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Décisions

CJUE, 3e ch., 17 décembre 2020, n° C-667/19

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

A. M.

Défendeur :

E. M.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Prechal

Juges :

M. Lenaerts, M. Wahl (rapporteur), M. Biltgen, Mme Rossi

Avocat général :

M. Campos Sánchez-Bordona

Avocat :

Me Chołub

CJUE n° C-667/19

17 décembre 2020

LA COUR (troisième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, sous f), et de l’article 19, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif aux produits cosmétiques (JO 2009, L 342, p. 59).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant A. M. à E. M., au sujet de la résiliation du contrat d’achat de produits cosmétiques conclu entre ces parties.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les considérants 3, 4, 6, 7, 9 et 46 du règlement no 1223/2009 sont libellés comme suit :

« (3) Le présent règlement a pour objectif de simplifier les procédures et de rationaliser la terminologie, afin de réduire ainsi la charge administrative et les ambiguïtés. En outre, il renforce certains éléments du cadre réglementaire applicable aux produits cosmétiques, comme les contrôles au sein du marché, en vue d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine.

(4) Le présent règlement harmonise de manière exhaustive les règles en vigueur dans la Communauté afin d’établir un marché intérieur des produits cosmétiques, tout en assurant un niveau élevé de protection de la santé humaine.

[...]

(6) Le présent règlement ne vise que les produits cosmétiques et non les médicaments, dispositifs médicaux ou produits biocides. La délimitation entre ceux-ci ressort notamment de la définition détaillée des produits cosmétiques, laquelle se réfère tant aux lieux d’application de ces produits qu’aux buts poursuivis par leur emploi.

(7) L’évaluation permettant de déterminer si un produit est un produit cosmétique doit être effectuée au cas par cas, en tenant compte de l’ensemble des caractéristiques du produit. [...]

[...]

(9) Les produits cosmétiques devraient être sûrs dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles. En particulier, un raisonnement risques/bénéfices ne devrait pas être utilisé pour justifier un risque pour la santé humaine.

[...]

(46) Il est nécessaire d’introduire une transparence en ce qui concerne les ingrédients employés dans les produits cosmétiques. Cette transparence devrait être assurée par la mention, sur son emballage, des ingrédients employés dans un produit cosmétique. En cas d’impossibilité pratique de faire figurer le nom de ces ingrédients sur l’emballage, il convient que ces indications soient jointes de manière à ce que le consommateur puisse disposer de ces informations. »

4 Aux termes de son article 1er, ce règlement établit des règles auxquelles doit satisfaire tout produit cosmétique mis à disposition sur le marché, afin de garantir le fonctionnement du marché intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine.

5 L’article 2, paragraphe 1, sous a), dudit règlement définit le « produit cosmétique » comme étant « toute substance ou tout mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles ».

6 L’article 3 du règlement no 1223/2009, intitulé « Sécurité », dispose :

« Un produit cosmétique mis à disposition sur le marché est sûr pour la santé humaine lorsqu’il est utilisé dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles, compte tenu notamment des éléments suivants :

a) présentation [...] ;

b) étiquetage ;

[...] »

7 Le chapitre VI de ce règlement, intitulé « Information des consommateurs », comporte les articles 19 à 21 de celui-ci. Sous le titre « Étiquetage », l’article 19 dudit règlement prévoit :

« 1. Sans préjudice des autres dispositions du présent article, les produits cosmétiques ne sont mis à disposition sur le marché que si le récipient et l’emballage des produits cosmétiques portent en caractères indélébiles, facilement lisibles et visibles, les mentions suivantes :

[...]

d) les précautions particulières d’emploi et, au minimum, celles indiquées dans les annexes III à VI, ainsi que d’éventuelles indications concernant des précautions particulières à observer pour les produits cosmétiques à usage professionnel ;

[...]

f) la fonction du produit cosmétique, sauf si cela ressort clairement de sa présentation ;

g) la liste des ingrédients. Ces informations peuvent figurer uniquement sur l’emballage. La liste est précédée du terme “ingrédients”.

[...]

2. Lorsqu’il est impossible pour des raisons pratiques de faire figurer sur l’étiquetage, comme cela est prévu, les indications visées au paragraphe 1, points d) et g), les dispositions suivantes s’appliquent :

– les indications requises figurent sur une notice, une étiquette, une bande ou une carte jointe ou attachée au produit,

– sauf impossibilité pratique, il est fait référence à ces informations soit par une indication abrégée, soit par le symbole reproduit à l’annexe VII, point 1, qui doit figurer sur le récipient ou l’emballage pour les indications visées au paragraphe 1, point d), et sur l’emballage pour celles visées au paragraphe 1, point g).

3. Dans le cas du savon et des perles pour le bain ainsi que d’autres petits produits, lorsqu’il est impossible, pour des raisons pratiques, de faire figurer les indications visées au paragraphe 1, point g), sur une étiquette, une bande, une carte ou une notice jointe, lesdites indications figurent sur un écriteau placé à proximité immédiate du récipient dans lequel le produit cosmétique est proposé à la vente.

4. Pour les produits cosmétiques présentés non préemballés ou pour les produits cosmétiques emballés sur le lieu de vente à la demande de l’acheteur, ou préemballés en vue de leur vente immédiate, les États membres arrêtent les modalités selon lesquelles les mentions visées au paragraphe 1 sont indiquées.

5. La langue dans laquelle sont rédigées les informations visées au paragraphe 1, points b), c), d) et f), ainsi qu’aux paragraphes 2, 3 et 4, est déterminée par la législation des États membres dans lesquels le produit est mis à la disposition de l’utilisateur final.

[...] »

8 L’article 20 du règlement no 1223/2009, intitulé « Allégations concernant le produit », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Pour l’étiquetage, la mise à disposition sur le marché et la publicité des produits cosmétiques, le texte, les dénominations, marques, images ou autres signes figuratifs ou non ne peuvent être utilisés pour attribuer à ces produits des caractéristiques ou des fonctions qu’ils ne possèdent pas.

2. La Commission, en coopération avec les États membres, établit un plan d’action relatif aux allégations utilisées et définit des priorités afin de déterminer des critères communs justifiant l’utilisation d’une allégation.

[...] »

9 L’annexe VII de ce règlement, intitulée « Symboles utilisés sur l’emballage/le récipient », énonce :

« 1. Renvoi à des informations jointes ou attachées au produit

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[...] »

Le droit polonais

10 L’article 2 de l’ustawa o kosmetykach (loi sur les produits cosmétiques), du 30 mars 2001 (Dz. U. no 42, position 473), dans sa version en vigueur à la date de conclusion du contrat de vente en cause au principal (Dz. U. de 2013, position 475), dispose :

« 1. Au sens de la présente loi, on entend par produit cosmétique toute substance chimique ou tout mélange, destinés à être mis en contact superficiel avec le corps humain : peau, cheveux et poils, lèvres, ongles, organes génitaux externes, dents et muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les soigner, de les protéger, de les parfumer, de modifier l’aspect du corps ou d’améliorer son odeur.

2. Le ministre de la Santé définit, par voie d’arrêté, les catégories de produits cosmétiques les plus répandues, en considération des critères définis au paragraphe 1. »

11 L’article 6 de cette loi est libellé comme suit :

« 1. L’emballage d’un produit cosmétique doit être étiqueté de façon visible et lisible, par une méthode permettant de garantir que l’étiquetage ne pourra être retiré facilement.

2. Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, l’étiquetage de l’emballage du produit cosmétique, qui figure sur le récipient et sur l’emballage, comporte les mentions suivantes :

[...]

5) les précautions particulières d’emploi du produit cosmétique, lorsque celui-ci est destiné à être utilisé dans un cadre professionnel conformément à sa destination – en plus d’autres précautions nécessaires ;

[...]

7) la fonction du produit cosmétique, lorsqu’elle ne ressort pas clairement de sa présentation ;

8) la liste des ingrédients définis conformément aux dénominations de la Nomenclature Internationale des Ingrédients Cosmétiques (NIIC), précédée du terme “ingrédients” [...]

[...]

4. Il est possible de ne faire figurer les indications visées au paragraphe 2, point 8, que sur l’emballage du produit cosmétique.

[...]

6. Lorsqu’en raison des dimensions ou de la forme de l’emballage, il n’est pas possible d’y faire figurer les avertissements ou indications visés au paragraphe 2, points 5 et 8, ceux-ci peuvent être mentionnés sur une notice, une étiquette, une bande ou une carte jointes au produit. Dans ce cas, une indication abrégée ou un signe graphique indiquant que ces informations sont jointes au produit doit figurer sur le récipient ou l’emballage.

7. Lorsqu’en raison des dimensions ou de la forme de l’emballage, il n’est pas possible de faire figurer sur une notice, une étiquette, une bande ou une carte jointes au produit les indications mentionnées au paragraphe 2, point 8, celles-ci figurent directement sur le récipient ou à un endroit où le produit cosmétique proposé à la vente est accessible à l’acheteur.

8. Lorsque le produit cosmétique n’est pas préemballé par ensemble de pièces mais qu’il est emballé sur le lieu de vente à la demande de l’acheteur, ou lorsque le produit est préemballé par ensemble de pièces en vue de sa vente immédiate, les informations indiquées au paragraphe 2, points 1, 2 et 4 à 8, figurent sur le récipient ou l’emballage dans lequel le produit cosmétique est proposé à la vente.

[…] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12 A. M., qui est notamment propriétaire d’un institut de beauté, a acheté des produits cosmétiques d’un fabricant américain auprès d’E. M., distributeur desdits produits.

13 Il ressort plus précisément du dossier soumis à la Cour qu’A. M. avait bénéficié d’une formation dispensée par le représentant commercial d’E. M. portant sur les produits que ce dernier commercialisait. Lors de cette formation, l’étiquetage de ces produits lui avait été présenté et les propriétés de chacun d’entre eux lui avaient été expliquées. Ledit représentant lui avait remis une documentation rédigée en langue polonaise à cette fin, ainsi que des livrets de vente au détail et le support écrit de la formation. A. M. avait, en outre, été informée qu’il s’agissait de produits cosmétiques américains, dont l’emballage ne comportait pas d’informations en langue polonaise relatives à l’action de ces derniers mais sur lequel figurait un symbole représentant une main avec un livre ouvert, renvoyant à un catalogue contenant toutes les informations, en langue polonaise, sur ces produits.

14 À la suite de cette formation, A. M. a acheté à E. M., les 28 et 29 janvier 2016, 40 livrets de vente au détail au prix de 0,01 zlotys polonais (PLN) l’unité (environ 0,002 euros) et 10 catalogues d’entreprise au prix de 0,01 PLN l’unité ainsi que divers produits cosmétiques, à savoir des crèmes, masques et poudres, pour un montant brut de 3 184,25 PLN (711,61 euros). Sur l’emballage des produits figuraient le nom de l’entité responsable, le nom original du produit cosmétique, sa composition, sa date de péremption et son numéro de série, ainsi qu’un symbole représentant une main avec un livre ouvert, renvoyant au catalogue en langue polonaise.

15 A. M. a résilié le contrat de vente de ces produits pour vice de la chose vendue, faisant valoir qu’il n’y avait pas, sur l’emballage, d’information en langue polonaise sur la fonction du produit, ce qui ne permettait pas de l’identifier et d’en connaître les effets, ces caractéristiques ne ressortant pas clairement de la présentation. Elle a indiqué que les produits cosmétiques au détail qu’elle avait reçus lors de la dernière livraison ne comportaient pas sur leurs emballages les mentions, en langue polonaise, requises conformément au droit applicable en Pologne au commerce des produits cosmétiques, à savoir celles découlant de l’article 19, paragraphe 1, sous f), et de l’article 19, paragraphe 5, du règlement no 1223/2009. Elle a également fait valoir que les informations requises par la loi, en langue polonaise, n’avaient été insérées que dans le catalogue, qui n’était pas lié au produit.

16 E. M. a, pour sa part, assuré que les produits avaient été étiquetés conformément aux dispositions nationales en vigueur et à l’article 19 du règlement no 1223/2009. Il a ainsi indiqué que le symbole représentant une main avec un livre ouvert figurait sur les produits, lequel renvoyait l’utilisateur final du produit à une notice, en l’occurrence un catalogue fourni en langue polonaise avec chaque produit. Il a précisé que ce catalogue comportait une présentation complète en langue polonaise des produits et de leurs fonctions, notamment de leurs contre-indications, de leur mode d’application et de leurs ingrédients.

17 A. M. a saisi le Sąd Rejonowy dla m. st. Warszawy w Warszawie (tribunal d’arrondissement de la ville de Varsovie, Pologne), d’un recours tendant au remboursement des frais d’achat de ces produits. Cette juridiction a rejeté le recours, au motif qu’A. M. n’avait pu démontrer qu’elle ignorait que les produits étaient dépourvus d’indications en langue polonaise. Cette juridiction a notamment tenu compte de la collaboration antérieure des parties, du fait qu’A. M. n’avait pas précédemment fait état de vices de la marchandise et de la circonstance que, en l’espèce, un symbole figurait sur l’emballage individuel extérieur des produits en référence à des informations jointes, le symbole en question servant à améliorer la lisibilité et la communication avec le consommateur.

18 A. M. a interjeté appel de ce jugement devant le Sąd Okręgowy w Warszawie XXIII Wydział Gospodarczy Odwoławczy (tribunal régional de Varsovie, 23e division commerciale de recours, Pologne). Elle a notamment contesté l’appréciation portée par la juridiction de première instance selon laquelle le catalogue auquel il était renvoyé constituait un étiquetage correct des produits cosmétiques qui lui avaient été vendus, estimant qu’il ne ressortait pas clairement des éléments de preuve recueillis qu’il était impossible de faire figurer les informations requises sur les produits concernés.

19 C’est dans ces conditions que le Sąd Okręgowy w Warszawie XXIII Wydział Gospodarczy Odwoławczy (tribunal régional de Varsovie, 23e division commerciale de recours) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 19, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1223/2009, en ce qu’il dispose que le récipient et l’emballage des produits cosmétiques doivent porter, en caractères indélébiles, facilement lisibles et visibles, la mention de la fonction du produit cosmétique, sauf si cela ressort clairement de sa présentation, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’agit de mentionner les fonctions essentielles du produit cosmétique au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), à savoir nettoyer, soigner et protéger (maintenir en bon état), parfumer, embellir (modifier l’aspect), ou bien des fonctions plus détaillées qui permettent d’identifier les propriétés du produit cosmétique ?

2) L’article 19, paragraphe 2, du règlement no 1223/2009 ainsi que le considérant 46 du préambule dudit règlement doivent-ils être interprétés en ce sens qu’il est possible de faire figurer les mentions visées au paragraphe 1, sous d), g), et f), dudit article, à savoir celles relatives aux précautions particulières d’emploi, aux ingrédients et à la fonction, dans un catalogue d’entreprise qui présente également d’autres produits, en apposant sur l’emballage le symbole prévu à l’annexe VII, point 1 ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

20 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 19, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1223/2009 doit être interprété en ce sens que la mention de la « fonction d’un produit cosmétique » devant figurer, en vertu de cette disposition, sur le récipient et l’emballage d’un tel produit doit être de nature à informer le consommateur uniquement des buts poursuivis par l’emploi du produit, tels que visés à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de ce règlement – à savoir ceux de nettoyer, de parfumer, de modifier l’aspect, de protéger, de maintenir en bon état et de corriger les odeurs corporelles – ou également de l’ensemble des fonctions permettant d’identifier les propriétés spécifiques du produit concerné.

21 Aux termes de l’article 19, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1223/2009, les produits cosmétiques ne sont mis à disposition sur le marché que si le récipient et l’emballage de ces produits portent en caractères indélébiles, facilement lisibles et visibles la mention de « la fonction du produit cosmétique, sauf si cela ressort clairement de sa présentation ».

22 Aux fins d’interpréter l’expression « fonction du produit cosmétique » au sens de cette disposition, il y a lieu, conformément à la jurisprudence constante, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 2 avril 2020, kunsthaus muerz, C‑20/19, EU:C:2020:273, point 28 et jurisprudence citée).

23 En premier lieu, le libellé de ladite disposition ne définit pas la « fonction du produit cosmétique ». Cette expression n’est d’ailleurs pas reprise dans d’autres dispositions du règlement no 1223/2009.

24 L’article 2, paragraphe 1, sous a), de ce règlement définit ce produit en énonçant trois critères. Elle prévoit, tout d’abord, un critère relatif à la nature du produit en cause, à savoir qu’il doit s’agir d’une substance ou d’un mélange de substances, ensuite, un critère relatif à la partie du corps humain avec laquelle ce produit est destiné à être mis en contact et, enfin, un critère qui porte sur le but poursuivi par l’emploi dudit produit (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2015, Colena, C‑321/14, EU:C:2015:540, point 19).

25 S’agissant de ce dernier critère, ladite disposition précise que, pour être défini comme tel, un produit cosmétique doit avoir pour but exclusif ou principal de nettoyer, de parfumer, de modifier l’aspect, de protéger ou de maintenir en bon état l’une des parties du corps énumérées dans ladite disposition ou de corriger les odeurs corporelles.

26 En second lieu, en ce qui concerne tant le contexte dans lequel l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1223/2009 s’inscrit que les objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie, il y a lieu de relever que cet article, qui est le premier du chapitre VI de ce règlement, intitulé « Information des consommateurs », énonce les règles d’étiquetage qui doivent être respectées pour tous les produits cosmétiques mis sur le marché de l’Union européenne.

27 Il résulte d’une lecture d’ensemble des dispositions du règlement no 1223/2009, notamment de son article 1er, lues à la lumière des considérants 3 et 4 de celui-ci, que ce règlement vise à harmoniser de manière exhaustive les règles en vigueur dans l’Union afin d’établir un marché intérieur des produits cosmétiques, tout en assurant un niveau élevé de protection de la santé humaine (voir, en ce sens, arrêt du 12 avril 2018, Fédération des entreprises de la beauté, C‑13/17, EU:C:2018:246, points 23 à 25 et jurisprudence citée).

28 À cet égard, il importe, comme le précise le considérant 9 du règlement no 1223/2009, que les produits cosmétiques puissent être sûrs dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles. Or, ainsi que cela ressort de l’article 3, premier alinéa, sous a) et b), de ce règlement, un produit cosmétique mis à disposition sur le marché est sûr pour la santé humaine lorsqu’il est utilisé « dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles », compte tenu notamment des éléments relatifs à sa présentation et à son étiquetage. Il existe ainsi un rapport étroit entre, d’une part, la sécurité des produits cosmétiques mis sur le marché et, d’autre part, les exigences relatives à leur présentation et leur étiquetage.

29 L’article 19 du règlement no 1223/2009 tend ainsi à harmoniser de manière exhaustive les règles afférentes à l’emballage et à l’étiquetage des produits cosmétiques dans la mesure où, outre le fait qu’elle facilite la réalisation de l’objectif de commercialisation des produits cosmétiques au sein de l’Union, une telle harmonisation poursuit également un objectif de protection de la santé des personnes en ce sens qu’une information susceptible d’induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques d’un produit cosmétique pourrait également avoir une incidence sur la santé humaine.

30 Il ressort de l’ensemble de ces considérations que l’exigence consistant à fournir des informations en caractères indélébiles, facilement lisibles et visibles sur le récipient et sur l’emballage des produits cosmétiques relatives à la fonction du produit cosmétique, prévue à l’article 19, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1223/2009, ne saurait se limiter à la seule indication des buts poursuivis par l’emploi du produit, visés à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, à savoir ceux de nettoyer, de parfumer, de modifier l’aspect, de protéger ou de maintenir en bon état l’une des parties du corps énumérées dans ladite disposition ou de corriger les odeurs corporelles.

31 Il s’ensuit également que, alors que ces buts permettent de déterminer si un produit donné, en fonction de son usage et de sa finalité, peut être qualifié de produit cosmétique (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2015, Colena, C‑321/14, EU:C:2015:540, points 19 et 22) et, partant, ainsi que cela ressort du considérant 6 de ce règlement, de distinguer celui-ci d’autres produits ne relevant pas du champ d’application du règlement no 1223/2009, la « fonction du produit cosmétique », au sens de l’article 19, paragraphe 1, sous f), de ce règlement, se rapporte à l’indication de caractéristiques plus spécifiques de ce produit.

32 Ces dernières indications doivent, dans le cas où cela ne ressort pas clairement de la présentation du produit, permettre au consommateur de disposer d’une information plus complète sur le récipient et sur l’emballage de ce produit quant à son usage et à son mode d’utilisation. Ces mêmes indications permettent, dès lors, au consommateur de choisir le produit en toute connaissance de cause, évitant qu’il ne soit induit en erreur, et de l’utiliser de manière appropriée afin que l’objectif consistant à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine soit assuré.

33 La notion de « fonction du produit cosmétique », au sens de l’article 19, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1223/2009, ne saurait davantage être confondue avec les « allégations concernant le produit », visées à l’article 20 de ce règlement, à l’égard desquelles des règles spécifiques sont énoncées dans le règlement (UE) no 655/2013 de la Commission, du 10 juillet 2013, établissant les critères communs auxquels les allégations relatives aux produits cosmétiques doivent répondre pour pouvoir être utilisées (JO 2013, L 190, p. 31), ces « allégations » ayant pour objectif de fournir une quantité plus importante d’informations relatives aux caractéristiques ou aux propriétés de ces produits.

34 Partant, en réponse aux interrogations spécifiques formulées par la juridiction de renvoi, il y a lieu d’indiquer que ne figurent pas au nombre des indications devant être mentionnées au titre de la « fonction du produit cosmétique », prévue à l’article 19, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1223/2009, les informations détaillées portant sur les propriétés du produit cosmétique, notamment sur l’effet recherché et le groupe cible des destinataires du produit.

35 S’agissant de la nature et de l’étendue des informations relatives à la fonction du produit cosmétique devant figurer sur le récipient et l’emballage de ce produit en vertu de cette disposition, celles-ci doivent être appréciées, dans chaque cas, au regard des caractéristiques et des propriétés de chaque produit concerné, en tenant compte de l’attente présumée d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, en ce sens, arrêts du 13 janvier 2000, Estée Lauder, C‑220/98, EU:C:2000:8, points 27 et 28 ainsi que jurisprudence citée, et du 24 octobre 2002, Linhart et Biffl, C‑99/01, EU:C:2002:618, point 31).

36 Ladite disposition exige que les informations figurant sur le récipient et l’emballage du produit cosmétique, le cas échéant réduites à la seule désignation générique du produit en cause ou à la désignation courante de celui-ci, soient de nature à clairement informer le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de la fonction du produit concerné, afin qu’il ne soit pas induit en erreur quant à son usage et à son mode d’utilisation, et qu’il en fasse un usage qui ne nuise pas à sa santé.

37 Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 19, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1223/2009 doit être interprété en ce sens que la mention de la « fonction d’un produit cosmétique » devant figurer, en vertu de cette disposition, sur le récipient et l’emballage d’un tel produit doit être de nature à clairement informer le consommateur de l’usage et du mode d’utilisation du produit afin d’assurer que celui-ci puisse être utilisé de façon sûre par les consommateurs sans nuire à leur santé, et ne peut donc pas se limiter à la seule indication des buts poursuivis par l’emploi du produit, tels que visés à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de ce règlement. Il appartient au juge de renvoi de vérifier, au regard des caractéristiques et des propriétés du produit concerné ainsi que de l’attente d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, la nature et l’étendue de l’information devant figurer à ce titre sur le récipient et l’emballage du produit afin qu’il puisse en être fait un usage sans danger pour la santé humaine.

Sur la seconde question

38 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 1223/2009 doit être interprété en ce sens que les mentions visées à l’article 19, paragraphe 1, sous d), f), et g), de ce règlement, à savoir respectivement celles relatives aux précautions particulières d’emploi du produit cosmétique, à la fonction de ce produit et à ses ingrédients, peuvent figurer dans un catalogue d’entreprise qui présente également d’autres produits, lorsque sur l’emballage ou le récipient du produit cosmétique est apposé le symbole prévu à l’annexe VII, point 1, dudit règlement.

39 L’article 19, paragraphe 2, du règlement no 1223/2009 prévoit que les indications relatives aux informations concernant les précautions particulières d’emploi et les ingrédients, prévues respectivement aux points d) et g) de l’article 19, paragraphe 1, de ce règlement, figurent « sur une notice, une étiquette, une bande ou une carte jointe ou attachée au produit » lorsqu’il est impossible pour des raisons pratiques de les faire figurer sur l’étiquetage. Dans ce cas, cette disposition impose que, sauf impossibilité pratique, il soit fait référence à ces informations soit par une indication abrégée, soit par le symbole reproduit à l’annexe VII, point 1, dudit règlement, qui doit figurer sur le récipient ou l’emballage pour les indications visées à ce point d), et sur l’emballage uniquement pour celles visées à ce point g).

40 Il en découle, en premier lieu, qu’il convient de distinguer entre, d’une part, la mention relative à la fonction du produit, telle que prévue à l’article 19, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1223/2009, et, d’autre part, celles relatives aux précautions d’emploi et aux ingrédients, visées aux points d) et g) de l’article 19, paragraphe 1, dudit règlement, seules ces dernières pouvant figurer sur un support autre que l’étiquetage du produit, dans les conditions prévues au paragraphe 2 de cet article.

41 En deuxième lieu, la dérogation, prévue à l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 1223/2009, aux obligations en matière d’étiquetage fixées au paragraphe 1 de cet article doit être interprétée à la lumière du considérant 46 de ce règlement, qui énonce que, « [e]n cas d’impossibilité pratique de faire figurer le nom de ces ingrédients sur l’emballage, il convient que ces indications soient jointes de manière à ce que le consommateur puisse disposer de ces informations ».

42 L’article 19, paragraphe 2, du règlement no 1223/2009 instaure ainsi un régime dérogatoire au régime général d’étiquetage et doit, par conséquent, recevoir une interprétation stricte (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2001, Schwarzkopf, C‑169/99, EU:C:2001:439, point 31).

43 S’agissant de l’affaire au principal, il appartient au seul juge de renvoi de déterminer au cas par cas, en fonction des faits de l’espèce pendante devant lui, si les conditions d’application de cette disposition sont réunies. Toutefois, il peut être relevé que le renvoi à « un catalogue d’entreprise séparé présentant plusieurs produits », tel que celui qui avait été fourni lors de la vente des produits en cause, n’apparaît pas comme étant conforme aux dispositions du règlement no 1223/2009.

44 Premièrement, lorsqu’un tel renvoi est effectué, seules peuvent être employées en tant que support externe au produit cosmétique, en vertu de l’article 19, paragraphe 2, de ce règlement, « une notice, une étiquette, une bande ou une carte jointe ou attachée au produit ». L’annexe VII dudit règlement, dans laquelle figurent les trois symboles pouvant être apposés sur l’emballage ou le récipient de ce produit, prévoit expressément, ainsi que cela ressort de l’intitulé de son point 1, le « [r]envoi à des informations jointes ou attachées au produit » auquel correspond le symbole représentant une main avec un livre ouvert. Un catalogue d’entreprise fourni séparément, qui contient une description du ou des produits cosmétiques en cause, mais également d’autres produits de la gamme proposée par le fabricant, n’est pas joint ou attaché à un produit spécifique.

45 Deuxièmement, il ressort de l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 1223/2009 que la mention des indications visées au paragraphe 1 de cet article sur un support externe au produit cosmétique n’est permise qu’en cas d’impossibilité « pour des raisons pratiques » de les faire figurer sur l’étiquetage. Cette impossibilité renvoie à des hypothèses dans lesquelles il n’est matériellement pas possible, en raison de la nature et de la présentation même du produit, de faire figurer certaines mentions.

46 Dans ce contexte, le fait, évoqué par la juridiction de renvoi, que les produits cosmétiques en cause sont importés, ce qui, compte tenu de l’exigence de faire figurer les mentions requises dans la langue désignée en vertu de l’article 19, paragraphe 5, du règlement no 1223/2009, est de nature à générer des difficultés de nature organisationnelle et financière, liées à la nécessité de traduire certaines informations et d’effectuer des opérations de ré-étiquetage, voire de remballage, ne caractérise pas en soi une impossibilité d’ordre pratique de les faire figurer sur l’étiquetage. Les coûts engendrés par un nouvel étiquetage de ces produits dans une autre langue, en vue de leur commercialisation dans d’autres États membres, ne sauraient en aucun cas être considérés comme un motif justifiant un étiquetage incomplet du produit sur le récipient et sur l’emballage.

47 L’exigence énoncée à cette dernière disposition, selon laquelle les informations visées à cet article 19, paragraphe 1, sous b) à d) et f), ainsi qu’aux paragraphes 2 à 4 de cet article sont mentionnées dans la langue prescrite par la législation de l’État membre dans lequel le produit est mis à la disposition de l’utilisateur final, permet de garantir un niveau élevé de protection des consommateurs. La protection de la santé humaine ne pourrait, en effet, pas être pleinement assurée si les consommateurs n’étaient pas en mesure de prendre pleinement connaissance et de comprendre notamment la mention relative à la fonction du produit cosmétique concerné et aux précautions particulières à observer lors de son utilisation. Les informations que les producteurs ou les distributeurs des produits cosmétiques visés par le règlement no 1223/2009 ont l’obligation de faire figurer sur le récipient et l’emballage du produit, sauf lorsqu’elles peuvent être transmises efficacement par l’utilisation de pictogrammes ou de signes autres que des mots, sont dépourvues d’utilité pratique si elles ne sont pas libellées dans une langue compréhensible pour les personnes auxquelles elles sont destinées (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2001, Schwarzkopf, C‑169/99, EU:C:2001:439, point 40 et jurisprudence citée).

48 De même, le fait que l’étiquetage des produits cosmétiques incombe à un tiers au contrat de vente en cause au principal, à savoir le fabricant de ces produits, et non au distributeur de ces derniers ne caractérise pas davantage une impossibilité pratique de faire figurer les mentions requises sur l’étiquetage desdits produits. À cet égard, ainsi que la Cour l’a précisé, la volonté du fabricant ou du distributeur de tels produits de faciliter leur circulation à l’intérieur de l’Union ne suffit pas en soi pour justifier une mention incomplète des informations obligatoires. La notion d’« impossibilité » faisant, de manière générale, référence à une donnée de fait sur laquelle celui qui l’invoque n’a pas de prise, elle ne saurait être comprise comme permettant au fabricant ou au distributeur de produits cosmétiques, en raison du nombre de langues, de l’Union ou non, qu’il choisit d’utiliser, d’invoquer à sa convenance un cas d’« impossibilité pratique », au sens de l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 1223/2009 (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2001, Schwarzkopf, C‑169/99, EU:C:2001:439, point 35).

49 Il y a donc lieu de répondre à la seconde question que l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 1223/2009 doit être interprété en ce sens que les mentions visées à l’article 19, paragraphe 1, sous d), f) et g), de ce règlement, à savoir respectivement celles relatives aux précautions particulières d’emploi du produit cosmétique, à la fonction de ce produit et à ses ingrédients, ne peuvent figurer dans un catalogue d’entreprise auquel renvoie le symbole prévu à l’annexe VII, point 1, dudit règlement apposé sur l’emballage ou le récipient dudit produit.

Sur les dépens

50 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

1) L’article 19, paragraphe 1, sous f), du règlement (CE) no 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif aux produits cosmétiques, doit être interprété en ce sens que la mention de la « fonction d’un produit cosmétique » devant figurer, en vertu de cette disposition, sur le récipient et l’emballage d’un tel produit doit être de nature à clairement informer le consommateur de l’usage et du mode d’utilisation du produit afin d’assurer que celui-ci puisse être utilisé de façon sûre par les consommateurs sans nuire à leur santé, et ne peut donc pas se limiter à la seule indication des buts poursuivis par l’emploi du produit, tels que visés à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de ce règlement. Il appartient au juge de renvoi de vérifier, au regard des caractéristiques et des propriétés du produit concerné ainsi que de l’attente d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, la nature et l’étendue de l’information devant figurer à ce titre sur le récipient et l’emballage du produit afin qu’il puisse en être fait un usage sans danger pour la santé humaine.

2) L’article 19, paragraphe 2, du règlement no 1223/2009 doit être interprété en ce sens que les mentions visées à l’article 19, paragraphe 1, sous d), f) et g), de ce règlement, à savoir respectivement celles relatives aux précautions particulières d’emploi du produit cosmétique, à la fonction de ce produit et à ses ingrédients, ne peuvent figurer dans un catalogue d’entreprise auquel renvoie le symbole prévu à l’annexe VII, point 1, dudit règlement apposé sur l’emballage ou le récipient dudit produit.