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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 15 décembre 2020, n° 18/01374

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vivagro (SARL)

Défendeur :

Jouffray Drillaud (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Potée

Conseillers :

M. Braud, Mme Vallée

TGI Bordeaux, du 23 janv. 2018

23 janvier 2018

EXPOSE DU LITIGE

La société « Interagro UK Limited » (ci-après « Interagro ») est une société anglaise qui fabrique et commercialise des produits phytosanitaires dédiés à l'agriculture et l'horticulture.

Parmi ces produits, cette société fabrique et distribue un adjuvant dénommé « CANTOR », marque verbale déposée par elle le 19 octobre 2007. Ce produit n'est pas commercialisé directement en France mais par l'intermédiaire de distributeurs-grossistes.

Par contrat du 29 juillet 2009, la société Interagro a conféré à la société Vivagro le droit exclusif de distribuer, notamment en France, quatre de ses adjuvants, parmi lesquels le « CANTOR » et le « FIELDOR » (produits de composition identiques mais différents de forme et dénomination).

Toutefois, estimant que la SARL Vivagro n'arrivait pas à honorer ses objectifs commerciaux, la société Interagro lui a notifié la résiliation de ce contrat de distribution par courrier du 14 janvier 2011 avec effet au 1er août 2011.

Par la suite, le 1er octobre suivant, la société Interagro aurait (ce point étant discuté) confié à la SAS Jouffray Drillaud l'exclusivité de la distribution :

- du FIELDOR à destination des grossistes et semi-grossistes ;

- du CANTOR à destination des détaillants (coopératives et négociants agricoles).

De ce fait, si la société Vivagro ne pouvait plus distribuer de CANTOR aux détaillants, elle pouvait toutefois le faire encore pour le FIELDOR à condition de se fournir auprès de la société Jouffray Drillaud.

Par jugement du 9 décembre 2014 devenu définitif, le tribunal de grande instance de Bordeaux a condamné la société Vivagro à verser à la société Interagro les sommes de 5.000 € et 3.000 € en réparation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis au préjudice de la société Interagro.

Il était reproché à la société Vivagro d'avoir, notamment sur-étiqueté des bouteilles de FIELDOR par des étiquettes estampillées CANTOR pour les revendre sous cette forme, qui plus est en faisant apparaître sur ces étiquettes la mention « distribué par Vivagro », suivie des coordonnées de la société.

Considérant avoir subi du fait de ces manœuvres, des actes de concurrence déloyale, la société Jouffray Drillaud a fait assigner la société Vivagro devant le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Par jugement du 23 janvier 2018, le tribunal a :

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société Vivagro,

- déclaré recevables les pièces n°19, 20 et 21 versées au débat par la société Jouffray Drillaud,

- dit qu'en commettant en 2014 une contrefaçon de marque au préjudice de la société Interagro, à savoir en revendant à la société Surget 3.168 bouteilles d'un litre d'adjuvants FIELDOR réétiquetées CANTOR, la société VIVAGRO a commis un acte de concurrence déloyale au préjudice de la société Jouffray Drillaud,

- condamné en conséquence la société Vivagro à verser à la société Jouffray Drillaud la somme de 10.000 € en réparation du préjudice subi,

- interdit à compter de la signification du jugement à la société Vivagro de distribuer des adjuvants de marque CANTOR, sous astreinte de 500 € par infraction constatée,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné la société Vivagro aux dépens et à verser à la société Jouffray Drillaud la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit ne pas y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire du jugement.

La société Vivagro a relevé appel de ce jugement par déclaration du 8 mars 2018 et par dernières conclusions déposées le 5 décembre 2018, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société Vivagro,

. déclaré recevables les pièces n°19, 20 et 21 versées par la société Jouffray Drillaud,

. dit qu'en commettant en 2014 une contrefaçon de marque au préjudice de la société Interagro, à savoir en revendant à la société Surget 3.168 bouteilles d'un litre d'adjuvants FIELDOR réétiquetées CANTOR, la société Vivagro a commis un acte de concurrence déloyale au préjudice de la société Jouffray Drillaud,

. condamné en conséquence la société Vivagro à verser à la société Jouffray Drillaud la somme de 10.000 € en réparation du préjudice subi,

. interdit à compter de la signification du jugement à la société Vivagro de distribuer des adjuvants de marque CANTOR, sous astreinte de 500 € par infraction constatée,

. rejeté toutes autres demandes,

. condamné la société Vivagro aux dépens et à verser à la société Jouffray Drillaud la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. dit ne pas y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire du jugement.

En conséquence :

- déclarer la société Jouffray Drillaud irrecevable en son action en concurrence déloyale pour absence de réunion des éléments constitutifs de la concurrence déloyale, absence de qualité à agir et autorité de la chose jugée,

- constater en particulier que la société Jouffray Drillaud n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de faits de concurrence déloyale distincts de la contrefaçon de marque et dont elle aurait été personnellement victime,

- constater qu'elle n'apporte pas la preuve des éléments constitutifs de la concurrence déloyale, à savoir une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice,

- constater que les faits dont elle se prévaut ont déjà été sanctionnés par une décision de justice qui a autorité de la chose jugée,

- constater qu'elle n'apporte pas la preuve de sa qualité de distributeur exclusif, ni de sa qualité à agir,

Subsidiairement :

Si la cour ne faisait pas droit à la demande d'irrecevabilité de l'action de la société Jouffray Drillaud :

- déclarer la société Jouffray Drillaud mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- l'en débouter,

- juger que la société Jouffray Drillaud n'apporte pas la preuve des éléments constitutifs de la concurrence déloyale,

- à titre reconventionnel, juger que cette dernière s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire et d'agissements contraires aux règles du commerce à l'encontre de la société Vivagro,

- condamner la société Jouffray Drillaud au paiement à la société Vivagro d'une somme de 250.000 € en réparation du préjudice par elle subi,

En tout état de cause :

- juger la société Jouffray Drillaud mal fondée en son appel incident et l'en débouter,

- juger la société Jouffray Drillaud mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- l'en débouter.

- condamner la société Jouffray Drillaud au paiement d'une somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens, avec bénéfice de distraction.

Par conclusions déposées le 6 septembre 2019, la société Jouffray Drillaud prie la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société Vivagro,

. déclaré recevables les pièces n°19, 20 et 21 versées par la société Jouffray Drillaud,

. dit qu'en commettant en 2014 une contrefaçon de marque au préjudice de la société Interagro, à savoir en revendant à la société Surget 3.168 bouteilles d'un litre d'adjuvants FIELDOR réétiquetées CANTOR, la société Vivagro a commis un acte de concurrence déloyale au préjudice de la société Jouffray Drillaud,

. dit qu'en se présentant comme distributeur autorisé du produit CANTOR la société Vivagro a commis un acte de concurrence déloyale au préjudice de la société Jouffray Drillaud,

. rejeté la demande reconventionnelle formée par la société Vivagro ,

. interdit à compter de la signification du présent jugement à la société Vivagro de distribuer des adjuvants de marque CANTOR, sous astreinte de 500 € par infraction constatée,

- infirmer les dispositions suivantes du jugement :

. « condamne en conséquence la société Vivagro à verser à la société Jouffray Drillaud la somme de 10.000 € en réparation du préjudice subi »,

. « rejette toutes autres demandes », en ce que par cette dispositions le tribunal a rejeté la mesure de publication du jugement qu'avait sollicité la concluante.

Et y ajoutant :

- condamner la SARL Vivagro à payer à la SAS Jouffray Drillaud, la somme de 204.000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi, sauf à parfaire,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, intégralement ou par extraits, dans trois journaux ou magazines au choix de la SAS Jouffray Drillaud, le coût total de chacune de ces trois insertions ne pouvant excéder 5.000 € à la charge de la SARL Vivagro,

En toute hypothèse :

- condamner la SARL Vivagro à payer à la SAS Jouffray Drillaud, la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner la SARL Vivagro aux entiers dépens avec bénéfice de distraction.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 10 novembre 2020.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les fins de non-recevoir

1- Sur l'autorité de chose jugée

La société Vivagro reproche au premier juge d'avoir écarté cette fin de non-recevoir en se fondant sur le défaut d'identité des parties et d'objet du litige tranché par le tribunal le 9 décembre 2014 entre les sociétés Interagro et Vivagro alors que, selon l'appelante, ce tribunal s'était prononcé à la fois sur la contrefaçon et la concurrence déloyale, que l'ensemble des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale avait été sanctionnés dans toutes leurs conséquences au titre de la distribution du produit par sur-étiquetage et que la société Vivagro ne peut donc faire l'objet d'une double sanction pour les mêmes faits.

La société Jouffray-Drillaud réplique que l'autorité de la chose jugée le 9 décembre 2014 ne lui est pas opposable puisqu'elle n'a pas été partie à cette procédure et que l'objet de ses demandes est différent notamment en ce qu'elle poursuit l'indemnisation du préjudice personnel résultant de la concurrence déloyale qu'elle a subie.

Dans son jugement du 9 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Bordeaux a constaté et sanctionné les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis au préjudice de la société Interagro par la société Vivagro, notamment au vu du résultat des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 14 mai 2014.

Le jugement a retenu l'existence d'un acte de concurrence déloyale par « l'indication très apparente sur les bouteilles réétiquetées CANTOR de la mention « Distribué par VIVAGRO » suivie des coordonnées complète de la société défenderesse (...) laquelle est indéniablement de nature à entraîner, par l'usage de la fausse qualité de distributeur du CANTOR, une captation de clientèle au préjudice de la société INTERAGRO et de son distributeur exclusif en France à la date des faits, à savoir la société JOUFFRAY DRILLAUD ».

Si la réalité et l'ampleur du préjudice personnel de la société Jouffray Drillaud au titre de ces faits de concurrence déloyale peuvent ainsi être discutées sur le fond par la société Vivagro dans le cadre de la présente procédure, il n'en demeure pas moins que le tribunal n'avait pas été saisi par la société Jouffray Drillaud de demandes de ce chef et que, sur le plan de la recevabilité de son action, il ne peut être opposé à cette société le jugement du 9 décembre 2104 auquel elle n'était pas partie.

La décision déférée à la cour sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a écarté l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement.

2. Sur la qualité pour agir

La société Vivagro maintient en appel que l'intimée ne disposait pas du droit d'agir en qualité de distributeur exclusif des produits CANTOR de la société Interagro, faute de justifier d'un contrat de distribution exclusive valide à la date des faits, le contrat versé aux débats, dépourvu de date, ayant dû être établi a posteriori, pour les besoins de la cause.

Cependant, par d'exacts motifs non remis en cause par les débats d'appel, le premier juge a écarté ce moyen après examen du contrat qui rend crédible sa signature le 5 octobre 2011, même si l'année n'est pas indiquée, compte tenu de sa date d'effet fixée au 1er octobre 2011, imprimée sur la même page que la signature des parties et des échanges entre les parties, notamment du courriel du 26 avril 2012 par lequel la société Interagro signifiait à cette date à la société Vivagro, la distribution exclusive par la société intimée des produits CANTOR.

Il convient au surplus de noter que la société Vivagro ne peut, sans se contredire, contester la qualité de distributeur exclusif de la société Jouffray Drillaud tout en invoquant l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 9 décembre 2014 qui se réfère expressément à cette qualité de distributeur exclusif à la date des faits, découverts en 2014.

3. Sur la recevabilité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon

L'appelante soutient que l'intimée n'est pas recevable à invoquer à l'appui de son action, les pièces 19 à 21 relatives au procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 mai 2014 dès lors que la société Jouffray Drillaud n'était pas demanderesse à la requête à fin de saisie et qu'elle n'a pas assigné dans les délais imposés par l'article R. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, d'autant que la saisie a épuisé tous ses effets par la procédure engagée par la société Interagro et qui s'est achevée par le jugement du 9 décembre 2014.

Toutefois, comme le soutient la société intimée, la nullité des pièces relatives aux opérations de saisie-contrefaçon n'est encourue, selon les termes clairs des dispositions de l'article L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle, que par le demandeur à l'action civile ou pénale en contrefaçon s'il n'assigne pas dans les délais fixés par l'article R. 716-4 du même code.

Rien n'interdit donc à un tiers, demandeur à une action en concurrence déloyale, d'invoquer à titre probatoire, la teneur des procès-verbaux de saisie dès lors que ceux-ci sont valides pour avoir été suivis d'une action engagée dans les délais réglementaires par le demandeur en contrefaçon, étant observé au surplus que, lors de la procédure achevée par le jugement du 9 décembre 2014, ces procès-verbaux n'ont pas fait l'objet de contestation de la part de la société Vivagro (et non de la société Jouffray Drillaud comme indiqué par erreur par le jugement déféré).

Le jugement qui a déclaré les pièces de saisie contrefaçon, recevables mérite ainsi confirmation.

4. Sur la recevabilité de l'action en concurrence déloyale faute d'éléments constitutifs

La société Vivagro soutient que le premier juge a omis de statuer sur ce moyen d'irrecevabilité en n'ayant répondu que sur le fond alors que la réunion des éléments constitutifs de la concurrence déloyale, à savoir, l'existence d'une faute distincte de la contrefaçon, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux, est une condition de recevabilité de l'action.

Dans la mesure où le tribunal a examiné l'ensemble de ces éléments qu'il a retenus pour constater l'existence d'un acte de concurrence déloyale, il a nécessairement admis la recevabilité de l'action et s'il a rappelé qu'il était exigé du demandeur à l'action en concurrence déloyale la preuve de faits distincts de la contrefaçon notamment pour éviter une double indemnisation, il a aussi noté à juste titre qu'en l'espèce la société Jouffray Drillaud n'avait pas agi en contrefaçon et qu'elle ne se prévalait de la contrefaçon que pour faire constater le comportement fautif de la société Vivagro lui ayant causé un préjudice en terme de concurrence déloyale et parasitaire.

Il est en effet exact que l'exigence d'une preuve de faits distincts de la contrefaçon ne s'impose pas au demandeur à l'action en concurrence déloyale qui ne dispose pas de droits privatifs sur la marque, comme c'est le cas en l'espèce, et qui doit seulement démontrer en quoi la contrefaçon a pu entraîner pour lui un acte de concurrence déloyale lui causant un préjudice.

Le jugement qui a rejeté l'ensemble des fins de non-recevoir sera donc confirmé.

Sur le fond

La société Vivagro conteste toute faute distincte de la contrefaçon et elle nie la réalité du préjudice résultant de la vente à l'un de ses clients historiques de bouteilles de FIELDOR réétiquetées CANTOR, affirmant qu'ayant acquis les bouteilles de FIELDOR auprès de la société intimée, celle-ci n'a été privée d'aucune vente et n'a donc subi aucun préjudice.

S'agissant de la faute invoquée, il vient d'être rappelé que la preuve de faits distincts de la contrefaçon n'est pas exigée de la part du demandeur à l'action en concurrence déloyale qui ne dispose pas de droits privatifs sur la marque.

Or, comme l'a exactement constaté le premier juge, par la contrefaçon, établie à l'égard de la société Interagro et non contestée par la société Vivagro, la société appelante a vendu abusivement à un de ses clients, la société Triskalia, à partir de janvier 2014, 3.168 bouteilles de FIELDOR après ré-étiquetage en bouteilles de CANTOR, alors qu'à cette époque, seule la société intimée était distributeur exclusif du CANTOR, ce que n'ignorait pas la société Vivagro, au moins depuis avril 2012.

En outre, il n'est pas non plus contesté que la société Vivagro a apposé sur les bouteilles réétiquetées en CANTOR la mention 'Distribué par VIVAGRO' suivi de ses coordonnées, fausse information constitutive d'une faute distincte de la seule contrefaçon, de nature à induire en erreur la clientèle sur sa qualité de distributeur du produit, au détriment de la société intimée, et ce, même si les produits FIELDOR et CANTOR sont de même composition puisque seule la société Jouffray Drillaud était habilité à distribuer le CANTOR.

