Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 7 janvier 2021, n° 18/17376

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Central Optics GmbH (Sté)

Défendeur :

La Poste (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Schaller, Mme Soudry

T. com. Paris, du 3 mai 2018

3 mai 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Central Optics est une société de droit allemand spécialisée dans la vente à distance de produits d'optique.

La société Itinsell est une société spécialisée dans le commerce de gros d'ordinateurs, d'équipements informatiques, périphériques et logiciels, qui a créé un logiciel, Itrack, permettant aux commerçants et vendeurs à distance de contrôler les expéditions, la gestion des incidents de livraison et les procédures administratives auprès des transporteurs.

Le 19 juillet 2010, la société Central Optics a conclu avec la société La Poste un contrat « Colissimo Entreprise » ayant pour objet la prise en charge, l'acheminement et la distribution des colis à destination de ses clients.

Le 17 août 2011, un nouveau contrat a été conclu entre les parties incluant de nouvelles conditions générales de vente de la société La Poste. Il était prévu que ce contrat prenne effet à la date de sa signature et ait une durée d'une année.

Le 26 février 2013, un nouveau contrat a été conclu entre les parties incluant de nouvelles conditions générales de vente de la société La Poste. Il était prévu que ce contrat prenne effet à la date de sa signature et ait une durée d'une année.

Le 28 janvier 2015, un nouveau contrat a été conclu entre les parties incluant de nouvelles conditions générales de vente de la société La Poste. Il était prévu que ce contrat prenne effet à la date de sa signature et ait une durée d'une année.

Pour la distribution du courrier international, la société Central Optics a en outre souscrit auprès de la société La Poste un contrat « Business export profil Optima » en date du 12 mars 2013.

La société Central Optics, dans le cadre de l'exécution de ces contrats, a eu recours aux services de la société Itinsell pour suivre les expéditions et les incidents de livraison par l'intermédiaire du logiciel créé par cette dernière.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 février 2014 adressée à la société La Poste, la société Central Optics s'est plainte de retards, pertes et avaries dans l'acheminement de 13 559 colis envoyés entre le 15 août 2011 et le 29 novembre 2013 pour lesquels elle a formulé une réclamation et a mis en demeure la société La Poste, à titre principal, d'apporter une réponse à ses réclamations et, à titre subsidiaire, de lui payer une somme de 58 306,50 euros à titre d'indemnisation. Elle a également reproché à la société La Poste de ne pas signer et tamponner les bordereaux de dépôts qu'elle émettait en violation des stipulations contractuelles.

Cette mise en demeure étant demeurée vaine, la société Central Optics a, par acte du 23 janvier 2017, assigné la société La Poste devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 130.224 euros pour non-respect des délais garantis prévus au contrat et manquement à ses engagements contractuels pour refus d'indemnisation des avaries, pertes et retards prévue au contrat.

Par jugement du 3 mai 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit irrecevables car prescrites les demandes de la société de droit allemand Central Optics ;

- débouté la société Central Optics de toutes ses autres demandes ;

- débouté la société La Poste de sa demande d'indemnité pour préjudice ;

- condamné la société Central Optics à payer à la société La Poste la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

- condamné la société Central Optics aux dépens.

Par déclaration du 11 juillet 2018, la société Central Optics a interjeté appel contre ce jugement.

Par conclusions du 4 août 2019, la société Central Optics demande à la cour de :

Vu les articles L. 7 et L. 8 du code des postes et des communications électroniques,

Vu les articles 1147, 1134 et 1382 du code civil,

- infirmer la décision rendue le 3 mai 2018 ;

- écarter la prescription alléguée ;

- dire et juger que la société La Poste n'a pas respecté les délais garantis prévus au contrat ;

- dire et juger que la société La Poste a manqué à ses engagements contractuels en ne procédant pas à l'indemnisation des avaries, pertes et retards, prévue au contrat ;

- condamner la société La Poste au paiement d'une somme de 233.337,25 euros au profit de la société Central Optics en réparation du préjudice subi du fait des avaries, pertes et retards de livraison à la date du 30 mai 2018, à parfaire en fonction de l'évolution du nombre de réclamations, outre intérêts au taux légal à compter du 22 février 2014, date de première mise en demeure ;

- dire que la modification des conditions générales portant sur les bordereaux de dépôt crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

- dire que cette modification est inopposable à la société Central Optics ;

A titre subsidiaire,

- désigner tel expert afin de déterminer les préjudices subis par l'appelante ;

En tout état de cause,

- condamner la société La Poste au versement d'une somme de 6.000 euros au profit de la société Central Optics au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

Par conclusions du 27 juillet 2020, la société La Poste demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 mai 2018 en ce qu'il a :

- déclaré prescrites les demandes d'indemnisation de la société Central Optics,

- a débouté la société Central Optics de sa demande d'inopposabilité des clauses contractuelles dont elle prétend qu'elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

- a condamné la société Central Optics au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 mai 2018 en ce qu'il a débouté la société La Poste de sa demande d'indemnisation du préjudice subi du fait de dizaines de milliers de réclamations prescrites et/ou infondées,

Pour les chefs de jugement pour lesquels elle statuerait à nouveau,

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 7, L. 8, L. 10 du code des postes et des communications électroniques et l'article 19 de la Convention Postale Universelle,

- juger irrecevables comme prescrites les demandes de la société Central Optics concernant des envois effectués avant le 14 décembre 2015 (pour les envois relevant d'une prescription d'un an) et ceux effectués avant le 14 juin 2016 (pour les envois relevant de la Convention postale universelle), lesquels ne pouvaient donc plus faire l'objet d'une action le 15 décembre 2016 ;

Vu l'article 564 du code de procédure civile,

- juger irrecevables les prétentions nouvelles en cause d'appel, soit celles relatives aux envois déposés entre le 30 novembre 2015 et le 30 mai 2018 ;

- débouter la société Central Optics de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

Vu l'article 1152 du code civil (dans sa version applicable aux faits),

- réduire la somme demandée par la société Central Optics à titre de clause pénale, comme manifestement excessive ;

En toute hypothèse,

- condamner la société Central Optics au paiement de la somme de 10.000 euros au titre du préjudice subi par la société La Poste pour avoir dû traiter des dizaines de milliers de réclamations injustifiées présentées à de multiples reprises de façon identique ;

- condamner la société Central Optics au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, n'ayant pas hésité à engager une procédure concernant des demandes qu'elle savait pour l'essentiel prescrites et/ou infondées et qui a contraint la société La Poste à engager des frais de défense importants ;

- condamner la société Central Optics aux entiers dépens de l'instance.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 septembre 2020.

MOTIFS :

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'action de la société Central Optics tend à la fois à l'application des clauses pénales prévues aux conditions générales de vente de la société La Poste pour inexécution par cette dernière de ses engagements contractuels et à l'inopposabilité de la modification des conditions générales de vente de la société La Poste relative aux bordereaux de dépôt.

Seule l'action tendant à l'application des clauses pénales est concernée par la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Selon l'article L. 7 du code des postes et communications électroniques dans sa version applicable au litige, « La responsabilité des prestataires de services postaux au sens de l'article L. 1 est engagée dans les conditions prévues par les articles 1134 et suivants et 1382 et suivants du code civil à raison des pertes et avaries survenues lors de la prestation.

Toutefois, cette responsabilité tient compte des caractéristiques des envois et des tarifs d'affranchissement selon des modalités fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine des plafonds d'indemnisation. »

Par ailleurs, l'article L. 8 du code des postes et communications électroniques dans sa version applicable au litige, prévoit que: « Pour les dommages directs causés par le retard dans la distribution d'un envoi postal, la responsabilité des prestataires des services postaux au sens de l'article L. 1 est engagée dans les conditions prévues par les articles 1134 et suivants et 1382 et suivants du code civil, si le prestataire a souscrit un engagement portant sur le délai d'acheminement de cet envoi postal.

Toutefois, cette responsabilité tient compte des caractéristiques des envois et des tarifs d'affranchissement selon des modalités fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine des plafonds d'indemnisation.

En outre, l'article L. 10 du code des postes et communications électroniques dispose que : « Les actions en responsabilité pour avaries, pertes ou retards engagées au titre des articles L. 7 et L. 8 sont prescrites dans le délai d'un an à compter du lendemain du jour du dépôt de l'envoi. »

Enfin l'article 19 de la Convention postale universelle adoptée à Doha le 11 octobre 2012 prévoit que : « Chaque opérateur désigné est tenu d'accepter les réclamations concernant les colis et les envois recommandés ou avec valeur déclarée, déposés dans son propre service ou dans celui de tout autre opérateur désigné, pourvu que ces réclamations soient présentées dans un délai de six mois à compter du lendemain du jour du dépôt de l'envoi. Les réclamations sont transmises par voie recommandée prioritaire, par EMS ou par des moyens électroniques. »

Sur l'application des articles L. 8 et L. 10 du code des postes et communications électroniques

Contrairement à ce que soutient la société Central Optics, les articles L. 8 et L. 10 du code des postes et communications électroniques sont bien applicables à son action tendant à voir condamner la société La Poste au paiement des pénalités contractuelles prévues au contrat en cas de retard.

En effet, la clause pénale a notamment pour objet de fixer par avance le montant des dommages-intérêts dus par l'une des parties en cas d'inexécution de ses obligations contractuelles.

Ainsi, lorsqu'elle agit en application des clauses pénales prévues au contrat en cas de retard des colis, la société Central Optics agit bien en responsabilité pour demander l'indemnisation du préjudice subi au titre des retards qu'elle allègue.

Il ressort en outre des dispositions de l'article 17.1.1 des conditions générales de vente de la société La Poste relatives au contrat du 17 août 2011 et des articles 2.2.1 et 2.2.2 des conditions générales relatives aux contrats du 26 février 2013 et du 28 janvier 2015 que l'indemnité pour hors délai qui y est prévue a justement pour objet de réparer le dommage direct résultant du retard et que l'indemnisation de tout dommage indirect, défini comme tout dommage qui n'est pas la suite immédiate et directe de l'exécution du contrat tel que la perte de bénéfices, la perte d'exploitation, la perte de marché, la perte de commande, est exclue.

Par ailleurs, la société Central Optics est mal fondée à prétendre que les articles L. 8 et L. 10 précités seraient inapplicables à l'action visant la réparation du préjudice résultant « du cumul et de la répétition des manquements contractuels » de la société La Poste ou de sa « mauvaise foi dans l'exécution du contrat » et ne concerneraient que l'indemnisation relative à un envoi postal isolé. En effet, l'indemnisation réclamée dans le dispositif des conclusions de la société appelante vise bien la réparation des engagements contractuels relatifs à l'indemnisation des avaries, pertes et retards prévue au contrat. En outre, si l'article L. 8 vise « le retard dans la distribution d'un envoi postal », il ne ressort nullement de ses dispositions que le champ d'application de cet article serait limité à des envois postaux isolés et non groupés. L'emploi du singulier tend uniquement à indiquer que la responsabilité du prestataire en cas de retard s'apprécie envoi par envoi.

Dans ces conditions, les premiers juges ont à bon droit déclaré irrecevables comme prescrites les demandes d'indemnisation de la société Central Optics contenues dans l'assignation du 23 janvier 2017 et maintenues depuis, et relatives à 48 902 colis déposés entre le 15 août 2011 et le 30 novembre 2015. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point. Il sera néanmoins relevé que la société La Poste fait état d'une assignation du 15 décembre 2016 relative à des colis déposés entre le 15 août 2011 et le 30 novembre 2015. En l'absence de production aux débats de l'assignation, il convient de retenir la date d'assignation mentionnée dans le jugement critiqué étant précisé que quelle que soit la date retenue, 23 janvier 2017 ou 15 décembre 2016, le délai d'un an pour les envois nationaux et le délai de 6 mois pour les envois internationaux et à destination des collectivités d'outre-mer était expiré.

Sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de la demande en appel

L'article 564 du code de procédure civile prévoit que : « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »

L'article 566 du même code dispose que : « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. »

La société Central Optics a formé en appel des demandes d'indemnisation au titre de colis qui n'étaient pas visés en première instance étant rappelé que ses demandes d'indemnisation en première instance d'un montant de 130.224 euros, concernaient 48.902 colis envoyés entre le 15 août 2011 et le 30 novembre 2015. Dans les conclusions d'appel du 4 août 2019, ses demandes d'indemnisation, à concurrence d'un montant de 233.337,25 euros, portaient sur 84 441 colis envoyés entre le 15 août 2011 et le 30 mai 2018.

La société La Poste invoque l'irrecevabilité de ces demandes nouvelles en appel.

Il résulte des conclusions et des pièces de la société Central Optics que ses demandes d'indemnisation en appel portent pour partie sur des nouveaux colis pour lesquels aucune demande d'indemnisation n'avait été formée en première instance. Ces demandes d'indemnisation relatives à des colis envoyés entre le 1er décembre 2015 et le 30 mai 2018 doivent être qualifiées de nouvelles en ce qu'elles ne sont ni l'accessoire, ni la conséquence ni encore le complément nécessaire des demandes formées en première instance.

