CA Metz, 3e ch., 17 décembre 2020, n° 19/00528
METZ
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Ceramica Fondovalle (SpA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guiot-Mlynarczyk
Conseillers :
Mme Gizard, M. Michel
EXPOSE DU LITIGE :
Par assignation en date du 31 mars 2014, la société de droit italien Ceramica Fondovalle Spa a saisi la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Thionville aux fins de voir condamner la Sarl M. à lui payer les sommes de 5.108,40 euros due suivant facture de fourniture de carrelages du 18 novembre 2009 demeurée impayée, majorée des intérêts légaux, et de 400 euros à titre de dommages intérêts, avec capitalisation des intérêts dus pour une année au moins, outre 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
La Sarl M., faisant état de malfaçons affectant les carrelages livrés, a sollicité l'organisation d'une mesure d'expertise.
Par ordonnance du 2 février 2015, le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire devant le tribunal d'instance de Thionville, lequel a ordonné, par jugement du 18 octobre 2016, une mesure d'expertise confiée à M. S. avec mission de déterminer si le carrelage objet du litige est affecté de désordres, les décrire, en rechercher les origines et causes, préconiser les travaux propres à y remédier ainsi que leur coût et leur durée, indiquer les dommages subis par les parties et fournir tous éléments de faire de nature à permettre de déterminer les responsabilités encourues.
Au vu des conclusions du rapport d'expertise déposé le 18 janvier 2018, la Sarl M. La Sarl M. a conclu au rejet de l'ensemble des demandes de la société Ceramica Fondovalle et à sa condamnation aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 28 février 2018, M. Lando M. et Mme Anne-Marie M., dans l'immeuble desquels les carrelage ont été posés, sont intervenus volontairement à la procédure aux fins de voir condamner la société de droit italien Ceramica Fondovalle Spa à leur payer la somme de 19.069,70 euros correspondant au coût des travaux de mise en conformité des sols, la somme de 9.503,23 euros correspondant au coût des travaux pour la remise en esthétique des pièces après réfection des sols, la somme de 3.904,80 euros correspondant au coût du déménagement et mise en container des meubles, la somme de 3.484,20 euros correspondant au coût de 21 nuitées en gîte, outre 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 18 septembre 2018, la société de droit Italien Ceramica Fondovalle Spa a sollicité la condamnation solidaire de la Sarl M., de M. Lando M. et de Mme Anne-Marie M. à lui payer la somme de 5.108,40 euros majorée des intérêts légaux, ainsi que les sommes de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts en application des dispositions de l'article 1231-1 du code civil et 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil outre les entiers dépens.
Par jugement en date du 16 octobre 2018, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a débouté la société de droit italien Ceramica Fondovalle Spa de ses demandes dirigées à l'encontre de la Sarl M. ainsi qu'à l'encontre de M. Lando M. et Mme Anne-Marie M., condamné la société de droit italien Ceramica Fondovalle Spa à payer à M. Lando M. et Mme Anne-Marie M. les sommes de 19.069,70 euros correspondant au coût pour l'ensemble de mise en conformité des sols, de 9.503,23 euros correspondant au coût des travaux pour la remise en esthétique des pièces, de 3.904,80 euros correspondant au coût du déménagement des meubles pendant la durée des travaux, et de 3.484,20 euros correspondant au coût de 21 nuitées en gîte, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, condamné la société de droit italien Ceramica Fondovalle Spa à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la Sarl M. la somme de 500 euros et à M. et Mme M. celle de 700 euros outre les dépens comprenant les frais d'expertise.
