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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 14 janvier 2021, n° 19/00249

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Distribution Casino France (SAS)

Défendeur :

Carrefour Proximité France (SAS), CSF (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Muller, M. Dusausoy

T. com. Pontoise, du 19 déc. 2018

19 décembre 2018

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 18 mai 1998, la société Le Merre Distri a conclu, avec la société Comptoirs modernes union commerciale (CMUC) aux droits de laquelle est venue la société Prodim, un contrat de franchise pour l'exploitation d'un magasin d'alimentation. Ce contrat stipulait un droit de première offre et de préférence, au profit du franchiseur à égalité de prix et de conditions en cas, notamment, de cession ou transfert des droits de propriété ou de jouissance ou mise en location-gérance du fonds de commerce, CMUC puis Prodim étant propriétaire des murs.

Le 14 novembre 2009, la société Le Merre a informé la société Prodim de sa volonté de résilier le contrat de franchise pour le 18 mai 2010, puis, le 14 mai 2010, du projet de cession de son fonds de commerce, au profit de la société Distribution Casino France (la société Casino) au prix de 800 000 euros, ainsi que de la conclusion d'un contrat de gérance-mandataire au profit de M. Le Merre.

Par lettre du 28 juillet 2010, la société Prodim a notifié sa volonté d'exercer son droit de préférence à la société Le Merre laquelle n'a plus repris contact avec elle. La société Carrefour proximité France (la société Carrefour), aux droits de la société Prodim, a donc assigné, par acte du 17 août 2010, la société Le Merre, à bref délai, devant le tribunal de commerce de Paris, pour obtenir l'interdiction de la vente du fonds de commerce à la société Casino, la régularisation de la vente à son profit et, le cas échéant, sa substitution de plein droit dans la vente.

I- Les premières procédures ayant opposé la société Carrefour à la société Le Merre Distri puis à la société Casino

Le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 26 octobre 2010, a :

- dit recevable l'action de la SAS Carrefour Proximité France ;

- débouté la SARL Le Merre Distri de l'ensemble de ses demandes ;

- fait interdiction à la SARL Le Merre Distri de régulariser la vente de son fonds de commerce à la Société Distribution Casino France ;

- condamné la SARL Le Merre Distri à payer à la société Carrefour Proximité France une somme de 5 000 au titre de l'article 700 du CPC.

Toutefois, l'acte de cession au profit de la société Casino avait déjà été signé le 3 septembre 2010 au profit de la société Casino.

Le 3 décembre 2010, les sociétés Carrefour et CSF ont assigné de nouveau la société Le Merre Distri, à bref délai, devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir la nullité de la cession, et à tout le moins son inopposabilité, la substitution de la société Casino par la société Carrefour, ainsi que la condamnation de la société Le Merre Distri à réparer le préjudice subi par elles-mêmes. Le tribunal, en raison de l'appel interjeté entretemps du premier jugement par la société Le Merre Distri, a constaté la litispendance et a sursis à statuer.

Par un arrêt du 13 juin 2012, la cour d'appel de Paris a confirmé pour l'essentiel le jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 octobre 2010 et a déclaré inopposable à la société Carrefour la cession intervenue au profit de la société Casino, disant que l'arrêt vaudrait acte de cession au profit de la société Carrefour.

La société Le Merre Distri s'est pourvu en cassation contre cet arrêt.

Au visa de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 13 juin 2012, la société Carrefour a tenté d'obtenir l'expulsion de la société Le Merre Distri et de tous occupants de son chef.

Le 7 février 2013, le tribunal de commerce de Pontoise a fait droit à la demande de la société Carrefour, aux termes d'une ordonnance de référé, ordonnant l'expulsion de la société Le Merre Distri et de tous occupants de son chef (en l'occurrence la société Casino), sous astreinte de 5 000 par jour de retard, condamnant en outre la société Le Merre Distri au paiement d'une somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Une ordonnance du Premier Président de la cour d'appel de Versailles du 26 avril 2013 a rejeté la demande de sursis à exécution de l'ordonnance précitée rendue par le tribunal de commerce de Pontoise et a condamné la société Le Merre Distri au paiement d'une somme de 1 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Un arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 23 octobre 2013 a infirmé l'ordonnance de référé.

Cet arrêt a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 21 octobre 2014.

Cet arrêt n'ayant pas été signifié à partie et aucune saisine de la cour de renvoi (cour d'appel de Versailles) n'étant intervenue avant le 21 octobre 2016, toute voie de recours a expiré en vertu des dispositions de l'article 528-1 du code de procédure civile. La décision de référé ordonnant l'expulsion prononcée par le tribunal de commerce de Pontoise est aujourd'hui définitive.

La société Carrefour a alors saisi le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Limoges, devenu compétent en raison du changement de siège social de la société Le Merre Distri, en liquidation de l'astreinte prononcée par le tribunal de commerce de Pontoise.

Par jugement du 24 septembre 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Limoges a condamné la société Le Merre Distri au paiement d'une somme de 450 000.

Il a, en outre, fixé une nouvelle astreinte de 10 000 par jour de retard sans limitation de durée et condamné la société Le Merre Distri au paiement d'une somme de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Le Merre Distri a saisi la cour d'appel de Limoges qui, par une ordonnance du 13 novembre 2014 a réouvert les débats à la suite de l'arrêt de cassation intervenu dans le cadre de la procédure d'expulsion le 21 octobre 2014, puis a prononcé la radiation faute pour l'appelant d'avoir conclu dans les délais impartis.

L'instance est aujourd'hui définitivement périmée (depuis le 13 novembre 2016), le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Limoges du 24 septembre 2013 devenant ainsi également définitif.

La société Carrefour a assigné en exécution de ce jugement les sociétés Casino et Le Merre Distri en liquidation et paiement de l'astreinte nouvellement fixée.

Par un jugement du 4 juillet 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Limoges a déclaré irrecevable les demandes de la société Carrefour dirigées à l'encontre de la société Casino et a liquidé l'astreinte à un montant de 250 000 condamnant la société Le Merre Distri à payer cette somme à la société Carrefour.

Par arrêt du 21 février 2019, la cour d'appel de Limoges a confirmé cette décision.

Sur le fond, par arrêt du 4 novembre 2014, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'Appel de Paris du 13 juin 2012, et a renvoyé devant la même cour d'appel, autrement composée.

Sur renvoi de cassation, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 7 octobre 2016, a confirmé l'inopposabilité de la cession intervenue indiquant que l'arrêt valait acte de cession au profit de la société Carrefour sans autre formalité dès le prononcé de la décision et a condamné la société Le Merre Distri au paiement d'une somme de 10 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

II - La procédure intentée par Carrefour à l'encontre de Casino relative à la responsabilité de cette dernière dans la cession litigieuse

Par acte du 19 décembre 2016, les sociétés Carrefour et CSF ont assigné la société Casino devant le tribunal de commerce de Pontoise aux fins d'obtenir des dommages et intérêts du fait du préjudice qu'elles allèguent du fait de la faute commise par la société Casino par son implication constante depuis l'origine dans la fraude organisée au mépris de leurs droits, étant tiers complice de la violation des engagements pris par la société Le Merre Distri.

Le fonds a été restitué le 31 janvier 2017 à la société Carrefour.

Par jugement dont appel du 19 décembre 2018, le tribunal de commerce de Pontoise a :

- condamné la société Distribution Casino France à payer à la société Carrefour Proximité France, au titre des franchises perdues, la somme de 99 960 euros avec intérêts de droit sur cette somme à compter du 19 décembre 2016,

- débouté la société Carrefour Proximité France de sa demande de réparation de préjudice commercial et d'image, à hauteur de la somme de 5 000 000 euros,

- condamné la société Distribution Casino France à payer à la société Carrefour Proximité France la somme de 104 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement abusif et procédurier ;

- condamné la société Distribution Casino France à payer à la société CSF, au titre de la perte de marge, la somme de 1 581 233 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 19 décembre 2016 ;

- débouté la société CSF de sa demande au titre de dommages et intérêts pour comportement abusif et procédurier à hauteur de la somme de 250 000 euros,

- débouté la société Distribution Casino France de toutes ses demandes ;

- condamné la société Distribution Casino France à payer à la société Carrefour Proximité France la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré les sociétés CSF et Distribution Casino France mal fondées en leurs demandes en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les en a débouté ;

- condamné la société Distribution Casino France aux dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 10 janvier 2019 par la société Distribution Casino France du jugement, à l'encontre la société Carrefour proximité France et la société CSF,

Vu les dernières conclusions notifiées le 8 octobre 2019 par lesquelles la société Distribution Casino France demande à la cour de :

Vu, ensemble, les articles L. 110-4 alinéa 1er du code de commerce et 2224 du code civil,

Vu les articles 14 et 122 du code de procédure civile,

Vu les articles 1151, 1165, 1382 ancien et 1240 nouveau du code civil,

Vu les pièces versées,

- dire bien fondé son appel ;

- débouter les sociétés Carrefour Proximité France et CSF de toutes leurs demandes comme irrecevables et subsidiairement non fondées ;

- rejeter comme non fondé l'appel incident des mêmes sociétés Carrefour Proximité France et CSF ;

- Les condamner in solidum à régler à la société Distribution Casino France une indemnité de 50 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile. ;

- Les condamner aux entiers dépens d'instance comme d'appel.

Vu les dernières conclusions notifiées le 8 janvier 2020 par lesquelles la société Carrefour Proximité France et la société CSF demandent à la cour de :

- confirmer dans son principe le jugement rendu le 19 décembre 2018 par le tribunal de commerce de Pontoise,

En conséquence,

- voir condamner la société Distribution Casino France au paiement au profit de la société Carrefour Proximité France au titre des redevances de franchise perdues, une somme de 145 894 (2.380 X 61,3) et, subsidiairement, à une somme de 110 194 pour la période du 20 décembre 2011 au 31 décembre 2017,

- en ce qui concerne le préjudice commercial, de la perte d'image et de notoriété de la société Carrefour Proximité France, lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la Cour sur le montant de l'indemnisation à lui allouer,

- confirmer la décision déférée concernant la somme de 1 581 233, allouée à la société CSF au titre de la perte de marge brute,

- confirmer la décision en ce qu'elle a condamné la société Distribution Casino France à payer à la société Carrefour Proximité France une somme de 104 000 à titre de dommages et intérêts pour comportement abusif et procédurier,

- donner acte aux sociétés Carrefour Proximité France et CSF de ce qu'elles s'en rapportent à la sagesse de la Cour sur le montant qui leur sera alloué au titre de l'article 700 du code de procédure civile mais que cette indemnisation ne saurait être inférieure à une somme de 15 000 pour chacune d'entre elles, tenant compte de la difficulté et de la complexité de cette procédure,

- dire que les condamnations seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2018,

- condamner la société Distribution Casino France aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 janvier 2020.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à « donner acte », « constater », « dire et juger », dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur l'exception de prescription

La société Casino soutient que l'action en responsabilité des intimées fondée sur l'article 1240 du code civil (1382 ancien) se heurte à la prescription quinquennale prévue à l'article L. 110-4 alinéa 1er du code de commerce ainsi qu'à l'article 2224 du code civil.

Elle fait valoir qu'elle a acquis le fonds de commerce litigieux le 3 septembre 2010 avec publication le 15 septembre suivant.

Elle expose que les intimées ont saisi le tribunal de commerce de Paris par assignation à bref délai du 3 décembre 2010, en sollicitant à l'encontre de la seule société Le Merre Distri, cédante du fonds, l'inopposabilité de la cession du fonds, la substitution du cessionnaire à savoir la société Casino, par la société Carrefour, et l'indemnisation du préjudice subi par les sociétés Carrefour et CSF France, entre le 3 septembre 2010, date de la cession litigieuse, et la date de transfert effectif de propriété du fonds au profit de la société Carrefour, constitué des pertes de cotisations de franchise de la société Carrefour et des pertes de bénéfice brut de la société CSF France. Les sociétés CSF France et Carrefour Proximité France ayant également sollicité des dommages et intérêts pour procédure abusive.

La société Casino soutient qu'au regard de la date de l'introduction par les intimées de leur instance, soit le 19 décembre 2016, et de celle des faits qu'elles lui imputent, l'action des intimées en responsabilité délictuelle se heurte à la prescription extinctive de cinq ans.

Les sociétés Carrefour et CSF entendent s'en tenir à l'analyse qu'a faite le tribunal de ce point de droit qui a considéré, selon elles, que le délai de prescription était acquis à l'égard de l'acte de vente du 3 septembre 2010 mais qu'en revanche, le préjudice des sociétés Carrefour et CSF s'était poursuivi dans le temps, mois après mois, s'agissant d'un contrat à exécution successive et que, dès lors, on ne pouvait écarter, au titre de la prescription, les préjudices subis entre le 19 décembre 2016, date de l'assignation, et le 20 décembre 2011, soit 5 ans auparavant (étant rappelé que le fonds n'a été restitué qu'en janvier 2017).

Elles soutiennent que ce n'est pas le fait générateur de la responsabilité qui actionne le délai de prescription mais bien la réalisation du dommage et la connaissance par la victime de celui-ci et qu'ainsi la société Casino ne peut se prévaloir de cette prescription quinquennale pour les faits survenus entre la date de l'assignation (soit le 19 décembre 2016) et le 20 décembre 2011.

Sur ce,

Il résulte de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Selon l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

La prescription sanctionne notamment la négligence à faire valoir un droit.

En l'espèce, les sociétés Carrefour et CSF sollicitent, sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, la condamnation de la société Casino à réparer le préjudice subi, d'une part, par la société Carrefour, consécutif à la perte de redevance de franchise entre le 20 décembre 2011 et le 31 janvier 2017, à la perte d'image et de notoriété, à l'abus de procédure, et d'autre part, par la société CSF, au titre de la perte de marge brute depuis le 3 septembre 2010, date de la cession litigieuse, jusqu'au 31 janvier 2017, date de la restitution du fonds de commerce, en limitant toutefois la demande pécuniaire à la période non prescrite selon elles (20 décembre 2011 au 31 janvier 2017).

Le préjudice dont il est demandé réparation résulte de la faute commise par la société Casino qui s'est rendue cessionnaire d'un fonds de commerce le 3 septembre 2010 en violation du droit de préférence dont bénéficiait la société Carrefour sur ce fonds.

Par assignation à bref délai du 3 décembre 2010, les sociétés Carrefour et CSF France, ont assigné la société Le Merre Distri pour obtenir réparation du préjudice qu'elles estimaient avoir subi consécutivement à la cession litigieuse qu'elles savaient être intervenue le 3 septembre 2010 puisqu'elles produisent l'acte de cession à l'appui de cette assignation. Elles ont dénoncé cette assignation à la société Casino, cessionnaire du fonds. Elles ont sollicité selon les termes de cette assignation la condamnation de la société Le Merre Distri à les indemniser des pertes de cotisations de franchise au profit de la société Carrefour, et des pertes de bénéfice brut au profit de la société CSF France, et ce, depuis le 3 septembre 2010 jusqu'à la date de transfert effectif de propriété du fonds. Elles ont également sollicité des dommages et intérêts pour procédure abusive à l'encontre de la société Le Merre Distri.

Il s'en déduit qu'à la date du 3 décembre 2010, les sociétés Carrefour et CSF France (absorbée par la société CSF) n'ignoraient pas l'existence du fait générateur à l'origine du dommage (la cession litigieuse intervenue le 3 septembre 2010 au profit de la société Casino), ni la réalisation certaine et concomitante de ce dommage (perte de cotisations de franchise et de bénéfices bruts) qui s'est poursuivie dans le temps jusqu'à restitution du fonds entre les mains de la société Carrefour.

Elles demandent réparation de ce dommage, cette fois à la seule société Casino, dans le cadre d'une action en responsabilité extracontractuelle, intentée le 19 décembre 2016, soit plus de cinq années après qu'elles ont eu connaissance des faits à l'origine de leur action à l'encontre de la société Casino (survenance d'un dommage certain et non simplement probable, continu et consécutif à une faute) qui leur aurait permis d'exercer leurs droits à l'encontre de la société Casino dès le 3 décembre 2010, comme elles les ont exercés à l'égard de la société Le Merre Distri à cette même date du 3 décembre 2010.

La continuité d'un préjudice certain (privation des cotisations de franchise et perte de bénéfice brut), né d'un dommage révélé dès sa réalisation à la partie qui n'en demande réparation que plus de 5 ans après cette révélation, ne peut faire obstacle à la prescription susceptible de s'appliquer à l'action en réparation de ce dommage, sanctionnant ainsi l'absence de diligence de cette partie.

Il y a lieu de déclarer l'action prescrite.

Le jugement sera infirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions relatives aux dépens prises par le tribunal seront infirmées.

Les sociétés Carrefour et CSF seront condamnées aux dépens d'appel.

Il sera alloué à la société Casino une indemnité de procédure de 2 500 euros par chacune des intimées tant pour la première instance que pour l'appel. Les sociétés Carrefour et CSF qui succombent, seront, en revanche, déboutée de leur demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 19 décembre 2018,

Statuant de nouveau,

Déclare prescrite l'action des sociétés Carrefour Proximité France et CSF, venant aux droits de la société CSF France, à l'encontre la société Distribution Casino France,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne in solidum les sociétés Carrefour Proximité France et CSF aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne les sociétés Carrefour Proximité France et CSF à verser, chacune, à la société Distribution Casino France la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.