Par conséquent, elles seront déclarées irrecevables.

Sur la demande d'inopposabilité des clauses relatives aux bordereaux de dépôt des conditions générales de vente de la société La Poste au titre du déséquilibre significatif

La société Central Optics prétend que les clauses résultant de la modification des conditions générales de vente de la société La Poste à compter du 27 janvier 2014 et notamment les conditions générales de vente annexées au contrat du 28 janvier 2015 relatives à la preuve créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de la société La Poste et doivent lui être déclarées inopposables.

Elle fait à cet égard valoir qu'à compter du 27 janvier 2014, les dispositions des conditions générales de vente qui permettaient de rapporter la preuve de la date du dépôt d'un colis par le visa par La Poste du bordereau de remise ont été supprimées de sorte que désormais seul le flashage du colis par la Poste, qui peut avoir lieu plusieurs jours après la remise, constitue la preuve du dépôt du colis, ce qui reviendrait pour la Poste à se constituer sa propre preuve.

La société La Poste dément l'existence de toute clause constitutive d'un déséquilibre significatif. Elle fait observer que les clauses litigieuses existaient déjà dans les conditions générales de vente annexées au contrat du 26 février 2013. Elle ajoute que les dispositions litigieuses ont pour objet de constituer la preuve d'un fait juridique, le dépôt d'un colis, et que le bordereau de dépôt, qui n'est pas un document contradictoire, ne peut ménager une telle preuve. En tout état de cause, elle estime que les stipulations critiquées qui permettent le recours aux éléments de flashage sont favorables au client et ne créent pas un déséquilibre à son détriment puisqu'ils permettent le traitement industriel d'une multitude de colis à un prix concurrentiel.

L'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose que :

« I. Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

(...)

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties »

La caractérisation de la pratique prohibée par les dispositions susvisées suppose d'une part, de caractériser une tentative de soumission ou d'une soumission du partenaire commercial à une clause et d'autre part, de démontrer que cette clause est constitutive de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Tout d'abord, l'élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif implique la démonstration de l'absence de négociation effective ou l'usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant à forcer l'acceptation impliquant cette absence de négociation effective.

Si l'existence d'un contrat d'adhésion ne suffit pas à caractériser la preuve de l'absence de pouvoir réel de négociation de celui qui se prétend victime d'une soumission ou d'une tentative de soumission à un déséquilibre significatif, il est néanmoins établi en l'espèce que les clauses litigieuses, qui sont insérées dans les conditions générales de vente de la société La Poste, sont quasiment identiques dans tous les contrats conclus par la société Central Optics entre 2010 et 2015 et se retrouvent dans l'ensemble des contrats souscrits par des entreprises avec la société La Poste. Il se déduit de l'insertion de ces clauses dans tous les contrats conclus tant par la société Central Optics que par les autres entreprises avec la société La Poste et de la puissance de la société La Poste dans le secteur de l'acheminement des colis une impossibilité effective de négociation desdites clauses.

Dès lors, en l'absence de négociation effective desdites clauses, la première condition d'applicabilité du texte est remplie.

Ensuite, l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d'une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties.

Les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l'économie de la relation contractuelle.

Il appartient à la société qui se prétend victime d'apporter la preuve du déséquilibre qu'elle subit.

Toutefois en présence d'une asymétrie créée par certaines clauses, il appartient au défendeur de prouver l'éventuel rééquilibrage par d'autres clauses du contrat.

L'article 2.2 desdites conditions générales de vente est ainsi rédigé :

« 2.2 Délais de distribution

Pour connaître les délais de distribution et leur nature (indicatif ou garanti), le Client se reporte à la Fiche correspondante.

Ces délais courent à compter du lendemain du jour de prise en charge des colis par La Poste jusqu'au jour de leur distribution.

Le colis est pris en charge par La Poste à compter de l'enregistrement de la première saisie postale dans le système d'information de La Poste (flashage).

Le colis est réputé distribué :

- pour les envois à distribuer à domicile sans rendez-vous, dès sa première présentation à l'adresse indiquée par l'expéditeur ou à défaut dès sa première notification au destinataire pour les colis ne faisant pas l'objet d'une première présentation ;

- pour les envois à distribuer à domicile avec rendez-vous, dès sa première notification au destinataire ;

- pour les envois à distribuer hors domicile, dès sa première notification au destinataire.