Le premier juge, après avoir rappelé que la Sarl M. a passé commande le 8 octobre 2009 auprès de la société de droit italien Ceramica Fondovalle de 130 m² de carrelage Métaglass Steelwood et 40 m² de plinthes Steelwood, qu'elle a posés au domicile de M. Lando M. et Mme Anne-Marie M., a énoncé qu'il résulte du rapport d'expertise, dont aucun élément ne permet de remettre en cause les conclusions, que la pose du carrelage a été effectuée selon les règles de l'art et ne présente aucun défaut, que les désordres qui affectent l'ensemble des carreaux posés dans les pièces du rez-de-chaussée, leur conférant un caractère inesthétique, sont dus à un défaut de fabrication au moment de l'impression (nombre insuffisant de passages des rotos lors de la dépose des émaux sur le biscuit ou vitesse inadaptée) et que l'expert a chiffré le coût de mise en conformité des sols à la somme de 19.069,70 euros, le coût des travaux de remise en esthétique des pièces à la somme de 9.503,23 euros, outre le coût du déménagement des meubles et des nuits en gîte, l'ouvrage étant inhabitable pendant la durée des travaux.
Suivant déclaration reçue le 26 février 2019, la société de droit italien Ceramica Fondovalle Spa a relevé appel de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la Sarl M. ainsi qu'à l'encontre de M. Lando M. et Mme Anne-Marie M., en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. Lando M. et Mme Anne-Marie M. les sommes de 19.069,70 euros, 9.503,23 euros, 3.904,80 euros et 3.484,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamnée à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la Sarl M. la somme de 500 euros et à M. et Mme M. celle de 700 euros ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise.
Elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de :
- à titre principal, déclarer prescrites les demandes de la Sarl M. et des consorts M. à son encontre,
- à titre subsidiaire, rejeter ces demandes,
- en tout état de cause, condamner la Sarl M. et les consorts M. solidairement à lui payer la somme de 5.108,40 euros majorée des intérêts légaux, la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts en application de l'article 1231-1 du code civil, la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil
- condamner solidairement la Sarl M. et les consorts M. aux entiers dépens.
Sur la prescription des demandes, l'appelante expose qu'en application des dispositions de l'article 110 alinéa 4 du code de commerce, les demandes indemnitaires de la Sarl M. devaient être présentées judiciairement avant le 18 novembre 2014, soit dans le délai de cinq ans à compter de la réception sans réserve des marchandises, et qu'en application des dispositions l'article 2224 du code civil, celles des consorts M. devaient être formées au plus tard en janvier 2015 dès lors que les prétendus défauts de conformité étaient visibles lors de la pose, ce qui n'est pas contesté. Elle fait valoir que l'assignation en paiement qu'elle a fait délivrer le 31 mars 2014 a interrompu le délai de prescription uniquement à son égard conformément aux dispositions de l'article 2241 du code civil et que les demandes reconventionnelles formées par la Sarl M. courant 2016 et par les consorts M. le 15 février 2018 sont postérieures à l'acquisition de la prescription à leur égard.
A titre subsidiaire, elle conteste les conclusions du rapport d'expertise qui comporte, selon elle, des inexactitudes concernant la méthode de fabrication qu'il décrit. Elle fait valoir que le procédé dont fait état l'expert, repris par le tribunal dans son jugement sans aucune analyse juridique des éléments relatés dans le rapport et des pièces produites, est désuet et ne correspond pas aux méthodes actuellement pratiquées, que les carreaux ne sont plus cuits en deux cuissons, que l'expert indique par ailleurs que les carreaux présentent un défaut en ce qu'ils ont une forme convexe, les extrémités étant arrondies, sans prendre en considération les dispositions applicables relatives aux tolérances des carreaux, en substance la norme UNI EN ISO 10545-2. Elle critique également le rapport d'expertise en ce qu'il indique qu'elle a reconnu sa responsabilité et proposé une remise de 50 % sur le carrelage et la totalité sur les plinthes alors que, s'étant rendue à deux reprises sur le chantier courant 2010, elle n'a jamais constaté de désordres ni reconnu sa responsabilité, expliquant que les tâches grises ne sont pas des défauts mais simplement des nuances de couleur normales dans le procédé utilisé, s'agissant de cuissons à 1200 ° C, et que sa proposition de remise constituait simplement un geste commercial ainsi qu'elle l'a indiqué dans un courrier du 11 juin 2012. Elle ajoute que l'expert judiciaire a dépassé l'objet de son mandat en tentant de l'influencer pour qu'elle procède au remplacement de l'intégralité des carreaux et en prenant pour acquis les dires de la société M..
L'appelante fait valoir par ailleurs, que les marchandises ont été réceptionnées sans réserve par la société M., professionnelle de la pose de carrelages, alors que l'expert judiciaire a précisé que les prétendues défectuosités étaient visibles dès la pose, que la société M. ne pouvait dès lors se méprendre sur la qualité des carrelages livrés dès la réception et que ce n'est que le 14 juin 2010, plus de six mois après la réception et la pose des marchandises et l'émission de la facture d'un montant de 5.108,40 euros, qu'elle a fait état de défauts affectant les carrelages, et qu'elle a attendu d'être assignée en paiement pour alléguer un prétendu défaut de conformité, alors que chaque carton comporte, de manière très apparente, l'indication que les carreaux doivent être contrôlés avant la pose et qu'une fois le matériel posé, aucune réclamation ne sera acceptée. La société Ceramica Fondovalle rappelle que, dans le cadre d'une vente entre professionnels du même secteur, l'acceptation sans réserve de la marchandise par l'acheteur professionnel lui interdit de se prévaloir de tout défaut de conformité, de surcroît lorsque ce défaut était visible à la réception, et soutient que la société M. n'est dès lors pas fondée en sa contestation et doit être déboutée de ses prétentions.
La Sarl M., M. Lando M. et Mme Anne-Marie M. ont conclu à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demandé à la cour de condamner l'appelante aux dépens et au paiement de la somme de 2.000 euros à la Sarl M. et de 2.000 euros aux consorts M. au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimés répliquent que l'expertise est sans équivoque quant à l'absence de toute responsabilité concernant la Sarl M. dans les désordres constatés et que l'expert fournit une explication détaillée quant à leur origine des désordres en indiquant, s'agissant du transfert du biscuit brut du carreau de céramique qui ne doit jamais apparaître sur un carreau fini, que ce défaut est dû à un manque de matière ou d'impression lors de la pose de la sérigraphie, qu'il s'agit d'un défaut de fabrication exclusivement imputable au fabricant, et qu'il précise, s'agissant des taches grisâtres, qu'une réaction chimique s'est produite entre la sérigraphie, le biscuit, et l'oxyde de métal, dénaturant l'oxyde de métal et donnant un aspect gris et délavé avec vieillissement prématuré aux carreaux. Ils ajoutent que l'expert judiciaire relève également que les carreaux ont une forme arrondie aux extrémités, alors qu'ils sont donnés en premier choix, sans différence de taille ou de couleur et en conclut que les carreaux fournis sont non conformes aux produits proposés et qu'il y a eu défaut de sérigraphie.
Les intimés rappellent que selon l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où une des parties ne satisfera pas à son engagement, ce qui est le cas en l'espèce, de sorte que société Ceramica doit être déboutée de ses demandes et condamnée à payer aux Consorts M. le coût des réfection et les indemniser des préjudice subis, tels que fixés par l'expert judiciaire.
Par message électronique du 7 janvier 2020, la société Ceramica Fondovalle a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture pour production de ses pièces numérotées 11 à 16.
MOTIFS DE LA DECISION
Vu les conclusions déposées par l'appelante le 14 novembre 2019 et par les intimés le 29 juillet 2019, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 novembre 2019 ;
En premier lieu, il n'y a pas lieu d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture, comme le sollicite la société Ceramica Fondovalle, pour production de ses pièces numérotées 11 à 16, s'agissant de pièces de la procédure de première instance (assignation, conclusions déposées par les parties et jugement avant dire droit du 31 mars 2014).
Sur la demande principale de la société de droit italien Ceramica Fondovalle
Il est constant que la Sarl M. a passé commande le 8 octobre 2009 auprès de la société de droit italien Ceramica Fondovalle Spa de 130 m² de carrelage Metalgloss Steelwood et 40 ml de plinghes Stellwool, destinés à être posés au domicile de M. et Mme M. situé à Terville, 2 boucle du Ferronier. La marchandise a été enlevée le 18 novembre 2009 par la société transport Meline et la facture établie le même jour par la société Ceramica Fondovalle à l'adresse de la Sarl M. pour un montant de 5.108,40 euros. La pose a été effectuée par la Sarl M. qui a adressé le 19 janvier 2000, une facture d'un montant de 13.486,43 euros à M. et Mme M.. Le 14 juin 2010, la Sarl M. a adressé à la société Ceramica Fondovalle une lettre recommandée se référant à un précédent mail faisant état de défauts de fabrication affectant les carrelages et de son refus de régler la facture du 18 novembre 2009.
Il sera observé en premier lieu, que la Sarl M. oppose à la demande de paiement formée par la société Ceramica Fondovalle le moyen tiré de l'inexécution par celle-ci de livrer une marchandise exempte de tout vice et conforme à la commande, mais ne forme aucune demande à l'encontre de sa cocontractante. S'agissant d'un simple moyen de défense, il n'est pas soumis aux délais de prescription des actions en garantie des vices cachés ou non-conformité de la chose vendue.
Par ailleurs, les intimés ne peuvent utilement soutenir que la société Ceramica Fondovalle a reconnu sa responsabilité en proposant une remise de 50 % sur les carrelages et de la totalité sur les plinthes, alors qu'une reconnaissance de responsabilité suppose une manifestation non équivoque de volonté du fabricant qui admet être responsable des défauts dont réparation est demandée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, M. William F., représentant la société italienne Ceramica Fondovalle, ayant qualifié, aux termes du mail qu'il a adressé le 11 juin 2012 à la société M., sa proposition de remise de « geste purement commercial ».
Sur les désordres et leurs causes, il résulte du rapport d'expertise déposé le 18 janvier 2018 par M. Jean-Claude S., judiciairement commis, que le carrelage fourni, soit un grès cérame fin vitrifié, BI+fusion, premier choix, présente trois catégories de défauts : en premier lieu des taches blanchâtres et grisâtres sur les bords des carreaux, s'étendant parfois sur les deux tiers de la surface, en second lieu le transfert de sérigraphie représentée par des pixels sur les carreaux et le transfert par transparence du biscuit vers l'extérieur, enfin, un effet convexe des carreaux, ces défauts affectant l'esthétique du carrelage qui présente un aspect de vieillissement prématuré, un aspect de surface négligé et non entretenu, que confirment les photographies annexées.
L'expert judiciaire relève que le carrelage a été posé par la Sarl M. sur un carrelage existant, après traitement des supports et pose d'un primaire d'accrochage résiné et que la pose a été effectuée conformément aux règles de l'art et ne présente aucun défaut, la colle et les produits annexes utilisés par le poseur étant ceux préconisés par le fabricant. Il indique que les défauts sont des défauts de fabrication et explique, concernant le processus de fabrication du carrelage en grès émaillé :
- que les matières premières sont mélangées et broyées de manière à former une pâte fine et homogène appelée barbotine, laquelle est ensuite séchée via un atomiseur qui permet d'en extraire l'eau pour n'en retenir que la poudre, que cette poudre est ensuite injectée dans un moule puis passée sous une presse pour créer la structure et le relief'
- qu'après cette opération, le carreau est nettoyé et soumis à plusieurs étapes de séchage pour faire tomber son taux d'humidité de 5 ou 6 % à environ 0,5 %
- que ce produit, dénommé biscuit, est ensuite émaillé, selon, en l'espèce, la méthode de sérigraphie, ainsi que l'a confirmé le représentant de la société Ceramica Fondovalle, M. Wilmliam F., le principe étant d'appliquer plusieurs émaux, en l'espèce de l'oxyde de métal, par passages sous des rouleaux (rotos)
- que le carrelage subit une dernière étape de cuisson au four avant d'être conditionné pour la vente.
L'expert judiciaire, qui précise que le principe de la Bi fusion consiste à effectuer deux cuissons pour le même carreau, la première concernant le biscuit et la seconde, après la pose du décor ou sérigraphie, l'ensemble du carreau fini à une température moins élevée que la première, affirme que le transfert par transparence du biscuit brut sur la partie extérieure du carreau provient de l'insuffisance du nombre de passages des rotos lors de la dépose de l'oxyde de métal sur le biscuit ou l'inadaptation de la vitesse à l'impression, et que les taches blanchâtres et grisâtres sont dues à une réaction chimique entre l'impression et le biscuit lors du passage au four pour la seconde cuisson, l'oxyde de métal se dénaturant et donnant un aspect gris et délavé avec un vieillissement prématuré. Il indique, en réponse au dire de la société Ceramica Fondovalle, que les désordres ne peuvent résulter du nettoyage après pose effectué par la société M. et que si de l'acide, chlorhydrique ou tout autre acide acétique avait été utilisé, des aspérités seraient apparues sur les joints alors que ceux-ci sont lisses et réguliers
Il convient par ailleurs d'observer que la société Ceramica Fondovalle qui critique les compétences de l'expert judiciaire et affirme que le procédé de fabrication qu'il décrit est désuet et ne correspond pas aux méthodes actuellement utilisées, ne produit aucun document technique à l'appui de ses allégations, pas plus qu'elle ne démontre, comme elle le soutient, que les traces ne sont pas des défauts mais résulteraient d'un effet d'oxydation métallique, répondant à une caractéristique esthétique voulue lors de la fabrication du produit. De même, l'appelante prétend que l'effet convexe relevé par l'expert est conforme aux normes de tolérances telles qu'elles résultent de la norme UNI EN ISO 10545-2., sans produire ce document et alors qu'elle n'a pas soulevé ce point dans son dire à l'expert judiciaire.
Il sera dès lors considéré que les carrelages livrés par la société Ceramica Fondovalle à la Sarl M. présentent des vices de fabrication imputables au fabricant.
S'agissant de la clause limitative de responsabilité opposée par l'appelante, il résulte de la jurisprudence constante que si les clauses aménageant la garantie ou la responsabilité du vendeur sont valables entre professionnels, encore faut-il qu'elles soient connues et acceptées par les parties. A cet égard, la société Ceramica Fondovalle ne peut utilement se prévaloir de l'avertissement donné aux poseurs lors de la livraison tel qu'il figure sur les cartons contenant les carrelages, selon lequel « les carreaux doivent être contrôlés avant la pose, une fois le matériel posé aucune réclamation ne sera acceptée », alors qu'elle ne démontre pas qu'une telle clause restrictive de garantie figure sur ses conditions générales de vente ou ses documents commerciaux et a été portée à sa connaissance et acceptée par sa cocontractante lors de la conclusion du contrat de vente.
Il n'en demeure pas moins que les défauts dénoncés par la Sarl M., qui résultent d'une fabrication défectueuse, étaient nécessairement apparents lors de la réception de la marchandise alors qu'il n'est pas soutenu et ne résulte d'aucun élément qu'ils auraient été révélés du fait de la pose. L'expert judiciaire précise d'ailleurs, en pages 59 et 60 de son rapport, en réponse au dire de la société Ceramica Fondovalle, que « les taches grisâtres étaient bien présentes lors de la pose » et que « le biscuit brut du carreau en transparence était visible pendant la pose ».
Il appartenait dès lors à la société M., professionnelle de la pose de carrelages, de faire immédiatement toutes réserves, alors qu'elle a dénoncé les défauts affectant les carrelages livrés fin novembre 2009 et posés en janvier 2010, par lettre recommandée du 14 juin 2010, faisant état d'un précédent mail dont elle ne justifie pas.
Sa contestation tardive ne pouvant être prise en compte, il convient, en infirmant le jugement entrepris, de la condamner à payer à la société de droit italien Ceramica Fondovalle, la somme de 5.108,40 euros laquelle portera intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 31 mars 2014, avec capitalisation des intérêts à compter de cette date dans les termes de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Il n'y a pas lieu en revanche, de faire droit à la demande de paiement dirigée à l'encontre de M. Lando M. et Mme Anne-Marie M., la société Ceramica Fondovalle ne disposant pas d'une action directe en paiement du prix des matériaux à l'encontre des maîtres d'ouvrage, sous-acquéreurs.
