Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 19-15.049
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Milanus
Défendeur :
Time and Diamonds (SA), Legras de Grancourt (ès qual.), Unedic délégation AGS CGEA Ile-de-France Ouest
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schamber
Rapporteur :
Mme Mariette
Avocat :
SCP Thouvenin, Coudray et Grévy
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. Milanus du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Legras de Grancourt, en sa qualité de liquidateur de la société TA diffusion et l'Unedic délégation AGS CGEA Ile-de-France Ouest.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 13 février 2019), M. Milanus, a été engagé le 10 mars 1998 par la société Time and Diamonds, qui a pour filiale la société TA diffusion, sous le statut de voyageur représentant placier.
3. Par lettre du 24 octobre 2011, la société TA diffusion a notifié à M. Milanus qui détenait le mandat de délégué syndical et avait été élu délégué du personnel titulaire, son licenciement pour motif économique après avoir obtenu l'autorisation de l'inspection du travail.
4. Sur requête du salarié, le ministre du travail a annulé, le 7 juin 2012, cette autorisation au motif que la demande de licenciement aurait dû émaner de la société Time And Diamonds, seul employeur de M. Milanus, et non de la société TA diffusion. Cette décision a été confirmée par jugement du tribunal administratif, le 22 février 2013.
5. Le salarié a ensuite saisi la juridiction prud'homale de demandes dirigées contre les deux sociétés et relatives tant à l'exécution du contrat de travail qu'à sa rupture.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappel de commissions de retour sur échantillonnage, alors « que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ; qu'il appartient au juge de tirer toute conséquence du refus de l'employeur de communiquer ces éléments ; que le salarié exposait avoir vainement sollicité la production des éléments permettant de déterminer les commissions qui lui étaient dues ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences du refus de l'employeur de communiquer ces éléments et en reprochant au contraire au salarié de ne verser aucun élément permettant d'apprécier les modalités de calcul de la somme qu'il estimait due, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315 du code civil devenu 1353, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
8. Il résulte de ce texte que c'est à l'employeur qu'il incombe d'établir qu'il a effectivement payé au représentant les commissions qu'il lui doit. Lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.
9. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de commissions de retour sur échantillonnage, l'arrêt retient que suivant l'article L. 7313-11 du code du travail, le voyageur représentant placier a droit, à titre de salaire, aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ, mais qui sont la suite directe des remises d'échantillon et des prix faits antérieurs à l'expiration du contrat ; qu'en l'espèce, l'intéressé fixe sa commission à 3 577,77 euros mais ne verse aucun élément permettant d'apprécier les modalités de calcul de cette somme, aucun bon de commandes, ni chiffre d'affaires ne sont versés aux débats.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre de la régularisation des commissions liée à la suppression illégale du coefficient multiplicateur prévu au contrat de travail, alors « qu'il versait aux débats la lettre d'embauche en date du 10 mars 1998 aux termes de laquelle les parties avaient convenu d'un coefficient multiplicateur de 1,15 ; qu'en affirmant que le salarié ne versait aucune pièce pour justifier la nature contractuelle de cet avantage, la cour d'appel a dénaturé par omission cette lettre d'embauche, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
12. Pour débouter le salarié de sa demande au titre de la régularisation des commissions liée à la suppression illégale du coefficient multiplicateur, l'arrêt retient qu'il ne verse aucune pièce pour justifier la nature contractuelle de cet avantage, ni élément qui permettrait à la cour de qualifier un usage.
13. En statuant ainsi, alors qu'à l'appui de ses prétentions le salarié produisait la lettre d'embauche du 10 mars 1998 aux termes de laquelle les parties avaient convenu d'un coefficient multiplicateur de 1,15 sur les commissions, ce dont il résultait que ce coefficient présentait un caractère contractuel, la cour d'appel, qui a dénaturé cette pièce par omission, a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt critiquées par les troisième et quatrième moyens entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif critiqué par le cinquième moyen, en ce qu'il rejette la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts au titre des manquements au cours de l'exécution de son contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Milanus de ses demandes en paiement de rappel de commissions de retour sur échantillonnage, de rappel de commissions lié à la suppression du coefficient multiplicateur prévu au contrat de travail et de dommages-intérêts au titre des manquements au cours de l'exécution de son contrat de travail, l'arrêt rendu le 13 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims.