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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 16 décembre 2020, n° 18/03885

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

AXA France Iard (SA), Allianz Iard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Debeugny

Conseillers :

Mme Tilliez, M. Mellet

TGI Rouen, du 20 juillet 2018

20 juillet 2018

FAITS ET PROCÉDURE

Madame Mélina C. a acquis de Monsieur Thierry L. le 13 octobre 2011 une chaumière, sise [...], dont la couverture en roseaux de Camargue a été exécutée en 2005 par Monsieur Philippe L., artisan et couvreur en chaume, assuré auprès de la société Axa France Iard, pour un prix de 56.400 euros TTC comprenant la fourniture et la pose de roseaux.

Une facture correspondant au solde des travaux a été émise le 31 août 2005 par Monsieur Philippe L..

En octobre 2013, un pourrissement de la chaume a été constaté par Monsieur C., compagnon de Madame C., assuré auprès de la société Das.

Le sinistre a été déclaré par Monsieur C. et par Monsieur Philippe L. auprès de leurs assureurs respectifs et des expertises amiables ont été réalisées par Monsieur G. et Monsieur D..

Sur assignation en référé des 12 et 13 janvier 2015 par Madame C. de Monsieur Philippe L. et son assureur, la société Axa France Iard, la Sarl P. et fils et son assureur, la société Allianz Iard, le juge des référés de Rouen a, suivant ordonnance en date du 16 avril 2005, ordonné une mesure d'expertise, afin notamment de décrire les désordres affectant la toiture et d'en rechercher les causes.

Monsieur Michel B., expert désigné, a déposé son rapport le 17 janvier 2017.

Par exploits en dates des 22, 23, 24 et 27 février 2017, Madame Mélina C. a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Rouen les mêmes parties, aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, prononcer leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 112.457 euros TTC, avec indexation des sommes allouées au titre des travaux de remise en état, le tout assorti des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles et les entiers dépens.

Suivant jugement en date du 20 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Rouen a :

- déclaré les demandes formées par Madame Mélina C. recevables,

- rejeté toutes les demandes formées par Madame Mélina C. ainsi que toute autre demande,

- dit n'y avoir lieu à fixation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame Mélina C. aux dépens et autorisé la Scp L.M. & associés et la Selarl H. & P.-B. à en poursuivre le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration électronique au greffe de la cour en date du 24 septembre 2018, Madame Mélina C. a interjeté appel des dispositions du jugement en date du 20 juillet 2018 à l'encontre de Monsieur Philippe L. et de la société Axa France Iard.

Monsieur Philippe L. et la société Axa France Iard ont constitué avocat le 23 octobre 2018.

Par acte en date du 06 mars 2019, Monsieur Philippe L. et la société Axa France Iard ont assigné la Sarl P. & fils et la SA Allianz Iard en appel provoqué aux fins de condamnation in solidum ou de garantie en cas de réformation du jugement entrepris.

La Sarl P. & fils et la SA Allianz Iard ont respectivement constitué avocat les 13 mars et 12 avril 2019.

La clôture de la procédure a été fixée au 24 juin 2020.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses conclusions communiquées par RPVA le 20 mai 2020, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, Madame Mélina C. demande à la cour au visa du rapport d'expertise de Monsieur G. du 27 juin 2014, du rapport d'expertise de Monsieur D. du 11 juillet 2014, du rapport judiciaire de Monsieur Michel B. du 17 janvier 2017, des articles 1792 à 1792-6 du code civil, subsidiairement, des anciens articles 1134 alinéa 3, 1135, 1147, 1386-1 et suivants et 1602, 1603, 1604, 1615 du code civil, de l'ancien article 1157 du code civil, de l'article 2239 du code civil sur la suspension de la prescription et des articles L. 124-3, L. 241-1 du code des assurances, de :

- la déclarer recevable et fondée en son appel, réformer le jugement entrepris à l'égard de Monsieur L. et de la société Axa France Iard,

- statuant à nouveau, déclarer Monsieur Philippe L. responsable du préjudice matériel subi,

- condamner in solidum Monsieur Philippe L., la société Axa France Iard, ou l'un à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 112.457 euros TTC, et subsidiairement à la somme de 56.400 euros ou à toute autre somme appréciée par la cour, avec les intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

- dire que les sommes allouées pour les travaux de remise en état seront indexées en fonction de la variation du dernier indice BT 01 du coût de la construction depuis le 17 janvier 2017, date à laquelle elles ont été déterminées par l'expert, jusqu'au jour du paiement à intervenir,

