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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 7 janvier 2021, n° 19/00566

CAEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Kiln Europe (SA), Catlin France (Sté), Arcoport (SA), Helvetia Assurances (SA), Generali Iard (SA), Italiana Assicurazioni E Riassicurazioni (Sté), Hardy Syndicate 382 (Sté), Swiss Corporate Solutions (Sté)

Défendeur :

Wartsila France (SAS), Mecanor (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Delahaye

Conseillers :

Mme Gouarin, Mme Viaud

T. com. Caen, du 12 déc. 2018

12 décembre 2018

EXPOSE DU LITIGE

M. C. et la SA Armement Coopératif Portais- Arcoport sont propriétaires d'un chalutier, le « Victor Constant » équipé d'un moteur de marque Wartsila et assuré auprès de la SA Helvetia Assurances et d'autres compagnies.

Suivant facture établie le 7 août 2009, M. C. a acquis un moteur de type UD25V12M3 auprès de la SAS Wartsila France pour un montant de 86.475 euros.

Le moteur a été installé et mis en service par la SARL Mecanor suivant facture du 31 août 2009.

Suivant facture établie le 30 juin 2012, M. C. a fait réaliser des travaux de révision du moteur par la SARL Mecanor pour un montant de 28.081,59 euros.

Le 13 août 2013, le moteur de propulsion du chalutier a subi une avarie alors que le bateau était en action de pêche.

Suivant facture établie le 24 septembre 2013, M. C. et la société Arcoport ont acquis auprès de la société Wartsila un nouveau moteur pour un prix de 158.500 euros.

La société Mecanor a procédé à l'installation et à la mise en route du moteur.

Le 18 juillet 2014, une seconde avarie a affecté le moteur de propulsion du chalutier alors en action de pêche.

A la demande des armateurs et de leurs assureurs, une expertise amiable a été réalisée par M. B. au titre des deux sinistres.

Par ordonnance de référé du 17 septembre 2014 confirmée par l'arrêt rendu le 22 octobre 2015 par la cour d'appel de Caen, le président du tribunal de commerce de Caen a ordonné une mesure d'expertise judiciaire, qui a été confiée à M. D..

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 27 juillet 2016 et a conclu à la responsabilité de la société Wartsila au titre des deux avaries successives.

Par acte d'huissier des 19 et 20 janvier 2017, M. C., la SA Armement Coopératif Portais-Arcoport, la SA Helvetia Assurances, la SA Generali Iard, la société Italiana Assicurazioni e Riassicurazioni, la société Kiln Europe SA agissant pour le compte de la société Kiln Syndicate 510, la société Hardy Syndicate 382, la société Swiss Corporate Solutions et la société Catlin France souscrivant au nom de la société Catlin Insurance Company Uk SAS ont fait assigner les sociétés Wartsila France et Mecanor en réparation des préjudices subis au titre des avaries.

Par jugement du 24 octobre 2018, le tribunal de commerce de Caen a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. C. et désigné Maître D. en qualité de liquidateur.

Par jugement du 12 décembre 2018, le tribunal de commerce de Caen a

- débouté la société Wartsila de sa demande d'inopposabilité du rapport de M. B. ;

- débouté la société Wartsila de sa demande de nullité du rapport d'expertise de M. D. ;

- déclaré que la société Mecanor ne porte aucune responsabilité dans les avaries survenues les 13 août 2013 et 18 juillet 2014 ;

- débouté M. C., la SA Armement Coopératif Portais-Arcoport, la SA Helvetia Assurances, la SA Generali Iard, la société Italiana Assicurazioni e Riassicurazioni, la société Kiln Europe SA agissant pour le compte de la société Kiln Syndicate 510, la société Hardy Syndicate 382, la société Swiss Corporate Solutions et la société Catlin France souscrivant au nom de la société Catlin Insurance Company Uk SAS de leurs demandes au titre de l'avarie du moteur du 13 août 2013 ;

- condamné la société Wartsila à payer à M. C., la SA Armement Coopératif Portais-Arcoport, la SA Helvetia Assurances, la SA Generali Iard, la société Italiana Assicurazioni e Riassicurazioni, la société Kiln Europe SA agissant pour le compte de la société Kiln Syndicate 510, la société Hardy Syndicate 382, la société Swiss Corporate Solutions et la société Catlin France souscrivant au nom de la société Catlin Insurance Company Uk SAS la somme de 140.396,71 euros au titre de l'avarie du 18 juillet 2014 ;

- condamné la société Wartsila à rembourser à M. C., la SA Armement Coopératif Portais-Arcoport, la SA Helvetia Assurances, la SA Generali Iard, la société Italiana Assicurazioni e Riassicurazioni, la société Kiln Europe SA agissant pour le compte de la société Kiln Syndicate 510, la société Hardy Syndicate 382, la société Swiss Corporate Solutions et la société Catlin France souscrivant au nom de la société Catlin Insurance Company Uk SAS les frais avancés au titre de la rémunération de M. D. ;

- donné acte à la société Mecanor de ce qu'un accord de règlement a été conclu le 3 juillet 2018 entre elle et M. C. au titre des factures impayées ;

- à défaut de respect de cet accord, condamné M. C. et la société d'armement Portais-Arcoport à payer à la société Mecanor la somme de 62.037,43 euros ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés à parts égales par M. C., la SA Armement Coopératif Portais-Arcoport, la SA Helvetia Assurances, la SA Generali Iard, la société Italiana Assicurazioni e Riassicurazioni, la société Kiln Europe SA agissant pour le compte de la société Kiln Syndicate 510, la société Hardy Syndicate 382, la société Swiss Corporate Solutions et la société Catlin France souscrivant au nom de la société Catlin Insurance Company Uk SAS d'une part et la société Wartsila d'autre part.

Par déclaration en date du 18 février 2019, Me D., prise en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de M. C., la SA Armement Coopératif Portais-Arcoport, la SA Helvetia Assurances, la SA Generali Iard, la société Italiana Assicurazioni e Riassicurazioni, la société Kiln Europe SA agissant pour le compte de la société Kiln Syndicate 510, la société Hardy Syndicate 382, la société Swiss Corporate Solutions et la société Catlin France souscrivant au nom de la société Catlin Insurance Company Uk SAS ont relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions reçues le 13 octobre 2020, les appelantes demandent à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté la société Wartsila de sa demande d'inopposabilité du rapport de M. B. et de sa demande de nullité du rapport d'expertise de M. D. ;

- l'infirmer sur le reste ;

Statuant à nouveau

- condamner in solidum les sociétés Wartsila et Mecanor à verser la somme de 129.904,42 à la SA Generali Iard, la société Italiana Assicurazioni e Riassicurazioni, la société Kiln Europe SA agissant pour le compte de la société Kiln Syndicate 510, la société Hardy Syndicate 382, la société Swiss Corporate Solutions et la société Catlin France souscrivant au nom de la société Catlin Insurance Company Uk SAS et la somme de 119.822,02 euros à Me D. es qualités et à la société Armement Coopératif Portais au titre des préjudices matériels et immatériels subis au titre de l'avarie survenue le 13 août 2013 ;

- condamner la société Wartsila à verser la somme de 119.207,17 à la SA Generali Iard, la société Italiana Assicurazioni e Riassicurazioni, la société Kiln Europe SA agissant pour le compte de la société Kiln Syndicate 510, la société Hardy Syndicate 382, la société Swiss Corporate Solutions et la société Catlin France souscrivant au nom de la société Catlin Insurance Company Uk SAS et la somme de 81.868,54 euros à Me D. es qualités et à la société Armement Coopératif Portais au titre des préjudices matériels et immatériels subis au titre de l'avarie survenue le 18 juillet 2014 ;

- prendre acte de ce qu'un accord a été conclu le 3 juillet 2018 entre la société Mecanor et M. C. avant sa liquidation judiciaire au titre de factures impayées et constater que la société Armement Coopératif Portais n'a jamais pris part à cet accord ;

- annuler en conséquence la condamnation de la société Armement Coopératif Portais à payer solidairement avec M. C. la somme de 62.037,73 euros à la société Mecanor au titre de factures impayées ;

- condamner in solidum les sociétés Wartsila et Mecanor au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais d'expertise.

Par dernières conclusions reçues le 6 octobre 2020, la SAS Wartsila France demande à la cour de

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'inopposabilité du rapport de M. B. et de nullité de l'expertise judiciaire de M. D. ;

Statuant à nouveau

- juger que le rapport amiable de M. B. lui est inopposable ;

- juger que le rapport de M. D. est nul ;

- prononcer la mise hors de cause de la société Wartsila ;

Au titre de l'avarie survenue le 13 août 2013

- confirmer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu sa responsabilité à ce titre ;

- débouter les appelantes de leurs demandes ;

Le cas échéant

- condamner in solidum la société Mecanor et Me D. es qualité de mandataire à la liquidation de M. C. à la garantir des condamnations en principal, frais et accessoires qui pourraient être prononcées à son encontre ;

Au titre de l'avarie survenue le 18 juillet 2014

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 140.396,71 euros ;

Statuant à nouveau

- débouter les appelantes de leurs demandes ;

A titre subsidiaire

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre des préjudices immatériels allégués par M. C. ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Wartsila à rembourser les avances faites par les appelantes au titre de la rémunération de l'expert judiciaire ;

Statuant à nouveau

- condamner in solidum les appelantes à supporter l'intégralité des frais d'expertise judiciaire et les dépens de première instance et d'appel ;

En tout état de cause

- condamner solidairement et à défaut in solidum les appelantes à lui verser la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions reçues le 5 octobre 2020, la SARL Mecanor demande à la cour de :

- dire l'appel irrecevable et en tout cas mal fondé ;

- débouter les appelants de leurs demandes ;

- confirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions ;

- condamner les appelants à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- les condamner aux dépens de première instance et d'appel et accorder, en ce qui concerne ces derniers, à la SELARL Lexavoue Normandie le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour l'exposé des moyens de celles-ci.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 octobre 2020.

MOTIFS

Si le dispositif des conclusions de la SARL Mecanor saisit la cour d'une demande tendant à voir déclarer l'appel irrecevable, il n'est développé aucun moyen au soutien de cette prétention, de sorte que la cour n'est pas tenue de l'examiner.

Sur l'inopposabilité du rapport d'expertise amiable

Au visa des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, la société Wartsila soutient que l'expertise amiable lui est inopposable en ce qu'elle a été menée en méconnaissance du principe du contradictoire et qu'elle a ainsi porté une atteinte grave aux droits de la défense. Elle fait principalement valoir que s'agissant de l'avarie du 13 août 2013, elle n'a été convoquée qu'après le démontage du moteur.

Il est constant en l'espèce que l'expertise amiable effectuée par M. B. à la suite de l'avarie survenue le 13 août 2013 n'est que partiellement contradictoire puisque les premières investigations techniques ont été menées hors la présence du constructeur, la société Wartsila.

Désigné en qualité d'expert amiable à la demande de l'assureur de l'armateur, M. B. a ainsi organisé différentes réunions, les 13, 19, 23, 30 août et 25 septembre 2013 auxquelles étaient présents l'armateur, ses mécaniciens et des membres de la société Mecanor ainsi que cela résulte des mentions du rapport d'expertise.

Au cours de ces opérations et en présence de l'expert, le moteur a été partiellement démonté dans les locaux de la société Mecanor, ce en l'absence de la société Wartsila.

L'examen du moteur ainsi démonté a permis à l'expert amiable de constater un désordre relatif aux deux têtes de vis de bielle du cylindre n°1, ce qui l'a conduit à appeler dans la cause la société Wartsila afin d'effectuer ses constatations au contradictoire de cette dernière.

La société Wartsila a alors été conviée à la réunion du 18 novembre 2013 et elle a pu faire valoir ses observations et débattre de l'ensemble des éléments techniques ainsi que cela résulte du rapport d'expertise établi par M. B. le 27 mars 2014

Il en résulte que l'intimée a été présente au cours des opérations d'expertise à compter du 18 novembre 2013 et qu'elle a été mise en demeure de débattre utilement des éléments recueillis.

Il est exact que le rapport a été établi le 27 mars 2014 à partir de constatations effectuées en partie de manière non contradictoire puisque la société Wartsila n'était pas présente lors des opérations de démontage du moteur, ce dont il résulte que la décision relative à l'origine des désordres ne peut être fondée exclusivement sur ce rapport, lequel doit être corroboré par d'autres éléments.

Les investigations techniques auxquelles l'expert a procédé hors de la présence de la société Wartsila sont cependant opposables à cette dernière dès lors qu'elle a été en mesure d'en débattre contradictoirement avant le dépôt du rapport.

Si la société Wartsila soutient que certaines pièces du moteur ont été perdues à l'occasion du démontage du moteur, il lui appartient d'en justifier et d'en tirer toutes les conséquences à l'occasion de la discussion sur l'imputabilité des désordres survenus, étant observé au demeurant que l'expert judiciaire a relevé qu'une seule pièce s'avérait manquante, la vis n°1 du cylindre 12, le surplus des pièces démontées ayant été conservé et mis à la disposition de l'expert judiciaire.

Il sera observé à cet égard que l'affirmation de la société Wartsila qui met en doute la provenance des pièces conservées aux motifs que ces pièces ne comportaient aucun marquage et qu'elles ne seraient en conséquence pas identifiable est sans emport dès lors qu'il n'est pas démontré qu'un tiers serait intervenu sur le moteur pour remplacer ces pièces, l'expert judiciaire indiquant dans son rapport que les auditions et investigations n'ont pas mis en évidence que le moteur aurait été démonté par un tiers entre son installation en 2009 et la survenance de l'avarie en 2013 et ajoutant qu'il n'est pas d'usage qu'un moteur fasse l'objet d'un démontage alors que ce n'est pas préconisé par le motoriste.

L'allégation de la société Wartsila tendant à insinuer que d'autres pièces auraient été substituées aux pièces démontées ne repose sur aucune démonstration sérieuse ni aucune pièce de nature à l'étayer. L'expert judiciaire précise sur ce point que, s'il est dans l'impossibilité de procéder à la traçabilité des pièces, l'étude comparative des pièces conduit à confirmer que les pièces démontées dans le cadre de l'expertise amiable proviennent bien des moteurs débarqués du Victor Constant.

Dès lors que le rapport de M. B. a été soumis à la libre discussion des parties tant au cours des opérations d'expertise amiable que des opérations d'expertise judiciaire ainsi que dans le cadre de la présente procédure, aucune violation du principe de la contradiction n'est caractérisée, qui justifierait de rendre ledit rapport inopposable à la société Wartsila.

Le second rapport d'expertise établi par M. B. le 30 septembre 2014 à la suite de l'avarie survenue le 18 juillet 2014 n'encourt aucune critique au regard des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile dès lors que l'ensemble des opérations d'expertise a été mené de manière contradictoire.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé dans ses dispositions ayant débouté la société Wartsila de sa demande tendant à voir déclarer inopposable le rapport d'expertise amiable de M. B..

Sur la nullité du rapport d'expertise judiciaire

La SARL Wartsila France reproche à l'expert judiciaire d'avoir fondé son appréciation des causes et origines des désordres sur le rapport amiable de M. B. et sur le rapport de son sapiteur, le Cetim, d'avoir pris le parti des demandeurs en ne lui donnant pas accès à ses échanges avec le laboratoire et en ne lui laissant pas la possibilité de s'exprimer pleinement dans le cadre du contradictoire et de ne pas s'être prononcé sur l'origine de l'avarie survenue le 18 juillet 2014.

Il résulte cependant du rapport d'expertise judiciaire que l'ensemble des opérations a été mené au contradictoire de la société Wartsila.

Si l'expert judiciaire s'est fondé en partie sur les constatations de l'expert amiable, il ne s'est cependant pas borné à les reprendre à son compte sans les analyser.

Le grief tiré de son manque d'objectivité ne repose en outre sur aucun moyen sérieux.

Le choix fait par l'expert de s'adjoindre un sapiteur, faculté expressément prévue par la mission d'expertise, est conforme aux dispositions des articles 278 et 278-1 du code de procédure civile.

