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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 10 décembre 2020, n° 18/02155

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cef Boissons (SARL)

Défendeur :

Bastgen & Bonvin (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

T. com. Paris, du 11 déc. 2017

11 décembre 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Bastgen & Bonvin exploitant sous l'enseigne « Le Strapontin », a pour activité l'exploitation d'un débit de boissons, s'est rapprochée de la société Cef Boissons, qui exerce une activité de distribution en gros de boissons auprès des professionnels.

Les deux parties ont conclu un premier contrat en date du 21 mars 2014, aux termes duquel la société Bastgen & Bonvin bénéficiait d'une mise à disposition gratuite de banquettes d'une valeur de 2 000 euros H.T en contrepartie de son engagement d'approvisionnement exclusif de boissons auprès de la société Cef Boissons. Un second contrat a, par la suite, été conclu entre les parties le 18 avril 2014, lequel prévoyait cette fois-ci la mise à disposition de « tireuses » à bière d'une valeur de 12 013,70 euros H.T, en contrepartie d'un engagement d'approvisionnement exclusif de bières pression.

Dans les mails échangés avec la société Cef Boissons les 11 juillet, 5 et 8 août, puis les 9 et 16 septembre 2014, la société Bastgen & Bonvin a reproché à la société Cef Boissons des erreurs dans les livraisons et les factures, ainsi que des paiements de sommes erronées.

En date du 28 septembre 2014, la société Bastgen & Bonvin a transmis une commande à la société Cef Boissons puis, en date du 30 septembre 2014, l'a informée qu'à partir de ce jour, les factures correctes (après alignement sur les 5=1 convenus) seront payées par chèque ou virement bancaire, toutes les traites magnétiques seront refusées ! « Chaque mois des erreurs dans les avoirs...  nous devons appeler quotidiennement Victor pour trouver des solutions ».

En réponse par courriel en date du 1er octobre 2014, la société Cef Boissons a répondu que « suite à votre mail, je considère que vous souhaitez mettre fin à notre collaboration, dorénavant et suite à votre volonté de changer le mode de règlement des factures, toute nouvelle livraison sera en paiement comptant ».

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er octobre 2014, la société Bastgen & Bonvin a mis en demeure la société Cef Boissons de poursuivre la relation commerciale.

Par mail en date du 6 octobre 2014, la société Bastgen & Bonvin a pris acte de la volonté de la société Cef Boissons de ne plus la livrer comme habituellement, a dénoncé le caractère abusif de la rupture des relations commerciales, la contraignant à se tourner vers un autre fournisseur.

A la suite de cet échange, la société Bastgen & Bonvin a, par courrier en date du 3 octobre 2014, sollicité de la part de la société Cef Boissons qu'elle procède à la rectification des factures erronées afin qu'elle puisse les payer dès réception.

La société Cef Boissons refusait, par courriel en date du 6 octobre 2014, de livrer la société Bastgen & Bonvin, en raison de la volonté de sa cocontractante de modifier le mode de paiement et indiquait qu'elle procédait à l'émission d'avoir pour rectifier les erreurs.

Les parties n'étant parvenues à aucune solution amiable, la société Cef Boissons a, par acte d'huissier en date du 23 février 2015, fait assigner la société Bastgen & Bonvin devant le tribunal de commerce de Tours, aux fins d'obtenir paiement des factures susvisées. Le tribunal de commerce de Tours s'est alors déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris.

Par jugement contradictoire rendu le 11 décembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a « :

- débouté la société Bastgen & Bonvin exerçant sous l'enseigne « Le Strapontin » de sa demande fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies ;

- condamné la société Cef Boissons (Figueiredo Distribution) à payer à la société Bastgen & Bonvin exerçant sous l'enseigne « Le Strapontin » la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat ;

- débouté la société Bastgen & Bonvin exerçant sous l'enseigne « Le Strapontin » de ses demandes au titre des préjudices moraux ;

- condamné la société Bastgen & Bonvin exerçant sous l'enseigne « Le Strapontin » à payer à la société Cef Boisson (Figueiredo Distribution) la somme de 9 486,98 euros T.T.C au titre des factures des marchandises, majorée d'une clause pénale ramenée à 500 euros et des pénalités de retard calculées au taux de trois mois le taux de l'intérêt légal à compter de l'échéance de chaque facture, ainsi que la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

- condamné la société Bastgen & Bonvin exerçant sous l'enseigne « Le Strapontin » à payer à la société Cef Boissons (Figueiredo Distribution)'la somme de 2 400 euros T.T.C au titre des banquettes conservées, ladite somme majorée des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- ordonné la compensation judiciaire de ces condamnations ;

- ordonné à la société Bastgen & Bonvin exerçant sous l'enseigne «'Le Strapontin'» de tenir à disposition de la société Cef Boissons (Figueiredo Distribution), en lui indiquant le lieu, le matériel de « tirage de pression », et dit que la société Cef Boissons (Figueiredo Distribution) pourra l'enlever à ses frais après prise de rendez-vous dans le délai de 90 jours à compter de la signification du présent jugement ou du signalement du lieu d'enlèvement si elle est plus tardive, à défaut de quoi la société Bastgen & Bonvin exerçant sous l'enseigne « Le Strapontin » pourra le conserver ou le détruire à ses frais;

- débouté la société Cef Boissons (Figueiredo Distribution) de sa demande de dommages et intérêts ;

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- condamné la société Bastgen & Bonvin exerçant sous l'enseigne « Le Strapontin » aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de T.V.A.

Par déclaration du 22 janvier 2018, la société Cef Boissons (Figueiredo Distribution) a interjeté un appel partiel de cette décision en ce qu'elle a :

- condamné la société Cef Boissons à payer 5 000 euros à Bastgen & Bonvin ;

- condamné la société Bastgen & Bonvin à payer 9 486,98 euros à Cef Boissons avec une clause pénale limitée à 500 euros ;

- condamné la société Bastgen & Bonvin à payer 2 400 euros à Cef Boissons sans clause pénale ;

- ordonné la compensation entre les condamnations ;

- restitué le tirage de pression alors qu'il était demandé son paiement à la société Bastgen & Bonvin ;

- débouté la société Cef Boissons de sa demande de dommages et intérêts ;

- rejeté l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté les autres demandes de la société Cef Boissons ;

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 octobre 2018, la société Cef Boissons (Figueiredo Distribution), appelante, demande à la cour de :

Vu les anciens articles 1134, 1189, 1190, 1191 du code civil dans leur rédaction applicable aux faits de la cause,

Vu l'article L. 442-6 du code de commerce,

Vu les pièces versées aux débats et notamment le contrat de mise à disposition,

- infirmer le jugement dont appel rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 11 décembre 2017, en ce qu'il a condamné la société Cef Boissons Figueiredo Distribution à verser la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive des contrats, en estimant que cette dernière était responsable de ladite rupture, en ce qu'il a réduit la clause pénale applicable aux factures émises, en ce qu'il a retenu uniquement la facture des banquettes conservées et ordonné la restitution du tirage pression malgré l'existence d'une obligation alternative, et enfin débouté la société Cef Boissons Figueiredo Distribution de ses dommages et intérêts et frais irrépétibles et dépens;

Y ajoutant,

- dire et juger que la société Bastgen & Bonvin enseigne Le Strapontin est à l'origine de la rupture des contrats de mise à disposition conclu avec la société Cef Boissons « Figueiredo Distribution » ;

- dire et juger qu'elle ne peut invoquer sa propre turpitude pour imputer la rupture et une quelconque brutalité de celle-ci à la société Cef Boissons « Figueiredo Distribution » ;

- dire et juger que les prétendues infractions relatives à un déséquilibre significatif et à une rupture brutale d'une relation établie ou tout autre moyen, ne sont pas justifiées, vu l'absence de manquement réel imputable à la société Cef Boissons « Figueiredo Distribution », et vu la faible durée des relations commerciales ;

- débouter, en conséquence, la société Bastgen & Bonvin de l'intégralité de ses fins, moyens, prétentions et conclusions ;

- confirmer la décision rendue en ce qu'elle a condamné la société Bastgen & Bonvin à acquitter les factures des marchandises livrées et celles relatives aux banquettes conservées qui avaient été mises à disposition ;

En conséquence,

- condamner dès lors la société Bastgen & Bonvin à verser à la société Cef Boissons ‘ Figueiredo Distribution la somme de 26 301,42 euros T.T.C au titre des factures impayées émises portant sur les marchandises livrées et les matériels conservés par le biais d'une obligation alternative, outre intérêts légaux majorés à trois fois l'intérêt légal à compter de l'échéance de chacune des factures, ainsi qu'une indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais prévus par le code de commerce et une clause pénale de 10%, telle qu'indiquée dans les conditions générales de vente appliquées depuis le début du contrat, soit 2 630,14 euros ;

- condamner la société Bastgen & Bonvin à verser à la société Cef Boissons ' Figueiredo Distribution la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et évocation d'arguments fantaisistes en toute mauvaise foi ;

- condamner enfin la société Bastgen & Bonvin enseigne Le Strapontin à verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit de Maître Yann Le G. de la société R.-Le G., avocat, sur son affirmation de droit ;

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 juillet 2018, la société Bastgen & Bonvin, intimée, demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce,

Vu les dispositions des articles 1134, 1147 et 1382 (anciens) du code civil,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a réduit le quantum des préjudices financiers subis par la société Bastgen & Bonvin ;

Et statuant à nouveau sur ce point,

- condamner la société Cef Boissons (Figueiredo Distribution) à payer à la société Bastgen & Bonvin une somme de 24 519 euros, en réparation des préjudices financiers subis par elle ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Bastgen & Bonvin de sa demande de dommages et intérêts au titre des préjudices moraux subis ;

Et statuant à nouveau sur ce point,

- condamner la société Cef Boissons (Figueiredo Distribution) à payer à la société Bastgen & Bonvin une somme de 15 000 euros, en réparation des préjudices moraux subis par elle ;

En tout état de cause,

- débouter la société Cef Boissons (Figueiredo Distribution) de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Cef Boissons (Figueiredo Distribution) à payer à la société Bastgen & Bonvin une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel ;

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 03 septembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

Toutefois, en vertu de l'article 1315 ancien du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou ce qui a produit l'extinction de son obligation.

L'article L. 110-3 du code de commerce consacre le principe de la liberté de la preuve des actes de commerce à l'égard des commerçants.

Sur la communication des conditions générales de vente

Il est mentionné sur les factures produites que le client reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales de vente et les avoirs acceptées. Si le client doit avoir connaissance des conditions générales de vente lors de la commande et non lors de la facturation, en l'espèce, il est établi l'existence d'un courant d'affaires régulier entre les parties depuis six mois ce qui implique que la société Bastgen & Bonvin avait connaissance de ces conditions générales de vente. De plus, le désaccord portant sur les modalités de paiement et les tarifs, seules les conditions générales de vente permettaient de les connaître. En effet, les contrats signés entre les parties sont relatifs à la mise à disposition de matériel par la société Cef Boissons à la société Bastgen & Bonvin qui en contrepartie s'est engagée à s'approvisionner en exclusivité auprès du fournisseur.

Les conditions générales de vente de la société Cef Boissons sont opposables à la société Bastgen & Bonvin.

Sur la résiliation

Le tribunal de commerce a rappelé que les pièces versées aux débats, constituées par les mails échangés les 5 et 18 août, puis les 9 et 16 septembre 2014 sur les réclamations de la société Bastgen & Bonvin et les cinq avoirs émis les 16, 24 et 30 septembre, puis les 1er et 8 octobre 2014 par la société Cef Boissons démontrent des erreurs dans les livraisons et les factures, ainsi que les règlements par lettre de change relevé présentés en banque pour des montants erronés.

Le montant des factures devant correspondre aux sommes dues afin de répondre aux exigences comptables, le renouvellement d'erreurs même modestes caractérise de la part du fournisseur une absence de rigueur ayant contraint la société Bastgen & Bonvin à solliciter régulièrement des rectifications.

Aucun mode de règlement n'étant imposé par les conditions générales de vente, la société Bastgen & Bonvin avait la possibilité de le modifier dans la mesure où elle en avisait sa cocontractante, ce qu'elle a fait.

En revanche, le paiement des factures étant fixé à 30 jours de leur réception dans les conditions générale de vente, ce qui correspond aux dispositions légales de l'article L. 443-1 du code de commerce, la société Cef Boissons ne pouvait imposer à la société Bastgen & Bonvin un règlement comptant de celles-ci.

En adressant le courriel suivant le 1er octobre 2014, à la société Bastgen & Bonvin, « suite à votre mail, je considère que vous souhaitez mettre fin à notre collaboration, dorénavant et suite à votre volonté de changer le mode de règlement des factures, toute nouvelle livraison sera en paiement comptant », la société Cef Boissons a modifié unilatéralement les relations commerciales et a rompu les relations commerciales sans motif valable, en en imputant la responsabilité à sa cocontractante.

Le 2 octobre 2014, la société Bastgen & Bonvin reprochait à la société Cef Boissons d'avoir « bloqué le camion à Vanuxem contenant notre livraison alors que nous sommes en rupture depuis plus de deux semaines. Pour moi cette attitude démontre le fait que vous voulez arrêter les relations commerciales... ».

Il y lieu de constater que cette attitude constitue une obstruction à l'exécution des obligations contractuelles.

La société Cef Boissons ne verse aucune pièce pertinente établissant que la société Bastgen & Bonvin avait contacté un autre fournisseur antérieurement à la rupture qui aurait été préméditée. Le seul brouillon de commande (pièce 35 de la société Cef Boissons) versé aux débats ne permet pas d'identifier le destinataire.

Le non-paiement des factures est intervenu lors de la naissance du litige relatif aux erreurs commises par le fournisseur et de la proposition de modification du mode de règlement des factures non acceptées par la société Cef Boissons. La société Bastgen & Bonvin n'a pas refusé de payer les factures mais a indiqué à la société Cef Boissons par courriel du 3 octobre 2014 : « je vous laisserai le soin de modifier toutes les factures et revenir vers moi avec l'avoir pour que je procède au paiement des factures de septembre. »

Il y a lieu de constater qu'en exigeant un paiement comptant des factures tout en évoquant la résiliation du contrat et en refusant de livrer la société Bastgen & Bonvin, alors que le client l'avait mise en demeure de poursuivre les livraisons, la société Cef Boissons est responsable de la rupture des relations commerciales.

Le jugement sera confirmé en que le tribunal a constaté que la société Cef Boissons avait résilié le contrat de manière abusive.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné [...]. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués, les relations d'exclusivité, la spécificité des produits et la dépendance économique.

La relation a débuté le 21 mars 2014 lors de la signature du contrat. Elle a cessé le 1er octobre 2014. Elle a duré six mois. La société Bastgen & Bonvin était liée de manière exclusive à la société Cef Boissons en ce qu'elle ne pouvait s'approvisionner auprès d'un autre fournisseur.

Le fait que la relation n'ait duré que six mois, aux termes desquels les parties se sont opposées sur un motif essentiel de leurs relations soit des erreurs de facturation et les modalités de paiement des factures sans qu'elles soient en mesure de le régler de manière amiable démontre la fragilité de la relation qui ne pouvait dans ces conditions perdurer, ce qui est corroboré par le fait que suite à la résiliation du contrat, la société Bastgen & Bonvin s'est tourné vers son ancien fournisseur.