Par ailleurs, l'appelante sera déboutée de sa demande tendant au paiement de dommages-intérêts, la preuve n'étant pas rapportée d'un préjudice indépendant du retard apporté au règlement, indemnisé par les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et la capitalisation des intérêts.
Sur la demande reconventionnelle de M. et Mme M.
M. et Mme M., en leur qualité de maîtres de l'ouvrage, disposent contre le fabricant des matériaux posés par un entrepreneur, même en l'absence de lien de droit, d'une action directe, de nature contractuelle, pour la garantie des défauts de conformités et vices cachés affectant la chose vendue dès sa fabrication.
La fin de non-recevoir soulevée, à hauteur d'appel, par la société Ceramica Fondovalle, tirée de la prescription de la demande reconventionnelle de M. et Mme M. est recevable en vertu des dispositions de l'article 123 du code de procédure civile.
S'agissant en l'espèce d'un vice de fabrication affectant les carrelages, l'action de M. et Mme M. est soumise, non à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil comme soutenu par l'appelante, mais à la prescription biennale de l'action en garantie des vices rédhibitoires édictée par l'article 1648 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le délai courant à compter de la découverte du vice, soit en l'espèce, à compter du mois de janvier 2010, date à laquelle les carrelages ont été posés, révélant aux maîtres de l'ouvrage, les défauts les affectant.
Etant rappelé que l'interruption de la prescription de l'action principale ne s'étend pas aux demandes reconventionnelles, et à défaut de reconnaissance de responsabilité de la société Ceramica Fondovalle, M. et Mme M. sont irrecevables en leurs demandes reconventionnelles, formées pour la première fois par conclusions du 2 février 2018, tendant à la condamnation de la société de droit italien Ceramica Fondovalle à les indemniser du préjudice subi du fait des défauts affectant les carrelages fournis.
Il sera observé que la solution serait la même en cas de non-conformité de la marchandise aux prévisions du contrat, le délai de prescription de cinq ans, institué par l'article 2224 du code civil, qui court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, étant expiré à la date à laquelle les demandes reconventionnelles ont été formulées.
Le jugement sera également infirmé sur ce point.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La Sarl M. ainsi que M. et Mme M. qui succombent en leurs prétentions, seront déboutées de leur demande au titre de l'article 700 du code civil et supporteront les entiers dépens de première instance et d'appel.
Il y a lieu par ailleurs, en équité, d'allouer à la société de droit italien Ceramica Fondovalle Spa une indemnité de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
DIT n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ;
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal d'instance de Thionville le 16 octobre 2018 en ce qu'il a débouté la société de droit italien Ceramica Fondovalle de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la Sarl M., M. Lando M. et Mme Anne-Marie M. ainsi que de sa demande en paiement de la somme de 5.108,40 euros majorée des intérêts légaux dirigée contre M. Lando M. et Mme Anne-Marie M. ;
L'INFIRME en ses autres dispositions et statuant à nouveau,
CONDAMNE la Sarl M. à payer à la société de droit Italien Ceramica Fondovalle Spa la somme de 5.108,40 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2014 ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts à compter du 31 mars 2014 dans les termes de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
DECLARE irrecevables comme étant prescrites les demandes reconventionnelles en indemnisation de leurs préjudices formées par M. Lando M. et Mme Anne-Marie M. contre la société de droit italien Ceramica Fondovalle Spa ;
Y ajoutant,
DEBOUTE la Sarl M. ainsi que M. lando M. et Mme Anne-Marie M. de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sarl M., M. Lando M. et Mme Anne-Marie M. solidairement à payer à la société de droit italien Ceramica Fondovalle Spa la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sarl M., M. Lando M. et Mme Anne-Marie M. aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais de l'expertise judiciaire.