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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 15 décembre 2020, n° 20/01580

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Lidl (SNC)

Défendeur :

Carrefour Hypermarchés (SAS), C.S.F. (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Masson-Bessou

Conseiller :

Mme Faivre

T. com. Lyon, du 17 févr. 2020

17 février 2020

La société Lidl est une enseigne de grande distribution à prédominance alimentaire qui exploite sur tout le territoire français une chaîne de 1500 supermarchés.

Les sociétés Carrefour et C.S.F. exploitent quant à elles 247 hypermarchés, 1 059 supermarchés, et 4 237 magasins de proximité.

Le 21 juin 2019, les sociétés Carrefour et C.S.F. ont déposé une requête aux fins de mesures d'instruction devant le président du tribunal de commerce de Lyon, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, en vue d'établir la preuve d'agissements illicites de la société Lidl et, pour ce faire, donner mission à un huissier de Justice de se rendre dans sept magasins Lidl situés à Lyon et à Saint-Fons afin de :

- vérifier la présence dans les rayons des magasins et dans les réserves de différents produits listés,

- prendre copie, sur quelque support que ce soit, de l'état des stocks et de l'ensemble des produits cités au jour de la date de disponibilité du produit telle qu'annoncé et à la date du constat,

- prendre copie, sur quelque support que ce soit, pour chacun des produits cités, de l'évolution des stocks par jour et depuis la date de disponibilité annoncée dans la publicité télévisée et de la date de la dernière vente réalisée.

Au soutien de leur requête, les sociétés Carrefour et C.S.F. exposaient :

- que la société Lidl a diffusé, depuis février, par voie télévisuelle, des spots publicitaires relatifs à différents produits ;

- que ces publicités diffusées par Lidl sur les chaînes télévisées sont des opérations commerciales de promotion interdites par l'article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992 dès lors :

. qu'elles auraient constaté que lesdits produits n'étaient plus disponibles à la vente peu de temps après la diffusion de ces spots télévisées,

. que l'ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) a interprété l'article 8 du décret comme ne permettant au distributeur de communiquer en publicité télévisée sur le prix de ses produits que si le prix pratiqué et la disponibilité du produit (stock) ne sont pas promotionnels, à savoir que le prix est normal, stable, qu'il s'inscrit, avec la disponibilité du produit ou service correspondant, dans la durée et indiqué que « pourra constituer une période de référence, une durée de 15 semaines de maintien du prix annoncé et des stocks disponibles ;

- qu'en diffusant sur les chaînes télévisées des publicités pour des produits dont les stocks sont très faibles, la société Lidl se serait rendue coupable d'un acte de concurrence déloyale.

Par ordonnance en date du 26 juin 2019, le président du tribunal de commerce de Lyon a fait droit à la demande des sociétés Carrefour et C.S.F. de désigner un huissier de justice aux fins d'effectuer ces mesures d'instruction dans les sept magasins Lidl de Lyon et de Saint-Fons.

Le 5 juillet 2019, en exécution de l'ordonnance, l'huissier de justice s'est présenté dans ces magasins aux fins d'exécuter la mission susvisée.

Le 22 novembre 2019, la société Lidl a assigné les sociétés Carrefour et C.S.F. devant le président du tribunal de commerce de Lyon aux fins de rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 26 juin 2019.

Par ordonnance du 17 février 2020, le président du tribunal de commerce de Lyon a débouté la société Lidl de l'ensemble de ses demandes, et confirmé l'ordonnance rendue le 26 juin 2019.

La société Lidl a en outre été condamnée à payer à chacune des sociétés Carrefour Hypermarchés et C.S.F. une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le président du tribunal de commerce retient en substance :

- qu'aux termes de l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Lyon, il était prévu que l'huissier devait séquestrer en son étude l'ensemble des éléments recueillis lors de ses opérations pendant un délai de quinze jours à compter de l'accomplissement de sa mission, et qu'au-delà de ce délai de quinze jours, et en l'absence d'assignation en référé rétractation de l'ordonnance, l'huissier pourrait remettre aux parties requérantes les éléments saisis ;

- que ces dispositions, visant à assurer la protection du secret des affaires tout en définissant un délai de circonstance pour la durée du séquestre provisoire, sont claires et précises ;

- que la société Lidl a introduit son action en rétractation le 22 novembre 2019, soit 4 mois après le terme du délai fixé par l'ordonnance et que cette action, particulièrement tardive au regard des termes de l'ordonnance du 26 juin 2019, emporte la forclusion de la demande de rétractation de l'ordonnance, laquelle doit dès lors être considérée comme sans objet.

