontre que celle-ci avait jamais accepté de substituer le cautionnement du fils de Mme X à celle-ci.

Rien ne prouve au demeurant que M. Z offrait des garanties de solvabilité aussi bonnes que celles de sa mère.

Par ailleurs, l'intuitus personnae caractérisant le cautionnement a également pour conséquence, au regard des circonstances de l'affaire déjà rappelées, de conduire la Cour à retenir que la société Comtat & Allardet était bien fondée à ne pas accepter le changement de caution exigé par le débiteur.

C'est pourquoi il convient de retenir que la SASU Thermie, en exigeant le changement de caution que le bénéficiaire de la garantie n'était pas obligé d'accepter, s'est placée en situation de ne plus être dans la croyance légitime que la relation commerciale serait poursuivie par la société Comtat & Allardet malgré l'expiration du cautionnement de Mme X.

Il s'en déduit par conséquent en l'espèce que la rupture sans préavis n'a pas été brutale pour autant.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SASU Thermie de sa demande indemnitaire pour rupture brutale de la relation commerciale.

- Sur le trop-perçu invoqué par la SASU Thermie

La société Thermie réclame à la société Comtat & Allardet le remboursement d'un trop perçu de 5 514,32 euros sur le fondement d'un relevé de lettre de change présentée au paiement par le fournisseur et au vu d'un extrait de relevé de compte démontrant le prélèvement, présentés par l'appelante comme figurant en pièce n° 15 de sa production.

A l'appui de sa demande, la société Thermie expose que « la reprise de tout le dossier a permis de constater que le 25 décembre 2016, a été débitée sur le compte de la SARL Thermie une lettre de change d'un montant de de 5 512,32 euros ne correspondant à aucune facture due ».

Cependant, la cour considère que c'est avec des motifs pertinents et adoptés, en l'absence de tout élément probant nouveau, que le tribunal a jugé qu'en l'absence de toute information sur les chantiers en cours à la date des faits et en l'absence de preuve de la mauvaise foi de la société Comtat & Allardet, la simple affirmation du client qui lui a remis en paiement à la lettre de change était insuffisante à fonder la demande en restitution.

Le jugement entrepris sera donc confirmé également sur ce point.

- Sur les autres demandes

La présente procédure d'appel ne remet pas en question ce qui a été jugé par le tribunal au titre de la demande reconventionnelle en paiement de la société Comtat & Alardat.

Dans les limites de l'appel, le jugement entrepris sera donc entièrement confirmé.

La société Thermie, qui succombe en ses demandes, sera condamnée à payer à la société Comtat & Allardet une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant précisé au dispositif du présent arrêt.

La société Thermie sera également condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

CONFIRME le jugement entrepris,

DÉBOUTE la société Thermie de toutes ses demandes,

LA CONDAMNE à payer à la SAS Comtat et Allardet une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

CONDAMNE la société Thermie aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande.