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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. B, 8 décembre 2020, n° 19/00740

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Christal Cheminées (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chauve

Conseillers :

Mme Papin, Mme Valette

TGI Lyon, du 10 janv. 2019

10 janvier 2019

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Suivant bon de commande du 26 mars 2013 et facture du 29 mai 2013, Mme Myriam B. épouse F. et M. Mario F. ont commandé auprès de la société Christal Cheminées la fourniture et la pose d'un poêle à granules de type Skia Design, moyennant le versement d'une somme de 5 400 euros TTC.

Le poêle a rencontré de nombreux dysfonctionnements, notamment des allumages manqués dès la première mise en service du poêle à l'hiver 2013/2014. Les interventions des techniciens de la société Christal Cheminées n'ayant pas permis de les résoudre, les époux F. ont contacté leur assureur protection juridique, lequel a fait diligenter une expertise amiable contradictoire.

Un protocole d'accord a été signé le 11 mars 2015 entre les parties, aux termes duquel :

- la société Christal Cheminées s'engageait à procéder, à ses frais, aux travaux d'amélioration du tirage et de l'efficacité de l'amenée d'air frais comburant, afin de pallier les problèmes de fonctionnement du poêle,

- M. F. s'engageait à cesser toute poursuite à l'encontre de la société, sous réserve de la parfaite exécution des travaux.

La société Christal Cheminées a fait procéder aux travaux les 25 et 26 mars 2015, mais les époux F. ont, par mail du 11 mai 2015, signalé que le problème d'allumage n'était pas complètement résolu.

Par acte d'huissier du 16 mars 2016, les époux F. ont assigné la société Christal Cheminées devant le tribunal de grande instance de Lyon sur le fondement de la garantie des vices cachés pour obtenir l'annulation de la vente.

Par acte d'huissier du 26 août 2016, la société Christal Cheminées a appelé en garantie la société Iberbel. Celle-ci n'a pas constitué avocat.

Par jugement du 10 janvier 2019, le tribunal a :

- déclaré les demandes présentées par les époux F. au titre de l'action en garantie contre les vices cachés irrecevables comme prescrites,

- rejeté les demandes présentées par les époux F. au titre de la responsabilité contractuelle de la société Christal Cheminées,

- condamné in solidum les époux F. à verser à la société Christal Cheminées une somme de 800 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me B..

Par déclaration du 30 janvier 2019, les époux F. ont interjeté appel à l'encontre de la seule société Christal Cheminées.

Au terme de conclusions notifiées le 2 décembre 2019, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement et de :

- déclarer leur action recevable,

- annuler la vente litigieuse,

- subsidiairement, prononcer la résolution de la vente pour inexécution sur le fondement de l'article 1229 du code civil,

- en tout état de cause, condamner la société Christal Cheminées à leur verser les sommes suivantes :

. 5 400 € correspondant à la restitution du prix,

. 171 € correspondant aux frais d'intervention facturés en juin et novembre 2014,

. 12 000 € à titre de dommages-intérêts pour les préjudices subis,

. 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. les dépens avec faculté de distraction au profit de Maître B..

Au terme de conclusions notifiées le 17 février 2020, la société Christal Cheminées demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- déclarer les époux F. irrecevables en leurs demandes, débouter les époux F. de leurs demandes au titre de la garantie légale des vices cachés (sic),

- subsidiairement, débouter les époux F. de leur demande en résolution pour inexécution et en dommages et intérêts,

- condamner in solidum les époux F. à lui payer la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SCP A.N..

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera rappelé que les demandes « tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; « qu'il en est de même des demandes » tendant à voir dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Sur l'action en garantie des vices cachés

La société Christal Cheminées fait valoir :

- que l'action en garantie des vices cachés était prescrite lorsque l'assignation lui a été délivrée,

- que les époux F. n'ont jamais contesté la date de découverte du vice retenue par le premier juge à savoir le 19 février 2014,

- qu'il ne peut être considéré que la prescription ait été suspendue alors que les appelants disposaient encore d'un temps utile et raisonnable de 9 mois pour saisir la juridiction avant l'expiration du délai de suspension, lorsque leur prétendu empêchement d'agir en justice a pris fin,

- qu'en tout état de cause, le délai de prescription s'est achevé avant que l'assignation soit délivrée, même en prenant en compte un éventuel empêchement à agir jusqu'à la réalisation des travaux de reprise par la société Christal Cheminées.

Les époux F. font valoir :

- que leur action n'est pas prescrite, le protocole d'accord constituant un empêchement conventionnel d'agir au sens de l'article 2234 du code civil ayant entrainé la suspension du délai de prescription du 20 mars au 11 mai 2015,

- que le délai de 9 mois retenu par le tribunal ne peut être considéré comme suffisant pour s'assurer de la pérennité des réparations effectuées,

- que compte tenu de la suspension de la prescription, l'assignation a été délivrée dans le délai légal.

Selon l'article 1648 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Au terme de l'article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

La règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est empêché d'agir ne s'applique pas lorsque le titulaire de l'action disposait encore, à la cessation de l'empêchement, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription.

En l'espèce, le délai de prescription biennale a commencé à courir à compter de la découverte du vice soit le 19 février 2014 de sorte qu'il expirait le 19 février 2016.

Le premier juge a justement tiré du fax en date du 11 mai 2015 que les époux F. avaient constaté la persistance des désordres nonobstant l'intervention de la société Christal Cheminées dès le 28 mars 2015 et c'est par une exacte appréciation qu'il a retenu que le délai de plus de neuf mois qui subsistait entre cette date et le 19 février 2016 était suffisant pour leur permettre d'introduire l'instance en garantie des vices cachés.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré cette action irrecevable.

Sur la responsabilité contractuelle

Les époux F. font valoir :

- que le poêle présente des allumages manqués à répétition,

- que la société Christal Cheminées s'est bien engagée à pallier aux problèmes de fonctionnement et de démarrage du poêle,

- que l'expert a expressément retenu la responsabilité contractuelle de la société Christal Cheminées, faute pour elle d'avoir résolu les dysfonctionnements en phase de démarrage,

- que l'existence d'implosions démontre un manquement de la société Christal Cheminées à son obligation de sécurité,

- qu'il n'appartient pas au juge d'apprécier in concreto la situation de mise en danger d'autrui.

La société Christal Cheminées fait valoir :

- que l'acquéreur qui accepte sans réserve les marchandises qui lui sont remises est tenu pour les avoir considérées comme conformes à sa commande, et il ne peut invoquer tardivement une non-conformité de la chose, a fortiori lorsqu'il l'a utilisée,

- que les défauts rendant la chose impropre à son usage normal de vices cachés et non de défauts de conformité, interdisant ainsi le cumul des deux actions,

- qu'elle n'a commis aucune faute au titre de son obligation de délivrance conforme,

- que l'expert n'a constaté aucune dangerosité ou insécurité de l'installation, les désordres constatés étant réparables pour une somme modique,

- que l'inquiétude et le sentiment d'insécurité des appelants ne sont pas des éléments probants, que le tableau dont ils se prévalent constitue une preuve à soi-même,

- que les époux F. ne sauraient sérieusement soutenir que l'expert a retenu sa responsabilité contractuelle au titre de la violation de son obligation de sécurité alors que son rapport ne fait état d'aucune dangerosité.

Selon l'article 1604 du code civil, La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur, l'article 1610 précisant que l'obligation de délivrance porte sur la chose vendue et ses accessoires.

C'est par une exacte analyse et de justes motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a retenu que le poêle fourni était conforme aux spécifications contractuelles, la non-conformité de la chose vendue à sa destination normale caractérisant un vice caché et non pas un défaut de délivrance, et qu'aucun manquement de ce chef ne pouvait être retenu contre le vendeur.

Selon l'article L. 421-3 du code de la consommation, les produits et les services doivent présenter, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.

Selon l'article L. 421-5, un produit est considéré comme satisfaisant à l'obligation générale de sécurité prévue à l'article L. 421-3, lorsqu'il est conforme à la réglementation spécifique qui lui est applicable ayant pour objet la protection de la santé ou de la sécurité des consommateurs.

C'est par une exacte analyse que le premier juge a retenu que les éléments produits par les intimés au soutien de l'existence d'implosions à l'intérieur du poêle n'étaient pas probants et qu'il ne ressortait pas du rapport de l'expert la preuve d'un problème de fonctionnement du poêle. Le tableau établi par les époux F. et produit en cause d'appel n'est pas plus probant à cet égard.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux F. de leurs demandes.

Les époux F. qui succombent supportent les dépens et une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

Condamne in solidum M. Mario F. et Mme Myriam B. épouse F. à payer à la société Christal Cheminées la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne in solidum aux dépens ;

Autorise la SCP A.N., avocat, à recouvrer directement à leur encontre les dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.