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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 décembre 2020, n° 18/27349

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Les Caves de l'Abbaye (SAS)

Défendeur :

O'Bowling (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

T. com. Lille Métropole, du 16 oct. 2018

16 octobre 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

Estimant avoir été victime à la fin de l'année 2017 d'une rupture brutale des relations commerciales établies de la société O'Bowling qui aurait, de surcroît, refusé de régler plusieurs factures en dépit d'une mise en demeure en date du 25 mai 2018, la société Les Caves de l'Abbaye a fait assigner la société O'Bowling par acte du 22 août 2018, devant le tribunal de commerce de Lille Métropole.

Par jugement du 16 octobre 2018, ce tribunal a :

- dit que la société Les Caves de l'Abbaye a entretenu une relation commerciale avec la société O'Bowling ;

- dit n'y avoir preuve de l'existence d'une relation établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

- dit n'y avoir preuve d'un préjudice déterminable de la société Les Caves de l'Abbaye ;

- débouté la société Les Caves de l'Abbaye de sa demande en dommages et intérêts au titre d'une rupture brutale des relations établies ;

- condamné la société O'Bowling à payer à la société Les Caves de l'Abbaye la somme de 6 810,24€, majorée des intérêts à trois fois le taux d'intérêt légal, à compter de la première mise en demeure du 25 mai 2018 ;

- débouté la société Les Caves de l'Abbaye de sa demande au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamné la société O'Bowling à payer à la société Les Caves de l'Abbaye la somme de 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- condamné la société O'Bowling aux frais et dépens, en ce non compris le droit proportionnel alloué aux huissiers de justice en vertu de l'article 10 du Décret n°2001-212 du 8 mars 2001.

Par déclaration du 4 décembre 2018, la société Les Caves de l'Abbaye a interjeté appel de ce jugement signifié à la société O'Bowling par acte du 13 novembre 2018.

Cette déclaration a été signifiée à l'intimée défaillante ainsi que les conclusions déposées sur le RPVA le 1er mars 2019 par acte des 12 et 20 mars 2019.

Par des dernières conclusions déposées le 1er mars 2019, la société Les Caves de l'Abbaye prie la Cour de :

Vu les articles 1103 et 1104 et 1231-1 du Code civil,

Vu l'article L. 442-6 I-5° du Code de commerce,

- dire et juger l'appel de la société Les Caves de l'Abbaye recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lille en date du 16 octobre 2018 en ce qu'il a notamment :

. refusé de qualifier les relations commerciales entre Les Caves de l'Abbaye et de O'Bowling d’établies au sens de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce,

. rejeté la demande de la société Les Caves de l'Abbaye de voir condamner la société O'Bowling au paiement de la somme de 16 760 euros, sauf à parfaire, au titre du préjudice subi résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce,

. rejeté la demande de condamnation de O'Bowling à régler à la société Les Caves de l'Abbaye la somme de 2 000 euros, sauf à parfaire, au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et accaparement de la gérance dans la gestion du litige.

Et ce faisant,

- dire et juger que la société Les Caves de l'Abbaye était en relation commerciale établie avec la société O'Bowling au sens de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce,

- dire et juger que la société O'Bowling a commis une faute en rompant brutalement, sans respecter le moindre préavis la relation d'affaires établie avec la société Les Caves de l'Abbaye,

En conséquence,

- condamner la société O'Bowling à payer à la société Les Caves de l'Abbaye la somme de 16.760,00 euros, sauf à parfaire, au titre du préjudice subi résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies,

- condamner la société O'Bowling à payer à la société Les Caves de l'Abbaye la somme de 2.000,00 euros, sauf à parfaire, au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive et accaparement de la gérance dans la gestion de ce litige,

- condamner la même à payer à la société Les Caves de l'Abbaye la somme de 4 000 euros, sauf à parfaire, au titre des frais irrépétibles, outre les dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux de l'article 699 du Code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître X, Avocat au Barreau de Paris.

La société O'Bowling n'a pas constitué avocat.

Il sera statué par arrêt de défaut.

SUR CE, LA COUR,

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels

Sur l'existence d'une relation commerciale établie entre les sociétés

Selon l'appelante, les relations commerciales entre les deux sociétés ont commencé à la suite d'une proposition d'affaire du 21 mars 2014.

Si l'appelante justifie de cette proposition (sa pièce 2), elle ne produit pas le contrat signé des parties et les premières factures produites datent du 30 décembre 2015 relativement à un bon de livraison du 2 décembre 2015 (pièce 8.41).

Les nombreuses factures produites (pièce 8) permettent de retenir l'existence de relations commerciales établies entre les parties à compter du mois de décembre 2015.

La dernière facture produite date du 16 mai 2018 relativement à un bon de livraison du même jour (pièce 8.10).

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

L'appelante soutient que la société O'Bowling a, sans raison ni explication, brutalement cessé toute relation commerciale, engageant ainsi sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

En l'absence de justification d'un préavis accordé, il sera retenu que la société O'Bowling a rompu brutalement les relations commerciales établies avec la société Les Caves de l'Abbaye d'une durée de 2 ans et six mois et non de 4 ans comme allégué.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour préparer le redéploiement de son activité ou de trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont la dépendance économique, l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués et non amortis, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de circonstances postérieures à la rupture

En l'absence de tout élément autre que la durée des relations, notamment la dépendance économique, un délai de préavis de 2 mois sera retenu au lieu des 7 mois sollicités.

Au vu des pièces produites, notamment le courriel de l'expert-comptable de la société appelante indiquant une marge brute de 16 670 euros pour la période du 29 septembre 2017 au 17 mai 2018, la cour fixe à 4 000 euros le montant de l'indemnité due par la société O'Bowling du chef de la rupture brutale survenue.

Sur les autres demandes

L'appelante fait valoir au soutien de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive qu'elle a été contrainte de préparer la défense de ses intérêts, de consacrer du temps à l'établissement de son préjudice, de prendre contact avec son expert-comptable, de ressortir toutes les factures et avoirs adressés à la société O'Bowling.

Mais, ces éléments sont impropres à caractériser l'existence d'une résistance abusive adverse.

Cette demande est rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

La société intimée, partie perdante, supportera les dépens d'appel et sera condamnée à verser à la société appelante la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée à ce titre par le premier juge.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

INFIRME le jugement en ce qu'il a :

- dit n'y avoir preuve de l'existence d'une relation établie au sens de l'article L.442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 ;

- dit n'y avoir preuve d'un préjudice déterminable de la société Les Caves de l'Abbaye ;

- débouté la société Les Caves de l'Abbaye de sa demande en dommages et intérêts au titre d'une rupture brutale des relations établies ;

LE CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

CONDAMNE la société O'Bowling à payer à la société Les Caves de l'Abbaye la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies ;

CONDAMNE la société O'Bowling aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'à payer à la société Les Caves la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande.