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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 janvier 2021, n° 18/21979

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Satov (Sasu)

Défendeur :

Littoral Façades (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Ohana, Me d'Estais

T. com. Rennes, du 25 sept. 2018

25 septembre 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Littoral façades a pour activité la réalisation de travaux d'enduits sur chantiers.

La SAS Satov est un constructeur de maisons individuelles.

À partir de 1999, la société Satov a confié à M. X, artisan, la réalisation de prestations pour ses chantiers de maisons individuelles. Ces prestations ont été confiées par la société Satov à la société Littoral façades, après que M. X l'eut créée en 2001.

Se plaignant d'une baisse du courant d'affaires à partir de 2014, puis d'un arrêt de toute commande en 2016, la société Littoral, par acte extrajudiciaire du 24 juillet 2017, a assigné la société Satov devant le tribunal de commerce de Rennes sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 25 septembre 2018, le tribunal de commerce de Rennes a :

Dit qu'une relation commerciale établie a bien existé entre les parties,

Dit que la société Satov a rompu brutalement cette relation commerciale,

Dit que la société Satov aurait dû respecter un délai de préavis de 12 mois,

Condamné la société Satov à payer à la société Littoral façades la somme de 128 916 euros en réparation du préjudice financier subi du fait de la rupture brutale,

Condamné la société Satov à verser à la société Littoral façades une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté les parties de leurs autres demandes,

Condamné la société Satov aux dépens.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 26 juin 2019 par la société Satov, appelante, demandant à la Cour d'appel de Paris de :

Vu l'article L. 442-6 du code de commerce, l'article 1240 du code civil ;

Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Débouter la SARL Littoral façades de toutes ses demandes fins et conclusions, dont celles contenues dans son appel incident ;

Condamner la SARL Littoral façades à payer à la SA Satov la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

Condamner la SARL Littoral façades à payer à la SA Satov la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SARL Littoral façades en tous les dépens de première instance et d'appel.

Vu sur les dernières conclusions déposées et notifiées le 31 janvier 2020 par la société Littoral façades, demandant à la Cour d'appel de Paris de :

Vu l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce ;

Vu l'article L. 442-1, II du Code de commerce ;

Dire et juger mal fondé l'appel de la société Satov ;

Recevoir la société Littoral façades en son appel incident ;

Et y faisant droit, statuant à nouveau :

Confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'une relation commerciale établie a bien existé entre les parties ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Satov a rompu brutalement cette relation commerciale ;

Infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Satov aurait dû respecter un délai de préavis de douze mois ;

Et statuant à nouveau :

Dire que c'est un préavis de dix-sept mois qui aurait dû être respecté, en tirer toutes conséquences et donc condamner la société Satov à verser à la société Littoral façades la somme de 182 631 euros en réparation du préjudice financier subi du fait de la rupture brutale ;

Débouter la société Satov de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Littoral façades de sa demande de dommages et intérêts ;

Et statuant a' nouveau,

Condamner la société Satov à verser à la société Littoral façades une somme de 10 000 euros pour réparation du préjudice moral subi du fait du comportement abusif de la société Satov ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Satov à verser à la société Littoral façades une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi que la prise en charge des dépens de première instance ;

Condamner la société Satov à verser à la société Littoral façades une somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que la prise en charge des entiers dépens de la présente instance.

SUR CE

LA COUR

Les moyens soutenus par la société Satov et par la société Littoral façades, au soutien des appels principal et incident, ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il sera seulement précisé ce qui suit.

S'agissant du début des relations commerciales établies, selon l'appelante, ces relations n'existent que depuis le 30 mai 2001 et ce sont rompues en mai 2015.

Selon l'intimée, la relation entamée avec l'entreprise X, transformée en SARL Littoral façades, constitue une seule et même relation initialement nouée en 1999 et poursuivie en 2001 jusqu'en 2015.

Sur ce, le tribunal doit être approuvé d'avoir retenu que la relation commerciale conclue avec M. X G... s'est poursuivie avec la SARL Littoral façades, étant observé que l'extrait Kbis établit que M. X a apporté le fonds exploité à titre individuel à la société Littoral façades dont il est l'unique associé et le gérant depuis le commencement de l'activité, de sorte que le tribunal a eu raison de relever que les marchés ont été confiés par la société Satov à la société Façades littoral en raison même de la personne de M. X, nonobstant le passage sous la forme sociale.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

S'agissant de la rupture des relations commerciales établies, selon l'appelante, la relation a bien pris fin en mai 2015, mais la rupture ne lui serait pas imputable. Bien au contraire, la société Littoral façades aurait « suspendu d'autorité » leur relation, son dirigeant s'étant volontairement et totalement rendu injoignable. Or, la société Littoral façades ayant manqué à rapporter la preuve de cette imputabilité, le tribunal de commerce ne l'aurait pas caractérisée.

Selon l'intimée, la brutalité de la rupture est caractérisée par l'absence de préavis, La société Satov ayant brutalement cessé de passer des commandes à la société Littoral façades. De plus, la décision de cesser brutalement de confier à l'intimée des marchés de travaux relèverait de la seule volonté de la société Satov.

Sur ce, le tribunal a exactement retenu que la cessation des relations commerciales, comme suite à l'arrêt de toutes commandes dans le courant de l'année 2015, alors que nul préavis écrit n'avait été donné par la société Satov, constitue bien une rupture brutale. En outre, n'est nullement établie la faute alléguée par l'appelante selon laquelle M. X se serait rendu délibérément injoignable, en se soustrayant à tout contact personnel pour privilégier le courrier postal. Rien ne prouve d'ailleurs que ce fait, qui n'est pas de nature à avoir dispensé la société Satov de délivrer un préavis, aurait fait obstacle à la poursuite des relations commerciales.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que les relations commerciales de 17 années ont été brutalement interrompues par la société Satov.

S'agissant de la durée du préavis, selon l'intimée, pour une relation commerciale ayant duré 17 ans, la durée du préavis aurait dû être de 17 mois.

Sur ce point, le tribunal doit être approuvé d'avoir retenu que le préavis aurait dû être de 12 mois, dès lors que compte tenu de l'absence de toute exclusivité, nulle dépendance économique n'étant caractérisée, il apparaît raisonnable de retenir que la durée nécessaire à la société Littoral façades pour réorienter son activité a été de 12 mois seulement.

S'agissant des préjudices allégués, selon l'appelante, la société Littoral façades ne produit ni ses comptes annuels de 2012 à 2014 ni ses factures, mais seulement une attestation globale, non circonstanciée de son expert-comptable et les liasses fiscales des exercices 2012 à 2014, ce qui serait insuffisant.

En outre, le Tribunal se serait appuyé sur la marge brute globale retenue par l'expert-comptable de la société Littoral façades, laquelle ne serait pas nécessairement celle des chantiers Satov.

L'appelante souligne que la société Littoral façades aurait délibérément pris le risque de dépendre de ses relations avec la Satov.

Enfin, s'agissant du préjudice moral, celui-ci ne serait absolument pas démontré.

Selon l'intimée, le point de départ du préavis aurait dû être la date de la dernière commande à savoir le 20 mai 2015 ; dès le mois de juin 2015, la société Littoral façades aurait ainsi brutalement perdu la totalité du chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec la société Satov.

Enfin, la marge brute mensuelle réalisée avec la Société Satov s'élèverait à 10 743 euros.

Concernant le préjudice moral, l'intimée prétend démontrer qu'elle a dû résister aux menaces proférées par Satov (pièce n°12), et qu'elle a subi de plein fouet la rupture brutale à laquelle elle ne s'attendait pas puisque la société Satov lui aurait laissé croire à une possible reprise de leurs relations (pièce n° 7).

Sur ce et s'agissant du préjudice moral allégué, la première pièce invoquée, qui est un courriel de M. H... à M. X, mettant en cause l'épouse de celui-ci, ne démontre aucun préjudice moral subi par la société Littoral façades. Il en va de même pour la seconde, qui est une lettre recommandée adressée par la société Satov à la société Littoral façades.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Littotal façades de sa demande à ce titre.

S'agissant du préjudice découlant de la rupture, les liasses fiscales 2012 à 2014 produites en cause d'appel seulement, comportant bilans et comptes de résultats, jointes à l'attestation de l'expert-comptable qui indique sur les trois années pleines précédent la rupture le chiffres d'affaires global, le chiffre d'affaires avec la société Satov et la marge brute globale, justifient à suffisance de la perte de marge brute correspondant aux 12 mois du préavis non effectué. La société Satov ne saurait exiger valablement en l'espèce de le société Littoral façades la production d'une analyse de la marge brute propre aux chantiers Satov, rien ne permettant de retenir que la société Littoral façades lui consentait des prix plus bas qu'à ses autres clients.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu à ce titre une somme de 128 916 euros.

S'agissant de la demande en indemnisation de la société Satov sur le fondement de l'article 1240 du code civil et selon l'appelante, celle-ci subirait une procédure abusive par laquelle la société Littoral façades n'établirait aucun préjudice et instrumentaliserait la justice pour obtenir, sur les exercices 2015 et 2016, un substantiel bénéfice totalement injustifié alors qu'elle aurait refusé de travailler avec la société Satov durant cette période.

En outre, durant toutes ces années de travail, la société Satov n'aurait cessé de prendre en charge en faveur des clients finaux des coûts indus normalement à charge de la société Littoral façades, ce afin de maintenir de bonnes relations commerciales avec sa partenaire.

L'intimée fait valoir au contraire qu'aucune réserve n'a jamais été émise sur les procès-verbaux de réception de chantier concernant les prestations de la société Littoral façades. De plus, la société Satov admettrait ne pas avoir remis en cause la qualité du travail de la société Littoral façades. Par conséquent, une telle demande d'indemnisation serait mal fondée car la société Satov ne justifierait pas du préjudice qu'elle invoque.

Sur ce, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a retenu que l'abus de droit allégué n'était nullement établi en l'espèce. Il ne l'est pas davantage en cause d'appel. La demande à ce titre de la société Satov doit être rejetée.

Sur les frais, le jugement entrepris sera également confirmé. En cause d'appel, chacune des parties succombant au moins en partie, celles-ci garderont la charge de leurs dépens et de leurs frais de défense en justice.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

Déboute les parties de leurs autres demandes.