Les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des flashages des colis par La Poste font foi.

En principe, les délais sont calculés :

- en jours ouvrables (du lundi au samedi, hors jours fériés) à l'exception des colis à remettre en commerce choisi et des colis en So Colissimo à remettre : en Belgique, en France pour les colis en commerce choisi et en point de retrait La Poste choisi et des colis en Colissimo Expert I, Retour Colissimo F, Retour Colissimo I pour lesquels le délai s'entend en jours ouvrés (du lundi au vendredi, hors jours fériés, jours hebdomadaires de fermeture du commerce).

- sous réserve du respect de l'heure limite de dépôt,

- sous réserve du respect par le Client de ses prévisions une fois communiquées et acceptées par la Poste.

Ces délais sont calculés :

- hors faits non imputable ou indépendant de la volonté de La Poste, notamment :

. interdictions de circuler,

. rétention en douane,

. cas de force majeure, circonstances exceptionnelles.

De plus, les faits suivants non imputables ou indépendants de la volonté de La Poste notamment :

. la réexpédition des colis,

. tout fait imputable au Client (...)

ne permettent pas le calcul des délais de distribution dans les conditions susvisées.

Dans tous ces cas, le Client ne bénéficiera pas du versement d'une quelconque somme pour dépassement du délai indicatif ou retard en cas d'engagement de délai.

Les délais de distribution des colis à livrer en boite postale et/ou pour lesquels le service optionnel AR du Colissimo Expert I a été souscrit et pour le retour de colis non distribuables ou refusés sont toujours plus longs que les délais indiqués sur la Fiche correspondante sans que cela ouvre droit ni à indemnisation, ni au versement d'une autre somme quelconque.

2.2.1 Principe : délais indicatifs non garantis

Les délais de distribution constituent, sauf stipulation expresse contraire, des délais indicatifs, correspondant aux délais de distribution habituellement constatés pour un type de prestation donné et pour l'atteinte desquels La Poste, par une obligation de moyens, déploie des efforts raisonnables.

Ces délais ne constituent pas des engagements de délai et ne sont par conséquent pas garantis Le dépassement d'un tel délai indicatif n'ouvre droit à aucune indemnisation quelle qu'en soit la cause et de quelque nature qu'il soit y compris en cas de preuve d'un préjudice.

Le Client s'engage à en informer les destinataires. Le cas échéant La Poste invitera le destinataire à se rapprocher du Client

Pour certains délais en J+ 2, pourtant indicatifs, signalés par une stipulation expresse portée par La Poste sur la Fiche correspondante, La Poste, sur demande effectuée au nom du Client, lui octroie, au titre de sa qualité de service, en cas de dépassement, une somme qui constitue un pourcentage du montant de référence, pourcentage qui augmente avec l'écart entre le délai indicatif et le délai réellement constaté. Le service client peut être contacté comme indiqué ci-dessous. Seul le Client peut bénéficier du montant ainsi alloué. Seuls sont concernés par ce dispositif les colis qui n'ont pas vu s'appliquer un supplément au titre des articles 14.3.5, 14.3.6 et 14.3.8 et qui n'ont fait l'objet d'aucun incident de livraison, ni perte, ni avarie.

Servent de montant de référence au calcul du versement qu'effectuera La Poste en cas et en fonction du dépassement d'un tel délai indicatif les frais de port HT auxquels sont ajoutés l'ajustement pétrole et les suppléments tarifaires pour non mécanisable, pour une distribution à domicile sur RDV en So Colissimo et pour une distribution en Belgique en So Colissimo. Les autres suppléments, services optionnels, frais divers, droits et taxes sont exclus.

La somme, qui fera l'objet d'un avoir sur facture, varie en fonction du dépassement du délai indicatif constaté, conformément à la grille ci-dessous :

 
          image 1 11 01 2021.PNG

L'article 10 intitulé « dépôt collecte » précise que :

« Il existe deux modalités de remise des envois dans le réseau postal. Le choix du Client est précisé dans les conditions particulières.

10.1 Principe : Dépôt

Le Client dépose lui-même directement ses colis dans l'établissement postal indiqué dans les conditions particulières. Le dépôt est fait entièrement aux frais du Client.