Le jugement sera confirmé en ce que le tribunal de commerce a retenu l'absence de relations commerciales établies et a débouté la société Bastgen & Bonvin de sa demande sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

Sur la demande de réparation sur le fondement de l'article 1134 du code civil

La société Bastgen & Bonvin évalue son préjudice de la manière suivante :

Différence payée aux fournisseurs (qui permet de prendre en compte l'accroissement du chiffre d'affaires lié à l'agrandissement) soit 78 053,95 - 39 335,67 = 38 718,28 euros (corroboré par le différentiel des quantités vendues)

La société Bastgen & Bonvin a appliqué un pourcentage de 30 %, correspondant à la hausse moyenne des prix d'achat appliquée sur cette somme.

Soit 38 718,28 x 30 % = 11 615 euros.

La société Cef Boissons fait valoir que la société Bastgen & Bonvin ne justifie ni de l'existence d'un préjudice ni d'une augmentation des tarifs suite au changement de fournisseur.

Cette rupture abusive a causé un préjudice à la société Bastgen & Bonvin qui a dû retrouver un fournisseur dans un laps de temps court.

La société Cef Boissons justifie en produisant les grilles de tarification que les tarifs pratiqués par son nouveau fournisseur sont plus élevés que ceux de la société Cef Boissons (pièces 24 et 25).

Pour autant, la société Bastgen & Bonvin bénéficiant du matériel mis à sa disposition par la société Cef Boissons avait la possibilité de commander des boissons auprès d'un autre fournisseur en attendant de négocier un contrat dans des conditions favorables avec un nouveau cocontractant pour limiter les pertes financières qui sont démontrées.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a limité le préjudice financier de la société Bastgen & Bonvin à la somme de 5 000 euros.

Entre 2014 et 2015, la société Bastgen & Bonvin a connu une progression du chiffre d'affaires démontrant que la résiliation du contrat n'a pas eu d'incidence sur la fidélisation de la clientèle.

La société Bastgen & Bonvin ne justifie pas avoir subi un préjudice moral résultant de la dégradation de l'image de marque de l'enseigne liée à la rupture de stocks.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Bastgen & Bonvin de sa demande de ce chef.

Sur les demandes sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° et 4° du code de commerce

L'article L. 442-6, I, du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers,

2° de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

4° d'obtenir ou tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente

Si la société Bastgen & Bonvin ne justifie pas d'un rapport de soumission dans ses relations avec son fournisseur avec lequel elle est tenue par un contrat de mise à disposition de matériel en contrepartie d'une obligation d'approvisionnement exclusif et dont les clauses n'est pas remise en cause, en revanche en adressant à son client le courriel suivant : « Suite à votre mail, je considère que vous souhaitez mettre fin à notre collaboration, dorénavant et suite à votre volonté de changer le mode de règlement des factures, toute nouvelle livraison ou dépannage sera en paiement comptant », la société Cef Boissons a tenté d'obtenir sous la menace d'une rupture brutale des relations une modification unilatérale du contrat quant aux conditions de paiement, celui-ci prévoyant un paiement des factures à 30 jours, aucune modalité de paiement n'étant par ailleurs imposée.

Suite à la volonté de la société Bastgen & Bonvin de payer les factures par chèque ou virement bancaire, la société Cef Boisson lui a indiqué « nous ne pouvons livrer les produits demandés, étant donné votre volonté de changer le mode de paiement ».

En agissant ainsi, la société Cef Boissonsa engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 4° du code de commerce.

Il a également été constaté que la société Cef Boissons avait bloqué la dernière livraison destinée à la société Bastgen & Bonvin.

Cette attitude a causé un préjudice à la société Bastgen & Bonvin qui a été désorganisée dans l'exploitation de son commerce du fait du retard ou de l'absence de livraison.

En réparation de ce préjudice, la société Cef Boissons versera à la société Bastgen & Bonvin la somme de 2 000 euros.

Sur le paiement des factures

Si des erreurs sur les tarifs pratiqués ont été relevées par la société Bastgen & Bonvin sur les factures, la société Cef Boissons a émis un avoir d'un montant de 219 euros HT. Ces erreurs de facturation qui portent sur quelques centimes d'euros pour les bouteilles concernées et dont il n'est pas démontré qu'elles n'ont pas donné lieu à rectification ne justifient pas que soit retenue la responsabilité de la société Cef Boissons sur le fondement de l'article L. 442-6 I 12° du code de commerce.

La société Bastgen & Bonvin si elle contestait le montant des factures devait régler au moins le montant qu'elle reconnaissait devoir.

Elle sera donc déboutée de sa demande en paiement de la somme de 1 000 euros correspondant au préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des erreurs de facturation.

La société Bastgen & Bonvin était redevable de la somme de 9 486,98 euros TTC au titre des factures dues qu'elle indique avoir réglées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement.

Une clause pénale de 10 % applicable au montant des factures impayées était prévue aux conditions générales de vente.

Le jugement sera confirmé sur le montant de la clause pénale qui a été à juste titre diminuée et qui en tout état de cause ne peut s'appliquer que sur le montant de 9 486,98 euros. Il sera fait observer qu'elle se surajoute à la somme de 40 euros de pénalités déjà dues par factures et qu'elle est donc manifestement disproportionnée par rapport au préjudice subi par le fournisseur du fait du non-paiement des factures.

Sur la restitution du matériel

Si le contrat de mise à disposition prévoit qu'en cas de résiliation du contrat aux torts du client, le fournisseur peut à sa convenance demander la restitution du matériel ou le remboursement à sa valeur d'origine, le contrat ayant été résilié aux torts du fournisseur, cette clause ne s'applique pas. Il ressort du contrat que le matériel a été mis à disposition du client ce qui implique qu'il doit être restitué. Seule la restitution du matériel de tirage de la bière pose difficulté. Il est versé aux débats des courriels relatifs à la restitution du matériel. La société Bastgen & Bonvin a décidé de conserver les banquettes intégrées au bar et de restituer le matériel de tirage de la bière.

Au vu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la restitution du matériel de tirage de la bière selon les modalités prévues à son dispositif.

La société Bastgen & Bonvin demande le remboursement de 900 euros hors-taxes correspondant à la facture de stockage des consignes stockées dans ses locaux. La facture produite ne précise pas la nature du matériel facturé ce qui ne permet pas de l'attribuer à des bouteilles consignées. La société Bastgen & Bonvin sera déboutée de ce chef.

Sur la demande de la société Cef Boissons pour procédure abusive

Il résulte de l'article 1240 du code civil, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par la juridiction.

La société Bastgen & Bonvin ayant eu partiellement raison en ses demandes en première instance et en appel, son attitude ne peut être considérée comme une résistance abusive.

Il y a lieu de débouter la société Cef Boissons de sa demande de dommages et intérêts formulée à ce titre.

Sur les demandes accessoires

Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; la décision sur les dépens de première instance sera infirmée et les dépens de première instance et d'appel seront partagées par moitié.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement sauf en ce que le tribunal de commerce a débouté la société Bastgen & Bonvin de sa demande sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 4° du code de commerce et les dépens,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE la société Cef Boissons à payer à la société Bastgen & Bonvin la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 4° du code de commerce,

DÉBOUTE la société Bastgen & Bonvin de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 12° du code de commerce,

DÉBOUTE la société Bastgen & Bonvin de sa demande en paiement de la somme de 900 euros au titre du stockage des bouteilles consignées,

DÉBOUTE la société Cef Boissons de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

REJETTE toute autre demande,

DIT que les dépens de première instance et d'appels seront partagés par moitié.