Il résulte des précisions apportées par M. D. que la société Wartsila n'a pas contesté le choix du Cetim, qu'elle n'a pas proposé un autre laboratoire, que la mission confiée au sapiteur a été élaborée en concertation avec elle et que l'intimée a été conviée à assister à une réunion de présentation des rapports du laboratoire au cours de laquelle elle a été en mesure de présenter questions et observations.

Dès lors que le rapport du Cetim a été soumis à la discussion des parties et annexé au rapport de l'expert, il ne saurait être sérieusement soutenu que la société Wartsila n'a pas eu connaissance des résultats des investigations du sapiteur, peu important à cet égard qu'elle n'ait pas été destinataire des échanges de messages entre l'expert et le sachant.

La société Wartsila échoue en conséquence à caractériser la violation du principe de la contradiction tel qu'il résulte de l'article 16 du code de procédure civile.

Contrairement à ce que soutient la société Wartsila, l'expert ne s'est pas borné à sous-traiter sa mission au Cetim mais lui a confié des investigations complémentaires consistant à « décrire le facies de rupture » dont le résultat a contribué aux conclusions techniques relatives aux causes des avaries, l'expert ayant mené la mission confiée par le tribunal au regard du rapport du Cetim et des autres éléments dont il disposait, notamment les auditions réalisées.

Enfin le rapport d'expertise répond à l'intégralité de la mission définie par l'ordonnance du tribunal de commerce de sorte que le reproche fait à l'expert d'avoir mené partiellement et partialement les opérations qui lui étaient confiées n'est pas fondé.

Il convient en conséquence de confirmer les dispositions du jugement déféré qui ont rejeté l'exception de nullité du rapport d'expertise.

Sur les responsabilités encourues au titre de l'avarie du 13 août 2013

Les appelantes font grief au premier juge d'avoir rejeté la demande d'indemnisation formée à ce titre en estimant que, si l'avarie était due à la rupture d'une vis de bielle, la responsabilité des sociétés Wartsila et Mecanor n'était pas engagée dès lors que l'armateur avait été défaillant dans l'entretien du navire.

Elles soutiennent que la responsabilité de la société Wartsila est engagée sur le fondement de la garantie des vices cachés et de l'obligation de délivrance conforme et la responsabilité de la société Mecanor au titre de son obligation de résultat.

Dès lors qu'il est allégué une défectuosité intrinsèque du moteur fabriqué et vendu par la société Wartsila de nature à compromettre l'usage du bateau, la responsabilité du motoriste est susceptible d'être engagée sur le fondement de la garantie des vices cachés prévue par l'article L. 5113-4 du code des transports.

Il est constant en l'espèce que le moteur fourni par la société Wartsila a subi une avarie le 13 août 2013 alors qu'il présentait 22.404 heures de fonctionnement.

Aux termes des conclusions de l'expert judiciaire, cette avarie a pour origine la rupture d'une vis de tête de bielle sur l'attelage n°1 qui résulte de la combinaison des éléments suivants :

- serrage insuffisant des vis des chapeaux de tête de bielle à la livraison du moteur en 2009 ;

- déséquilibre entre les couples de serrage des vis d'un même attelage ;

- défaillance dans la procédure de montage et de serrage des vis.

L'expert conclut que l'origine des désordres est antérieure à la visite des 15.000 heures réalisée en 2012.

Ces conclusions sont conformes à celles de l'expert amiable et du Cetim et ne sont démenties par aucune pièce adverse.

C'est en vain que la société Wartsila soutient que les conclusions de l'expert ne sont pas probantes en ce qu'il n'a pas été tenu compte des pièces manquantes et qu'il est en conséquence impossible de vérifier que les vis manquantes sont de fourniture Wartsila alors qu'il est établi qu'aucune intervention de tiers n'a eu lieu sur le moteur entre 2009 et 2013, que les pièces examinées par l'expert judiciaire et le sapiteur sont les pièces d'origine et qu'il n'est tiré aucune conséquence de la disparition des filtres à huile invoquée.

L'expert ne subordonne d'ailleurs nullement ses conclusions au titre de l'origine de l'avarie à l'analyse des pièces supposées manquantes.

Il en résulte que l'expertise judiciaire permet d'établir que l'avarie a pour origine la défaillance des vis du moteur acquis auprès de la société Wartsila en 2009, que cette malfaçon résulte d'une anomalie de montage contemporaine de la fabrication de la pièce et que dès lors, le vice affectant le moteur est nécessairement antérieur à la vente.

Le caractère caché du vice, lequel n'a été décelé qu'à la suite du démontage du moteur, n'est pas contestable, pas davantage que l'impropriété à destination qui en est résultée, le désordre ayant à conduit à la casse du moteur et à la panne du chalutier alors en action de pêche.

Il en résulte que les armateurs sont fondés à engager la responsabilité du motoriste sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Le premier juge a cependant exonéré la société Wartsila de toute responsabilité en retenant que M. C. n'avait pas respecté les préconisations relatives à la périodicité et à l'étendue des révisions et que cette défaillance était à l'origine de l'avarie. Il a ainsi été retenu que le constructeur préconisait une visite de maintenance du moteur intitulée « code 120 » entre 15.000 et 18.000 heures de fonctionnement, que la société Mecanor a mis en garde l'armateur sur ce point et que M. C. a fait le choix, pour des raisons financières, de limiter la visite d'entretien à une révision « code 60 », laquelle ne comporte pas de démontage des attelages.

Il n'est pas autrement contesté en l'espèce que la casse du moteur n'aurait pu être évitée que par la détection du défaut de serrage des vis, laquelle ne pouvait résulter que du démontage de la pièce.

M. C. conteste avoir reçu le devis invoqué par la société Mecanor comportant les deux options de révision qui aurait été établi le 13 janvier 2012 et il conteste également avoir effectué un entretien de type « code 60 » au lieu de l'entretien de type « code 120 » préconisé.

La SARL Mecanor verse aux débats le devis établi le 13 janvier 2012, qui comporte en option A une proposition de révision « code 120 » pour un montant de 48.119,30 euros HT et en option B une proposition « code 60 » pour un montant de 26.049,50 euros HT. Le devis produit comporte la précision suivante : « Le moteur du navire Victor Constant aura environ 18.000 heures en mai 2012, le code 120 peut être réalisé ».

Si ce devis n'a pas été signé par M. C., il est cependant établi que suivant facture du 30 juin 2012, la société Mecanor justifie avoir réalisé une révision du moteur pour un montant de 28.081,59 euros TTC qui correspond précisément à l'option B du devis dont M. C. ne peut dès lors sérieusement soutenir ne pas avoir eu connaissance, la facture établie visant précisément le devis du 13 janvier.

Il en résulte que M. C. a fait le choix d'une révision « code 60 » au titre de la visite des 15.000 heures alors que le manuel d'entretien prévoyait une visite technique applicable « code 120 ».

Les intimées soutiennent que si la visite technique « code 120 » avait été réalisée, l'erreur de montage des vis des chapeaux de tête de bielle aurait été détectée.

Les parties conviennent à cet égard que la prescription de démontage d'une pièce se déduit de la mention de l'outillage nécessaire pour y procéder et qu'il convient en conséquence de se référer au manuel d'entretien établi par le motoriste.

Sur ce point, les conclusions de l'expert judiciaire sont les suivantes :

« Au titre du code 120, le manuel de conduite et d'entretien ne prévoit nullement un appareil de serrage avec indication de couple pour les chapeaux de tête de bielles alors qu'il est fait mention d'une clé serrage palier pour le code 240 ; de même, il est fait mention d'un outil emmanche bague pied de bielle, qui suppose donc leur démontage au code 240 ; ce code correspond à la visite des 25.000 heures et ne s'applique donc pas à l'événement ; cela confirme que la visite code 120 n'imposait aucunement une vérification du couple de serrage des chapeaux de tête de bielle. Si le motoriste considère que le couple doit être vérifié, cela doit apparaître clairement dans la désignation des travaux correspondant à une périodicité d'heures de fonctionnement et ne pas qualifier l'opération selon le terme générique « visite » (...) La définition des travaux au titre de la visite des 15.000 heures ne précisait pas le démontage des attelages ».

Par une note technique rédigée le 23 avril 2019, M. B. confirme que le terme de « visite » comporte un contrôle visuel avec ou sans démontage alors que le terme de « visite technique » suppose une dépose et un démontage pour contrôle.

Il en résulte que, à supposer que la maintenance de type 120 ait été réalisée, la société Mecanor était tenue à ce titre d'une visite des attelages et des chemises impliquant un contrôle visuel et non d'une visite technique impliquant un démontage des pièces et un contrôle du serrage des vis de tête de bielles, de sorte qu'elle n'aurait pu détecter l'erreur de montage de la société Wartsila.

La société Wartsila ne caractérise aucun élément de nature à contredire les conclusions de l'expert à ce titre en ce qu'elle ne démontre pas que la visite « code 120 » comportait une obligation pour le réparateur de démonter la pièce.

En effet, si la société Wartsila soutient à juste titre que la visite « code 120 » comprend une inspection endoscopique des cylindres, elle n'établit nullement que le contrôle endoscopique suppose un démontage des attelages, M. B. indiquant dans sa note technique que l'inspection endoscopique n'est nécessaire qu'en l'absence de démontage. En effet, l'endoscopie est une technique d'observation par visualisation qui ne suppose pas de démontage et il ne saurait en conséquence être soutenu que la visite nécessitait une ouverture des portes du carter moteur donnant accès à l'ensemble des têtes de bielle, l'expert judiciaire précisant à cet égard que le contrôle endoscopique est insuffisant pour contrôler un couple de serrage, à moins que les pièces ne disposent de repères, ce qui n'était pas le cas en l'espèce des coussinets de tête de bielle. Il en résulte que le contrôle endoscopique n'était pas de nature à permettre de déceler le défaut de serrage des vis.

Dès lors que le tableau de maintenance du moteur ne comportait aucune obligation de procéder au démontage des attelages, lors de la visite « code 60 » comme lors de la visite « code 120 », le choix de révision effectué par M. C. est sans lien avec la survenance du sinistre.

Il en résulte que le défaut d'entretien imputable à l'armateur n'est pas de nature à exonérer le fabricant de sa responsabilité au titre de la garantie des vices cachés.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les armateurs de leurs demandes formées à l'encontre de la société Wartsila au titre de l'avarie survenue le 13 août 2013 dès lors qu'a été mis en évidence un défaut intrinsèque à la fabrication des pièces à l'origine du sinistre.

Le jugement entrepris doit en revanche être confirmé en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité de la société Mecanor.

En effet, le contrat de réparation navale est un contrat d'entreprise et l'entrepreneur de réparation qui n'a pas satisfait à son obligation contractuelle engage sa responsabilité contractuelle de droit commun sur le fondement des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil.

En l'espèce, le réparateur n'a pas été chargé d'effectuer la réparation d'une avarie, ce qui le conduirait à être débiteur d'une obligation du résultat, mais de l'entretien du moteur conformément au manuel de maintenance établi par le motoriste, ce dont il résulte qu'il peut s'exonérer de sa responsabilité en établissant son absence de faute et l'absence de lien de causalité existant entre sa faute éventuelle et le dommage.

Dans la mesure où il a été démontré que ce manuel n'imposait pas à la société Mecanor un contrôle du serrage des chapeaux de tête de bielle lors de la visite « code 60 » ni lors de la visite « code 120 », aucun manquement à ses obligations contractuelles ne saurait être retenu à l'encontre de la société Mecanor, qui a rempli l'ensemble des obligations lui incombant dans le cadre de l'entretien du moteur tel que préconisé par le motoriste.

Aucun manquement au devoir d'information et de conseil n'est davantage caractérisé dès lors qu'il est établi la société Mecanor a préconisé une visite de type « code 120 » dans le devis établi le 13 janvier 2012 et qu'il n'existe en tout état de cause aucun lien entre l'entretien réalisé et l'avarie survenue.

La responsabilité de la société Mecanor n'est pas plus engagée sur le fondement des dispositions de l'article L. 5113-6 du code des transports qui étend expressément à l'entrepreneur qui a procédé à la réparation du navire la garantie des vices cachés résultant de son travail dès lors que les vices cachés qui sont à l'origine du sinistre ne résultent pas de l'intervention du réparateur naval.

Le recours en garantie formé par la société Wartsila tant à l'encontre de la société Mecanor qu'à l'encontre de Me D. prise en sa qualité de liquidateur de M. C. doit en conséquence être rejeté.

Sur les responsabilités encourues au titre de l'avarie du 18 juillet 2014

Il est constant que l'état du moteur endommagé en 2013 a conduit l'amateur à commander un bloc moteur neuf auprès de la société Wartsila et que ce moteur a fonctionné 4.500 heures avant de se casser le 18 juillet 2014.

S'agissant de l'origine de l'avarie, les conclusions de l'expert sont les suivantes :

« Les désordres ont pour origine un portage incorrect du palier, qui a concentré la surface de contact par rapport à une répartition uniforme entre le palier et le vilebrequin ou le palier et le bâti, provoquant sa cassure ; en raison de la faible épaisseur du palier, une déformation de la structure entraîne immanquablement un défaut de portage sur les faces internes et externes.

Cette situation peut également trouver une explication complémentaire avec le dévissage du déflecteur d'huile et d'étanchéité en bout de vilebrequin, dont le filetage a été retracé exempt de système de freinage.

L'armateur et son prestataire, la société Mecanor, ne sont nullement intervenues sur ces pièces. »

Il n'est pas contesté que le tableau de maintenance établi par la société Wartsila ne comportait aucune obligation de démontage ni de contrôle des pièces à l'origine du désordre.

La responsabilité de la société Mecanor n'est d'ailleurs pas mise en cause par l'armateur dans le cadre de cette avarie.

Si la société Wartsila fait état du défaut de lubrification, elle ne verse aux débats aucun élément technique de nature à contredire les conclusions de l'expert qui considère que le défaut de lubrification est une conséquence de la cassure du palier et non la cause du dommage, l'expert se fondant sur ce point sur les constatations du sapiteur, le Cetim, lequel a examiné le palier et n'a pas relevé de traces d'arrachement de matière significatives d'une insuffisance de lubrification.

La société Wartsila ne peut davantage soutenir que le désalignement du palier équipant le moteur fourni ne lui serait pas imputable dès lors qu'il est constant que ni l'armateur ni la société Mecanor ne sont intervenus sur ces pièces.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Wartsila à ce titre.

Sur la réparation des préjudices subis

En application de l'article 1645 du code civil, la présomption de connaissance des vices applicable au vendeur professionnel conduit à le condamner, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, à tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

En sa qualité de vendeur professionnel, la société Wartsila, qui est également le fabricant du moteur, est en conséquence tenue de réparer l'intégralité du préjudice provoqué par le vice affectant la chose vendue.

Pour limiter l'indemnisation des appelantes au préjudice matériel subi, le tribunal de commerce a fait application des dispositions de l'article 7.14 des conditions générales de vente ainsi libellé :

« La responsabilité de Wartsila France est strictement limitée aux obligations ainsi définies et il est de convention expresse que Wartsila France ne sera tenue à aucune indemnisation envers le client pour tout préjudice subi tel que notamment : accident aux personnes, dommages à des biens distincts de l'objet du contrat, manque à gagner ou pertes de toute nature ».

Si les appelantes soutiennent que le tribunal a statué ultra petita et a méconnu le principe du contradictoire en faisant application des dispositions de l'article 7.14 des conditions générales du contrat alors qu'elles n'étaient pas produites et que la société Wartsila ne s'en était pas prévalue, elles ne tirent cependant pas les conséquences juridiques de ce moyen dès lors qu'elles ne sollicitent pas l'annulation du jugement frappé d'appel pour ce motif.

Dès lors que les conditions générales du contrat ont été régulièrement communiquées dans le cadre de la procédure d'appel, il n'y a pas lieu de les écarter des débats.

C'est vainement que les appelantes font valoir que ces conditions générales de vente ne leur seraient pas opposables dès lors qu'il est établi qu'elles ont été régulièrement portées à la connaissance de M. C., lequel a apposé ses initiales sur chacune des pages de l'offre de la société Wartsila, notamment la page 9 prévoit la clause limitative de garantie. Il en résulte que M. C. a accepté l'intégralité des conditions générales de vente de de la société Wartsila.

C'est en revanche à juste titre que les appelantes font valoir que la clause limitative de garantie des vices cachés est nulle dès lors que le vendeur et l'acheteur ne sont pas de la même spécialité.

L'action des armateurs ayant été accueillie sur le fondement de la garantie des vices cachés, la société Wartsila n'est pas fondée à soutenir que la clause limitative de garantie n'est pas applicable au défaut de délivrance conforme.

En l'espèce, le motoriste et l'armateur ne sauraient être qualifiés de professionnels de même spécialité dès lors que l'armateur, qui est un professionnel de la mer et non un professionnel de la construction navale, ne dispose d'aucune compétence particulière relative à la construction des moteurs, ce peu important la présence à bord de mécaniciens chargés de l'entretien quotidien du bâtiment.

Il en résulte que la société Wartsila n'est pas fondée à opposer la clause limitative de garantie dont elle ne s'est au demeurant pas prévalue en première instance.

Elle doit en conséquence être condamnée à indemniser les appelantes de l'intégralité du préjudice matériel et immatériel subi, le jugement déféré devant être infirmé en ce qu'il a débouté les armateurs de leur demande d'indemnisation de la perte d'exploitation subie.

En l'espèce, l'expert a évalué les dommages subis par l'armement comme suit :

Au titre de l'événement du 13 août 2013

- dommages matériels : 181.403,44 euros correspondant au coût du moteur pour un montant de 158.500 euros, de la mise en service pour 2.600 euros, de la facture de démontage et de grutage du moteur pour 16.558,44 euros, de la facture de démontage et de remontage électronique pour 1.050 euros et de la main d'œuvre armement pour 2.695 euros ;

- dommages immatériels : 68.323 euros au titre des pertes d'exploitation subies au cours des 56 jours d'immobilisation ;

Soit la somme totale de 249.726,44 euros

Au titre de l'événement du 18 juillet 2014

- dommages matériels : 140.396,71 euros correspondant au coût de la facture de démontage et de grutage du moteur pour un montant de 26.095,95 euros, de la fourniture de palonniers culbuterie pour adaptation pour un montant de 2.080 euros, de la fourniture de joints pour 3.035,52 euros, des fournitures diverses pour adaptation pour 3.477,79 euros, des fournitures de douilles de pied de bielles pour 1.164 euros, de la fourniture de joints pour 1.729,59 euros, de l'intervention électrique pour 1.277,30 euros, de la facture du chantier naval de Port en Bessin pour 300 euros, de la fourniture de pièces neuves pour 91.911,06 euros, de la révision du turbo pour 2.285 euros, de la main d'œuvre armement pour 2.040,50 euros et de la main d'œuvre de la société Wartsila pour 5.000 euros ;

- dommages immatériels : 60.679 euros au titre des pertes d'exploitation subies au cours des 57 jours d'immobilisation ;

Soit la somme de 201.075,71 euros.

L'évaluation des dommages telle qu'elle résulte des conclusions du rapport d'expertise n'est pas contestée dans son montant par la société Wartsila.

Il est constant que les assureurs ont réglé aux armateurs la somme de 129.904,42 euros au titre du premier sinistre et la somme de 119.207,17 euros au titre du second.

Au titre de l'avarie survenue le 13 août 2013, il convient en conséquence de condamner la société Wartsila à verser la somme de 119.822,02 euros aux armateurs et la somme de 129.904,42 euros aux assureurs des armateurs.

Au titre de l'avarie survenue le 18 juillet 2014, la société Wartsila sera condamnée à verser la somme de 119.207,17 euros aux assureurs des armateurs et la somme de 81.868,54 euros aux armateurs

Sur la demande en paiement des factures de la société Mecanor

La société Mecanor forme une demande reconventionnelle en paiement des factures impayées par l'armement à hauteur de la somme de 62.037,73 euros.

Aux termes du dispositif de leurs conclusions qui seul saisit la cour, les appelantes concluent à « l'annulation de la condamnation » prononcée à ce titre sans cependant saisir la cour d'une prétention tendant à voir déclarer irrecevable l'action en paiement exercée par la société Mecanor. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Il est constant qu'un plan de remboursement a été convenu entre M. C. et la SARL Mecanor le 3 juillet 2018, aux termes duquel l'armateur a reconnu devoir la somme de 62. 037,43 euros au titre des factures impayées, qu'il s'est engagé à régler par mensualités de 1.839 euros.

A la suite de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. C., la SARL Mecanor a régulièrement déclaré sa créance auprès de Me D. par lettre du 28 décembre 2018.

La créance est justifiée dans son principe comme dans son montant par les pièces versées aux débats et, en signant l'accord de règlement, M. C. a expressément reconnu que les factures étaient dues et correspondaient à des prestations réalisées par la société Mecanor, de sorte qu'il n'est pas fondé à élever une contestation à ce titre.

L'évolution du litige impose en conséquence de réformer les dispositions du jugement déféré ayant pris acte de l'accord de règlement intervenu entre les parties s'agissant d'une dette antérieure à l'ouverture de la procédure collective et de fixer la créance de la SARL Mecanor à ce titre au passif de la liquidation.

Pour s'opposer à la demande en paiement formée à son encontre, la société Arcoport soutient qu'elle n'a jamais contracté avec la société Mecanor ni signé l'accord de règlement.

Cette argumentation ne saurait être suivie dès lors que, conformément aux dispositions de l'article 815-2 du code civil, l'indivisaire a le pouvoir de prendre seul les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis.

Il n'est pas contesté en l'espèce par la société Arcoport que les factures de la société Mecanor correspondent à des travaux d'entretien et de réparation du navire, lesquels constituent des dépenses conservatoires au sens des dispositions précitées. L'utilité des travaux commandés par M. C. n'est d'ailleurs pas remise en cause par la société Arcoport.

Il en résulte qu'en contractant avec le réparateur naval pour l'entretien du navire, M. C. est présumé avoir agi au nom de la société Arcoport, propriétaire indivis, la société Mecanor faisant valoir à ce titre que les travaux d'entretien profitant aux propriétaires du chalutier ont toujours été commandés et réglés par M. C..

Eu égard à la présomption de pouvoir de l'indivisaire pour les actes de conservation du bien indivis telle qu'elle résulte de l'article 815-2, le créancier est en conséquence fondé à agir en paiement à l'encontre de chacun des indivisaires à proportion de sa quote-part indivise.

La solidarité entre les copropriétaires du navire n'étant prévue par aucune disposition légale ou contractuelle, c'est à juste titre que la société Arcoport soutient qu'aucune condamnation solidaire ne saurait être prononcée à l'encontre des indivisaires.

En effet, la charge des dépenses entre les indivisaires se répartit à proportion des intérêts de chacun dans l'affaire commune.

Le montant de la créance de la SARL Mecanor s'élevant à la somme de 62.037,43 euros, il convient en conséquence de condamner la société Arcoport au paiement de cette somme à proportion de sa quote-part indivise dans le Victor Constant.

La créance de la SARL Mecanor sera fixée dans les mêmes conditions au passif de la procédure collective.

Sur les frais et dépens

Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront réformées.

Partie perdante, la société Wartsila devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l'article 695 du même code, ces dépens comprendront les frais d'expertise judiciaire.

S'agissant des dépens d'appel, il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me P. qui en a fait la demande.

En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge des appelantes les frais irrépétibles exposés à l'occasion de la première instance et de l'instance d'appel.

Aussi la société Wartsila sera-t-elle condamnée à leur verser la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande formée à ce titre.

Les considérations tirées de l'équité justifient également de faire droit à la demande formée par la SARL Mecanor au titre des frais irrépétibles.

Aussi la société Wartsila sera-t-elle condamnée à lui verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Caen le 12 décembre 2018 dans ses dispositions ayant débouté la SAS Wartsila de sa demande tendant à voir déclarer inopposable le rapport de M. B. et de sa demande de nullité du rapport d'expertise et dans ses dispositions ayant rejeté les demandes formées à l'encontre de la SARL Mecanor ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant

Condamne la SAS Wartsila France à verser à la SA Helvetia Assurances, la SA Generali Iard, la société Italiana Assicurazioni e Riassicurazioni, la SA Kiln Europe, la SAS Catlin France souscrivant au nom de la société Catlin Insurance Company UK, la société Hardy Syndicate 382 et la société Swiss Corporate Solutions la somme de 129.904,42 euros au titre du préjudice résultant de l'avarie survenue le 13 août 2013 ;

Condamne la SAS Wartsila France à verser à Me D. prise en sa qualité de liquidateur de M. C. et la SA Armement Coopératif Portais la somme de 119.822,02 euros au titre du préjudice résultant de l'avarie survenue le 13 août 2013 ;

Condamne la SAS Wartsila France à verser à la SA Helvetia Assurances, la SA Generali Iard, la société Italiana Assicurazioni e Riassicurazioni, la SA Kiln Europe, la SAS Catlin France souscrivant au nom de la société Catlin Insurance Company UK, la société Hardy Syndicate 382 et la société Swiss Corporate Solutions la somme de 119.207,17 euros au titre du préjudice résultant de l'avarie survenue le 18 juillet 2014 ;

Condamne la SAS Wartsila France à verser à Me D. prise en sa qualité de liquidateur de M. C. et la SA Armement Coopératif Portais la somme de 81.868,54 euros au titre du préjudice résultant de l'avarie survenue le 18 juillet 2014 ;

Déboute la SAS Wartsila France de son recours en garantie formé à l'encontre de la SARL Mecanor et à l'encontre de Me D. en sa qualité de mandataire à la liquidation de M. C. ;

Dit que le montant des factures impayées à la SARL Mecanor s'élève à la somme de 62.037,73 euros ;

Déboute la SARL Mecanor de sa demande de condamnation solidaire ;

Fixe la créance de la SARL Mecanor au titre des factures impayées au passif de la procédure de liquidation judiciaire de M. C. à proportion de sa quote-part indivise dans le navire « Victor Constant » ;

Condamne la SA Armement Coopératif Portais-Arcoport à payer à la SARL Mecanor le montant des factures impayées à proportion de sa quote-part indivise dans le navire « Victor Constant » ;

Condamne la SAS Wartsila France aux dépens de première instance, qui comprendront notamment le coût de l'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel ;

Dit que, s'agissant des dépens d'appel, il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me P. ;

Condamne la SAS Wartsila France à verser à Me D. prise en sa qualité de liquidateur de M. C., la SA Armement Coopératif Portais-Arcoport, la SA Helvetia Assurances, la SA Generali Iard, la société Italiana Assicurazioni e Riassicurazioni, la SA Kiln Europe, la SAS Catlin France souscrivant au nom de la société Catlin Insurance Company UK, la société Hardy Syndicate 382 et la société Swiss Corporate Solutions la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Wartsila France à verser à la SARL Mecanor la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS Wartsila de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.