Pour ce qui concerne la réalité des préjudices invoqués, même si les bouteilles de FIELDOR ont été régulièrement acquises auprès de la société intimée, celle-ci a nécessairement subi un préjudice financier égal au gain manqué par la vente directe qu'elle n'a pas pu faire au client de la société Vivagro qui n'aurait pu se fournir en bouteilles d'un litre de CANTOR qu'auprès du distributeur exclusif si la société appelante avait respecté cette exclusivité.

Celle-ci n'est pas fondée à prétendre que si la société intimée avait vendu le produit à la société Triskalia, elle n'aurait pas pu vendre la même quantité à la société Vivagro et ne pourrait ainsi se prévaloir d'aucun gain manqué alors que la société Vivagro pouvait parfaitement acquérir auprès de la société Jouffray-Drillaud du FIELDOR destiné à d'autres clients qui ne réclamaient pas, comme la société Triskalia, des bidons d'un litre de CANTOR.

Par ailleurs, la société Vivagro indiquant avoir acquis le produit FIELDOR au prix de 10,35 € le litre en conditionnement d'un litre, le manque à gagner de la société intimée n'est pas non plus contestable s'il est rapporté au produit CANTOR que la société Vivagro a contrefait et qui était vendu 14,301 € le litre en bouteille d'un litre par la société Jouffray Drillaud.

Pour évaluer le préjudice financier de la société intimée à 10.000 €, le premier juge a relevé à bon droit que le préjudice évalué à 22.115,80 € par la société intimée ne pouvait résulter de la seule différence entre le prix de vente unitaire du litre et le prix d'achat et de reconditionnement du produit, cette marge brute ne rendant pas compte de l'ensemble des charges supportées par le distributeur.

En l'absence d'éléments comptables établissant la marge nette réalisable pour les quantités de produit en cause, l'évaluation du tribunal sera confirmée.

Il en est de même du rejet, pour les pertinents motifs du premier juge, faute de justifications suffisantes, des demandes indemnitaires fondées sur une perte de chance de réaliser des ventes supplémentaires de CANTOR et des demandes formées au titre de la 'dilution' de la qualité de distributeur exclusif de la société Jouffray-Drillaud, compte tenu de l'absence de preuve du lien causal entre les investissements promotionnels réalisés par celle-ci et les faits de concurrence déloyale commis par l'appelante.

La publication de la présente décision n'apparaît pas utile dans les circonstances de l'espèce.

S'agissant de la demande de la société Vivagro de voir constater et sanctionner par des dommages et intérêts les faits de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société intimée à son égard, l'appelante expose que ce sont les agissements concertés des sociétés Interagro et Jouffray Drillaud qui ont conduit à la perte injustifiée de la qualité de distributeur de la société Vivagro après qu'elle ait pendant des années développé les ventes de produits.

Elle indique ainsi qu'après la résiliation abusive du contrat de distribution par Interagro, elle a dû passer par un nouvel intermédiaire, la société intimée, mais qu'en décembre 2013, six mois après sa commande de FIELDOR auprès de la société Jouffray Drillaud, la société Interagro a procédé au retrait de l'AMM du FIELDOR sans en informer la société Vivagro qui n'a appris ce retrait qu'en septembre 2014 par le ministère de l'agriculture de sorte que l'appelante s'est alors trouvée dans l'incapacité de formuler ses offres commerciales ce qui a permis à la société intimée de récupérer indûment son plus gros client.

Ce seul énoncé démontre que les actes de concurrence déloyale invoqués par la société Vivagro ont bien pour origine première la rupture du contrat de distribution par la société Interagro et ensuite le retrait de l'AMM du FIELDOR par la même société Interagro qui n'est pas partie à la présente procédure et contre laquelle, au demeurant, la société Vivagro n'avait formulé aucune demande au titre de la concurrence déloyale lors de la procédure précédente achevée par le jugement du 9 décembre 2014.

Dans ces conditions, le premier juge ne peut qu'être approuvé lorsqu'il a rejeté les demandes de la société Vivagro dirigées contre la société Jouffray-Drillaud au motif qu'elle ne pouvait se fonder sur des griefs imputés à la société Interagro.

Il sera alloué à l'intimée une indemnité de 6.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant ;

Condamne la SARL Vivagro à verser à la SAS Jouffray-Drillaud une indemnité de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Vivagro aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.