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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 5 janvier 2021, n° 17/06240

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Metro Cash & Carry France (SAS), Alvene (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, Mme Brisset

Avocats :

SCP Legalcy Avocats-Conseils, SELARL Racine, SELARL Rdb Associes

T. com. Angouleme, du 14 sept. 2017

14 septembre 2017

EXPOSE DU LITIGE

M. F. Da S. exerce en nom propre une activité de café - restauration rapide - sandwicherie à Angoulême sous l'enseigne « Le Mazagran ».

Il a acheté le 08 août 2014 auprès de la société Metro Cash & Carry France (la société Metro) une hotte aspirante fournie par la société Avene pour un montant global de 2 808 euros TTC.

Se plaignant de graves désordres, M. F. Da S. a saisi le juge des référés du tribunal de commerce d'Angoulême d'une demande d'expertise à laquelle il a été fait droit par ordonnance en date du 21 avril 2015 qui a désigné M. C..

La société Metro a appelé en cause la société Alvene, fournisseur de la hotte.

L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 28 décembre 2015.

Par exploits d'huissier en date des 18 août et 24 août 2016, M. F. Da S. a assigné les sociétés Metro et Alvene devant le tribunal de commerce d'Angoulême aux fins de les voir condamner au paiement de diverses sommes : 1 908,00 euros pour le changement du moteur et la mise en place du variateur ; 150 400 euros au titre du préjudice d'exploitation et 61 351,53 euros au titre de son placement en redressement judiciaire outre 30 000 euros en réparation du préjudice moral.

Par jugement contradictoire en date du 14 septembre 2017, le tribunal de commerce d'Angoulême a :

- débouté M. F. Da S. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre des sociétés Metro et Alvene

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. F. Da S. à tous les dépens

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires.

M. F. Da S. a relevé appel du jugement par déclaration en date du 09 novembre 2017 énonçant les chefs de jugement expressément critiqués, intimant les sociétés Metro et Alvene.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 22 juin 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, M. F. Da S. demande à la cour de :

- réformer en totalité le jugement et statuant à nouveau,

- dire et juger à titre principal, que la hotte qui lui a été vendue souffre d'un vice caché compte tenu du défaut d'aspiration, et à titre subsidiaire que le défaut d'aspiration constitue un défaut de conformité

- dire et juger que la hotte souffre d'une non-conformité compte tenu de l'absence de commande électrique déportée et de variateur de puissance

- dire et juger que la société Alvene et la société Metro sont responsables de la garantie des vices cachés

- dire et juger que la société Metro seule est responsable du défaut de conformité

- les condamner solidairement au paiement des sommes suivantes :

Au titre du préjudice matériel :

- la somme de 720,76 euros,

- 1 908 euros concernant le changement du moteur et la mise en place du variateur ;

- au titre de préjudice immatériel :

- la somme de 261 108,58 euros TTC au titre du préjudice d'exploitation

- 61 351,53 euros au titre de son placement en redressement judiciaire

- 30 000 euros en réparation du préjudice moral,

- les condamner à payer une somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamner aux entiers dépens d'appel et de première instance ;

- dans l'hypothèse où les condamnations ne seraient pas réglées spontanément et où l'exécution forcée serait confiée à un huissier de justice, dire que les sommes retenues par ce dernier, en application du décret n° 2007-774 du 10 mai 2007 portant modification du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996, relatif aux tarifs des huissiers, devront être supportées par le débiteur, en sus de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. F. Da S. fait valoir qu'il résulte de l'expertise que le défaut d'aspiration de la hotte constitue un vice caché imputable à la société Avene envers laquelle il peut exercer une action directe ; subsidiairement, que ce défaut constitue un défaut de conformité dont la responsabilité incombe à la société Métro qui a manqué à son obligation d'information en omettant de le renseigner sur les divers types de moteurs susceptibles d'équiper la hotte ; que les documents contractuels sont lacunaires et n'indiquent pas le type de motorisation ; que l'acquisition portait sur une hotte dynamique, ce qui ne correspond pas à la réalité ; qu'il a d'ailleurs demandé au vendeur la même hotte que celle en exposition, qui comportait une commande électrique; qu'il n'a pas été informé du caractère facultatif de cette commande électrique ; que même dans le cadre d'une vente en libre-service, le vendeur est débiteur d'un devoir de conseil et d'information ; que les autres défauts constatés par l'expert sont sans incidence sur le défaut d'aspiration ; qu'il est fondé à demander l'indemnisation de ses différents préjudices matériels et immatériels.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 25 juillet 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société Metro demande à la cour de :

- vu les articles 1135, 1604, 1147 (anciens) et 1641 du code civil

- vu le rapport d'expertise de M. C.

- à titre principal,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions

- en conséquence, dire et juger que sa responsabilité ne peut être recherchée au titre des désordres affectant la hotte acquise par M. F. Da S.

- dire et juger que M. F. Da S. qui a accepté la hotte sans réserve, ne peut se prévaloir d'une non-conformité de celle-ci

- débouter M. F. Da S., et en tant que de besoin la société Alvene, de l'intégralité des demandes formulées à son encontre

À titre subsidiaire,

- limiter les demandes formulées à son encontre à la seule fourniture de la commande électrique déportée (variateur de vitesse ou interrupteur marche-arrêt) et en réduire le quantum à de plus justes proportions

- débouter en conséquence M. F. Da S. de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre concernant le coût du remplacement du moteur, le préjudice d'exploitation et la garantie de passif, ainsi que le préjudice moral

- en tout état de cause,

- condamner la société Alvene à la relever et garantir indemne de toute condamnation prononcée à son encontre

- condamner M. F. Da S. et la société Alvene in solidum à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont les frais d'expertise dont distraction au profit de la SELARL Racine agissant par Mme M., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Metro fait valoir que les fautes commises par l'appelant ont concouru au défaut de fonctionnement de la hotte dont l'installation ne répond pas aux règles de l'art en terme de mise en œuvre et d'aspiration ; que les problèmes de sous dimensionnement du moteur de la hotte adossés aux défauts de pose expliquent les raisons pour lesquelles cette hotte ne fonctionne pas ; à défaut, que seule est engagée, au titre des vices cachés, la responsabilité de la société A qui, en qualité de fabricant de la ventilation professionnelle pour les cuisines, ne peut proposer techniquement un type d'assemblage manifestement inadapté, de sorte que l'appelant est fondé à invoquer sa responsabilité contractuelle par l'action directe dont dispose le sous acquéreur contre le fabricant ; que l'appelant ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, du défaut de conformité allégué ; à titre subsidiaire, qu'elle est fondée à être relevée et garantie par son fournisseur la société Alvene, seule responsable du préjudice matériel et du préjudice d'exploitation consécutif ; qu'en tout état de cause, que les demandes indemnitaires ne sont pas fondées.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 30 juillet 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société Alvene demande à la cour de :

- vu les dispositions des articles 1147 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,

- vu le rapport d'expertise rendu par M. C. le 28 décembre 2015,

- vu la jurisprudence précitée,

- vu le jugement du 14 septembre 2017 rendu par le tribunal de commerce d'Angoulême,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que la hotte ne souffre d'aucun vice caché ;

- dit qu'elle et la société Metro ne sont pas responsables de la garantie des vices cachés

- débouté M. F. Da S. de la totalité de ses demandes, fins et conclusions formulées à leur encontre

- condamné M. F. Da S. à tous les dépens

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner solidairement M. F. Da S. et la société Metro au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait déjuger le tribunal de commerce d'Angoulême en ce qu'il a rejeté les demandes de M. F. Da S., retenir la responsabilité exclusive de la société Metro dans les désordres évoqués

- à titre encore plus subsidiaire, si par extraordinaire sa responsabilité était retenue ainsi que celle de la société Metro, rejeter la demande de M. F. Da S. de condamnation solidaire de ces deux sociétés et limiter sa condamnation uniquement au changement du moteur de la hotte ;

- à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la responsabilité solidaire des deux sociétés était retenue, limiter la condamnation de ces deux sociétés à une somme inférieure au montant retenu par l'expert judiciaire, à savoir 56 276,21 euros

- en tout état de cause, condamner solidairement M. F. Da S. et la société Metro au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Alvene fait valoir à titre principal que M. F., avec qui elle n'a jamais eu aucun lien contractuel, ne peut invoquer sa responsabilité contractuelle ; qu'il n'est pas fondé non plus à invoquer sa responsabilité délictuelle sauf à démontrer un manquement contractuel envers la société Metro lui ayant causé un dommage. Elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute, et a parfaitement rempli ses obligations contractuelles en livrant un certain nombre de hottes sans précisions particulières ; que la motorisation insuffisante ne saurait lui être imputée dans la mesure où elle propose trois types de modèles différents suivant l'utilisation projetée ; que les dysfonctionnements de la hotte sont imputables uniquement à la société Métro et à M. F. ; que la société Metro a manqué à l'obligation de conseil, de renseignement et d'information qui pesait sur elle en sa qualité de vendeur ; que M. F. a quant à lui manqué à son obligation de renseignement et de bonne foi, et commis lors de la pose des erreurs qui ont largement contribué aux désordres et participé au dysfonctionnement ; à titre subsidiaire, que la responsabilité de la société Metro, seul interlocuteur de M. F., dont les manquements sont la cause de presque tous les griefs, est beaucoup plus importante que la sienne ; que sa condamnation doit être limitée au changement de moteur ; à titre infiniment subsidiaire, que les demandes indemnitaires sont fantaisistes et injustifiées ; que le calcul du préjudice d'exploitation est contestable ; que s'agissant d'une activité nouvelle, il est impossible de savoir si elle aurait été pérenne ; qu'il s'agit d'une perte de chance ; que le taux de marge du comptable ne prend pas en compte les charges courantes ; que l'estimation de l'activité attendue est fantaisiste.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 12 mai 2020 pour l'audience du 02 juin 2020. Les parties ne s'étant pas accordées sur la procédure sans audience commandée par le contexte sanitaire, le dossier a été renvoyé à l'audience du 17 novembre 2020 et une ordonnance de clôture rendue le 27 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande principale :

L'expert a conclu à l'existence de quatre désordres affectant l'installation :

- un défaut d'aspiration ;

- une absence de commande électrique déportée de la hotte ;

- une gaine d'évacuation inadaptée ;

- des appareils de cuisson dépourvus de dispositifs d'arrêt d'urgence générant un risque potentiel important pour la sécurité du personnel.

Le débat ne porte que sur les deux premiers désordres, l'expert ayant conclu pour les autres à la seule responsabilité de M. F., qui a procédé seul, avec l'électricien de son choix, à une installation non conforme à la réglementation, ce que l'appelant ne conteste pas.

Sur le défaut d'aspiration :

L'appelant soutient que le défaut d'aspiration de la hotte constitue à titre principal un vice caché dont la garantie repose sur la société Alvene et la société Metro ; à titre subsidiaire, un défaut de conformité imputable à la société Metro.

L'expert a relevé que le moteur d'extraction installé dans la hotte n'était pas de puissance suffisante, ce désordre étant clairement de nature à rendre la hotte impropre à sa destination et engageant la responsabilité de la seule société Alvene.

Celle-ci tente d'échapper à sa responsabilité en faisant valoir

- d'une part, que M. F., avec qui elle n'a jamais eu aucun lien contractuel, ne peut invoquer sa responsabilité contractuelle ; qu'il n'est pas fondé non plus à invoquer sa responsabilité délictuelle sauf à démontrer un manquement contractuel envers la société Metro lui ayant causé un dommage ;

- d'autre part, qu'elle a parfaitement rempli ses obligations contractuelles en livrant un certain nombre de hottes sans précisions particulières ; que la motorisation insuffisante ne saurait lui être imputée dans la mesure où elle propose trois types de modèles différents suivant l'utilisation projetée ; que M. F. a installé le modèle le moins performant, ce qui ne peut lui être reproché puisqu'elle ne pouvait pas connaître l'office que la hotte était censée remplir.

L'appelant et la société Métro peuvent cependant utilement opposer, sur le premier moyen, que le sous acquéreur dispose à l'encontre du fabricant d'une action directe qui est nécessairement de nature contractuelle, l'action en garantie des vices cachés se transmettant la chose au sous acquéreur.

Le second moyen est quant à lui inopérant dans la mesure où l'expert n'a pas conclu à un sous-dimensionnement de motorisation au regard des besoins du client mais bien à un type d'assemblage manifestement inadapté, le moteur installé dans la hotte étant inadapté à la taille du capteur, ce défaut caractérisant une incompatibilité directe de la dotation de base réalisée par le constructeur au distributeur, et cet assemblage ne pouvant donner des résultats techniquement satisfaisants, peu important les conditions de pose et d'activités de restauration pratiquées.

En conséquence, pour ce désordre, constitutif d'un vice caché, la responsabilité de la société Alvene se trouve seule engagée sans qu'elle soit fondée à soutenir le manquement de la société Metro à son obligation de renseignement de conseil et d'information, le défaut étant rédhibitoire indépendamment des conditions d'utilisation de la hotte.

Sur l'absence de commande électrique déportée de la hotte :

Il résulte du rapport de l'expert que la réglementation ne précise rien de particulier sur le sujet, et que la fourniture de ce type d'organe ne fait pas partie habituellement de la dotation d'origine et ne figure qu'en option, mais que son absence oblige les utilisateurs à manipuler le disjoncteur dans le tableau, ce qui en soi représente un danger. Il a retenu la responsabilité exclusive de la société Métro.

La société Métro fait valoir, pour s'y opposer, que M. F., à qui cette preuve incombe, ne prouve ni la non-conformité, ni le défaut de conseil ; qu'il se borne à affirmer qu'il avait demandé la même hotte que celle exposée, et qui présentait ces commandes ; qu'il procède par affirmations et ne prouve ni que la hotte exposée en était équipée, ni surtout que la présence d'une commande avait été définie d'un commun accord entre les parties et que cet élément figurait dans le champ contractuel ; qu'en outre, il n'a pas formulé de réserve lors de la réception ; qu'il a attendu plus de cinq mois (août 2014 - 15 janvier 2015) pour signaler l'absence de commande électrique qui était pourtant visible dès l'ouverture du colis, ce qui couvre les défauts apparents de conformité ; qu'en tout état de cause, cette absence ne constitue pas en soi un désordre ; que sur le défaut de conseil, l'expert s'est prononcé sur ses seules affirmations alors qu'il faut tenir compte des conditions de la vente pour appréhender l'étendue du devoir de conseil notamment quand la surface de vente est ouverte en libre-service où le vendeur n'est amené à fournir un conseil que s'il est sollicité par le client ; que M. F. est venu s'approvisionner directement au comptoir et a expressément demandé un modèle particulier ; qu'il ne démontre pas avoir exprimé un besoin particulier ; qu'il a emporté le produit seul qu'il a installé seul avec un électricien de son choix.

L'appelant oppose que la société Metro est redevable d'une obligation d'information et de conseil même pour la vente en libre-service, d'autant que l'achat de matériel de cuisine ne peut être considéré comme de la vente à emporter. Il conteste l'acceptation sans réserve alors qu'il a écrit à réception le 15 janvier 2015 pour signaler les problèmes rencontrés, la société Métro n'ayant pas, dans sa réponse, contesté ses doléances.

Hormis les assertions de M. F., désormais contestées par la société Métro, le dossier ne recèle aucun élément permettant de déterminer avec certitude si la hotte exposée était dotée d'une commande électrique déportée, ni à quelle date exactement l'appelant s'est ouvert de son absence auprès de la société Métro.

Cependant, comme le relève justement l'expert, la société Métro, grossiste en alimentaire et équipements réservés aux professionnels, ne pouvait ignorer que la commande était en option, et il lui appartenait, dans le cadre de son devoir de conseil, d'interroger M. F. sur l'usage auquel il destinait la hotte, ce devoir s'imposant de plus fort dès lors que l'absence de cette commande, en obligeant les utilisateurs à manipuler le disjoncteur dans le tableau, représentait en soi un danger.

En conséquence, la responsabilité de la société Métro, qui a manqué à son obligation d'information et de conseil, se trouve engagée pour ce désordre sans qu'il soit besoin de reprendre plus précisément la chronologie des faits.

Sur les préjudices :

Les demandes indemnitaires de M. F. sont les suivantes :

- au titre du préjudice matériel :

- la somme de 720,76 euros,

- 1 908 euros concernant le changement du moteur et la mise en place du variateur ;

- au titre du préjudice immatériel :

- la somme de 261 108,58 euros TTC au titre du préjudice d'exploitation

- 61 351,53 euros au titre de son placement en redressement judiciaire

- 30 000 euros en réparation du préjudice moral.

La réparation doit permettre de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu. En conséquence, les auteurs du dommage ne peuvent être tenus qu'à une réparation appropriée sans perte mais aussi sans profit pour la victime. Seul doit être pris en compte le préjudice actuel et certain, ce qui exclut l'éventuel ou l'hypothétique.

La société Alvene, reconnue responsable du désordre, sera condamnée au paiement de la somme de 720,76 euros validée par l'expert comme correspondant au coût de changement du moteur.

Au titre de la mise en place du variateur, il convient de retenir la somme de 693 euros HT (pièce 13 de l'appelant) comprenant le coût de la pièce et sa pose, M. F. ayant cru acheter une hotte déjà équipée. Cette somme sera mise à la charge de la société Métro dont la responsabilité est seule engagée.

L'appelant invoque par ailleurs une perte d'exploitation en faisant valoir qu'il n'a pas pu mettre en place l'activité projetée, pour laquelle il avait déjà une clientèle notamment la communauté portugaise et les clubs sportifs. Il conteste l'estimation de l'expert qui a chiffré ce préjudice à 56 276,21 euros HT en le limitant à la période de septembre 2014 à décembre 2015 alors qu'il aurait dû commencer en septembre 2014 et continue de subir ce préjudice, qui s'établit donc à 290 120,64 euros arrêtés à janvier 2018 à parfaire, soit une somme de 261 108,58 TTC si ce préjudice doit s'analyser en une perte de chance, le pourcentage de 75 % proposé par l'expert étant parfaitement réaliste.

C'est cependant à bon droit que les intimées relèvent que seul document justificatif consiste en une simple attestation comptable rédigée en termes hypothétiques, sans aucune pièce comptable ni exercice de référence s'agissant d'une activité nouvelle. Elles sont aussi fondées à faire valoir que les attestations produites, qui font état de la vente prévisible de 30 poulets par semaine, et ne constituent pas un engagement contractuel (pièces 10 et 11 de l'appelant), sont très en deçà du chiffre d'affaires hebdomadaire de 2 310,43 euros par semaine sur la base duquel l'expert a réalisé son chiffrage. Ces considérations commandent d'évaluer le préjudice subi comme une perte de chance qu'il convient, au vu des circonstances de l'espèce et des pièces versées aux débats, de chiffrer à la somme de 20 000 euros, étant rappelé que M. F. a largement contribué, par ses propres carences, aux préjudices dont il se plaint.

Cette somme sera mise à la charge de la société Alvene, aucun lien de causalité n'existant entre la perte d'exploitation et le désordre imputable à la société Métro, l'absence de fourniture électrique déportée étant sans incidence sur le fonctionnement de la hotte.

M. F. soutient ensuite que l'ouverture du redressement judiciaire dont il a fait l'objet le 05 novembre 2015 trouve sa cause dans les problèmes financiers résultant de l'impossibilité de rentabiliser les investissements et les frais de réfection de la cuisine, et sollicite une somme de 61 351,53 euros correspondant à 75 % du passif de 81 802,44 euros.

Les intimées sont cependant fondées à faire valoir que la responsabilité du redressement judiciaire ne peut sérieusement leur être imputée, aucun lien de causalité n'étant établi entre la défaillance de la hotte et les difficultés financières de M. F. dont le comportement n'est pas lui-même étranger à l'échec de son entreprise comme l'a relevé à bon droit le tribunal qui a stigmatisé l'amateurisme avec lequel M. F. a notamment acheté et installé la hotte sans se faire accompagner par des entreprises spécialisées alors que l'activité envisagée (la vente de 1 000 poulets par mois) était soumise à des règles drastiques commandées par la protection du consommateur, et a refusé la proposition faite en ce sens par la société Métro le 19 janvier 2015, lui proposant par ailleurs la reprise de la hotte.

La demande à ce titre sera donc rejetée.

De même, la demande formée au titre du préjudice moral sera rejetée, l'appelant ne justifiant d'aucun préjudice à ce titre alors qu'il aurait pu considérablement limiter l'impact du désordre s'il avait accepté la proposition de la société Metro en janvier 2015 de remplacer la hotte et de l'accompagner dans l'achat d'un matériel plus adapté.

Sur les demandes accessoires :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. F. les sommes, non comprises dans les dépens, exposées par lui dans le cadre de la procédure. Les intimées seront condamnées à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Metro et Alvene seront condamnées aux entiers dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal de commerce d'Angoulême en date du 14 septembre 2017

Statuant à nouveau

Condamne la société Alvene à payer à M. F. :

- la somme de 720,76 euros correspondant au coût de changement du moteur.

- la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice d'exploitation

Condamne la société Metro à payer à M. F. la somme de 693 euros HT au titre de la mise en place du variateur

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires

Condamne in solidum les sociétés Metro et Alvene à payer à M. F. la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne in solidum les sociétés Metro et Alvene aux entiers dépens de la procédure, en ce compris les frais d'exécution forcée.