- à titre infiniment subsidiaire, ordonner une expertise et la désignation d'un expert autre que Monsieur Michel B. pour constater l'aggravation des dommages, si par impossible la cour estimait l'étendue du préjudice matériel incomplètement précisée par le rapport d'expertise judiciaire,

- rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

- condamner in solidum Monsieur Philippe L., la société Axa France Iard, ou l'un à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 3.000 euros comprenant les honoraires d'avocat devant le juge des référés, durant les opérations d'expertise judiciaire et devant le tribunal de grande instance de Rouen, en application de l'article 700 du code de procédure civile et une somme de 3.000 euros pour la procédure d'appel,

- condamner in solidum Monsieur Philippe L., la société Axa France Iard, ou l'un à défaut de l'autre, à lui payer les dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire et dire que, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, Maître Géraldine de P. pourra recouvrer directement les frais avancés.

Dans leurs conclusions communiquées par RPVA le 16 juin 2020, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, Monsieur Philippe L. et son assureur, la société Axa France Iard demandent à la cour au visa du rapport d'expertise et des articles 1792, 1134 alinéa 3, 1135 et 1147 (ancienne rédaction) du code Civil, 1386-6 du code civil (ancienne rédaction), de :

- recevoir Madame Mélina C. en son appel, le déclarer non fondé et rejeter toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions relatives à la responsabilité de Monsieur L. et la garantie de la société Axa France Iard,

Subsidiairement :

- dire et juger que les garanties prévues au contrat d'assurance Multirisques Artisan du Bâtiment souscrit par Monsieur L. auprès de la société Axa France Iard ne peuvent recevoir application en l'espèce et prononcer la mise hors de cause de la société Axa France Iard,

Toujours subsidiairement,

- dire et juger que Madame C. ne saurait prétendre à une indemnisation supérieure à la somme de 43.651,50 euros TTC correspondant à l'estimation expertale du coût de la réparation de la couverture litigieuse et rejeter toutes demandes pour le surplus.

En tout état de cause :

- dire n'y avoir lieu à ordonner une nouvelle mesure d'expertise,

- condamner Madame C. à leur payer ensemble la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame C. en tous dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la Scp L.M. & associés, pour ceux dont il aura été fait l'avance sans en avoir reçu provision préalable en application des articles 695 et 699 du code de procédure civile,

Subsidiairement, au visa des articles 1641 du code civil et L. 124-3 du code des assurances :

- les déclarer recevables en leur appel provoqué à l'encontre de la société P. & fils et de la société Allianz Iard son assureur,

Dans l'hypothèse où la cour d'appel réformerait le jugement entrepris, les condamnerait in solidum ou l'un à défaut de l'autre, à indemniser Madame Mélina C. au titre des travaux de remise en état, des frais irrépétibles et des dépens :

- les juger bien fondés dans leur action récursoire à l'égard de la société P. & fils et de la Société Allianz Iard,

- condamner la société P. & fils et la société Allianz Iard in solidum ou l'une de l'autre à les relever et garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice de Madame Mélina C.,

- en ce cas, condamner la société P. & fils et la Société Allianz Iard in solidum ou l'un à défaut de l'autre à leur payer ensemble la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d'appel.

- les condamner de même en tous dépens de première instance et d'appel dont distraction pour la Scp L.M. & associés, en application des dispositions des articles 695 et 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions communiquées par RPVA le 17 septembre 2019, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, la Sarl P. & fils demande à la cour au visa des articles 1134 et suivants, 1641 et suivants du code civil, L. 110-4 du code de commerce, de :

- juger l'action en responsabilité de droit commun de Monsieur L. et de sa compagnie d'assurances prescrite,

- juger l'action récursoire en garantie des vices rédhibitoires de Monsieur L. et de sa compagnie d'assurance prescrite,

Subsidiairement :

- juger que Monsieur L. et sa compagnie d'assurances ne justifient pas d'un lien contractuel avec la société P. & fils de nature à entraîner une action récursoire,

- juger, à titre infiniment subsidiaire, que ni Madame C., ni Monsieur L., ne justifient que la détérioration du roseau ait une origine antérieure à la vente de celui-ci,

- en conséquence, débouter Monsieur L. et sa compagnie d'assurances de toute demande de condamnation,

Dans l'hypothèse où la cour réformerait la décision entreprise et condamnerait la société P. & fils à relever et garantir, même partiellement, Monsieur L. et sa compagnie d'assurances, des condamnations prononcées à leur égard au bénéfice de Madame C. :

- condamner la compagnie d'assurances Allianz à la relever et garantir dans la limite de la franchise contractuelle,

- juger en tout état de cause et à titre infiniment subsidiaire que le préjudice de Madame C. ne saurait être supérieur à la somme de 33.692,12 euros TTC,

- condamner la partie succombante au paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la partie succombante aux dépens de première instance et d'appel que la Selarl G.S., Avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux-là concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions communiquées par RPVA le 04 juin 2019, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, la société S.A. Allianz Iard demande à la cour de :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel provoqué par la compagnie Axa France Iard et son assuré Monsieur Philippe L.,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Rouen le 20 juillet 2018,

A titre infiniment subsidiaire, déclarer la franchise contractuelle opposable aux appelants d'un montant de 228,67 euros,

- condamner la compagnie Axa France Iard in solidum avec Monsieur Philippe L. à payer à la compagnie Allianz la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, dont distraction au profit de la Selarl H.M. & P.-B..

SUR CE

A titre liminaire, il convient d'indiquer que les dispositions du code civil auxquelles le présent arrêt est susceptible de se référer sont celles antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016, celle-ci n'étant applicable qu'aux seuls contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.

Sur la garantie décennale

Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou, qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a pas lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause extérieure.

Madame C. conclut à la recevabilité de son action diligentée au titre de la garantie décennale, faisant valoir que l'assignation qu'elle a délivrée les 12 et 13 janvier 2015 en référé a interrompu tant le délai de prescription que le délai de forclusion et que le délai a ensuite été suspendu jusqu'au dépôt du rapport de l'expert.

Le premier juge a exactement retenu que la date de réception retenue par l'ensemble des parties était le 31 Août 2005, date de facture du solde des travaux.

La cour observe qu'aucune des parties intimées ne conclut à l'irrecevabilité de l'action en garantie décennale et qu'au surplus, l'assignation est bien intervenue dans le délai décennal.

Pour mettre en cause Monsieur L. au titre de sa responsabilité décennale, Madame C. se fonde sur les rapports d'expertise amiable qui ont retenu un pourrissement accéléré ou excessif du chaume dans le délai de 10 ans.

Elle se fonde également sur le rapport d'expertise judiciaire qui, constatant que le roseau était fortement dégradé sur la façade Nord préconisait une réfection totale sur ce côté mais jugeait une pulvérisation côté Sud encore possible à la date du 06 novembre 2015, cette solution intermédiaire de traitement devant intervenir à un stade où le roseau n'était pas totalement détérioré.

Observant que l'expert judiciaire a estimé que les désordres existants sur la toiture ne compromettaient pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendaient pas impropre actuellement à sa destination, elle indique que cette impropriété à destination, qui doit être appréciée au regard de l'environnement et des circonstances, doit être acquise lorsque l'aggravation du dommage est inéluctable, même si les désordres ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

Elle estime qu'en l'espèce, il résulte des rapports d'expertise de Messieurs G. et D., que la gravité des désordres requise par l'article 1792 du code civil a été atteinte de façon certaine avant l'expiration du délai décennal.

Madame C. ajoute que des désordres de même nature ont été observés en Août 2016, les roseaux pourris se rétractant et tombant par plaques et trouvent leur siège dans la même cause, soit la perte des propriétés hydrophobes du roseau retenant une humidité propice à la prolifération d'un champignon phagocytant les déchets végétaux.

Monsieur L. et son assureur concluent au rejet de l'action de Madame C. fondée sur la garantie décennale, faisant valoir qu'en l'espèce, l'expert judiciaire, qui a investigué après l'expiration du délai d'épreuve, n'a pas repéré de dommages compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, l'ouvrage ne subissant pas d'atteinte à la fonction de clos et de couvert.

Ils soulignent que l'expert a indiqué que la durée de vie de la toiture ne serait fortement réduite qu'en l'absence d'un traitement régulier.

En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté que le bâtiment dépendance, le côté Ouest et Sud de la maison présentaient un vieillissement normal pour une toiture de 10 ans, qu'en revanche un pourrissement existait sur environ 3 cm et que côté nord, la détérioration était partiellement plus notable, consécutive à une détérioration accélérée du roseau, avec un pourrissement entre 12 et 6 cm suivant la localisation.