Par déclaration enregistrée par voie électronique le 26 février 2020, la société Lidl a interjeté appel de cette décision dans son intégralité.

Aux termes de ses dernières écritures, signifiées électroniquement le 12 octobre 2020, la société Lidl demande à la Cour :

D'annuler dans toutes ses dispositions l'ordonnance en date du 17 février 2020 rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'elle a dit la demande de rétractation de la société Lidl irrecevable et en conséquence a débouté l'appelante de ses demandes tendant à :

- déclarer la société Lidl recevable et bien fondée en sa demande de rétractation,

- constater que la mission confiée à l'huissier instrumentaire dans sept magasins Lidl de Lyon et Saint-Fons par l'ordonnance du 26 juin 2019 rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon n'est justifiée par aucun motif légitime et porte une atteinte injustifiée au principe du contradictoire,

- rétracter l'ordonnance du 26 juin 2019 rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon dans toutes ses dispositions, et annuler toutes les mesures d'instruction subséquentes qui ont été diligentées le 5 juillet 2019 en son application,

Statuant à nouveau :

De rétracter l'ordonnance du 26 juin 2019 rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon,

D'annuler toutes les mesures d'instruction subséquentes qui ont été diligentées le 5 juillet 2019 en exécution de l'ordonnance du 26 juin 2019, en ce compris les procès-verbaux et tout autre document dressé par les-dits huissiers,

D'ordonner la restitution à la société Lidl de l'ensemble des éléments saisis et informations recueillies lors des mesures d'instruction réalisées le 5 juillet 2019 sur le fondement de l'ordonnance rétractée,

De condamner solidairement les sociétés Carrefour et C.S.F. à lui verser la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

La société Lidl fait en premier lieu valoir que sa demande de rétractation ne pouvait pas être déclarée irrecevable au motif qu'elle serait hors délai dès lors qu'aucun texte ne fixe de délai en la matière, alors que :

- l'article R. 153-1 du code de commerce permet au juge de placer sous séquestre provisoire des pièces afin d'assurer la protection du secret des affaires, ce pendant un mois, et si le juge n'est pas saisi d'une demande de rétractation de son ordonnance dans un délai d'un mois, autorise la levée de la mesure de séquestre provisoire et que les pièces soient transmises au requérant ;

- il ressort de ces dispositions qu'un séquestre peut être ordonné par le juge et que ce séquestre est automatiquement levé si le juge n'est pas saisi d'une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance dans un délai d'un mois ;

- l'article 497 du code de procédure civile instituant la faculté pour les requis de formuler une demande de référé-rétractation devant le juge qui a rendu l'ordonnance sur requête ne mentionne aucun délai pour exercer cette demande.

Elle soutient en second lieu que les mesures d'instruction autorisées par l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon le 26 juin 2019, n'étaient justifiées par aucun motif légitime, en ce que :

- les sociétés Carrefour et C.S.F. ont délibérément trompé le juge des requêtes en omettant de préciser que le seul élément à l'appui de la thèse selon laquelle les « publicités diffusées par Lidl sur les chaînes télévisées sont des opérations commerciales de promotion interdites », à savoir « une étude à grande échelle, sur un échantillon de 397 magasins Lidl », n'est qu'un tableau non sourcé, établi en interne, qui n'est accompagné d'aucune méthodologie, ni justificatif, de sorte qu'il était impossible d'en apprécier la véracité et la pertinence ;

- les sociétés Carrefour et C.S.F. ont délibérément trompé le juge des requêtes en omettant de préciser que l'engagement de Lidl de proposer à la vente pendant au moins 15 semaines certains produits non-alimentaires ne vaut que pour les « supermarchés concernés sur lidl.fr », mention figurant de façon très apparente sur les spots publicitaires ;

- les sociétés Carrefour et C.S.F. ont délibérément trompé le juge des requêtes en lui faisant croire que les magasins objets des mesures d'instruction étaient concernés par ces spots TV de Lidl, ce qui n'était pas le cas ;

- l'indisponibilité des produits objet des spots publicitaires pendant 15 semaines dans la grande majorité des magasins, à savoir les magasins non mentionnés sur la liste des supermarchés concernés par ces spots, ne pouvait dès lors pas constituer une violation du décret du 27 mars 1992, les mesures d'instruction demandées dans ces seuls magasins étant en outre, et par définition, dénuées de pertinence pour établir la violation de cette réglementation.

