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Décisions

Cass. 2e civ., 14 janvier 2021, n° 19-26.056

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Swoke & Co (SAS)

Défendeur :

E.Tasty (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Bohnert

Avocat général :

M. Aparisi

Avocats :

SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Paris, pôle 1 ch.3, du 9 oct. 2019

9 octobre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 2019), la société Swoke & Co, suspectant des actes de concurrence déloyale de la part de la société E. Tasty, créée par certains de ses anciens fondateurs actionnaires, a saisi le président d'un tribunal de commerce d'une requête afin de désignation d'un huissier de justice sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.  

2. La demande a été accueillie par une ordonnance sur requête du 26 septembre 2018, qui a autorisé un huissier de justice à procéder à la recherche de tous documents et à toutes constatations utiles concernant les faits.

3. Cette ordonnance a été rétractée par ordonnance du 5 mars 2019.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Swoke & Co fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant rétracté l'ordonnance sur requête du 26 septembre 2018, alors « que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées ; que, pour se déterminer sur la légitimité d'une mesure d'instruction in futurum, le juge doit caractériser le motif légitime au regard de la mesure sollicitée et des faits allégués par le requérant qui doivent établir l'existence d'un litige potentiel ; qu'en l'espèce, la société Swoke faisait valoir dans sa requête que la société E.Tasty, créée par son ancien président et un de ses anciens salariés moins d'un mois après leur départ de la société, se livrait à des actes de concurrence déloyale et parasitaire, d'abord en commercialisant trois gammes de liquides pour cigarettes électroniques constituant une copie de ses produits les plus vendus, représentant 85% de son chiffre d'affaires, ensuite en contactant ses clients pour leur indiquer que la société Swoke était fermée à la suite d'une mauvaise gestion et que ses produits étaient désormais commercialisés par la société E.Tasty, et enfin en commercialisant des liquides pour cigarettes électroniques non conformes à la réglementation définie par le code de la santé publique, contrairement à ses concurrents (v. requête p. 2 à 6) ; que, pour rétracter l'ordonnance sur requête ayant ordonné les mesures d'instruction litigieuses, la cour d'appel a retenu que la société Swoke n'avait pas de motif légitime à « obtenir une quelconque mesure d'instruction au visa de l'article 145 du code de procédure civile » dans la mesure où elle n'avait pas rempli l'engagement, contractuellement pris envers MM. Amato aux termes du protocole d'accord transactionnel du 20 décembre 2017, de changer sa dénomination sociale ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs, tirés de l'inexécution d'un engagement contractuel pris par la société Swoke envers MM. Amato, impropres à caractériser l'absence d'intérêt légitime de la société Swoke à obtenir les mesures d'instruction litigieuses afin d'établir et de conserver la preuve des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société E.Tasty à son égard, cette dernière étant au demeurant tiers au protocole en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour  

Vu l’article 145 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

7. Pour confirmer la rétractation de l’ordonnance du 26 septembre 2018, l’arrêt retient que selon le protocole d'accord signé entre la société Swoke & Co et ses différents fondateurs, les dirigeants de celle-ci se sont engagés à changer sa dénomination sociale dans le mois de la signature de l'acte soit au plus tard le 22 janvier 2018, que la requête litigieuse a cependant été présentée le 26 septembre 2018, soit bien postérieurement à cette date, au nom de la société Swoke & Co qui s'était pourtant engagée à ne plus se dénommer ainsi depuis le 22 janvier 2018, et que de ce fait cette société n'a pas de motif légitime à obtenir une quelconque mesure d'instruction au visa de l'article 145 du code de procédure civile sous cette dénomination sociale.

8. En se déterminant ainsi, par de seuls motifs tirés de l’absence de régularité de la requête présentée par la société Swoke & Co, qui s’était engagée à changer de dénomination dans un protocole auquel la société E.Tasty n’était pas partie, en eux-mêmes étrangers à la notion de motif légitime de cette société à obtenir des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile en vue d’établir la preuve des faits de concurrence déloyale qu’elle reproche à la société E.Tasty, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.  

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.