La Poste attire l'attention du Client sur son fonctionnement industriel et par conséquent le caractère de traitement en masse des dépôts sur ses sites.

Le dépôt de colis ne donne pas systématiquement lieu à établissement d'un bordereau de dépôt visé. Il est matérialisé par la prise en charge qui s'effectue lors de l'enregistrement de la première saisie postale dans le système d'information de La Poste (flashage).

Toutefois lorsque le nombre de colis déposé par jour, via un ou plusieurs dépôts, est inférieur à 50 colis cumulés/jour sur un même établissement postal, le Client peut demander, le visa par un agent de La Poste, du bordereau de dépôt, qu'il aura établi en 2 exemplaires, et qui comporte la liste des numéros des colis déposés ce même jour.

Ce bordereau de dépôt visé vaut dans ces conditions reconnaissance de l'existence d'un dépôt ainsi que du nombre de colis, mais pas du détail de ce dépôt, notamment en ce qui concerne les caractéristiques propres à chacun des colis (poids, date de remise, non mécanisable, contre-remboursement, etc.). Celui-ci est régi par l'article 11 des Présentes.

(...) »

L'article 11 relatif aux contrôles effectués par La Poste prévoit que :

« La Poste procède au contrôle du nombre d'envois. Les résultats ainsi obtenus feront foi entre les Parties et serviront de base à la facturation.

11.1 Dispositions communes

Les Parties conviennent que, sous réserve et dans la limite des dispositions de l'article 10.1 en cas d'établissement d'un bordereau de dépôt visé, les informations issues du système d'information de La Poste et liées à la prise en charge, à l'acheminement, à la notification et à la distribution le cas échéant remontées par flashage des colis lors de leur prise en charge, acheminement, la notification et distribution font foi.

En aucun cas le visa du bordereau de dépôt tel que précisé ci-dessus à l'article 10.1 ne vaut validation des caractéristiques propres aux colis (poids, date de remise, non mécanisable, contre-remboursement, etc.) déclaré par le Client, via l'annonce sous format électronique ou informatisé.

La Poste peut a posteriori, lors du contrôle des colis modifier ces données si elles s'avèrent inexactes ou incomplètes.

En toute hypothèse, les Parties conviennent que les modifications apportées par La Poste et intégrées dans le système d'information de La Poste font foi entre les Parties. »

L'article 17 stipule que :

« Article 17 - Responsabilité

17.1 Les différents cas de responsabilité de La Poste

La responsabilité de La Poste est engagée conformément au régime de responsabilité applicable aux prestataires de services postaux, défini par les articles 1382 et 1134 du code civil, L. 7 et L. 8 du code des postes et communications électroniques.

Pour les colis de la gamme Colissimo Entreprise, qui font l'objet d'un suivi jusqu'à leur destination, les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des flashages des colis, par La Poste, lors des différentes étapes d'acheminement (prise en charge, transport, notification au destinataire, le cas échéant, et distribution) font foi entre les Parties pour déterminer l'occurrence ou non d'un retard (en cas d'engagement de délai), d'un dépassement de délai indicatif, d'une perte ou d'une avarie.

Les colis de la gamme Colissimo Entreprise qui ne font pas l'objet d'un suivi jusqu'à leur destination bénéficient des mêmes indemnisations en cas de perte ou avarie que les colis suivis jusqu'à destination.

En cas de non-respect des dispositions relatives aux conditions d'admission et en particulier au contenu de l'envoi et/ou de la qualité de l'emballage et/ou du conditionnement, la responsabilité de La Poste ne saura être engagée pour quelque raison que ce soit.

La Poste n'est en aucun cas responsable des dommages indirects ou immatériels tels que perte de profit, perte de contrat, perte de chance, préjudice d'image. »

Il ressort des dispositions litigieuses que le système d'information de la société La poste prévaut sur tout autre élément de preuve que son cocontractant pourrait vouloir apporter et qui pourrait contredire les informations qui y sont contenues alors même qu'en dépendent la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de la société La Poste et l'indemnisation en résultant. En outre, les dispositions critiquées font dépendre le point de départ du délai d'acheminement d'un colis exclusivement de son enregistrement dans le système d'information de La Poste alors même que la société La Poste s'engage au respect de délais d'acheminement minimum.

Ces clauses créent donc au détriment de la société cocontractante de la société La Poste un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties sans que la société La Poste ne rapporte la preuve de la compensation de ce déséquilibre par d'autres clauses du contrat.

Il sera à cet égard relevé que le traitement à grande échelle de la distribution de colis et la maîtrise des coûts induits par un tel type de traitement ne peut justifier que le système d'information permettant un tel traitement puisse être seul retenu à titre de preuve. De plus, si un tel système probatoire était admis, il en résulterait que celui sur lequel pèsent les obligations de résultat de ponctualité et de délivrance des colis contrôlerait seul le respect de ses propres obligations.

En conséquence, il convient de déclarer inopposables à la société Central Optics les clauses suivantes des articles 2.2, 11.1 et 17.1 des conditions générales de vente de la société La Poste version janvier 2015 :

Article 2.2 :

« Le colis est pris en charge par La Poste à compter de l'enregistrement de la première saisie postale dans le système d'information de La Poste (flashage). »

« Les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des flashages des colis par La Poste font foi. »

Article 11.1 :

« Les Parties conviennent que, sous réserve et dans la limite des dispositions de l'article 10.1 en cas d'établissement d'un bordereau de dépôt visé, les informations issues du système d'information de La Poste et liées à la prise en charge, à l'acheminement, à la notification et à la distribution le cas échéant remontées par flashage des colis lors de leur prise en charge, acheminement, la notification et distribution font foi. »

« En toute hypothèse, les Parties conviennent que les modifications apportées par La Poste et intégrées dans le système d'information de La Poste font foi entre les Parties. »

Article 17.1:

« Pour les colis de la gamme Colissimo Entreprise, qui font l'objet d'un suivi jusqu'à leur destination, les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des flashages des colis, par La Poste, lors des différentes étapes d'acheminement (prise en charge, transport, notification au destinataire, le cas échéant, et distribution) font foi entre les Parties pour déterminer l'occurrence ou non d'un retard (en cas d'engagement de délai), d'un dépassement de délai indicatif, d'une perte ou d'une avarie. »

Sur la demande de dommages et intérêts de la société La Poste

La société La Poste prétend obtenir réparation du préjudice subi pour avoir dû traiter des milliers de réclamations infondées et/ou prescrites.

Toutefois ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la société La Poste ne caractérise aucune faute à l'encontre de la société Central Optics au titre des réclamations formées. Le fait que ces réclamations aient été déclarées prescrites ne permet pas de justifier de leur caractère infondé.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande présentée de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société La Poste succombe partiellement au litige. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

La société La Poste supportera les dépens de première instance et d'appel. Il apparaît inéquitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure que ce soit pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

Les demandes sur ce point seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société Central Optics au titre de sa demande concernant un éventuel déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et a condamné la société Central Optics aux dépens de première instance et à payer à la société La Poste une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE inopposables à la société Central Optics les clauses suivantes des articles 2.2, 11.1 et 17.1 des conditions générales de vente de la société La Poste version mars 2011 et version mars 2012 en ce qu'elles créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties :

Article 2.2 :

« Le colis est pris en charge par La Poste à compter de l'enregistrement de la première saisie postale dans le système d'information de La Poste (flashage). »

« Les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des flashages des colis par La Poste font foi. »

Article 11.1:

« Les Parties conviennent que, sous réserve et dans la limite des dispositions de l'article 10.1 en cas d'établissement d'un bordereau de dépôt visé, les informations issues du système d'information de La Poste et liées à la prise en charge, à l'acheminement, à la notification et à la distribution le cas échéant remontées par flashage des colis lors de leur prise en charge, acheminement, la notification et distribution font foi. »

« En toute hypothèse, les Parties conviennent que les modifications apportées par La Poste et intégrées dans le système d'information de La Poste font foi entre les Parties. »

Article 17.1:

« Pour les colis de la gamme Colissimo Entreprise, qui font l'objet d'un suivi jusqu'à leur destination, les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des flashages des colis, par La Poste, lors des différentes étapes d'acheminement (prise en charge, transport, notification au destinataire, le cas échéant, et distribution) font foi entre les Parties pour déterminer l'occurrence ou non d'un retard (en cas d'engagement de délai), d'un dépassement de délai indicatif, d'une perte ou d'une avarie. »

Y ajoutant,

DÉCLARE irrecevables comme nouvelles les demandes d'indemnisation formulées en appel concernant des colis envoyés entre le 1er décembre 2015 et le 30 mai 2018 pour lesquels aucune demande d'indemnisation n'a été formée en première instance ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société La Poste aux dépens.