En troisième lieu, la société Lidl fait valoir qu'il n'était aucunement justifié de déroger au principe du contradictoire, alors que :

- il ne suffit pas d'alléguer une simple mention d'un risque de déperdition des preuves, une telle mention revêtant une trop grande généralité et ne suffisant pas à justifier la dérogation au contradictoire, ce que retient la Cour de cassation ;

- la dérogation au principe du contradictoire est d'autant moins justifiée lorsque la mesure porte sur des documents comptables qui, par nature, ne peuvent être détruits ;

- il n'existait, par définition, aucun risque de déperdition de preuves dans les magasins concernés par les mesures de constat puisque ces magasins n'étaient précisément pas concernés par les spots TV, et par là même, soumis à l'obligation de conserver pendant au moins 15 semaines les produits qui faisaient l'objet de publicité ;

- Le risque de déperdition de preuve n'existait pas davantage dans le seul magasin concerné pour huit des produits objets des spots TV, dès lors que le délai de 15 semaines était dépassé depuis longtemps au jour des constats.

Dans leurs dernières écritures régularisées par voie électronique le 9 octobre 2020, les sociétés Carrefour Hypermarchés et C.S.F. demandent à la Cour :

- de confirmer l'ordonnance du 17 février 2020 qui a jugé la demande de rétractation de la société Lidl irrecevable et l'a condamnée à leur payer la somme de 5 000 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de débouter la société Lidl de ses demandes et de la condamner à leur payer la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elles exposent :

- que la société Lidl fait diffuser chaque semaine des spots télévisés assurant la promotion d'un nouveau produit à bas prix mais que peu après la diffusion de ces spots, elle n'est plus en mesure de proposer ces produits à la vente dans un grand nombre de magasins, ce que confirme une étude qu'elle a réalisée à grande échelle sur un échantillon de 397 magasins Lidl durant la semaine du 20 mai 2019 ;

- que de telles pratiques constituent des opérations commerciales de promotion en contravention avec la réglementation en vigueur, et plus précisément en contravention avec l'article 8 du décret du 27 mars 1992, l'autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) précisant sur ce point que le caractère occasionnel de l'offre doit s'apprécier dans la durée, avec une période de référence d'une durée de 15 semaines de maintien du prix annoncé et des stocks disponibles, l'offre étant considérée, à défaut comme promotionnelle.

Elles soutiennent en premier lieu que la demande de rétractation présentée par la société Lidl était irrecevable car tardive et que l'argumentation du président du tribunal de commerce de Lyon était parfaitement fondée, alors que le non-respect du délai prévu à l'article R. 153-1 du code de commerce est sanctionné par la forclusion de la demande de rétractation de l'ordonnance, la société Lidl ayant ainsi jusqu'au 22 juillet 2019 pour en demander la rétractation.

Elles font valoir en second lieu qu'elles disposaient d'un motif légitime à solliciter la mesure d'instruction, en ce que :

- la mesure sollicitée était utile et pertinente en vue d'une action au fond pour manquement à la réglementation télévisée et pratique commerciale trompeuse ;

- elle était nécessaire à l'administration de la preuve puisqu'elles ne disposaient que d'articles de presse et d'une étude réalisée par les salariés carrefour dans les magasins Lidl, et n'avaient donc pas d'éléments de preuve suffisants pour diligenter une action au fond ;

- leurs prétentions n'étaient manifestement pas vouées à l'échec, la société Lidl ayant été condamnée récemment par la Cour d'appel de Paris, le 24 avril 2019, pour avoir diffusé des publicités télévisées pour des produits dont le stock mis en vente était limité, la Cour d'appel de Paris ayant considéré que ces agissements constituaient, en outre, des actes de concurrence déloyale ;

- les publicités concernées avaient bien une nature promotionnelle, les constats réalisés par les huissiers dans différentes juridictions ayant démontré qu'en pratique, les produits promus à la télévision étaient livrés dans l'ensemble des magasins Lidl, y compris ceux qui ne sont pas mentionnés sur la liste accessible sur Lidl.fr ;

- Il existait un risque de déperdition des preuves, la société Lidl pouvant constituer des stocks de sécurité dans les magasins visés par les mesures et l'effet de surprise étant une condition d'efficacité de la mesure.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la recevabilité de la demande de rétraction de la société Lidl

L'article R. 153- 1 du code de commerce dispose :

« Lorsqu'il est saisi sur requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ou au cours d'une mesure d'instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d'assurer la protection du secret des affaires.

Si le juge n'est pas saisi d'une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l'article 497 du code de procédure civile dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l'alinéa précédent est levée et les pièces transmises au requérant ».

Il ressort de ces dispositions, instituées aux fins de protection du secret des affaires, que la mesure de séquestre ordonnée par le juge est automatiquement levée à l'issue d'un délai d'un mois courant à compter de la signification de la décision dès lors que le juge n'est pas saisi d'une demande de rétractation dans ce même délai.

Ces dispositions qui ne concernent que la mesure de séquestre et les conditions dans lesquelles sa levée peut intervenir, sont sans rapport avec un délai auquel l'autre partie serait tenue pour demander la rétractation de l'ordonnance ayant ordonné la mesure d'instruction.

Bien plus, il apparaît que les textes ne prévoient aucun délai pour en référer au juge qui a rendu l'ordonnance, alors que l'article 496 du code de procédure civile se limite à indiquer que « s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance », l'article 497 du même code disposant quant à lui que « le juge a la faculté de modifier ou rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire ».

En conséquence, la Cour infirme la décision déférée en ce qu'elle a débouté la société Lidl de sa demande de rétractation aux motifs que son action, particulièrement tardive au regard des termes de l'ordonnance du 26 juin 2019, emporte la forclusion de sa demande et, statuant à nouveau, déclare recevable la demande de rétractation présentée par la société Lidl.

2) Sur la demande de rétractation de la société Lidl et l'existence d'un motif légitime

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées sur requête ou en référé.

Au sens de ces dispositions, le motif légitime n'est caractérisé que si la mesure d'instruction sollicitée est pertinente et utile.

En l'espèce, la requête présentée au président du tribunal de commerce de Lyon par les sociétés Carrefour et CSF avait pour objectif d'établir les agissements illicites de la société Lidl en ce qu'elle diffusait des spots publicitaires pour la vente de certains de ses produits constituant des opérations commerciales de promotion interdites par l'article 8 du décret du 27 mars 1992.

Il appartenait donc au juge des requêtes de vérifier que les mesures d'instruction demandées étaient de nature à permettre aux requérantes d'établir la réalité de l'infraction dont elles faisaient état.

Le décret N° 92-280 du 27 mars 1992 encadre la publicité télévisée.

Selon l'article 8 de ce décret, dans le secteur de la distribution, une publicité télévisée ne peut porter que sur des produits qui ne font pas l'objet d'une opération commerciale de promotion.

L'article 8 du décret du 27 mars 1992 définit ainsi la promotion comme :

« toute offre de produits ou de prestations de services faite aux consommateurs ou toute organisation d'événement qui présente un caractère occasionnel ou saisonnier, résultant notamment de la durée de l'offre, des prix et des conditions de vente annoncés, de l'importance du stock mis en vente, de la nature, de l'origine ou des qualités particulières des produits ou services ou des produits ou prestations accessoires offerts »

Ainsi, au sens de ces dispositions, une opération commerciale de promotion est une offre de produit faite au consommateur présentant un caractère occasionnel ou saisonnier et ce caractère occasionnel ou saisonnier est déterminé au regard de différents éléments : la durée de l'offre, le prix, l'importance du stock mis en vente notamment.

L'ARPP (autorité de régulation professionnelle de la publicité) a procédé à une interprétation de l'article 8 du décret du 27 mars 1992, dont se prévalent les sociétés Carrefour et CSF, selon laquelle on peut communiquer en publicité télévisée sur les prix des produits si le prix pratiqué et le stock ne sont pas promotionnels, c'est à dire que le prix est normal, stable et que le produit est disponible dans la durée.

Elle évalue ainsi à 15 semaines le maintien du prix annoncé et des stocks disponibles.

Il ressort de ces éléments que si la publicité est faite pour un produit dont le prix est stable et qui est disponible en stock durant au moins 15 semaines, la publicité est autorisée.

En revanche, si le produit n'est disponible que sur de très courtes durées, il s'agit d'une opération promotionnelle, interdite par le décret du 27 mars 1992.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Lidl diffuse chaque semaine des spots télévisés portant sur des produits vendus dans ses différends magasins à un prix attractif.

Il ressort des pièces versées aux débats, notamment des copies écran des spots concernés :

- que dans les spots publicitaires diffusés, il est indiqué que les produits proposés ne sont disponibles que dans certains magasins, la mention « supermarchés concernés sur lidl.fr », figurant de façon très apparente sur ces spots publicitaires ;

- qu'ainsi les produits dont la publicité est diffusée ne peuvent être trouvés que dans les magasins figurant sur une liste précise que l'on peut consulter sur Lidl.fr.

Dès lors, les mesures sollicitées par les sociétés Carrefour et C.S.F. ne pouvaient concerner que des magasins figurant sur cette liste, seuls concernés par la publicité et donc seuls susceptibles d'avoir enfreint la réglementation en ne proposant pas les produits objets de spots publicitaires sur une durée de 15 semaines et ne préservant pas leurs stocks disponibles sur cette durée.

La société Lidl verse aux débats ces listes de magasins, étant rappelé que les campagnes de publicité visées par les sociétés Carrefour et C.S.F. dans leur requête concernaient des spots publicitaires diffusés depuis le mois de février 2019.

Or, force est de constater :

- que sur la liste des magasins concernés par les spots publicitaires diffusés avant le 1er avril 2019, seul le magasin de Saint-Fons y figure, les six autres magasins visés par la requête ne figurant pas sur la liste et ne pouvant dès lors être en contravention avec les dispositions du décret du 27 mars 1992 puisque les spots publicitaires ne les concernaient pas ;

- qu'en outre le magasin de Saint-Fons, bien que figurant sur la liste, ne pouvait être en infraction avec le décret du 27 mars 1992 puisque, la requête ayant été présentée le 21 juin 2019, le délai de 15 semaines était largement dépassé ;

- que sur la liste des magasins concernés par les spots publicitaires établie à compter du 1er Avril 2019, ne figurait aucun des magasins concernés par la requête, soit les six magasins de Lyon et celui de Saint-Fons, qui dès lors ne pouvaient être en infraction.

Autrement dit, la mesure d'instruction sollicitée par les sociétés Carrefour et CSF, au demeurant particulièrement intrusive, portait sur des magasins qui ne pouvaient aucunement se trouver en infraction avec les dispositions du décret du 27 mars 1992, ce alors que les requérantes se prévalaient exclusivement d'une violation des dispositions de ce texte pour justifier leurs demandes.

Les sociétés Carrefour et CSF soutiennent qu'en réalité les produits promus à la télévision sont livrés dans l'ensemble des magasins Lidl, y compris ceux qui ne font pas partie de la liste « lidl.fr », que c'est donc l'essentiel du réseau Lidl qui bénéficie de ces publicités, qu'il y aurait donc de ce fait une opération promotionnelle, ce qui justifieraient les mesures demandées.

Il convient toutefois de rappeler qu'elles ont délivré leur requête en se prévalant de la violation des dispositions du décret du 27 mars 1992 à l'occasion de la diffusion des spots publicitaires.

Il s'ensuit que la requête ne pouvait porter que sur les magasins concernés par la publicité et non sur ceux qui ne l'étaient pas, sauf à rajouter au décret du 27 mars 1992 une condition qui n'y figure pas.

Il en résulte, sans qu'il soit nécessaire d'analyser les autres moyens, que les mesures d'instruction sollicitées par les sociétés Carrefour et CSF, lesquelles ne concernaient que des magasins qui ne pouvaient être en infraction au regard du décret du 27 mars 1992, soit parce qu'ils ne figuraient pas sur les listes, soit parce que le délai de 15 semaines était largement dépassé, n'étaient ni pertinentes ni utiles et qu'elles n'étaient justifiées par aucun motif légitime.

La Cour, en conséquence infirme l'ordonnance déférée dans son intégralité et, statuant à nouveau :

Rétracte l'ordonnance du 26 juin 2019 rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon dans son intégralité,

Annule toutes les mesures d'instruction subséquentes qui ont été diligentées le 5 juillet 2019 en exécution de cette ordonnance, en ce compris les procès-verbaux et tout autre document dressé par les huissiers,

Ordonne la restitution à la société Lidl de l'ensemble des éléments saisis et informations recueillies lors des mesures d'instruction réalisées le 5 juillet 2019 sur le fondement de l'ordonnance rétractée.

3) Sur les demandes accessoires

La Cour infirme la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société Lidl à payer aux sociétés Carrefour et C.S.F. la somme de 5.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Carrefour et C.S.F., parties perdantes sont condamnées aux dépens d'appel.

En équité, la Cour condamne les sociétés Carrefour et C.S.F. à verser à la société Lidl la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon le 17 février 2020 dans son intégralité,

Statuant à nouveau :

Déclare recevable la demande de rétractation de la société Lidl ;

Rétracte l'ordonnance du 26 juin 2019 rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon dans son intégralité,

Annule toutes les mesures d'instruction subséquentes qui ont été diligentées le 5 juillet 2019 en exécution de cette ordonnance, en ce compris les procès-verbaux et tout autre document dressé par les huissiers,

Ordonne la restitution à la société Lidl de l'ensemble des éléments saisis et informations recueillies lors des mesures d'instruction réalisées le 5 juillet 2019 sur le fondement de l'ordonnance rétractée ;

Condamne in solidum les sociétés Carrefour et C.S.F. aux dépens d'appel ;

Condamne in solidum les sociétés Carrefour et C.S.F. à verser à la société Lidl la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.