Il a expliqué la détérioration relevée par la qualité du roseau, celui-ci ayant perdu une partie de ses propriétés hydrophobes qui lui sont propres, ce qui a favorisé la colonisation de la toiture par un champignon de type trichoderma dans les zones où l'écoulement des eaux, est plus importante (noue) ainsi que l'apparition plus rapide des mousses.

L'action du champignon entraîne alors la décomposition de tout déchet végétal en le phagocytant.

L'expert a précisé que cette perte de caractère hydrophobe n'était pas du fait du récoltant et que le fait générateur n'était à ce jour ni connu avec certitude ni prouvé scientifiquement.

Il a souligné l'absence d'infiltration et a conclu que les désordres existants sur la toiture ne compromettaient pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendaient pas impropre actuellement à sa destination, tout en précisant que si aucun traitement régulier n'était entrepris, la durée de vie de la toiture de Madame C. serait fortement réduite.

Madame C. ne peut cependant tirer comme conséquence de cette précision apportée par l'expert que l'aggravation du dommage était inéluctable, alors que l'expert, ayant constaté des désordres localisés, a conclu à l'absence d'atteinte à la solidité de l'ouvrage et d'impropriété à destination, en l'absence d'infiltration, à une date où le délai décennal de la garantie avait déjà expiré.

Il est en outre observé que les deux experts intervenus lors des opérations amiables ont eux-mêmes constaté l'absence d'infiltration, Monsieur G. précisant que l'ouvrage restait conforme à sa destination.

La décision entreprise ayant rejeté la demande d'application de la garantie décennale doit donc être confirmée, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les moyens développés par l'appelante sur l'absence de cause extérieure et sur son prétendu défaut d'entretien.

Il n'est pas plus utile d'ordonner une nouvelle expertise, la cour s'estimant suffisamment informée par les expertises amiables et judiciaire ainsi que par les autres pièces produites aux débats, pour statuer en connaissance de cause.

Madame C. sera donc déboutée de sa demande portant sur une nouvelle expertise.

Sur la responsabilité contractuelle de Monsieur L.

Aux termes de l'article 1147 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

A titre liminaire, la cour observe qu'aucune des parties intimées ne conclut à l'irrecevabilité de l'action en responsabilité contractuelle diligentée par Madame C. à l'encontre de Monsieur L..

Madame C. soulève la responsabilité contractuelle du constructeur, en présence d'un dommage intermédiaire, le toit de chaume réalisé par Monsieur L. n'étant pas conforme au contrat prévu par le maître d'ouvrage, alors qu'il aurait dû être exempt de tout pourrissement accéléré.

Elle soulève également le manquement de Monsieur L. à ses obligations de délivrance, de conservation et de sécurité des biens fournis, faisant valoir que celui-ci était en mesure de contrôler la qualité du roseau et aurait dû exclure ceux de mauvaise qualité.

Elle soulève enfin l'inexécution par Monsieur L. de ses obligations d'information, de renseignement et de conseil, faisant valoir que celui-ci a commis une faute en ne déconseillant pas à Monsieur L., maître d'ouvrage de l'époque, le type de matériau choisi dans le contexte environnemental de l'habitation.

Dans son rapport, l'expert judiciaire a constaté que la mise en œuvre de la couverture en chaume était conforme aux recommandations techniques éditées par l'ANCC sur tous points (épaisseur, pente minimale...).

Il a précisé que si le chaumier lors de la pose du roseau pour la réalisation de la toiture, pouvait contrôler la qualité du roseau en approvisionnant les bottes et exclure les bottes de mauvaise qualité, il ne pouvait pas, sans analyse chimique, déterminer le niveau du caractère hydrophobe du produit ni la présence ou non de spore de trichoderma.

Il a conclu également que la perte de qualité observée sur le roseau n'était pas décelable ni par le coupeur, ni par le chaumier et trouvait son origine vraisemblablement dans une problématique environnementale.

Ensuite, l'appelante ne démontre pas que lors de la pose du roseau litigieux, Monsieur L. aurait choisi un produit inadapté à l'ouvrage, en l'état des connaissances de l'époque, alors au surplus que l'expert a pu indiquer que le fait générateur de la perte de caractère hydrophobe du roseau provoquant son pourrissement prématuré n'était à ce jour ni connu ni prouvé scientifiquement.

Il convient enfin de constater que Monsieur L. est intervenu pour effectuer un entretien de la couverture en 2012, soit sept ans après la pose, les parties s'accordant sur la nécessité de procéder à un tel entretien tous les sept ans.

Madame C. échoue à prouver une faute commise par Monsieur L. dans la pose de la couverture ou un manquement à ses obligations de conseil et d'information.

La décision entreprise ayant rejeté toute responsabilité contractuelle de Monsieur L. doit donc être confirmée.

Sur la responsabilité du fait des produits défectueux

Aux termes de l'article 1386-1 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat à la victime.

Aux termes de l'article 1386-6 du code civil, ne sont pas considérées comme producteurs les personnes dont la responsabilité peut être recherchée sur le fondement des articles 1792 à 1792-6 du code civil.

Madame C. soulève en appel la responsabilité de Monsieur L. sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, applicable aux produits incorporés dans un immeuble, estimant qu'un tel fondement est applicable dès lors que la responsabilité de l'intéressé peut être recherchée en application du droit commun et que dans ce cas, l'exclusion textuelle concernant le producteur ne s'applique pas.

Elle fait valoir que le premier juge a retenu que l'action dirigée sur ce fondement à l'encontre de la société P. & fils n'était pas prescrite et que Monsieur L. a utilisé des roseaux défectueux résultant d'une perte de qualité hydrophobe constituant le fait générateur d'un pourrissement accéléré.

Monsieur L. et son assureur concluent au rejet de l'action de Madame C. fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux, faisant valoir que ce fondement est exclu lorsque la responsabilité d'une personne, tel le locateur d'ouvrage, peut être recherchée au titre des articles 1792 à 1792-6 du code civil.

La responsabilité de Monsieur L., locateur d'ouvrage, peut effectivement être actionnée sur le fondement des articles 1792 à 1792-6 du code civil, ce qu'a d'ailleurs fait Madame C., sans que l'échec de cette action ne permette au maître d'ouvrage de s'affranchir de l'exclusion prévue par l'article 1386-6 du code civil.

La demande de Madame C. portée sur ce fondement à l'encontre de Monsieur L. ne saurait prospérer.

Madame C. échouant à établir la responsabilité de Monsieur L. dans les désordres affectant sa toiture, doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires formulées à l'égard du locateur d'ouvrage.

La décision entreprise sera confirmée en ce sens.

Sur l'action directe de Madame C. diligentée à l'encontre de la société Axa France Iard

Aux termes de l'article L. 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré.

A titre liminaire et là encore, la cour observe, qu'aucune des parties intimées ne conclut à l'irrecevabilité de l'action directe de Madame C. diligentée à l'encontre de la société Axa France Iard.

Sur le fond de la demande, Madame C. ne peut qu'être déboutée de sa demande et la décision entreprise confirmée, dès lors que ni la garantie décennale, ni la responsabilité contractuelle du fait des dommages intermédiaires, ni la responsabilité civile professionnelle pour préjudices causés à autrui de Monsieur L., assuré, n'est engagée ni établie en l'espèce.

Madame C. doit donc être déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires formulées à l'égard de l'assureur du locateur d'ouvrage.

Sur les demandes de garanties

En l'absence du prononcé de toute condamnation à leur égard, les demandes de garantie formulées sur appel provoqué par Monsieur L. et la société Axa France Iard à l'encontre de la société P. & fils et de la société Allianz Iard sont sans objet et ne peuvent donner lieu à examen par la cour, ni des moyens portant sur la recevabilité de l'action engagée contre les garants ni de ceux portant sur le fond.

Sur les demandes accessoires

Madame Mélina C. succombant en ses demandes sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au profit des avocats en ayant fait la demande, pour ceux dont il aura été fait l'avance sans en avoir reçu provision préalable, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à Monsieur L. et à la société Axa France Iard ensemble la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il ne sera pas fait droit aux autres demandes de frais irrépétibles.

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance seront confirmées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Déboute Madame Mélina C. de sa demande de nouvelle expertise,

Déclare les demandes de garantie formulées sans objet,

Condamne Madame Mélina C. à verser à Monsieur L. et à la société Axa France Iard ensemble la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les autres parties de leurs demandes de frais irrépétibles d'appel,

Condamne Madame Mélina C. aux dépens d'appel, dont distraction au profit des avocats en ayant fait la demande, pour ceux dont il aura été fait l'avance sans en avoir reçu provision préalable, en application de l'article 699 du code de procédure civile.